" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mardi 20 décembre 2011

Est-ce bien de manifester dans les rues ?


Quand une injure véritable est publique, il est nécessaire, voire obligatoire, de réparer l'offense publiquement, par un pèlerinage, des prières publiques ou par d'autres moyens religieux. Quand nos voix s'élèvent vers Dieu en prenant à témoin la cité, elle est essentiellement religieusement. Il y a donc réparation de l'offense commise.

Mais, si cette manifestation est une protestation publique, elle devient politique. Elle n'est plus religieuse. Il n'y a donc pas de réparation possible. Car elle ne s'adresse plus seulement à Dieu seul mais aux autorités de la cité. Dans notre société médiatisée, où tout se confond, où seules les idées simples sont perçues, où seule la force de la parole et de l'image compte, cette manifestation demande de la prudence et de la vigilance.

Si une manifestation est mal organisée et se dégénère rapidement au point de provoquer de la violence, elle ne peut guère conduire à un bienfait. Car celui qui veut faire justice par soi-même commet une nouvelle offense. Et cette offense rejaillit inévitablement sur cette action collective au point de la couvrir. Une manifestation publique demande donc avant-tout un encadrement et une organisation efficaces afin qu'elle se déroule dans la paix et dans l'ordre. Et cette tranquillité doit également imprégner sa préparation. Sinon les passions guident les pas et excitent les cœurs.

Que signifie ensuite une manifestation dont les participants ne sont pas unis par la même intention ? Il y a manifestement duperie. Si Notre Seigneur Jésus-Christ est l'objet de l'offense, un musulman et un chrétien ne peuvent guère s'associer à la même action, à la même protestation. C'est absurde. Comme le chrétien ne peut s'associer à une action menée par des organisations contraires au Christ et à sa doctrine ! L'intention de la manifestation doit donc être clairement définie et exprimée avant et lors de la manifestation afin d'éviter de telle méprise. Si cette manifestation conduit à des confusions, il y a risque de manipulation...

Il est encore vain de vouloir manifester dans les rues en méprisant la loi qui la permet et l'encadre. Car vouloir la méconnaître, c'est prendre le risque de manquer de civisme et de commettre un délit, et cela de manière injustifiée. Un tel risque est-il en effet justifié devant Dieu ? Oui, diront certains car l'offense est grave. Certes, mais est-elle conséquente ? Car doit-on en effet prendre le risque d'aller en prison chaque fois que Dieu est offensé publiquement ? N'oublions pas que l'Eglise a toujours refusé dans ses rangs ceux qui couraient volontairement vers le martyre.

Enfin, une manifestation publique ne doit pas conduire publiquement à notre condamnation et à celle de notre foi. Comprenons-nous bien. Le monde nous condamnera toujours et elle rejettera notre foi. La condamnation dont nous parlons est celle de notre infidélité. Si nous ne sommes pas tels que Notre Seigneur nous le demande, en cohérence avec notre foi, nous ne sommes que des menteurs et des hypocrites ! La manifestation n'est donc pas un lieu de colère, mais une lieu de charité, une charité brûlante d'amour de Dieu. Toute action sans charité est vaine.  

L'image que nous véhiculons à travers une manifestation publique est certainement primordiale pour l'apostolat. Toutes nos interventions publiques ou privées doivent être un moyen de soigner cette image, une image sans stéréotype, afin que nous soyons crédibles aux yeux des incroyants. Car c'est par cette image que se juge notre religion...

Ainsi, pour répondre à une offense véritable et publique, il est important, voire obligatoire, de manifester publiquement sa désapprobation quand la manifestation réunit au moins les quatre conditions suivantes : préparation sérieuse et sereine, respect de la loi, intention claire et précise, exemplarité chrétienne dans la charité.

Mais, avant tout, nous devons aussi nous interroger sur la nature de l'offense. Est-elle bien véritable ? Est-elle réellement publique ? N'avons-nous pas tendance à réagir trop hâtivement, à vouloir agir avant tout, sans discernement, à foncer tête baissée ? Maladie bien caractéristique et dramatique de notre temps ! Il faut avant tout du recul, se dépassionner, réfléchir et s'informer raisonnablement afin que la foi et la raison gouvernent nos décisions et nos actions, sans néanmoins se fixer dans l'indécision ou la crainte.

Cet effort de recul et de réflexion est inévitable en notre époque tant la vie actuelle est complexe et désordonnée, tant l'information est diffuse, sans contrôle. Car si nous nous trompons de buts, épuisant nos énergies dans de vaines mobilisations, nos ennemis ne nous manqueront pas. Et notre image comme notre apostolat en souffriront. La protestation publique est donc source de dangers. Résumer aussi nos actions à ces manifestations risque de nous conduire à nous enfermer dans une position de faiblesse et et dans le communautarisme, peu favorable à l'apostolat. Ces actions doivent être précédées, accompagnées, suivies par une apologétique efficace...

jeudi 15 décembre 2011

La connaissance de l'Islam : Mahomet ...


Il est impossible de comprendre l'islam sans connaître son fondateur. Or, nous savons peu de choses de lui. Les seules sources qui nous restent sont le Coran, les hadiths, qui constitue une recueil de tous ses faits et ses gestes, et une première biographique historique, la Sïrat al rasoul, « vie du prophète », écrit deux siècles après la mort du Mahomet.

Mahomet, ou Muhammad en arabe, est né à La Mecque entre 570 et 580. D'une famille pauvre, il appartient, par le clan des Hächim, à la puissante tribu des Qoaraïchites. Orphelin de bonne heure, élevé par un oncle généreux, il s'engage dans le commerce caravanier. Puis, il entre au service d'une riche veuve, Khadidja, qu'il épousera par la suite et qui deviendra un de ses plus forts soutiens dans les épreuves.

Au cours de ses voyages, Mahomet rencontre souvent les « hommes des Livres » que sont les juifs et des chrétiens hérétiques, probablement des nestoriens. Il est très probable qu'il subit de leur part une certaine influence, notamment de la part de moines. C'est à partir de ces rencontres qu'il découvre la Bible qu'il ne lira cependant jamais.

Une inquiétude religieuse l'agite. Il traverse des crises d'abattement qui se manifestent en brusques exaltations et en visions. Une nuit, non loin de la Mecque, Saint Gabriel lui apparaît. Il lui montre un livre, la « mère des livres », prototype de tous les livres révélés, mais Mahomet n'arrive pas à lire ou ne sait pas lire. Alors, il sent que le Livre du Ciel descend en lui. Dans les états de transe, il en reçoit fragment par fragment, que ses fidèles retiennent par cœur avant de les transcrire aussitôt sur tout ce qu'ils peuvent (planchette, pierres plates, écorces de palmiers, omoplates de mouton). Les beau-pères de Mohammed, Abou Bakh et Omar, feront rassembler tout ce qui a été écrit et tout ce que ses compagnons ont retenu. Ce sera le Coran.


Mahomet finit par sortir de ses crises en étant convaincu d'être porteur d'une nouvelle révélation divine, déjà parvenue aux juifs et aux chrétiens, qu'il a pour mission de communiquer aux arabes et en arabe. Il prêche la nécessité pour les arabes d'adhérer au monothéisme, de croire en un Dieu unique, connu désormais sous le nom d'Allah en arabe. Après la série des prophètes, depuis Adam jusqu'à Jésus, Dieu leur a enfin envoyé un prophète arabe en sa personne.

Il se met donc à prêcher, d'abord à ses proches, sa femme, son gendre Ali, ses amis Abou Bakr, Oman, Othmân, qu'il réussit à convaincre, puis à sa famille et à sa tribu avant de parler publiquement à La Mecque. Moqué par les uns, honni par les autres, il finit par quitter sa ville natale, en 622, Yathrib, cité caravanière rivale de la Mecque. Cette date correspond au point de départ de l'ère musulmane, l'hégire.

Pour marquer le rôle donné à la ville d'Yathrib, elle sera désormais connue sous le nom de Madînat an-Nabî ou Al-Madîna, c'est-à-dire Médine, « la Ville du Prophète ». Elle deviendra en effet le centre de propagande religieuse et du gouvernement islamique. A Yathrib, une nouvelle communauté naît et se développe. Mahomet l'organise de manière théocratique en dehors de l'organisation tribale traditionnelle. Il en devient le pontife comme le chef qui règle la vie quotidienne. Parallèlement, il élabore sa doctrine religieuse. Sa puissance grandit.

Mais, Mahomet rencontre de nombreuses résistances. Les Mecquois l'accusent d'être « madjûn », c'est-à-dire possédé par un djinn. Sa doctrine s'oppose aussi à leurs intérêts commerciaux. Les deux camps s'affrontent. Mahomet attaque et pille leurs caravanes, les Mecquois ripostent...

Les chrétiens et les juifs refusent d'admettre sa mission prophétique. En outre, les juifs semblent soutenir les Mecquois. L'intransigeance juive marque fortement Mahomet au point qu'il décide, après une « révélation », de changer le rite de la prière. A l'origine tournée en direction de Jérusalem, elle doit désormais s'orienter vers la Kaaba et donc vers la Mecque. Kaaba devient la maison d'Allah, édifiée par Abraham, ancêtres des arabes et promoteur de la religion pure, comme celle des hanifs. Rapidement, Mahomet montre son indépendance envers les chrétiens et les juifs.


Comme les résistances sont fortes, Mahomet change de stratégie. Il abandonne la prédication au profit de la diplomatie et de la guerre. Après quelques luttes contre les Mecquois, il obtient, par la diplomatie et un mariage de circonstance, l'autorisation d'entrer à la Mecque en 629. Il écarte les grandes familles marchandes et s'empare de la ville. Il en devient le maître.

Mahomet ne semble pas se satisfaire de la situation. Il constitue des troupes, tend des embûches, mène des razzias au-delà de la péninsule arabe et revient, chargé de butins. Contre ses adversaires, il fait la guerre et parvient à unir les tribus de la péninsule arabe. Il lance même une expédition contre les Ghanassanides, mais sans succès. Le 8 juin 632, rentré à Médine, il y meurt. Fâtima, une de ses filles, est la seule de ses enfants à lui donner une postérité.

D'un lyrisme biblique, comparable aux anciens prophètes, Mahomet ressemble peu à ces derniers, surtout à la fin de sa vie. Il n'est ni un martyr, ni un ascète. Son harem contiendra jusqu'à neuf femmes, alors que sa doctrine le limite à quatre. Il se présente toujours comme un homme mortel et faillible. Il est aussi un chef politique qui légifère, s'occupe des intérêts matériels et dirige les campagnes militaires. Mahomet doit organiser simultanément et indissolublement la foi et la société...

Article suivant : la doctrine de l'Islam

mercredi 14 décembre 2011

Condamnation de l'Action française

L' Action française désignait à la fois un journal et un mouvement de pensée politique dont cette publication était l'organe. L'animateur de ce mouvement, qui était en même temps le directeur du journal, était Charles Maurras (1868-1952), « penseur profond, écrivain de première classe, dialecticien d'une puissance redoutable » (Daniel-Rops, Un Combat pour Dieu, IX). Son mouvement regroupait des monarchistes, des nostalgiques de l'Ancien Régime, des conservateurs et de nombreux catholiques... Mais, en 1926, Pie XI condamne l'Action française et des œuvres de Maurras.



En quoi la doctrine de l'Action française était condamnable pour l'Eglise ?

Il est difficile de connaître avec certitude les raisons de cette condamnation. Il n'existe aucun texte pontifical énumérant les erreurs de Maurras, mais un ensemble de discours et d'articles, fortement inspirés par le Saint Père. Nous pouvons aussi trouver de nombreux ouvrages contradictoires, « pour » ou « contre » la condamnation. L'autre difficulté est de prendre en compte l'évolution nécessaire et inéluctable des idées de Maurras. Jeune, Maurras est un antichrétien, vieux, nous pouvons en douter. Sans entrer dans un débat stérile et coûteux, nous exposerons simplement des idées maurrassiennes qui s'opposent à notre foi sans porter de jugement sur l'Action française et sur sa condamnation...

Sous les ordres d'un agnostique positiviste

Maurras était un agnostique et un positiviste, disciple d'Auguste Comte, un des maîtres de l'humanisme athée. Mais il n'embrassait pas toute sa philosophie, ne croyant en aucune philosophie. Selon les positivistes, l'homme, en tant qu'animal politique, est déterminé comme tous les êtres par les conditions physiques et biologiques où il se trouve. La morale n'a donc aucun rôle dans la politique. L'Eglise ne doit donc pas, non plus, intervenir dans la vie sociale, où l'homme est régi par une « physique des mœurs » et par des lois politiques intangibles. Mais, comment pouvons-nous comprendre que des catholiques sincères et profondément fidèles suivent un mouvement dirigé par un agnostique?

Une Eglise, une institution utile...

Cependant, selon Maurras, l'Eglise ne doit pas être éliminée dans l'ordre politique. Elle fait partie des réalités qui encadrent l'homme et l'aident à vivre. En tant qu'institution, l'Eglise catholique doit donc être défendue. Et il l'a défendue ardemment. C'est pourquoi Maurras fut considérée comme un grand défenseur de la foi. Mais, l'Eglise n'est vue que comme une institution, une religion d'ordre, vidée de sa substance spirituelle, dans une conception instrumentale et politique. Or, elle n'est pas faite pour organiser la société mais pour sauver les âmes ! Cette notion purement naturelle de l'Eglise ne doit pas nous surprendre puisque Maurras est profondément agnostique.

Un catholicisme déchristianisé...

Maurras s'en est pris souvent à la Bible et au monothéisme. Tout cela lui paraît dangereux parce que l'appel direct à Dieu légitime et nourrit la rébellion contre les intérêts généraux. Il oppose le « Christ hébreu », semeur d'anarchie, à la tradition de l'Eglise qui a su « tronquer, refondre, transformer les turbulentes écritures orientales pour en faire un système d'ordre capable de traverser les siècles ». Il oppose aux « quatre Juifs obscurs » qui ont écrit les Evangiles, « ce cortège savant des conciles, des papes et de tous les grands hommes de l'élite moderne ». L''Eglise a heureusement organisé l'idée de Dieu, ne laissant sa parole que contrôlée par une autorité. Nous retrouvons l'idée d'ordre. Selon toujours Maurras, le privilège attribué au catholicisme n'est pas fondé sur le vrai mais sur le bien. L'institution prime donc sur la foi, le bien sur le vrai. C'était « déchristianiser le catholicisme » (Mgr Ricard, évêque de Nice).

Un nationalisme exagéré

Selon le nationalisme professé par Maurras, les intérêts de la nation passent avant ceux de l'individu et de tout autre communauté. « La nation passe avant tous les groupes de la nation. La défense du tout s'impose aux parties. Dans l'ordre des réalités, il y a d'abord les nations. » (Maurras, Mes idées politiques). La nation devient une finalité. Pour son bien, il faut dépasser les vaines disputes, comme celles de la vérité. « Il faudra […] quitter la dispute du Vrai et du Beau pour la connaissance de l'humble Bien positif ». L'idée de nation est au-dessus des confessions religieuses...

Maurras soumet donc l'homme à la société, le Français à la France. Il exalte les valeurs nationales au détriment de toutes autres. La notion chrétien de « bien commun » est radicalement niée par le « nationalisme intégral » qu'il professe. Il ne pouvait avoir dans l'ordre international des intérêts supérieurs à ceux de la nation même. Il s'oppose au christianisme qui demeure trop universel à son goût.

Catholicisme par opportunisme ou par conviction ?

Que peut donc rechercher Maurras et ses disciples dans le catholicisme ? Certainement un principe unifiant, facteur de continuité et révélateur d'identité. Ils revendiquent le catholicisme. Pour eux, l'important n'est pas le contenu d'une foi, mais la religion prise comme structure d'ordre. Seul le catholicisme, par sa permanence, peut identifier le corps national, le rattacher aux lointaines origines de la France. Il est facteur d'unité par l'orthodoxie, la hiérarchie, l'influence qu'il exerce sur les mœurs.
En outre, la grande majorité des nationalistes se sentent solidaires d'une institution, l'Eglise catholique, qui, au même titre que l'armée mais dans un autre ordre, assure la pérennité, la continuité d'une identité française, plongeant ses racines en deçà de la Révolution, dans une ancienne France peu à peu édifiée, policée, consolidée par la religion catholique.

Finalement, les idées maurrassiennes priment le politique sur la moral, évacuent le spirituelle dans le christianisme, déchristianisent le catholicisme et exaltent l'identité nationale au détriment de l'identité chrétienne. Pie IX ne pouvait donc admettre que des catholiques fussent associés à une entreprise si formellement antagoniste à ses principes.

mardi 13 décembre 2011

Porter un regard de foi


Deux pièces, Sur le concept du visage du Fils de Dieu" et Golgota Picnic, deux intentions bien différentes. L'une montre dans un manifeste philosophique une certaine conception de la compassion radicalement différente de celle du christianisme et propre à faire douter de Notre Seigneur Jésus-Christ. L'autre ironise, dénonce, attaque l'iconographie chrétienne qui, selon l'auteur, est l'image même de « la terreur et de la barbarie ».

Mais, les deux pièces présentent des caractéristiques identiques : utilisation d'images sacrées, spectacles déstructurants aux scènes choquantes et violentes, impudiques et insultantes, volonté de provoquer les spectateurs, sans oublier la misère comme centre de cet art qui n'en est point un.
Dans la première pièce, un visage du Christ peint par Antonello de Messina, peintre de la Renaissance, dans l'autre la musique épurée de Joseph Haydn. Cette présence du sacré demeure le point clé de ces pièces comme le signalent leurs auteurs. Mais dans la seconde pièce, les scènes évangéliques se multiplient explicitement : multiplication des pains, passion du Christ, crucifixion et linceul de Turin, tout cela dans une parfaite dérision. Des chefs d'œuvres sont ainsi amalgamés dans un insupportable spectacle. Le « fiel » et le « miel » se mélangent.

Ces pièces ont pour but de provoquer le spectateur pour le faire interroger dans le domaine spirituel. Car il s'agit bien d'agir dans ce domaine. Le pianiste qui joue dans la pièce Golgota ne se trompe pas quand il dit : « le spectateur, qui reste bouche bée, parvient aussi, à travers cet étonnement et ces chocs, à une interrogation spirituelle, à une réévaluation de la figure du Christ. ». La phrase qui conclue la pièce Sur le Concept est aussi explicite: « tu es ou non le berger ». Et les spectateurs ne sont pas dupes. A la fin du spectacle, ils s'interrogent effectivement... Les deux pièces tentent donc de « réévaluer » le Christ en prenant comme support, disons comme otage, l'art chrétien. Le spectateur est pris à partie et doit répondre...

Derrière ces abominations se trouve probablement une idée simple. L'auteur de Golgota, en critiquant la Sainte Ecriture, lance cette phrase : « toute doctrine est réprouvable, parce qu’elle s’acharne à vouloir nous sauver ». Et lui, veut-il être sauvé ? Dans le même entretien, il explique qu'il a eu peur de Dieu quand il était enfant, peur qui l'a conduit à apostasier. L'auteur italien parle plutôt de mystique, l'auteur argentin de silence, de monastère …

Au delà de ces pièces déstructurantes, il font apercevoir des âmes en révolte contre Dieu, animées d'une peur irascible ou d'une soif de spirituel impossible. Sans-doute pour répondre à cet effroi et à ce besoin, ils veulent apostropher les spectateurs, les atteindre et les faire réagir. Leurs questions religieuses ne peuvent pas être emmurées dans une vie privée. Elles doivent impliquer le public. Qu'ils ne disent plus désormais que la religion est affaire privée !


Certaines œuvres chrétiennes peuvent provoquer de la peur. Le Christ sur la croix peut légitimement horrifier un incroyant. Mais sous le regard de la foi, cette peur change de nature comme la souffrance n'a pas la même saveur.
Et de même, si une religion n'est ressentie que comme une succession d'interdits et de règles, dont la fin est d'éviter l'enfer, Dieu peut faire peur et cette peur détourner l'homme de Dieu. Mais, cet ensemble de règles ne constituent pas la vie chrétienne.
La peur peut naître enfin des violences et des injustices faites et revendiquées par des chrétiens ou des clercs, parfois au nom de Dieu. La confusion entre le maître et ses serviteurs est alors très rapides. Tels serviteurs, tel maître...

La réalité telle qu'elle peut apparaître change de nature sous le regard de la foi. La vérité et le beau peuvent alors émerger...

Que devons-nous faire ? Ou plutôt que devons-nous dire et démontrer à ces hommes ? Que leur regard est profondément réducteur, amer, enfermé ! Ils sont accablés par la peur qui alourdit la justice de Dieu et rend effroyable son silence. Ils jugent par ce regard de peur ! Que peut donner un tel regard ? De la laideur et des mensonges...

Leur guérison passe inévitablement par Dieu, et par un autre regard sur Dieu, sur l'homme et sur les choses de la vie. Et la misère comme la souffrance changeront alors de visage. Car Notre Seigneur a bien montré le vrai visage des choses. Il ne cesse de Le dévoiler pour ceux qui veulent bien L'entendre. Il a surtout révélé d'une manière admirable la miséricorde divine et l'amour de Dieu. Et l'art chrétien a su merveilleusement exprimé ces profondes vérités.

Alors, que faire ?! Avant tout, là où nous sommes, menons une vie profondément chrétienne, prudente et ouverte, joyeuse et ferme, équilibrée et juste, une vie rayonnante et humble. Vivons simplement comme nous croyons. Alors, nous pouvons faire cesser l'effroi qui règne dans certaines âmes ou du moins ne pas la favoriser. Puis, à l'image des Pères apostoliques, il faut défendre et expliquer, surtout par écrit et par l'art, ce qu'est réellement la vie selon la foi. Nous devons proposer un autre choix de vie à tous nos contemporains, sinon d'autres proposeront une autre voie, celle de l'islam par exemple.

Enfin, ultime leçon de ces pièces, sachons défendre et réveiller l'art chrétien ! Que les chrétiens eux-mêmes s'approprient de cet art, la connaissent et sachent la reconnaître pour le faire aimer et pour le défendre ! Or, nous pouvons hélas avouer notre ignorance dans ce domaine comme dans toute notre culture chrétienne. La civilisation chrétienne meurt car peut-être nous ne portons plus son héritage et nous ne l'enrichissons plus des dons que Dieu nous a accordés. Alors ceux qui ont des mains d'artistes et l'âme éprise de Dieu n'hésitent pas à se mettre à peindre, à écrire ou à chanter pour l'amour de Dieu ! Car par l'art, Dieu peut toucher les cœurs, y compris ceux qui demeurent fermés. Contre ces spectacles abominables pour l'âme, n'est-il pas temps de proposer un art profondément chrétien ? Ou peut-être ne sommes-nous plus capables d'en produire un ?



Quelles sont les méthodes de l'apologétique ?

Précédent article : qu'est-ce que l'apologétique ?

La foi implique un triple concours : le concours de l'intelligence, de la volonté et de la grâce. L'apologétique a pour rôle de conduire au seuil de la foi, de la rendre possible en démontrant qu'elle est raisonnable. Les preuves apportées doivent nous amener à deux jugements sur le fait de la révélation :
  • le jugement de crédibilité, qui consiste à juger que la révélation est croyable. Elle s'adresse à l'intelligence ;
  • le jugement de crédentité, c'est-à-dire que si elle est croyable, il y a l'obligation de croire. Elle atteint la volonté.
L'apologétique démonstrative traite de Dieu, de l'homme, et de leurs rapports.
Elle se divise en deux parties :
  • une partie philosophique qui étudie les préambules rationnelles de la foi : l'existence de Dieu, sa nature et son action, l'existence de l'âme humaine, une âme qui a pour propriété d'être spirituelle, libre et immortelle, et enfin les rapports qui s'ensuivent nécessairement ;
  • une partie historique qui aborde les questions de fait. L'apologiste doit prouver l'existence des révélations par les mêmes procédés qu'utilisent les historiens. Il s'agit de prouver l'origine divine de la religion chrétienne par des signes ou des critères qui emportent notre assentiment, inhérents ou non à la doctrine révélée. L'apologiste doit également montrer que l'Eglise catholique seule possède les marques de la vraie Eglise fondée par Jésus-Christ. La crédibilité du magistère divin de l'Eglise une fois admise, il ne reste plus qu'à écouter ses enseignements.
On pourrait ajouter une partie scientifique, qui, par des arguments scientifiques, montrerait la conformité de la révélation avec les sciences contre tous ses adversaires qui cherchent à opposer des vérités scientifiques aux vérités de foi.

L'apologétique démonstrative est indissociable à l'apologétique défensive, qui lui déblaie le terrain en réfutant les objections que lui opposent ses adversaires, soit dans la partie philosophique, soit dans la partie historique.

Nous pouvons distinguer les méthodes apologétiques selon le point de départ ou selon la nature des arguments.
Dans la méthode descendante, l'apologiste va de la cause à l'effet, de Dieu à ses œuvres. Dans la méthode ascendante, il suit l'ordre inverse : il va de l'effet à la cause, de l'œuvre à l'auteur.
Si les arguments sont pris en dehors de l'homme, la méthode est dite extrinsèque. La méthode intrinsèque, au contraire, part de l'homme pour s'élever jusqu'à Dieu. Le considérant au point de vue individuel et au point de vue social, elle montre combien la religion surnaturelle répond aux appels et aux besoins de son âme. La méthode d'immanence, une des méthodes intrinsèques, prend son point de départ dans la pensée et dans l'action de l'homme. Les aspirations internes et immanentes, qui sont au fond de notre être, démontrent que notre nature a besoin du surnaturel, du transcendant, du divin que nous offre la révélation chrétienne. Mais, ces méthodes présentent des limites et des dangers.

La méthode extrinsèque, poussée à l'extrême, tombe dans l'intellectualisme. En exagérant la part de l'esprit et la force de la raison, elle paraît détruire la liberté de la foi et risque de manquer son but. Nous ne consentirons à adhérer à la révélation chrétienne et à l'Eglise catholique que si elle correspond à nos aspirations. Une démonstration ne peut parvenir à cet effet. La méthode intrinsèque, si elle rabaisse trop la raison et accorde trop de place à la volonté et au sentiment dans la genèse de l'acte de foi, aboutit au subjectivisme et au fidéisme, et manque aussi son but. Il ne suffit pas de démontrer la conformité de la révélation chrétienne avec les aspirations du cœur humain. Les adversaires du Christ pourront toujours objecter que la religion catholique n'a pas plus de valeur que les autres religions.

Ainsi, l'apologétique classique réunit ces méthodes : d'abord préparer l'âme par la méthode intrinsèque ou d'immanence, puis prouver le fait de la révélation par la méthode extrinsèque.
Mais, faut-il avant tout permettre à l'âme de sortir de son sommeil dans lequel une société l'a plongée, sans la heurter et sans la brusquer. La bonne parole ou encore le bon témoignage doivent parvenir jusqu'à cette âme. Et c'est par ces moyens, avec l'aide de Dieu, que l'âme s'interrogera. Nous devons être naturellement des signes de contradictions bien vivants et fidèles à Notre Seigneur Jésus-Christ pour l'obliger à la sortir de son indifférence ou de son opposition. Nous devrons alors être présents et répondre efficacement à ces interrogations...

lundi 12 décembre 2011

Donnons une bonne image du chrétien ...


Devant un blasphème publique ou une œuvre injurieuse, comment devons-nous réagir ? La réaction la plus naturelle et la plus légitime serait de manifester son mécontentement dans les rues. Mais est-ce suffisant ? Non. Seule, elle risquerait en effet de nous renfermer davantage sur nous-mêmes et de nous emprisonner dans nos propres convictions. Certes, il faut savoir se mobiliser pour refuser l'inacceptable mais réduire nos actions à cela, c'est se tromper de chemin, voire se perdre...


Les premiers chrétiens vivaient dans un monde hostile, cruellement plus dur que la nôtre. Et pourtant, ils ont vaincu Rome ! Comment ont-ils réussi cette prouesse ? Ont-ils cherché à changer le régime politique ou à se battre dans l'arène du monde ? Non. Ont-ils pris les armes pour faire cesser les sacrilèges et briser les temples païens ? Non plus. Et pourtant, ils ont fait plié Rome ! D'où vient donc leur succès ?

Dans les épreuves, ils ont su vivre chrétiennement, se soutenant mutuellement et témoignant fermement de leur fidélité à Dieu, devant leurs bourreaux et des foules, souvent déroutés par leur patience et leur espérance. Des chrétiens ont aussi défendu leur foi et répondu aux attaques dont ils étaient l'objet tout en démontrant leur civisme et leur honnêteté. En un mot, ils vivaient dans le monde sans être du monde. Ils étaient des signes de contradictions. Quels furent les résultats ? L'image que les païens pouvaient avoir des chrétiens s'est considérablement améliorée. Leur âme était donc prête à les entendre...

Selon Saint Augustin, une religion se juge par ses représentations. Car l'homme se nourrit d'images. Et aujourd'hui, avons-nous une image susceptible d'attirer les hommes de bonne volonté ? …


mercredi 30 novembre 2011

Connaissance de l'Islam : la péninsule arabique avant Mahomet

La péninsule arabique avant Mahomet

Avant de présenter quelques critiques de l'islam, il est utile et nécessaire de décrire rapidement sa naissance, son développement et les éléments qui le constituent. En ce premier article, nous allons simplement décrire l'environnement dans lequel il a évolué, un environnement qui explique bien des traits de l'islam et ses premiers succès.

Byzance et Perse, deux puissants empires affaiblis

Au VIIème siècle, le Moyen Orient est le lieu de l'affrontement entre deux immenses empires, l'empire byzantin et l'empire perse, qui s'épuisent dans de nombreuses guerres (611-630). Le Nord de la péninsule arabique est un enjeu stratégique où ils interviennent constamment.
Deux grandes hérésies se sont répandues au Moyen-Orient, le nestorianisme et le monothélisme, condamnés respectivement en 431 (Concile d'Ephèse) et en 451 (Concile de Chalcédoine). Pourchassés par Byzance, des hérétiques se sont réfugiés dans l'empire perse avant de connaître de nouvelles persécutions. Le conflit devient violent entre les Byzantins et les monothélistes, notamment en Egypte et en Syrie. Pour des raisons fiscales et religieuses, le pouvoir byzantin finit par être détesté. L'empire byzantin est en outre en proie à des guerres civiles (602-610) qui provoquent des séditions dans l'administration.

Une péninsule arabique divisée

La péninsule arabique peut être divisée en deux parties :
  • le Nord, aux pluies rares qui expliquent la présence de steppes et d'un vaste désert de pierres et de sables, domaine des caravanes. On y trouve des tribus indépendantes, sous l'autorité d'un cheikh élu, qui s'affrontent régulièrement ;
  • le Sud, tourné vers l'Océan Indien, qui lui apporte de l'humidité par la mousson, propice à de riches cultures et à la sédentarisation dans les oasis du Hedjaz et surtout au Yémen. Se constituent des Etats éphémères, dont le célèbre royaume de Saba, avec une civilisation brillante et une société plus évoluée.
Mais, le Sud est tombé en décadence. Le Yémen connaîtra la domination éthiopienne puis perse jusqu'à la conquête musulmane. Ce déclin profite au Nord, et particulièrement à La Mecque.

La Mecque, une « république marchande »
Oligarchique et prospère, La Mecque peut jouer le rôle d'une capitale. Elle puise sa prospérité dans le commerce et les caravaniers, et dans un pèlerinage ancestral, qui conduit de nombreux païens vers la Kaaba.
Avec le déclin du Sud de l'Arabie, elle est devenue le centre de toutes les influences, vers laquelle converge les grandes routes commerciales. Les principales grandes familles sont les Qouraych, constitués de plusieurs clans, en particulier les Omayya et les Hachim.

Les nomades, des guerrières et des pillards
Les tribus nomades sont liées par des rapports de clientèles ou unies en puissantes confédérations guerrières. Elles s'adonnent aux razzias sur les oasis et sur les caravanes. Les relations entre les nomades guerriers, habitants du désert, et les sédentaires des oasis ou des villes, sont réglées par le rançonnage ou par un droit de protection. Les nomades font aussi des incursions sur les terres cultivées de basse Mésopotamie et de Syrie, bordant l'Arabie.  
Pour se protéger contre ces razzias, les byzantins et les perses ont mis en place une sorte de glacis protecteur en abandonnant leur défense à des tribus arabes : les Ghassanides, monophysites au service des Byzantins, et les Lakhmides, nestoriens au service des Perses, et tout cela en échange de subsides réguliers, de soutien militaire en armes et en chevaux, et de titres honorifiques. Néanmoins, des nomades pasteurs s'infiltrent et s'implantent progressivement sur la rive Ouest de l'Euphrate et sur les marges de la Syrie et de la Palestine.
Religion polythéiste
Un polythéisme frustre assigne à chaque tribu sa divinité propre, qui possède généralement un caractère astral, mais très mal individualisé. La Mecque honore Manât, la déesse du bonheur, Allât, la déesse du ciel, Alläh, un dieu créateur suprême. Ce dernier est loin d'avoir la première place dans ce panthéon même s'il prend de l'importance. Les Bédouins vénèrent essentiellement al'Ozzä, l'étoile du matin.
Le culte s'adresse à des arbres et surtout à des pierres sacrées, les bêtyles, dans lesquelles la divinité est censée résider. Ces pierres, ointes d'huiles et de parfums, recouvertes de tissus précieux et d'ex-voto, sont entourées d'un territoire saint où il est interdit de tuer un animal ou de pénétrer sans en préalablement purifié. La plus célèbre des pierres est la pierre noire, vénérée à La Mecque, enchâssée dans la Kaaba. Des idoles entourent le temple autour duquel s'accomplissent le rite essentiel du thawaf: le fidèle fait sept fois le tour dans le sens contraire aux aiguilles d'une montre. Les tribus redoutent les djinns innombrables qui inspirent devins et poètes, tourmentent les voyageurs et les malades.
Influences chrétiennes et juives
  
La péninsule arabique est pénétrée par les courants religieux qui agitent ces puissants voisins. Le christianisme est répandu notamment dans le Najran, qui a connu des martyrs en 523, et au Yémen. Les hérésies, dont le nestorianisme, ont aussi atteint l'Arabie.
La communauté juive est importante. Essentiellement composée de paysans et d'artisans, elle s'est surtout implantée dans les oasis du Hijâz. Elle vit au milieu de païens, pasteurs semi-sédentarisés ou citadins. Ces derniers assurent le trafic caravanier entre la Palestine, la Syrie, la Perse et l'Océan Indien, trafic d'où l'Arabie tire sa richesse.
Il ne faut pas non plus oublier les « hanifs », personnages assez mystérieux, qui semblent, selon le Coran et d'autres sources, de purs monothéistes, non juifs et non chrétiens, qui se rattachent à Abraham.


mardi 29 novembre 2011

La nation (3 ) : position du chrétien...

Précédent article : la naissance d'une nation...

Et nous, chrétiens ?

Et nous chrétiens, nous pouvons être un peu troublés par l'idée de la nation. Car elle s'oppose fortement à l'universalité de notre foi. Ce n'est pas un hasard si des nationalistes se sont opposés fortement à la valeur universelle du christianisme. L'apparition des nations a aussi marqué la fin de la chrétienté et compliqué la tâche des Papes. Parallèlement, parmi les dix commandements, nous avons le culte de la patrie.

Néanmoins, cette apparente contradiction ne doit pas nous inquiéter car la réponse est toujours identique à tous les problèmes que nous rencontrons. Il s'agit de mettre les bonnes priorités et donc de ne pas confondre la fin et les moyens.

L'Eglise est « totalement hostile à toute conception politique qui voit dans le pays ou l'Etat une fin ultime et se suffisant à elle-même » (Pie XI, 14 décembre 1925).

« Il semble qu'on popularise de nouveau cette notion de la Cité et de l'Etat qui est en contradiction formelle avec la doctrine catholique : une Cité ou un Etat qui est à lui-même sa dernière fin, un citoyen qui n'est ordonné qu'à la Cité, une cité à laquelle tout doit se rapporter et qui doit tout absorber » (Pie XI, 20 décembre 1926).

Mais, a-t-on le droit de se sacrifier pour la nation ? Nous pouvons décomposer cette difficile question par trois autres plus simples. Qui personnifie la nation puisqu'elle n'est qu'une idée, une construction imaginaire ? S'agit-il d'un régime politique, du chef de l'Etat, de l'Etat lui-même ou de la patrie ? Est-ce un sentiment exagéré qui pousse au sacrifice, la nation devenant un absolu, une fin en soi ? Quel est cet amour qui porte vers le sacrifice ?

Dans la Cité de Dieu, Saint Augustin emploi le terme de patrie pour désigner cette cité céleste, la seule véritable patrie du chrétien. Est-ce cet amour qui nous conduit au sacrifice ou un autre absolu qui n'est pas Dieu ? C'est au fond de la conscience qu'il faut chercher la réponse...

La nation est plus une perception, une construction imaginaire, qu'une réalité, douée d'une force émotionnelle incroyable et puissante. Elle sous-entend une conscience qui se forme, évolue et transforme l'homme, sa conscience et sa volonté. Elle doit donc nous interroger sur les connaissances et les valeurs qu'elle contient. Les valeurs que la nation véhicule sont-elles bonnes ? Coïncident-elles avec les valeurs chrétiennes ? En effet, puis-je appartenir à une nation qui porte des valeurs différentes à celles que j'adhère ? …

En clair, la question qui est derrière celle de l'idée de la nation, est celle de la civilisation...



La nation (2) : La naissance d'une nation ...

Entre identité collective et identité individuelle

L'homme est partagé entre deux nécessités naturelles : celle d'appartenir à une société et donc de se fondre dans une identité collective, et celle d'avoir une existence personnelle, d'avoir sa propre individualité. L'identité de l'homme se construit sur ces deux tendances : le nous et le moi.

L'une des identités peut dominer l'autre. La prédominance du moi a été favorisée par le cartésianisme, le protestantisme, le capitalisme et le romantisme. L'individualité est aujourd'hui fortement marquée au détriment de l'identité collective. Cette dernière est exaltée par le nationalisme, le fascisme, le communisme...

Une société en perte d'identité collective...

Depuis le XVIIème, la société française a connu lentement de profonds changements. La société agraire, fortement ancrée sur une petite communauté autonome et sur un territoire restreint, a disparu progressivement, en particulier par la centralisation de l'Etat et la construction d'un Etat moderne. La baisse de l'influence de la religion a également affaibli les liens de la communauté. La perception du territoire a aussi évolué par le développement des moyens de communication et par la fixation des frontières. La perception de la communauté s'est donc considérablement agrandie. L'identité collective, qui a perdu de la force au niveau local, se porte donc vers des horizons plus vastes.

L'Etat, moteur dans la construction d'une nouvelle identité collective...

Parallèlement à cette nouvelle communauté plus vaste, des hommes ont œuvré pour construire une conscience nationale, forte utile pour s'opposer à une autorité supranationale (Papauté, Empire), à un autre Etat, ou à des autorités locales. Contre la Papauté, les rois ont en effet cherché à affirmer une certaine «conscience nationale» (conciliarisme, gallicanisme). Des tentatives pour « nationaliser » les conciles ont échoué. Dès le XIVème siècle, les communautés monastiques se sont déchirées entre « nations ».

L'Etat a joué un grand rôle dans la constitution de la conscience nationale (langue obligatoire, unification de la loi, de la justice, etc). Si tous sont régis par les mêmes règles, la conscience d'appartenance à une même communauté ne peut que s'affirmer. La construction d'un Etat moderne conduit donc inévitablement à créer cette nouvelle identité collective.

Pour inculquer cette idée d'appartenance, l'Etat a, depuis le XIXème siècle, disposé de deux moyens plus efficaces : l'enseignement obligatoire, identique pour tous, et la conscription. Enfin, n'oublions pas les symboles forts qui la caractérisent : l'hymne national, le drapeau, les monuments aux morts, ...

Sans oublier les événements circonstanciels...

La guerre et l'occupation sont certainement les facteurs les plus importants dans la constitution de la conscience nationale. L'occupation française des terres allemandes au XIXème siècle a fait naître ou affermi la conscience germanique. L'identité française s'est forgée dans la boue et la misère des tranchés. La souffrance partagée forme inéluctablement une conscience au sein d'un groupe ou d'une communauté. Elle rapproche et solidifie les liens. Notre propre identité s'affirme face à l'autre. Je suis moi car je ne suis pas l'autre. L'identité collective se construit comme la nôtre. Mais je suis aussi moi car je prends conscience de mes propres qualités.

Et les intellectuels, formateur de la conscience collective...

La reconnaissance des « qualités nationales » est l'œuvre des intellectuels, comme nous le montre clairement le cas de l'Allemagne. Mais, l'œuvre des intellectuels va encore plus loin que cette reconnaissance. Certains n'hésitent pas à construire une « conscience » en donnant forme à ce qui n'est pas. C'est le cas des historiens qui ont voulu construire une histoire nationale. Ils ont tenté de raconter l'histoire d'une nation comme si elle était permanente, éternelle. Cette tendance concerne toutes les sciences (philologie, géographie, archéologie, etc.). Mais, l'histoire demeure probablement la science qui a le plus œuvré dans ce sens. C'est par ces historiens intéressés que s'est fixée une représentation de la nation. Mais, cette culture, née surtout au XIXème siècle, est aussi notre culture.

Sans négliger la conscience populaire...

Enfin, la conscience nationale se construit aussi par le bas. Phénomène captive, proche des effets de foule, elle est une mode d'expression sociale.

Ainsi, au moment où l'identité locale s'est estompée, il s'est formé une identité collective plus étendue, fortifiée par la volonté du pouvoir politique et des intellectuels, et par les circonstances, parfois cruelles. L'idée de la nation est le fruit d'un processus qui demeure inéluctable dans la constitution d'un Etat souverain et moderne. Elle est la marque de l'époque moderne, où l'homme n'est plus limité à son village, à sa région, où il a été déraciné de sa patrie. Elle montre enfin combien l'œuvre des intellectuels n'est pas innocent. Elle peut être fortement intéressée, œuvre de propagande qui nécessite un fort besoin d'esprit critique éclairé.


Prochain article : position des chrétiens ?...

dimanche 27 novembre 2011

La nation (1), quelle drôle d'idée?...

    Résumé d'une conférence (octobre 2011) 1ère partie

L'idée de la nation est au cœur de nos siècles, non seulement en France et en Europe mais également au Moyen Orient. Elle est encore très importante dans le monde intellectuel et ne laisse guère insensible le pouvoir politique. Il est pourtant difficile d'en fournir une définition claire et complète. Néanmoins, il est possible d'en donner quelques traits et d'en tirer des enseignements intéressants.

Qu'est-ce que la nation avant le XIXème siècle?

Le terme de « nation » provient de « nascere » dont le sens est naître. Il a désigné à Rome et au Moyen-Age un groupe d'hommes étrangers, ayant la même origine naturelle ou parlant la même langue (Université de Paris, Collège des quatre nations).. 

Dans certaines traductions françaises de la Vulgate, la Bible parle souvent de « nation ». Elle désigne les « gentes », d'où provient le terme de « gentils », terme qu'il faut entendre, dans le langage biblique, des peuples autres que celui d'Israël. 

         Diverses conceptions au XIX-XXème siècle
  • conception organique : la nation se fonde que sur des critères ethniques, biologiques, linguistiques ; 
  • conception filiale : la nation, une société naturelle dont l'appartenance ne s'explique que par la naissance, l'hérédité ; 
  • conception volontariste : la nation, une association de membres volontaires, soit libres d'y adhérer (conception constitutionnelle, révolutionnaire), soit un plébiscite de tous les jours (Ernest Renan) ; 
  • conception marxiste : la nation, un processus historique, une communauté disposant de caractères propres mais aussi de liens économiques.
Ces conceptions donnent à la nation soit une idée permanente, éternelle, et exclusive (conceptions organique et filiale), soit une idée mortelle et universelle (conception volontariste). Dans tous les cas, la nation prime sur toute autre communauté et surtout sur l'individu. 

Elles semblent être le fruit d'idéologies et ne prennent pas en compte la variété concrète des nations. L'idée de nation est très liée à une histoire vécue ou racontée, ou aux rôles politiques qu'ont a pu jouer des intellectuels et des hommes politiques. 

Pour essayer de mieux comprendre ce qu'est l'idée de la Nation, il serait intéressant de la distinguer avec des termes très proches, souvent confondus :
Nous allons désormais suivre un autre cheminement qui nous apportera d'autres éléments de réflexions. Comment peut se construire une Nation ? Deux exemples de constructions se présentent à nous, la France (construction déductive) et l'Allemagne (construction inductive). En France, l'Etat s'est construit lentement, de génération en génération, avant que n'apparaisse la nation française. En Allemagne, la nation a précédé l'Etat. La nation allemande est née durant l'occupation française au début XIXème siècle alors que l'Etat allemand a été fondé en 1870 à Versailles. Pour constituer une Nation, il faut avant tout une conscience nationale et cette conscience n'est pas innée. Elle est le résultat d'un processus complexe. 

Entre identité collective et identité individuelle

L'homme est partagé entre deux nécessités naturelles : celle d'appartenir à une société et donc de se fondre dans une identité collective, et celle d'avoir une existence personnelle, d'avoir sa propre individualité. L'identité de l'homme se construit sur ces deux tendances : le nous et le moi. 

L'une des identités peut dominer l'autre. La prédominance du moi a été favorisée par le cartésianisme, le protestantisme, le capitalisme et le romantisme. L'individualité est aujourd'hui fortement marquée au détriment de l'identité collective. Cette dernière est exaltée par le nationalisme, le fascisme, le communisme... 

Prochaine épisode : comment se construit une nation...

Etat-Nation : il existe des Etats avec de nombreuses nations et des nations réparties sur plusieurs Etats. L'idée d'Etat-Nation, une seule nation dans un seul Etat, conduit à une confusion et à la supériorité de la Nation sur l'Etat. La Nation dispose elle-même de la souveraineté et des prérogatives de l'Etat. L'Etat en est devenu comme l'organe de la Nation et non plus de la communauté qu'il représente. C'est désormais la Nation qui exprime cette représentativité.

Etat : entité politique et juridique durable, souverain sur un territoire précis, représentant une communauté indépendante, soumise à une autorité, et disposant de fonctions régaliennes, puis une organisation pour les assurer. C'est pourquoi aussi l'Etat peut faire des lois et les faire appliquer. La Nation n'est pas de nature politique ou juridique mais sociale, sans aucune existence juridique. 

Patrie : « la terre des pères », de nos ancêtres. C'est le patrimoine hérité et rassemblé de nos pères, comprenant aussi les valeurs qu'ils nous ont transmises par leurs exemples. C'est bien une chose concrète, parfois palpable. La Nation serait la communauté des héritiers de ce patrimoine et de ces valeurs. Elle regroupe et relie des générations. 

Prochain article : La naissance d'une nation...

samedi 26 novembre 2011

« Sur le concept du visage du Fils de Dieu » , un concept dangereux...


Un questionnement sur la souffrance, 
une réponse qui conduit à l'apostasie... 


Résumé de la pièce 
Devant le visage du Christ, un père incontinent est victime de diarrhées colossales. Le fils le lave ; le père s'excuse en pleurant ; le fils le console en riant. Mais à peine la nouvelle couche installée sur les fesses du père-enfant, la colique reprend. Le père pleure encore, le fils a le courage de rire encore. Ce courage, il ne l'aura plus à la troisième couche, s'effondrant après un instant de colère dans les bras de son père en pleurant à son tour. L'appartement n'est plus qu'un immense ramassis de merde. Le tout sous le regard du fils de Dieu : le fond du décor est constitué du portrait du Christ. Les yeux du Christ voient tout, scène et salle. Le fils court embrasser le visage du Christ tandis que le père a­sperge maintenant d'excréments tout l'appartement à l'aide d'un bidon géant. Sur la scène, à peu près débarrassée de ses éléments, débarquent des enfants de retour de l’école qui ôtent leurs cartables et, comme ils caillasseraient des oiseaux, balancent des grenades explosives sur le Christ. Au retour du silence, à la disparition des enfants, après un long temps, le visage du Christ dégouline d’un sang noir. Bientôt son visage se déforme et se déchire. Alors apparaissent en lettres d’or une phrase : « You are (not) my shepherd », (« Tu n’es pas mon berger »), avec le « not » qui clignote... 

Des scènes sont très choquantes pour un chrétien. Mais comme toute pièce conceptuelle, au-delà des images insultantes, il faut dévoiler les idées que veut exprimer l'auteur. Pour cela, il suffit parfois de l'entendre et de lire les critiques des hommes habitués à ce genre d'art. Les messages sont clairs :
  • tout montre l'abjection d'un monde, le nôtre, devant le regard impuissant du Christ : décor déshumanisant, aseptique, humiliation d'un homme devant des spectateurs, excréments omniprésents ; 
  • face à cette misère, un homme, le fils, possède tous les attributs du Christ (douceur, abnégation, pardon, amour). Il se remplit de bonté quand son père se décompose ; 
  • le père se vide et n'a plus rien, son honneur disparaissant sous les yeux des spectateurs. Quand le visage du Christ est imbibé de sang noir, il se lève pour la première fois et quitte la scène. Pourquoi ? ; 
  • quand les enfants jettent des jouets sous forme de grenades, se révoltant peut-être contre cette misère ou contre le Christ impuissant, au retour de l'école (après avoir reçu les « lumières » de la connaissance ?), l'auteur veut montrer une nouvelle passion du Christ par une autre injustice. Selon un critique, il s'agirait de la révolte des enfants de l'Humanité contre leur Créateur. La scène sera supprimée après les premières manifestations ; 
  • la fin s'achève avec le visage lacéré, des rayons lumineux le traversant. Comme le signale l'auteur, il s'agit de passer à travers le Christ, qui est un passage ; 
  • comme conclusion, la phrase « tu es mon berger » , le« not » qui clignote. Est-il ou non le berger ? 

Dans ce spectacle, l'homme a deux visages : soit il dispose des attributs du Christ, il est en quelque sorte divinisé, soit il est abominable, devant un Christ impuissant, qui ne fait que regarder. Tout cela dans une misère exécrable. Dieu y est cruellement absent. Tout est révolte dans cette pièce, devant un visage qui voit non seulement la pièce mais aussi les spectateurs, et les hommes. Ce visage interroge aussi le spectateur. La phrase qui achève la pièce est révélatrice. Il est ou il n'est pas le berger. Au spectateur de répondre à cette question … 

Le public est devant un spectacle déstructurant. Tous les sens sont en éveil et dans une parfaite disharmonie. S'agit-il encore de l'art ? Comment une âme peut-elle sortir indemne de ces coups répétés d'une violence inouïe ?... Et les enfants qui jouent un rôle de révoltés injustes, pourront-ils sortir indemnes de cette expérience ? 

La pièce est donc profondément religieuse et philosophique dans laquelle apparaissent des conceptions dangereuses pour la foi et le salut. Pièces déstructurante, sans aucune harmonie, confondant les genres, nous ne sommes pas devant une œuvre d'art, mais plutôt un manifeste à portée philosophique. Ce questionnement ne se veut pas blasphématoire selon l'auteur mais ne saurait légitimer les moyens disproportionnés utilisés. Dès lors, le questionnement devient une agression violente où tout le monde est pris en otage, où tout le monde est forcé à prendre position. Des interview de spectateurs montrent en effet que les spectateurs finissent par douter et par perdre leur foi... 

Que répondre ? Qu'il existe une autre manière de comprendre et de traiter la souffrance ! Manière parfaitement illustrée par Notre Seigneur et par ses saints. Qu'il existe une autre cité, celle de Dieu, qui ne se confond avec la cité terrestre! Le problème de la souffrance a été brillamment traité par Saint Augustin dans la Cité de Dieu. 

Et aux scènes insultantes, choquantes pour notre foi, au-delà de nos manifestations, il reste nos prières et nos sacrifices en réparation ! Prions aussi pour les spectateurs et pour tous ceux qui participent à cette pièce avant que le châtiment divin ne les frappe...


Prochain article : porter un regard de foi...

Nous sommes tous des "apologètes"

Tout chrétien est un « apologète » 

comme il demeure à jamais un apôtre...

Notre religion a toujours fait l'objet de critiques de la part de ses adversaires. Notre foi n'a pas cessé d'être attaquée, notre charité décriée et notre espérance raillée. Certains n'ont pas hésité à diffuser des mensonges éhontés et des calomnies injurieuses. 

Ces critiques ont toujours fait l'objet de réponses, souvent courageuses et efficaces, de la part des chrétiens. L'Eglise a ainsi pu se répandre en dépit de leurs attaques. Ce combat pour la foi et la vérité a aussi donné lieu à un meilleur approfondissement de la doctrine et de la vie chrétienne. 

Tout chrétien ne peut en effet se taire quand on attaque ce qu'il croît et ce qu'il aime comme il ne peut rester indiffèrent aux calomnies et aux diffamations. L'apostolat passe inévitablement par la dénonciation des erreurs et des mensonges qui atteignent son âme et l'Eglise. 

Mais nous ne pouvons dénoncer que ce que nous connaissons. Le combat passe donc d'abord par la connaissance de l'adversaire. En dévoilant l'ennemi, nous l'avons déjà presque vaincu. 

Les condamnations et les calomnies multiples à travers l'histoire ne sont guère nouvelles. Elles ne changent que dans la forme et dans les moyens utilisés. Les réponses, nous les avons déjà dans le trésor de l'Eglise. Le combat ne varie donc guère dans le fond mais doit évoluer et se renouveler sans cesse pour répondre efficacement aux attaques. 

Ce combat est dangereux pour le chrétien. Plusieurs dangers le menacent en effet. A force de voir son adversaire comme la personnification de l'erreur, il oublie qu'il est aussi son prochain à aimer et à convertir. Il ne s'agit pas de l'abattre et de le mépriser mais bien de condamner une erreur et d'éclairer les intelligences. La charité guide l'action. 

Il ne s'agit pas non plus d'attaquer pour le plaisir d'attaquer. L'action serait inutile si elle ne s'appuie pas sur Notre Seigneur Jésus-Christ. Il doit demeurer la source, le guide et la fin de toute action. 

Enfin, nous ne combattons pas seuls. Nous sommes enrôlés dans l'armée du Christ. Loyales et fidèles, sous les ordres d'un seul chef, nous luttons toujours dans les rangs de l'Eglise, fidèle à son enseignement.