" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


jeudi 28 novembre 2013

La dhimmitude selon des témoignages anciens

Selon l’Islam, le non-musulman appartient en droit à la minorité avant de le devenir en fait. Sa trace ne subsiste guère de l’usure du temps. C’est pourquoi de fortes communautés chrétiennes semblent avoir disparu subitement de l’Histoire comme nous l’avons évoqué dans nos précédents articles [1]. « Les sources arabo-musulmanes évoquent rarement les dhimmî, rejetés commodément dans la non-existence »[2]. Mais ces populations parviennent à sortir de leur silence grâce aux témoignages de voyageurs et de diplomates occidentaux. Ces sources sont souvent délaissées par leur supposé manque d’objectivité. Bet Ye’Or, qui s’est consacrée à l’étude du statut des communautés dans les pays d’Islam, les a pourtant étudiées avec précaution et soin. Ces témoignages nous font en effet mieux connaître la vie des non-musulmans. 


Le Coran incite fortement le musulman à mépriser l’infidèle et l’incroyant. Telle est notre conviction qui se dégage de nos lectures et de notre étude. La vie d’un non-musulman n’a de sens que dans l’humiliation et l’aveu de son infériorité par rapport au musulman. En Espagne, nous avons pu constater qu’effectivement, la vie d’un chrétien en territoire musulman n’est guère enviable. Elle est faite de discriminations et d’humiliations. La fuite, la clandestinité ou l’héroïsme sont les seules solutions qui lui restent. Ou encore la conversion...

Les témoignages recueillis par Bet Ye’Or montre qu’effectivement dans les faits les chrétiens et les juifs font l’objet de discriminations, de ségrégation et d’humiliations. L’image du non-musulman dans le Coran n’est pas qu’un symbole. Le sort des mozarabes en Al-Andalousie n’est pas unique. D'autres régions conquises l'ont aussi connu. La persévérance dans « l’erreur » condamne les non-musulmans à l’avilissement...

Notre objectif n’est pas de souligner le mépris et les humiliations qu’ont subis les non-musulmans et qu’ils subissent encore, mais de montrer les liens entre le Coran et les faits. L’homme est faible et peut de lui-même commettre des méfaits au nom de la religion. Cette dernière ne devient alors qu’un paravent de ses vices et de ses fautes. Dans ce cas, il est peu pertinent de condamner la religion. Mais elle est légitimement condamnable si elle inspire le mal ou le favorise.

Qui sont ces témoins de l’Histoire ? 

Des diplomates, des consuls et des ambassadeurs britanniques qui écrivent dans leurs rapports ce qu’ils voient, des fonctionnaires en mission qui rendent compte de leurs activités, des voyageurs qui laissent leurs témoignages dans leurs récits, des lettres de personnalités, des historiens en recherche. Leurs témoignages datent du XVIIIème au début XXème siècle, voire du XVème siècle. « Les observations du voyageur occidental complètent souvent les autres sources encore que la part doivent être faite des préventions ou de l’intérêt personnel. On en saurait en effet mettre trop en garde le lecteur contre les préjugés d’Occidentaux latin à l’égard des juifs, des Grecs, des chrétiens monophysites et des musulmans ; toutefois, leurs témoignages apportent souvent des informations précieuses »[3].

Nous allons donc énumérer différentes pratiques vexatoires et humiliantes qu’ont pu subir les non-musulmans, essentiellement les juifs et les chrétiens, selon ces témoignages. 

Travaux de basse besogne

Dans le Kurdistan, les non-musulmans étaient taillables et corvéables à merci. Au Yémen, les Juifs devaient enlever les charognes et nettoyer les latrines publiques le samedi. Décrétée en 1806, cette corvée demeura en vigueur jusqu’en 1950, c’est-à-dire jusqu’à leur départ pour Israël. Toujours dans ce pays, les dhimmis devaient aussi décerveler et saler les têtes des condamnés et les exposer sur les murs des villes. Ils exerçaient même les fonctions de bourreaux. Ils accomplissaient finalement les tâches jugées déshonorantes par les musulmans.

Attitude d’infériorité

Les dhimmis devaient marcher les yeux baissés en passant à gauche des musulmans, côté jugé impur. Ils devaient laisser leur place aux musulmans s’ils les rencontraient. Le fait de laisser sa place est signe de faiblesse et donc d’infériorité. S’écarter devant une femme musulmane est encore considéré aujourd’hui comme étant déshonorant. 

Il leur était interdit de monter sur des animaux nobles comme le cheval [4] ou le chameau. « Et il y a une coutume en Syrie, que nul Chrétien qui soit connu n’ose aller à cheval parmi les rues des villes. Pour cette cause, notre [moucre] nous fait descendre messire et moi »[15]. Hors des villes, ils pouvaient monter à dos d’âne. Cela « marque le mépris que les Turcs font des chrétiens et des juifs qu’ils traitent à peu près de la même manière »[5]. Devant un musulman de rang élevé, le chrétien devait descendre de son âne, « car un chrétien ne doit jamais paraître devant un musulman que dans une posture humiliée »[6]. Jusqu’au début du XXème siècle, au Yémen et dans les campagnes du Maroc, de Libye, de l’Irak et de Perse, un juif devait descendre de son âne quand il apercevait un musulman sinon ce dernier était autorisé à le jeter à terre. Un voyageur note que les chrétiens et les juifs ne devaient même pas monter à dos d’âne à l’intérieur de Damas.

Effectivement,en 1793, un juriste égyptien résume cet interdit : « Ni juif ni Chrétien n’a le droit de monter à cheval avec ou sans selle. Ils peuvent monter sur âne [...] S’ils passent près d’un groupe de Musulmans, ils doivent mettre pied à terre et ne peuvent monter[un âne] qu’en cas d’urgence, maladie ou départ pour la campagne et leur chemin doit être rendu étroit »[16].
Au XVIIIème siècle, sous les ordres du roi Frédéric V du Danemark (1723-1766), le Danois Carsten Niebuhr mena une expédition pour étudier l’Arabie. Niebuhr a raconté qu’en 1761, au cours du séjour de son équipe au Caire, un médecin français y fut mutilé pour n’être pas descendu assez vite de son âne en croisant un seigneur musulman. Le simple passage de non musulmans à proximité des mosquées, de certaines maisons, ou de certains quartiers était considéré comme une profanation [7].

« Lorsqu’il venait payer ses impôts, le dhimmi devait se tenir debout à l’endroit le plus bas, se présenter tête basse, être traité avec dédain. Il fallait lui faire sentir que c’était lui faire une grâce que d’accepter de lui la jizia, l’humiliation pouvant être complétée par des soufflets ou des coups de bâton » [8]

Des maisons marquant leur infériorité

Dans les quartiers musulmans, les maisons des dhimmis jugées trop hautes étaient souvent détruites. Elles devaient paraître inférieures à celles des musulmans. A Constantinople, jusqu’au milieu du XIXème siècle, les maisons du quartier des nobles grecs étaient peintes de couleur sombre. A Damas, au XIVème siècle, les boutiques des chrétiens et des juifs devaient être abaissées au-dessous du niveau de la rue pour qu’ils paraissent devant les musulmans dans une position toujours inférieure.

Une ségrégation territoriale

Des quartiers musulmans étaient interdits aux juifs en Perse, au Yémen, en Afrique du Nord jusqu’au XIXème siècle. Ils vivaient dans des quartiers séparés enfermés dès le coucher de soleil. Cette pratique étaient en vigueur au Yémen jusqu’en 1950. L’accès de certaines villes leur était interdit. Le mellah désigne au Maroc le quartier où habitaient les juifs de la ville. Il était séparé de la ville par de hautes murailles. Dans la ville de Cordoue en Espagne, les chrétiens étaient concentrés dans des quartiers spécifiques, hors du centre ville. 

Signes vestimentaires

Les dhimmis devaient aussi se distinguer par des signes vestimentaires, la taille de leur cheveux, leurs turbans ainsi que l’apparence de leur épouse et de leurs enfants et serviteurs. De nombreux décrets définissaient ces distinctions. En Égypte et en Palestine, ils devaient porter des clochettes. Au IXème siècle à Qairouan, dans l’actuelle Tunisie, les chrétiens et les juifs portaient de manière ostensible leur ceinture sur leurs vêtements. 

Dans l’Égypte du XIIIe et XIVe siècle, les juifs devaient porter comme les chrétiens une coiffe particulière, en l’occurrence jaune pour être plus aisément reconnus. En 1354, ils devaient également porter un anneau métallique distinctif dans les bains publics et les femmes s’envelopper d’un tissu de couleur pour sortir de leurs maisons[9].

En absence de ces signes distinctifs, ils subissaient le fouet, l’incarcération et l’humiliation publique. Des consuls anglais notent que ces prescriptions étaient souvent rappelées dans l’empire ottoman. Ces signes étaient néanmoins absents dans la partie européenne de l’empire musulman (Grèce, Anatolie, Albanie) où les chrétiens étaient majoritaires.

Le port de vêtement distinctif permettait de les distinguer des musulmans et donc de les humilier. « L’humiliation des non musulmans et la multiplication des agressions à leur encontre à tout instant de la vie quotidienne étaient facilitées par les vêtements distinctifs qu’ils devaient porter, permettant de les reconnaître au premier abord ». Cette distinction est forte utile pour pressurer les non-musulmans de taxes. « Les vêtements distinctifs des dhimmis servaient également à les contrôler financièrement. Ils pouvaient être arrêtés dans les rues et devaient toujours pouvoir produire la preuve qu’ils avaient payé leur jizia » [10]

Une application selon les circonstances


« Ces contraintes furent tantôt abolies ou atténuées par un sultan ou un gouverneur bienveillant, tantôt rétablies pendant les périodes de guerre et de fanatisme à la demande des théologiens. Souvent une communauté persécutée dans une région fuyait et réussissaient à survivre en se plaçant sous l’autorité d’un prince musulman plus clément »[11]. 

L’application des règles discriminatoires variait selon les circonstances économiques, politiques et le favoritisme du pouvoir islamique envers une communauté au détriment des autres. Des prescriptions furent donc générales à tous les territoires musulmans ou localisées dans une région. L’Égypte se montrait particulièrement plus hospitalière et tolérant que le Yémen.

Elle dépendait aussi du milieu dans lequel vivaient les communautés. Les montagnes apparaissaient plus saines que les grandes plaines.

Elle dépendait enfin de la législation appliquée dans les pays ou plutôt des écoles religieuses qui la définissaient. L’école hanbalite, considérée comme « la plus dogmatique et la plus puristes des écoles d’interprétation de la jurisprudence de l’Islam sunnite »[12], impose les règles plus drastiques. Les autres écoles sont plus tolérantes.

Conditionnement

Les témoignages d’Occidentaux montrent combien la vie des non-musulmans était réglée par des prescriptions humiliantes de toute sorte. Le but était véritablement de leur montrer leur statut d’infériorité par rapport aux musulmans. Ils devaient vivre et ressentir quotidiennement cet état au point de croire à une infériorité réelle. « Le mépris pénétra les mœurs, modela les traditions, la conscience collective et les comportements. Les habitudes s’instaurèrent sans qu’il y eût peut-être de lois spécifiques ». Sous pression constante, les non-musulmans finissent par y croire. « Si vous allez leur expliquer la Dhimmitude, ils réfutent cette vision, ils ont peur, ils sont conditionnés par leur infériorité. Ils ne se mettent pas en relation d'égalité avec les musulmans »[13].

L’esprit du Coran a profondément conditionné les relations entre musulmans et non-musulmans. Ces relations se sont construites sur la discrimination et la ségrégation, sur l’humiliation et la vexation. Le musulman est supérieur au non-musulman et cette supériorité doit être visible et vécue tous les jours. Si le non-musulman accepte sa condition, sa vie lui sera garantie. « Les autorités musulmanes restent fidèles aux fondamentaux du Coran qui rabaissaient le dhimmi pour en faire un être inférieur, soumis aux caprices du vainqueur et à la violence des populations autochtones »[14]. Mais que voyons-nous derrière ce rapport sinon l’orgueil de l’homme qui bâtit ses relations sur des rapports de force et flatte son ego? L’esprit du nomade transparaît derrière cette réalité toujours actuelle. L’Islam inculque et attise cet esprit. Ainsi dans une société où l’homme apparaît faible, l’Islam se diffuse comme il se propage par la force des armes. Dans un tel cadre de vie, un non-musulman n’a que le choix entre la mort, la fuite ou la conversion… Ou encore la lente agonie comme celle des chrétiens orientaux …





Références

[1] Voir Émeraude, septembre et octobre 2013, article « Al-Andalousie : les chrétiens en terre musulmane » et « Les mozarabes, raisons d’une minorité en terre musulmane ».
[2] Bet Ye’Or, Les Chrétienté d’Orient entre jihad et dhimmitude, chapitre II, édition Jean-Cyrille Godefroy, 2007.
[3] Bet Ye’Or, Les Chrétienté d’Orient entre jihad et dhimmitude
[4] Interdiction de monter à cheval en Syrie au milieu du XVème siècle (Bertandon de la Brocquière, Le Voyage d’Outre-Mer), constatée aussi au XVIIIème siècle en Syrie (Charles Roux) et en Égypte (C. Niebuir, Voyage de M.Nebuir en Arabie et en d‘autres pays de l’Orient, 1780). Bertrandon de la Broquière appartient au service de Philippe le Bon, duc de Bourgogne.
[5] Mémoires du chevalier d’Arvieux, tome I. d'Arvieux est l'envoyé extraordinaire du Roi de France, consul d'Alep, de Tripoli et autres... Il a décrit ses voyages à Constantinople, dans l'Asie, la Palestine, l'Egypte, etc.
[6] A. Morrison cité dans Bet Ye’Or, Les Chrétienté d’Orient entre jihad et dhimmitude. Témoignage sous Louis XIV (1697).
[7] Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l’Islam et construire une humanité fraternelle et spécifique, Cariscript, 2010, Carsten NIEBUHR, Voyage de M. Niebuhr en Arabie et en autres pays de l'Orient. 
[8] Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l’Islam et construire une humanité fraternelle et spécifique, et Bat YE’OR, Juifs et chrétiens sous l’islam face au danger intégriste, Berg International Editeur, 2005. 
[9] Juifs en terre d’islam, Le statut de dhimmi, article d’akadem.org
[10] Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l’Islam et construire une humanité fraternelle et spécifique et selon Bat Ye’Or, Juifs et chrétiens sous l’islam face au danger intégriste. 
[11] Bet Ye’Or, Les Chrétienté d’Orient entre jihad et dhimmitude, chapitre II. 
[12] Encyclopédie universalis, article hanbalite.
[13] Bat Ye'Or, article Au Moyen-Orient, la dhimmitude chrétienne se paie par la vie, 1 octobre 2010, entretien dans le journal Foglio, 17 juin 2009. 
[14] Article Rapports entre dhimmitude et statut des juifs en terre chrétienne, Gérard Sylvain, Cahier d’études maghrébines, regards croisés sur la dhimmitude, n°3, 2012.
[15] Bertandon de la Brocquière, Le Voyage d’Outre-Mer, cité dans Interdits et obligations du dhimmi pour se déplacer, 5 décembre 2006, islamiquementcorrect.blogspor.fr.
[16] Al-Damanhûri, Iqamaat al Hujja al-bahira ala hadm kana'is Misr wa-l-Qahira cité dans Interdits et obligations du dhimmi pour se déplacer, 5 décembre 2006, islamiquementcorrect.blogspor.fr.

mardi 26 novembre 2013

Birth control, planning familial, contrôle de naissance ...

« Les droits liés à la sexualité et la procréation font partie des droits humains fondamentaux »[1]. Pour être plus clair, le contrôle de naissance est devenu intouchable. Qu’est-ce que le contrôle de naissance ? Il désigne :
  • un ensemble de pratiques anticonceptionnelles ou encore contraceptives ;
  • une doctrine qui les justifie et les encourage ;
  • un ensemble de mouvements qui prônent cette doctrine et diffusent les pratiques contraceptives. 
D’abord connu sous l’expression de « Birth control », il est aujourd’hui connu sous le nom de « Family Planning » ou encore de « planning familial ». D’origine américaine et anglaise, il s’est répandu dans les pays occidentaux puis à l’ensemble de la planète. Depuis 1968, le planning familial est déclaré comme un des droits fondamentaux au sein des Droits de l’Homme [2]. Il serait donc malséant de ne pas connaître ce « droit » fondamental. Les deux articles suivants tentent de définir ce qu’est véritablement le contrôle de naissance… 

Dans la suite, nous désignerons par « contrôle de naissance » les mouvements qui prônent la doctrine et diffusent les moyens contraceptifs…

Qu’est-ce que le contrôle de naissance ?

L’expression « Birth Control » peut être rapprochée d’une autre expression plus connue « Self control », qui signifie « contrôle de soi » ou encore « maîtrise de soi ». « Birth Control » signifierait alors « contrôle de naissance » ou plus clairement « maîtrise de sa procréation ». Elle désigne alors la capacité de l’individu de vouloir un enfant lorsqu’il le veut. Elle vise essentiellement les femmes en âge de procréer. Nous retrouvons des slogans bien connus de 1968 : « un enfant quand je veux, comme je veux… ». 

Un gynécologue le définit par « l’ensemble des mesures visant à favoriser la natalité ; lorsque les conditions sociales, matérielles et morales s’y prêtent ». Cette définition nous paraît inexacte. Le contrôle de naissance ne cherche pas à favoriser la natalité mais à la réguler uniquement par des moyens actifs, c’est-à-dire par des moyens anticonceptionnels ou contraceptifs. A l’origine du mouvement, l’avortement y était exclu. Un des arguments du « Birth Control » était justement d’éviter les avortements mais aujourd’hui le planning familial le défend au même titre que les moyens contraceptifs. 

Le terme « contrôle », qui signifie plutôt en français « vérification », est une traduction impropre du terme anglais « control ». La notion de « maîtrise » indique en effet une action de commandement et de direction. Nous pourrions alors plutôt parler d’une « procréation dirigée ». Elle est dirigée en vue d’un objectif. Lequel ?

Une autre expression anglaise est encore employée : « planned parenthood », c’est-à-dire « parentalité planifiée ». Le contrôle de naissance vise désormais la parentalité. Le cœur du sujet n’est plus la naissance, c’est-à-dire l’enfant qui doit ou ne doit pas naître, mais le fait même d’être parent ou non. L’enjeu n’est plus du côté de l’enfant mais des « géniteurs ». L’expression est aussi plus explicite. Il y a bien une idée de planification dans le contrôle de naissance

Le contrôle de naissance est surtout connu sous le nom de « Family planning », traduite par « planning familial ». La nouvelle expression étend davantage son cadre de référence. L’objet de la planification est désormais la famille.

Une forte représentation internationale

De manière pratique, le contrôle de naissance se concrétise par des mouvements nationaux [3] et internationaux. Dans la plupart des États, nous pouvons trouver une association de planning familial officielle. Au niveau international, deux mouvements représentent le planning familial : 
  • International Planned Parenthood Federation (IPPF) ;
  • Population Council. 
Ces mouvements influencent les grandes conférences internationales et les organismes de l’ONU, tels que l’Organisation Mondiale de la Santé




Depuis 1952, le « planning familial » est défendu au niveau international par International Planned Parenthood Federation (IPPF), un réseau mondial de 151 associations. Il développe des partenariats avec des organisations gouvernementales et non-gouvernementales, des agences de l’ONU. Elle assiste et accompagne les associations de planifications familiales dans les pays où il n’en existe pas et facilite l’échange d’expérience entre ces membres. Enfin, elle participe à de grandes conférences internationales où elle diffuse sa philosophie. Ses objectifs sont vastes et variés : 
  • la sexualité :
o prendre en compte toutes les sexualités pour « une sexualité épanouie dans le respect de l’autre » ;
o promouvoir l’éducation à la sexualité et son intégration dans les programmes sexuels ;
  • la contraception et l’avortement :
o écouter et orienter pour une demande d’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) ;
o accompagner dans le choix d’une contraception ;
  • la procréation hors paternité :
o privilégier une maternité choisie (Procréation médicalement assisté, droit d’accoucher anonymement, adoption) ;
  • la lutte contre le Sida et les infections sexuellement transmissibles ;
  • la lutte pour les droits de la femme ;
  • former et informer sur les questions de sexualité et sur les violences faites aux femmes…





Population Council [4] est une organisation non-gouvernementale, fondée en 1952 par John D. Rockefeller III. Ses activités tournent autour des problèmes démographiques, de l’assistance technique et des recherches biomédicales. Ses recherches touchent la planification familiale, la contraception, l’avortement, la pauvreté, le genre, la jeunesse, …Il finance aussi des recherches technologiques sur ces sujets. Il dispose de quinze bureaux répartis dans le monde. Il suit des programmes dans plus de 50 pays. Il publie notamment des documents sur la pauvreté, le genre et la jeunesse…

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est un organisme des Nations Unies qui joue également un rôle dans le planning familial. Elle s’efforce de promouvoir la planification familiale selon plusieurs axes : prestation de services correspondant à des méthodes contraceptives, élaboration de nouvelles méthodes, élaboration de normes de qualité et de rapports sur la sécurité des méthodes employées, etc. 

De l’interdiction à l’oppression en passant par la tolérance appuyée

Certains États soutiennent les mouvements de planning familial sans aucune contrainte [5] quand d’autres les interdisent, cas plutôt rares. Généralement, ces mouvements sont subventionnées [7], le contrôle de naissance faisant partie des priorités de santé nationales. 

Dans ceux qui les encouragent ou les aident, nous pouvons distinguer deux attitudes : soit ils apportent un soutien financier ou législatif aux associations, sans pourtant intervenir directement, soit ils dirigent eux-mêmes une politique de contrôle de naissance, généralement pour réduire la croissance démographique. Une politique de planning familiale peut favoriser la stérilisation, notamment par des primes ou l’obliger, pratique extrême, voire contradictoire à la notion même du contrôle de naissance… 

Depuis la Conférence internationale sur la population et le développement qui s’est tenue au Caire en 1994, le discours sur le contrôle de la population a changé. Il « réfute désormais toute politique démographique qui transformerait les êtres humains en cibles d'objectifs chiffrés. Désormais, ces politiques doivent être fondées sur les « droits reproductifs », c'est-à-dire le droit des individus et des couples à décider librement du nombre, de l'espacement et du moment de naissance de leurs enfants, en leur assurant les moyens et l'éducation nécessaires, ainsi que le droit d'atteindre le niveau le plus élevé possible de santé sexuelle et reproductive et le droit de prendre des décisions concernant la reproduction sans discrimination, coercition ou violence » [8]. 





Au-delà des mots et des doctrines, le contrôle de naissance est une pratique très répandue non seulement en France mais dans le monde entier. Son influence est considérable dans les instances internationales. Son domaine d’action n’a cessé de s’étendre : procréation, sexualité, genre, violence à l’égard des femmes … Sa cible a aussi changé. Il vise désormais les adolescents... Quel était le domaine prioritaire de l’IPPF pour les années 2004-2009, devenu le premier axe stratégique pour les années 2009-2015 ? « Remettre en cause les pratiques et normes culturelles qui présentent un danger pour les jeunes ainsi qu’agir comme un catalyseur pour un mouvement mondial des jeunes dont le but est de changer les mentalités »[6]. Changer les mentalités, tel est en fait le leitmotiv du « Birth Control » comme du Planning Familial…





Références
[1] Service de planning familial de Genève, http://planning-familial.hug-ge.ch
[2] Voir Historique du Planning familial du Dr M.-P.Molitor-Peffer. 
[3] Planned Parenthood Federation of America (P.P.F.A.), Mouvement Français pour le Planning Familial (France ), etc. 
[4] http://www/ined.fr, Activité des organisations internationales en matière démographique, 1ère partie, in Population, 24e année, n°4, 1969. 
[5] On parle de liberté reproductive. Voir Politiques démographiques et liberté reproductive d’Ariette Gautier. 
[6] Articles IPPF sur http://ngp-db.unesco.org.
[7] Selon le site www.observatoiredes subventions.com (13/04/2012), le Planning familial français a obtenu 2,6 millions d'euros de subventions du gouvernement français en 2012.
[8] Politiques démographiques et liberté reproductive d’Ariette Gautier.

vendredi 22 novembre 2013

Mathématiques et cosmologie

« J'ai donné dans les livres précédents les principes de la philosophie naturelle, et je les ai traités plutôt en mathématicien qu'en physicien, car les vérités mathématiques peuvent servir de base à diverses recherches philosophiques ». Contrairement à ses prédécesseurs, Newton introduit dans sa « philosophie naturelle »[1] des formules mathématiques. Depuis Newton, l’Univers apparaît au travers des mathématiques. Quelles en sont les conséquences pour notre représentation du Monde ? 

Les mathématiques : un langage formel puissant 

Grâces aux formules mathématiques, nous pouvons, en les combinant, découvrir de nouvelles formules donc de nouvelles lois qui elles-mêmes seront porteuses d’efficacité. Le modèle peut ainsi se développer hors de toute expérience. Le calcul est purement formel. Il consiste à obéir selon des conventions et à des lois logiques. Nous ne faisons que manipuler des symboles sans en connaître la signification physique en appliquant des règles données par les mathématiques. A la fin de nos manipulations, nous pouvons interpréter les résultats et en déduire d’autres lois. Ainsi, les lois sont déduites des calculs et non de l’expérimentation. Les expériences vérifieront a posteriori la validité des interprétations. Par dérivation d’une formule, la Science progresse plus rapidement dans sa vision du Monde. 

Les mathématiques permettent aussi par quelques formules simples de systématiser et d’unifier une théorie complexe. La célèbre formule d’Einstein est sans doute l’une des formules célèbres les plus courtes et les plus puissantes de la Science. Grâce à la richesse des concepts utilisés, une formule condense un ensemble d’énoncés d’observations et d’interprétations en un unique énoncé théorique riche en sens


Les mathématiques fournissent enfin un langage universel pour tous les scientifiques. Elles les dégagent de tout élément psychologique, culturel, politique qui peut « polluer » leur langue. Elles les affranchissent des faiblesses et de l’imprécision de leur langage naturel. Elles évitent aussi leurs ambiguïtés. Néanmoins, comme tout langage, les mathématiques ont aussi ses propres limites. N’oublions pas non plus : le langage mathématique est toujours accessible par le langage naturel. Nous ne pouvons pas faire autrement.


Insistons bien : les mathématiques sont un langage. La Science les utilise car elles lui correspondent et répondent bien à son objectif de modéliser le Monde. « Que peut saisir l’esprit humain à part les nombres et les grandeurs ? » s’interroge Kepler. Et encore une fois, c’est un langage efficace, capable d’exprimer des propriétés « naturelles » telle que la distance, le volume, le temps…

Une conception mathématique de l’Univers nous éloigne néanmoins de l’Univers…

Mais « énoncer une loi sous la forme d’une relation mathématique, c’est faire abstraction du contenu physique de chacune des variables, et c’est donc oublier que les expériences qui ont permis de formuler la loi lui confèrent un domaine de validité, en dehors duquel d’autres mécanismes physiques peuvent entrer en jeu et conduire à des résultats et des lois très différents » [2]. 

Chaque loi exprimée sous forme mathématique n’est en effet valide que dans un cadre bien précis et formalisé. Le domaine de validité correspond à un ensemble d’hypothèses, parfois implicites ou dissimulées. Ainsi lorsqu’un discours scientifique semble s’opposer à notre foi, il faut avant tout considérer les conditions dans lesquelles évolue ce discours. C’est sur ces conditions que nous pouvons légitimement le remettre en cause.



Les mathématiques  nous abstraient de la réalité et fausse notre perception des choses. Elles font en effet évoluer et manipuler des notions et des concepts, parfois très complexes, dans un Monde idéal, généralement simple. « Ces hommes partent d’une idée fondée plus ou moins sur l’observation et qu’ils considèrent comme une vérité absolue. Alors ils raisonnent logiquement et sans expérimenter, et arrivent, de conséquence en conséquence, à construire un système qui est logique, mais qui n’a aucune réalité scientifique … »[3]. 



Le Monde ainsi conçu peut ainsi ravir notre intelligence par la cohérence du modèle, par sa logique. Ce n’est pas finalement la Vérité qui nous attire mais le raisonnement. Combien de scientifiques se sont-ils égarés dans l’ivresse des raisonnements comme ce physiologiste que critique Claude Bernard : « cette foi trop grande dans le raisonnement, qui conduit un physiologiste à une fausse simplification des choses, tient d’une part à l’ignorance de la science dont il parle, et d’autre part à l’absence du sentiment de complexité des phénomènes naturels » [3]. 

Emportés par le discours et un raisonnement subtil admirablement bien mené, nous pouvons oublier les conditions et les hypothèses d’étude qui ont conduit à élaborer des formules au point de leur donner créance quand finalement le cadre dans lequel elles doivent évoluer leur donne peu de réalité. « C’est pourquoi nous voyons quelquefois des mathématiciens purs, très grands esprits d’ailleurs, tomber dans les erreurs de ce genre ; ils simplifient trop et raisonnent sur les phénomènes tels qu’ils les font dans leur esprit, mais non tels qu’ils sont dans la nature »[3]. Ainsi il arrive que des théories scientifiques ne soient finalement que l’image d’une certaine conception du Monde

Spécificité des mathématiques dans un cadre scientifique

Certes par les mathématiques nous extrayons des informations de la réalité pour travailler efficacement dans l’abstrait mais cette abstraction élimine de l’information. La Science élimine notamment tout ce qui n’est pas mesurable, manipulable. Elle dépend donc des instruments de mesure et de leur précision. La vision du Monde évolue ainsi au grès de la technologie. Elle élimine aussi tout ce qui n’est pas perceptible, c’est-à-dire l’immatérialité. Cependant, certaines théories acceptent des objets immatériels ou non quantifiables pour « sauver les apparences ».



Nous oublions ainsi souvent l’aspect profondément quantifiable de la Science. Dans un cadre général, un nombre reste un nombre mais dans un cadre scientifique, un nombre est plus qu’un nombre. Il porte en lui des informations supplémentaires telles que la précision des mesures. Un nombre lu dans un cadre scientifique n’a pas la même signification que dans un cadre purement mathématique. 

Nous retrouvons aussi cette ambiguïté dans le langage informatique. Nous oublions parfois que ce langage a ses propres règles différentes de celles que nous employons dans les sciences ou dans notre vie quotidienne. Ainsi dans le langage informatique, nous ne pouvons pas raisonner selon les principes classiques de la logique. Par exemple, dans la vie réelle, une chose est vraie ou fausse. Le langage naturel est régi par cette loi logique. Dans le langage informatique, ce n’est pas vraiment le cas comme nous pouvons le constater le plus souvent à notre dépend : une chose est vraie, fausse ou ne fonctionne pas (« bug ») ou ne s’arrête pas (« plantage »). Oublier la spécificité du langage peut être source de graves erreurs de raisonnement…

Les mathématiques ne valident pas une théorie

Contrairement aux mathématiques, la cohérence et la logique ne suffisent pas à valider une théorie scientifique. Elle doit aussi « sauver les apparences », c’est-à-dire ne pas contredire des phénomènes observables ou mesurables. C’est pourquoi la cosmologie a évolué selon la qualité des observations astronomiques. Le modèle de Ptolémée n’a pas ainsi résisté au développement des lunettes astronomiques. Le Monde de Newton s’est aussi brisé sur des faits que ces lois ne pouvaient justifier.

Une théorie doit aussi être efficace. Elle doit permettre à l’homme de prévoir et d’agir sur la réalité. Newton a réussi à supplanter la cosmologie cartésienne par les découvertes issues de ses lois. Elle est encore utilisée en dépit de ses limites car elle reste efficace dans un cadre précis.

Enfin, contrairement aux mathématiques, une théorie est valable en Science lorsqu’elle est falsifiable, c’est-dire lorsqu’il est possible de concevoir une expérience pouvant la remettre en cause. Ainsi, l’évolutionnisme n’est pas une théorie scientifique car il est impossible de concevoir une expérience pour la réfuter.

Les mathématiques permettent donc aux scientifiques de développer efficacement des théories en s’abstrayant de la réalité mais elles-seules ne suffisent pas pour les valider et les faire imposer. Elles ne sont qu’un support à la réflexion, un moyen de l'enrichir, une synthèse pratique et efficace d’un travail complexe, un moyen de développer une théorie en dehors des contraintes expérimentales. Mais elles ne doivent pas nous faire oublier les conditions dans lesquelles une formule mathématique est viable. Les mathématiques apportent à l’homme une capacité supplémentaire pour représenter un monde simplifié. Elles apportent la puissance de son formalisme sans néanmoins apporter à la théorie une preuve de véracitéLa Science aura toujours besoin d’une vérification…

Évitons alors que le prestige des mathématiques « infecte » les sciences et biaise ainsi notre perception du Monde. « Parmi toutes les sciences, les mathématiques jouissent d’un prestige particulier qui tient à une raison unique : leurs propositions ont un caractère de certitude absolue et incontestable, alors que celles de toutes les autres sciences sont discutables jusqu’à un certain point et risquent toujours d’être réfutées par la découverte de faits nouveaux »[6].

C’est en remettant à leur place les éléments constituant une théorie scientifique qu’il est alors possible d’user à bon escient les découvertes scientifiques, en particulier pour s’opposer aux discours scientistes ou pour apporter à notre foi des motifs de crédibilité pertinents…





Références
[1] Termes autrefois utilisé pour désigner ce que nous appelons la physique. 
[2] Pierre Sagaut, Introduction à la pensée scientifique moderne, Institut Jean Le Rond d'Alembert, Université Pierre et Marie Curie, cours de culture générale, Licence, 2008-2009.
[3] Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale.
[6] Einstein, La géométrie et l’expérience, cité dans Tiekoura Levi Hamed, La philosophie des mathématiques et celle des sciences, 10 mai 2009.

mardi 19 novembre 2013

La validité de la connaissance scientifique

Détachée de l’arbre, une pomme tombe à terre car elle est attirée par la Terre selon la force gravitationnelle. Selon Newton, cette force est égale au produit de la masse de la pomme et d’une constante. Par une formule très simple, nous pouvons donc mesurer la force gravitationnelle. Mais cette force garde un mystère peut-être insoupçonnable. Parfois, des esprits de bon sens posent de bonnes questions, des questions qui dérangent. Cette force garde un mystère devant lequel Newton lui-même a tremblé.

Une force distante ?

La théorie de Newton pose en effet une difficulté qui, au départ, a fait obstacle à sa compréhension. Ses lois ont en effet fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part des disciples de Descartes. Mais à force de les utiliser et compte tenu de leurs succès incontestables, les critiques ont fini par se taire.  


Newton introduit dans la physique un concept nouveau qu’il a associé à tout mouvement : le concept de force. Ce concept est pourtant étrange. Prenons le cas de la force gravitationnelle. Elle est immatérielle et intervient sans aucun contact physique. En classe de seconde, nous apprenons en effet qu’elle agit à distance. Or les contemporains de Newton ne voient de cause efficiente que par interaction matérielle. Sans contact, aucune action possible. Les lois de Newton s’opposent ainsi à la pensée de l’époque. Elles bouleverse la notion de cause. La causalité au sens physique introduite par Newton, ne correspond pas à la causalité au sens métaphysique. Il y a rupture …


Force occulte ?

Comment fonctionne concrètement la force gravitationnelle ? Nous l’ignorons. C'est pourquoi les cartésiens critiquent les lois de Newton. Ils les voient comme un retour à des discours irrationnels. Newton est lui-même conscient de leurs limites. « Qu'un corps puisse agir à distance sur un autre dans le vide, sans que rien n'explique par quel moyen cette force est transmise, est pour moi une absurdité si grande qu'à mon avis, quiconque possède une compétence en matière de philosophie ne pourra jamais y céder »[1]. Le grand savant Leibniz va même qualifier cette force de force occulte. Il faudra attendre le XXème siècle pour donner une explication à la force gravitationnelle mais en lui enlevant toute réalité. 


Qu’est-ce que la force ? Une réalité ou une construction commode de la pensée…

« La force imprimée est une action exercée sur le corps, qui a pour effet de changer son état de repos ou de mouvement rectiligne uniforme. Cette force consiste dans l’action seule, et elle ne persiste pas dans le corps dès que l’action vient à cesser »[2]. La force est ce qui cause un changement d‘état. Nous retrouvons la première loi de Newton. Comme nous avons évoqué dans le précédent article, la définition du concept est inclue dans la loi. Hors de cette loi, il est inutile de savoir exactement ce qu’est la force gravitationnelle. Si la pomme tombe, c’est parce que la Terre, compte tenu de sa masse, l’attire vers elle, mais quelle est la nature de cette force ? La notion de force a pourtant un sens. Elle signifie que la cause du mouvement d’un objet n’est pas dans l’objet même mais qu'elle repose à l’extérieur de l’objet. 

Revenons à notre question. Qu’est-ce que la force ? Est-ce un outil capable de mieux représenter le monde ou effectivement un mécanisme réel ? Les théories utilisent de nombreuses notions ou concepts qui, parfois, ne sont que des inventions ingénieuses pour mieux expliquer des phénomènes. « Les notions abstraites qui constituent l’outillage de la physique, les concepts de masse, force, atome, qui n’ont pas d’autre rôle que de rappeler les expériences systématisées dans un but d’économie, sont dotées par la plupart des investigateurs de la nature d’une existence réelle, en dehors de la pensée. Bien plus, on en arrive à croire que ces masses et ces forces sont les choses essentielles à rechercher […] L’homme qui ne connaîtrait l’Univers que par le théâtre, et qui viendrait à découvrir les trucs et les machinations de la scène, pourrait penser que l’Univers réel a aussi des ficelles et qu’il suffirait de les tirer pour acquérir la connaissance ultime de toutes choses. Nous ne devons pas considérer comme bases de l’Univers réel des moyens intellectuels auxiliaires dont nous nous servons pour la représentation du Monde sur la scène de la pensée »[3]. Nous pouvons nous demander effectivement si les notions utiles pour représenter l’Univers sont inventées par l’homme ou indépendants de son intelligence. La force est-elle alors une invention de Newton ? 

La force est une représentation de ce que nous pouvons percevoir. La Science construit des modèles du Monde à partir de principes et d’outils capables de développer un modèle et de l’expérimenter. Si l’expérimentation valide un modèle, ce dernier sert alors à construire une représentation du Monde. La force semble alors être une simple convention que suggère l’expérience…

La nature des choses, hors sujet !

Le modèle de Newton s’appuie sur la notion de forces dont nous ignorons finalement tout. Mais pouvons-nous y chercher du sens quand peut-être elle n’est finalement qu’une convention ? Mais qu’importe ! Le physicien ne se préoccupe pas de connaître la nature des choses. « Son objet est de formuler des théories quantitatives, conduisant à des prédictions mesurables. La « vérité » des théories physiques ne porte pas sur autre chose que leur adéquation à l’expérience, la « réalité » des objets de la physique est circonscrite aux dispositifs expérimentaux »[4]. La Science ne prétend pas refléter ou traduire la réalité. Qu’est-ce que donc l’objet de la physique classique ? « La physique porte sur la confrontation de prédictions théoriques avec des mesures réalisées par des instruments, mais ne se prononce pas sur la « réalité » de ses concepts ou des objets du monde extérieur, hors de l’expérience » [5]. Elle semble donc exclure la philosophie de son champ d’action… 

Influences de Newton

Newton a ainsi introduit de nouveaux concepts, simples et féconds, qui ont permis de construire une nouvelle science en se détachant de la réalité. L’expérience lui a permis de concevoir et de valider la notion de forces qui n’a finalement aucune réalité physique. Pourtant, cette notion permet de prédire des phénomènes et de dominer le Monde d’où son succès. Jeux de l’esprit ? L’ordinateur ne reflète pas non plus la réalité en dépit de ses capacités exceptionnelles. C’est la force et la richesse d’un modèle. Il est suffisamment approximatif pour suffire… Newton a finalement montré toute la puissance de la raison.

Newton a aussi fait évoluer la vision du Monde. Elle est devenue quantitative ou encore calculatoire. Elle ne contient pas réellement de sens tant les concepts utilisés ne sont pas définis. Elle est régie par des formules mathématiques, des règles, des lois… Le Monde de Newton est un véritable « système ». Il est alors tentant de croire que le Monde est finalement un immense calculateur. « Tout se passerait […] comme si les forces physiques en œuvre, et les grandes lois dites fondamentales par lesquelles elles s'expriment, pouvaient être simulées sans faute sur un ordinateur géant »[6]. Aujourd’hui, certains de nos contemporains s’imaginent peut-être que par l’ordinateur, nous pouvons nous passer de la réalité. Ils oublient que nous construisons des modèles qui comme tout modèle ne se servent que de conventions…

Une théorie fausse ? Encore hors sujet

Finalement, pouvons-nous dire qu’une théorie scientifique est fausse ? Cette question n’a pas de sens. Croire qu’il est possible d’atteindre la Vérité par la Science révèle une profonde méconnaissance de son objet et de son fonctionnement[7]. Il est aussi absurde de vouloir démontrer l’existence ou non de Dieu par la Science. La Science ne donne qu’un modèle approximatif de la réalité, modèle dont son existence ne tient qu’à son efficacité à agir dans le Monde réel. Comme tout modèle, il nécessite au préalable des principes et des conventions. Si Dieu y est exclu par principe, comment voulez-vous démontrer quoi que ce soit ? Il est donc tout aussi absurde de vouloir opposer la Science et la religion comme il est illusoire de demander à la Science de prouver la religion !


Mais un modèle n’est valable que sous certaines conditions. Les théories de la physique quantique et de la relativité ont montré les limites de l’Univers de Newton, pourtant considéré comme des piliers de la connaissance. « Newton, pardonne-moi », aurait soupiré Einstein. Le XXème siècle a été probablement un siècle majeur dans la connaissance. La Science s’est de plus en plus éloignée de notre perception naïve de la réalité pour pouvoir se munir d’un modèle encore plus efficace. Le choc qu’ont provoqué les nouvelles théories a été pourtant salutaire. Il a été la cause d’une profonde réflexion sur la validité de la connaissance que peut apporter la Science par rapport aux autres savoirs. La Science ne peut guère désormais ignorer les enjeux philosophiques de ses théories comme la philosophie ne peut pas non plus se désintéresser d'elles. Comme l’art, elle est perçue comme une certaine vision du Monde mais contrairement aux autres savoirs, cette vision peut être invalidée par l’expérience. Elle ne prétend plus révéler la Vérité… Le savant est capable de Sagesse…





Références
[1] Newton dans sa correspondance avec Bentley du 25 février 1693, cité dans L'idée d'univers de la science classique à la cosmologie moderne, Bernard Coly (DEA, 2006). 
[2] Pierre Sagaut, Introduction à la pensée scientifique moderne, Institut Jean Le Rond d'Alembert, Université Pierre et Marie Curie, cours de culture générale, Licence, 2008-2009.
[3] E. Mach, La mécanique, exposé historique et critique de son développement, 1883.
[4] Pierre Marage, Relativité, mécanique quantique et ruptures épistémologiques
[5] Pierre Marage, Relativité, mécanique quantique et ruptures épistémologiques
[6] Jean-Paul Baquiast, Lagrange au secours de la cosmologie moderne, 13 février 2013.
[7]Cette question a fait l’objet de profondes réflexions au XXème siècle, donnant lieu à l’épistémologie. Cette nouvelle « science » est précieuse pour celui qui veut défendre la foi contre les scientistes.

vendredi 15 novembre 2013

Les Lois de Newton au-delà des formules

Quand nous étions au lycée, nous écoutions notre professeur de physique qui nous expliquait la mécanique classique. Puis nous avons appris à utiliser les lois de Newton pour déterminer les trajectoires de projectiles ou les contraintes exercées sur un corps. Tout nous semblait simple ou presque. Nous avions entièrement confiance en la Science qui nous dévoilait les lois de la Nature. Nous étions à l’école pour apprendre et nous écoutions. Aujourd’hui, après quelques années de recul, nous sommes probablement moins crédules et plus prudents. Les lois nous paraissent plus mystérieuses. Cet article et les suivants vont exposer quelques difficultés et nous allons en tirer des conclusions. Ils n’ont pas pour objet d‘effrayer les esprits non-scientifiques. 

Dans le précédent article, nous avons défini les lois de Newton qui fonde la mécanique classique. Elles sont apprises au lycée sous la forme mathématique. Leur utilisation permet rapidement de s’exercer sur des cas pratiques. Très anciennes, elles semblent aussi être très élémentaires. Mais est-ce vraiment simple de comprendre ce que signifient ces lois au-delà de l’aspect calculatoire qui peut dérouter bien des esprits ? 

Qu’est-ce que la masse ?

Les premières questions que nous pouvons nous poser se portent sur des mots en apparence très simples. Par exemple, qu’est-ce qu’une masse? Elle intervient dans toutes les formules. Elle nous est aussi familière. Prenons la définition que nous propose Newton : « je désigne la quantité de matière par les mots de corps ou de masse ». La masse mesure la quantité de matière. Qu’est-ce que la quantité de matière ? « La quantité de matière se mesure par la densité et le volume pris ensemble ». La première définition est littérale, la seconde, calculatoire.

Au sens calculatoire

Dans la définition calculatoire, la masse est le résultat d’une formule : masse = densité x volume Mais comment pouvons-nous définir la densité ? Elle est le rapport de la masse par le volume ! Nous retrouvons la notion de masse. Les définitions se renvoient alors les unes aux autres. Nous n’avançons guère. La notion de masse est en relation avec un autre concept lui-même indéfinissable par lui-même qu’est la densité. Les définitions sont cycliques. Nous tournons en rond. 

Nous pourrions aussi définir la masse en appliquant la deuxième loi de Newton, c’est-à-dire par un autre calcul : la division de la force qui s’exerce sur l’objet par l’accélération du mouvement de ce même objet. Au-delà de l’opération, nous constatons que la loi elle-même permet de déterminer des concepts qui sont censés pourtant l’expliquer. Ce sont des grandeurs commodes d’introduire dans les calculs. 

Au sens littéral

Prenons maintenant la définition littérale de la masse. Elle mesure « la quantité de matière » mais qu’est-ce que la matière ? Si elle est l’assemblage des particules qui la constituent, la masse d’un objet serait alors la somme des masses des particules le constituant. Le problème se complique. Qu’est-ce que la masse d’une particule ? Nous sommes encore plus perplexes car nous savons qu’il existe des particules sans masse pourtant bien matérielles ! Les mots nous échappent…




Pourquoi posons-nous tant de questions quand une simple balance électronique pourrait nous répondre immédiatement ? Erreur, la balance nous donne le poids de l’objet et non sa masse. En effet, le poids mesure l’intensité de l’attraction terrestre qui s’exerce sur notre objet. Votre poids est ainsi plus faible sur la Lune que sur la Terre sans cependant perdre de la masse. Mais selon la loi de gravitation universelle, il existe un rapport entre la masse d’un objet et son poids, ce qui signifie qu’à partir du poids d’un objet, nous pouvons sans difficulté déterminer sa masse. Nous revenons donc au problème précédent. Nous utilisons de nouveau les lois de Newton pour définir ce qui la constitue ! Avons-nous vraiment avancé ? Peut-être…

Une grandeur mesurable et calculatoire

Nous ne savons finalement rien de la nature de la masse. Les lois de Newton ne nous le dit pas. Cependant, ne soyons pas inquiets. Car le plus important pour le scientifique n’est pas de définir en soi la masse mais de fournir les moyens de la mesurer et de la manipuler. Les lois se rapportent en effet à une réalité expérimentale. 

Ainsi ce qui est important dans une loi ou une formule scientifique n’est pas le sens véritable des mots qu’elle emploie mais leur utilité. Ils doivent correspondre à des grandeurs mesurables et calculatoires. C’est tout l’intérêt des lois de Newton et la cause de leurs succès. Elles nous donnent les moyens d’agir efficacement sur la réalité.

Des notions internes aux lois qu’elles sont censées expliquer…

Les lois de Newton font introduire des notions dont les définitions nous échappent. Les mesures nous permettent néanmoins de contourner cet obstacle. Ainsi pouvons-nous les définir grâces aux mesures que nous pouvons effectuer. Elles nous rendent donc dépendantes des instruments de mesure et de leur précision. Elles nous obligent à ne saisir la réalité que par l’intermédiaire de ces outils. Le danger est alors de confondre la réalité avec le Monde mesurable. Ne serait réel que ce qui est observable...

Un autre problème nous attend. Pour mesurer ces « notions », nous devons faire appel aux lois elles-mêmes. Pour mesurer la masse d’un corps, il existe un dispositif appelé machine d’Attwood qui est une application pratique des lois de Newton. Mais « la machine d’Attwood ne nous apprend rien si nous ne savons rien de la mécanique newtonienne et que les concepts de force, de masse et d’accélération nous sont inconnus »[1]. Les outils restent dans un cadre newtonien. Finalement, il n’y a pas d’observation sans théorie scientifique. Les mesures nécessitent une interprétation dépendante des lois qu’elles sont censées justifier. 

Mais la réalité ne se laisse guère facilement observée. Pour obtenir des mesures, nous devons alors proposer des hypothèses au point que parfois, nous nous plaçons dans un monde idéal. Nous sommes loin de la réalité complexe dans laquelle nous vivons. 

Posons-nous encore une nouvelle question sur une notion fondamentale des lois de Newton…

Qu’est-ce que le mouvement ? 


Si vous êtes assis dans un train en direction de Paris, êtes-vous en mouvement ou non ? Si votre ami est dans le train assis à vos côtés, il dira que vous ne bougez pas. S’il est resté sur le quai de la gare, il confirmera que vous bougez effectivement. Un mouvement ne serait viable que par rapport à un objet de référence immobile. Ainsi nous parlons de mouvement relatif. L’étude d’un mouvement nécessite  un référentiel par lequel il est possible de le mesurer. 


Mais que se passerait-il si vous marchez dans le vide ? Vous saurez que vous êtes en mouvement car vous en êtes le moteur. Vous avez simplement conscience que vous marchez. Mais si nous marchons à vos côtés à la même vitesse, nous ne pourrons pas confirmer que vous marchez. Ce n’est donc pas le mouvement en soi qui est relatif mais bien la perception que nous avons du mouvement. Nous confondons alors mouvement et perception. 

Qu’est-ce que la perception d’un mouvement ? Il y a en effet deux façons de percevoir un mouvement : l’un plutôt subjectif, qui consiste à constater effectivement qu’un objet est en mouvement, l’autre plutôt objectif, qui consiste à évaluer ce mouvement à partir de grandeurs mesurables comme la vitesse ou la localisation de l’objet. Ainsi la perception est la connaissance que nous en avons par nos sens ou par des instruments de mesure. Elle nous permet de construire une image du mouvement effectif. Nous le modélisons au travers de cette image. Et pour cela, nous avons besoin d’un référentiel. Nos sens ont besoin d’un objet fixe pour percevoir le mouvement. Les grandeurs mesurables ont besoin d’un repère temporel et spatial. Nos modèles ne représentent donc pas le Monde mais ce que nous pouvons en percevoir en fonction d’un référentiel. 

Quand nous bougeons un objet, nous sommes certains de son mouvement quelque soit le référentiel car nous en sommes la cause. Nous sommes surtout conscients de nos gestes. Mais la théorie ne se préoccupe pas de ce que nous pouvons penser. Elle étudie l’objet sans prendre en compte de son degré de conscience. Par la pensée, elle extrait toute immatérialité de l’objet et du Monde. Elle ne se préoccupe que de la matière perceptible, c’est-à-dire mesurable, inconsciente. 

La question se complique quand nous songeons aux découvertes scientifiques. Car la Science sait que les grandeurs qu’elle utilise couramment, comme la masse, sont finalement immatérielles. Mais laissons encore de côté la physique quantique. 

S’il faut un référentiel pour modéliser le mouvement, existe-il un unique référentiel ? Évidemment non, il en existe une infinité puisque le mouvement d’un objet est perceptible du moment qu’il existe une autre qui ait un mouvement différent. La question que nous pourrions alors nous poser est de savoir s’il existe un référentiel absolu à partir duquel nous pourrions définir tout mouvement. Ce problème est très difficile. Il débouchera au XXème siècle sur la théorie de la relativité. 

Les lois que nous apprenons au lycée nous paraissent simples. La masse et le mouvement par exemple sont des notions simples en mécanique classique. Elles sont aussi intuitives. Pourtant, comme nous venons de le voir, leur définition n’est pas aussi simple. Ils deviennent même difficilement tenables lorsque nous nous posons quelques questions. C’est justement en se posant de bonnes questions sur ces termes que la Science s’est développée au XXème siècle d’une manière extraordinaire. D'autres notions aussi simples et intuitives que le temps et l’espace deviennent aussi très complexes quand nous les interrogeons. Au-delà des mots, il y a un sens à saisir. Or parfois, à force de les manipuler, nous finissons par les oublier et par leur donner vie sans même se poser de questions…

Des notions dépendantes d’un cadre spécifique

Les notions de mouvement et de masse, comme celles du temps et de l’espace, ne peuvent être guère compréhensibles dans d’autres théories que celles de Newton. Elles sont adaptées à ces lois et perdent tout sens en dehors. Ainsi la particule sans masse de la physique quantique n’est guère compréhensible dans la théorie de Newton. Les concepts prennent sens dans un cadre délimité par la théorie elle-même. « La masse newtonienne est une propriété d’un corps, alors qu’il s’agit d’une relation entre un objet physique et un système de référence chez Einstein » [1]. La théorie est close…

Certains notions sont partagées entre des théories mais leurs manipulations deviennent très complexes et floues. L’emboîtement des branches des sciences n’est pas si simple. La complexité est telle qu’il est bien illusoire de croire à une formule magique capable de tout décrire.

Des objets extraits de nos pensées…

Pour terminer cet article, posons-nous une dernière question. Imaginez que vous observez un lieu de très loin sans apercevoir ce qu’il s’y passe. Un de vos amis s’y trouve. Il est muni d’un détecteur qui vous permet de mesurer sa vitesse de marche. Le lieu est d’abord désert. Il marche donc selon une vitesse normale. Imaginons maintenant que votre ami rencontre des connaissances et comme il est bien élevé, il les salue avant de reprendre sa marche. Sa vitesse chute, devient nulle puis croît. Elle est désormais de 2 km/h. De votre lointain observatoire, vous ne pouvez que mesurer la vitesse de votre ami. Qu’allons-vous en déduire ? Que l’environnement a freiné le mouvement de votre ami. En parfait élève de Newton, vous conclurez donc que des forces se sont exercées sur lui, ce qui évidemment n’est pas le cas dans notre expérience « mentale ». Mais osons une autre suggestion. Et si le milieu dans lequel nous baignons interagissait avec nous ? En un mot, pouvons-nous dissocier l’objet de son milieu ? Ou encore, pouvons-nous croire que les grandeurs qui mesurent l’objet comme la masse par exemple sont indépendantes du milieu dans lequel il baigne ?...

En conclusion, une théorie modélise la perception que nous pouvons avoir du Monde selon la précision de nos instruments de mesure en vue d’agir sur la réalité. Elle se fonde sur ce qu'elle perçoit des éléments qui constitue le Monde et non sur ce qu'ils sont réellement. Dans ce modèle, ils sont aussi détachés du milieu dans lequel ils baignent. Les objets d'étude sont isolés du Monde. Est aussi considéré comme « valide » tout objet perceptible et plus précisément objet de mesure. Mais le Monde se réduit-il aux objets mesurables et aux limites de nos instruments de mesure ? Pouvons-nous isoler les objets du Monde dans lequel il vit sans biaiser notre regard ?

La physique classique issue des lois de Newton ne scrute finalement qu’un aspect du Monde et non la totalité de l’Univers, encore moins l’immatérialité. Son regard est biaisé. Par la nature même de ses principes, elle ne pourra pas nous faire connaître qu’une partie de la réalité et la déformer. Les réponses qu’elle pourrait apporter à nos questions ne pourront alors qu’être imparfaites et même faussées si ces questions portent sur l’Univers et la Vie. Et pourtant, en dépit des progrès considérables de la Science, la physique classique continue à façonner le regard de nos contemporains. Elle construit des modes de pensées qui les éloignent de la réalité et donc de Dieu. Elle construit de la naïveté et de la crédulité ! Sachons non pas rejeter la Science mais comprendre ses limites pour garder la pureté de notre regard…






[1] Introduction à la pensée scientifique moderne.

mercredi 13 novembre 2013

Dieu dans l'Univers de Newton ?

En proposant l’hypothèse d’un système héliocentrique, un Monde désormais centré sur le Soleil et non plus sur la Terre, le chanoine Copernic bouleverse les esprits. Le vieux système de Ptolémée n’est plus le seul capable de décrire l’Univers. Pire, il ne sauve plus les apparences. Il est aussi devenu terriblement complexe au cours du temps. Plus soucieux de simplicité et d’harmonie, l’héliocentrisme finit par s’affirmer au fur et à mesure des progrès de l’observation. Les principes antiques apparaissent également désuets. L’Univers n’est plus aussi harmonieux comme l’entendaient les anciennes cosmologies. La conception aristotélicienne du Monde est contestée. Un vif débat finit par diviser les esprits et les cœurs. Que choisir entre une conception ancienne de moins en moins défendables et le nouveau modèle si prometteur mais si révolutionnaire ? Newton est l’un des savants qui apporteront le coup décisif sur un système moribond, désormais incapable de « sauver les apparences ». 

Dans cet article et les suivants, nous allons étudier les lois de Newton et leurs influences sur notre manière de concevoir le Monde. Nous essayerons de rendre ces textes accessibles à tous. 

Le changement de conception de l’Univers est-il un danger à notre foi ?

Certains ecclésiastiques, dont des scientifiques, se sont opposés à l’héliocentrisme sous prétexte de défendre la foi. Cette opposition a conduit à l’affaire de Galilée [1]. Ils pensaient probablement que le christianisme et l’Église dépendaient de l’aristotélisme. Les discours de l’Église cadraient en effet parfaitement avec les cosmologies d’Aristote et de Ptolémée. Ils étaient même construits pour cela afin d‘être entendus dans une société qui vivait dans ce référentiel. Cependant, le christianisme et l’Église ne dépendent pas de ces modèles. Notre maître n’est ni Aristote, ni Ptolémée mais bien Notre Seigneur Jésus-Christ. 

Nous pouvons néanmoins comprendre l’inquiétude de ces hommes qui devaient se référer désormais à une autre conception de l’Univers. Est-elle toujours en accord avec la foi comme l’était le modèle de Ptolémée ? En outre, elle s’affirme au moment même où l’athéisme fait des ravages. Le temps n’est guère propice pour une telle révolution. Des esprits « éclairés » s’appuient notamment sur Newton pour rejeter un Dieu Créateur et une Providence divine. Les progrès scientifiques deviennent entre certaines mains des armes redoutables pour s’opposer à l’Église. Portés par des discours scientistes, ils éloignent les intelligences du christianisme. Elles abusent des découvertes de Newton pour montrer l’incompatibilité entre la foi et les sciences. Mais le système de Newton est-il vraiment opposé à notre foi ? La nouvelle science, porteuse de modernité, conduit-elle nécessairement à l’incroyance et à l’athéisme ? Allons plus loin dans notre questionnement. Soyons audacieux. N’apporte-t-il pas au contraire des motifs de crédibilité supplémentaires à notre foi ?

Le modèle de Newton

Isaac Newton

« J'ai donné dans les livres précédents les principes de la philosophie naturelle, et je les ai traités plutôt en mathématicien qu'en physicien, car les vérités mathématiques peuvent servir de base à diverses recherches philosophiques, telles que celles sur les lois des mouvements et des forces motrices. […] Il me reste à expliquer par les mêmes principes mathématiques le système général du monde »[2].
Au XVIIIème siècle, Newton a révolutionné la Science. Il a notamment posé le fondement de la physique classique en exposant les lois du mouvement des corps et de la gravitation universelle. Ces lois permettent d’expliquer bien des choses : la chute des corps, la trajectoire des projectiles, les mouvements des planètes, les orbites des comètes, les marées, et bien d’autres phénomènes.


Newton définit des lois qui décrivent le mouvement de tout corps en fonction des forces qui s'exercent sur lui. Les forces traduisent les actions que le corps subit. Quelles sont ces lois ? La première loi postule que : « tout corps persévère dans l'état de repos ou de mouvement uniforme [3] en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelque force [...] ne le contraigne à changer d'état ». En absence de force qui s’exerce sur lui ou de forces qui se compensent, un objet a deux positions : soit il est au repos, soit il se déplace selon une vitesse constante selon une trajectoire parfaitement rectiligne. Ce principe semble être conforme à notre expérience quotidienne. 

La deuxième loi est une extension de la première loi. Elle est liée à l'impulsion de mouvement subie par un corps. « Le changement du mouvement est proportionnel à la force motrice imprimée et se fait suivant la droite par laquelle cette force est imprimée ». L’accélération du mouvement est due à l'intervention de forces et sa valeur dépend de la masse de l’objet auquel elles s’appliquent. L’accélération est ainsi nulle si aucune force ne s’exerce sur le corps en question. Nous retrouvons la première loi.


Ainsi pour connaître le mouvement d’un objet, par exemple sa vitesse, sa trajectoire ou sa localisation à un instant donné, il faut déterminer l’ensemble des forces qui s’exercent sur lui. Connaissant sa masse, il est en outre possible de connaître son accélération et sa vitesse. Des formules mathématiques permettant de relier les différentes grandeurs. La connaissance de certaines permet ainsi d’en déterminer d’autres. 

Une troisième et dernière loi assure que l'action d'une force sur un corps doit nécessairement aboutir à une réaction de ce dit corps égale et contraire. Newton affirme que : « à toute action est toujours opposée une réaction égale ». 



Enfin, Newton définit une loi fondamentale : la gravitation universelle. Deux corps s‘attirent mutuellement, la force de l’attraction étant proportionnelle à leur masse. Le corps dont la masse est la plus grande attire l’autre. C’est pourquoi détachée de l’arbre, une pomme ne peut que tomber. Compte tenu du rapport de masse entre notre planète et le fruit, la Terre l’attire irrésistiblement vers elle. C’est l’attraction terrestre. La force gravitationnelle permet aussi de justifier l’héliocentrisme. En effet, compte tenu de leur masse, le Soleil attire la Terre et non l’inverse. Le Soleil ne peut qu’être au centre du système solaire.



Les principes révolutionnaires de la philosophie naturelle de Newton

Le titre de son ouvrage majeur, les Philosophiae naturalis principia mathematica, est révélateur. Newton énonce des principes mathématiques de philosophie naturelle. En un seul livre et de manière claire et sobre, il a reformulé toutes les connaissances sur les corps en mouvement en vue de présenter une explication du Monde.

Deux règles semblent suffire pour Newton. La première règle est celle de la simplicité : « il ne faut admettre de causes, que celles qui sont nécessaires pour expliquer les phénomènes. La nature ne fait rien en vain, et ce serait faire des choses inutiles que d’opérer par un plus grand nombre de causes ce qui peut se faire par un plus petit »[4]. Newton part du principe que les lois applicables aux corps terrestres sont aussi valables aux corps célestes : « les effets du même genre doivent toujours être attribués, autant qu’il est possible, à la même cause ». C’est un principe révolutionnaire ! Il établit des lois universelles qui régissent à la fois le Ciel et la Terre. Les lois qui permettent d’expliquer la chute d’une pomme s’appliquent aussi à la Lune qui tourne autour de la Terre. Ainsi, en étudiant les phénomènes ici-bas, le savant peut découvrir le mystère des astres. Ce principe peut alors conduire à une démystification du Ciel et à une mécanisation du Monde. Aujourd’hui, ce principe n’est plus valable. 

L’autre innovation de Newton est l’introduction de lois mathématiques dans l’explication du Monde. Il traite l'Univers non pas en physicien mais bien en mathématicien. Les lois sont explicitées sous forme de formules mathématiques capables de déterminer et de comparer des grandeurs telles que la vitesse ou la force. Ces lois ne permettent pas d’expliquer les raisons des phénomènes mais de les décrire et de les prédire par des calculs, ce qui permet ensuite de les modéliser. Les formules introduisent en outre des paramètres temporels. Par conséquent, ce modèle prend en compte le temps. Ainsi est-il possible de décrire le mouvement dans le passé, le présent et l’avenir. En clair, Newton construit un système déterministe et mécanique capable de décrire et prévoir des phénomènes naturels.

A l’origine, les lois de Newton n’apparaissaient pas sous la forme mathématique que nous connaissons actuellement. Elles sont l’œuvre de Pierre Varignon (1654-1722) qui, grâce aux travaux de Leibniz, introduit des notions indispensables pour traduire les lois en formules calculatoires.

Dieu est-il absent du modèle newtonien ? 


Newton a véritablement fondé la science moderne et plus précisément la mécanique classique. Et pourtant, Newton ne conçoit pas un Univers sans Dieu. Dans le modèle newtonien, Dieu maintient finalement le système dans un état stable. Newton suppose que Dieu intervient par exemple pour replacer une planète sur son orbite si elle l’a quitte ou qu'Il contrebalance la force de gravité pour éviter que les planètes ne tombent sur le Soleil.  « On voit que Celui qui a arrangé cet Univers a mis les étoiles fixes à une distance immense les unes des autres, de peur que ces globes ne tombassent les uns sur les autres par la force de leur gravité »[5].
Tel est donc le rôle que Newton donne à Dieu dans son ouvrage « on voit que Celui qui a arrangé cet Univers a mis les étoiles fixes à une distance immense les unes des autres, de peur que ces globes ne tombassent les uns sur les autres par la force de leur gravité »[6].

Essayons de mieux saisir sa pensée grâce aux lettres qu’il a pu échanger avec Richard Bentley, théologien anglais et chapelain de l'évêque de Worcester. Bentley lui pose une série de questions sur le rôle de Dieu dans son explication du Monde. Il juge en effet son rôle insuffisamment traité dans son ouvrage. 

Bentley interroge Newton afin d’organiser des conférences consacrées à la défense de la religion chrétienne et à la réfutation de l'athéisme afin de suivre les dispositions testamentaires de Robert Boyle. Les conférences doivent notamment démontrer que la science nouvelle, c'est-à-dire, la « philosophie mécanique », dont Boyle était un si ferme adepte, d'une part, et l’héliocentrisme, d'autre part, ne conduisent aucunement au matérialisme mais au contraire offrent une base solide pour le rejeter et le réfuter…

Bentley demande donc à Newton si effectivement sa cosmologie implique l’intervention de Dieu ou non. En quatre lettres, Newton développe donc le rôle de Dieu et précise sa pensée. Il démontre que son système implique l’existence d’un « agent intelligent » : « les mouvements que les planètes ont maintenant ne pouvaient pas provenir d'une cause naturelle seulement, mais [leur] ont été imprimés par un Agent intelligent »[7]. 

Carte galactique
Les lois de Newton expliquent le mouvement des corps célestes tel qu’il est observé mais elles sont incapables d’expliquer pourquoi telle planète tourne à telle vitesse, pourquoi elle est éloignée d’une telle distance du Soleil, etc. Ces paramètres calculables à un instant donné dépendent de ce que nous appelons les conditions initiales, c’est-à-dire de certaines grandeurs à l’instant t = 0, c'est-à-dire au commencement. Grâce à des formules mathématiques, nous pouvons tracer la trajectoire d’une flèche si nous connaissons sa position initiale et la force avec laquelle l’archer la lance au moyen de son arc. Tout mouvement est déterminé par des conditions initiales. Si la main de l’archer tremble, la flèche a une grande chance de ne pas atteindre sa cible. La loi permettra d'expliquer son échec sans pourtant en être la cause. Les conditions initiales étaient incorrectes pour que la trajectoire atteigne la cible. En clair, dans le modèle de Newton, les conditions initiales expliquent l’état de l’Univers. 




D‘où proviennent alors les conditions initiales ? Tout observateur peut admirer l’ordre apparent de l’Univers. Songeons à toute cette multitude de planètes, d’étoiles, de galaxies, etc. qui tournoient sans-cesse dans un ballet céleste. Songeons à cette diversité incroyable d’astres qui ne cessent de se mouvoir sans que ne surgisse le chaos. Tout cela est en effet parfaitement ordonné selon une seule et unique loi dans le modèle de Newton. Tout cet agencement incroyable provient de conditions initiales innombrables qui ne peuvent pas être indépendantes entre elles. Pouvons-nous alors croire que ces premières grandeurs résultent du hasard ? Des conditions initiales aléatoires conduiraient vite à un chaos innommable. Elles sont donc parfaitement arbitraires. « Les dimensions et les distances données des corps du système cosmique restent arbitraires : les planètes auraient pu être plus ou moins grandes, et être placées plus ou moins loin. Elles auraient pu, aussi, se mouvoir plus ou moins vite. Elles décriraient alors des trajectoires très différentes de celles qu'elles décrivent actuellement : des cercles, ou des ellipses très excentriques, elles n'en obéiraient pas moins aux mêmes lois » [8]. Elles ne peuvent donc résulter que d’un choix donc d’une intelligence capable de comprendre les lois qui régissent les corps célestes. Par conséquent, les conditions initiales ne peuvent pas provenir d’une cause naturelle. « [Le fait] de rapporter et d'ajuster ensemble toutes ces choses dans une si grande variété de corps indique que cette cause n'est pas aveugle et accidentelle, mais est très bien versée en mécanique et en géométrie » [9]. Par conséquent, le système de Newton implique une intelligence capable de fixer des conditions initiales.

Elle implique aussi une puissance capable de les appliquer à tout Univers pour parvenir à la situation que nous connaissons. Enfin, il n'y a pas de choix sans finalité. « La matière, soumise à la loi de la gravité seule, ne pouvait pas engendrer le système planétaire »[10]. Elle nécessite un « agent intelligent » tout-puissant. Telle est la conclusion que nous pouvons tirer des échanges épistolaires entre Bentley et Newton. « Ainsi donc, la gravité pourrait bien mettre les planètes en mouvement, mais, sans le pouvoir divin, elle ne pourrait jamais les mettre dans un mouvement circulatoire tel qu'elles en ont autour du Soleil ; et par conséquent, pour cette raison, ainsi que pour d'autres, je suis obligé d'attribuer la formation de ce système à un Agent intelligent ».

Les dangers et les limites du modèle de Newton

Le modèle de Newton pose quelques dangers. Pouvons-nous d’abord imaginer l’état d’esprit des savants qui découvrent les lois de Newton ? L’explication rationnelle de l’Univers leur semble désormais possible. Ils détiennent des lois rationnelles qui semblent régir et prédire le Monde. Certes dans le modèle de Newton, Dieu joue un rôle fondamental pour maintenir le système mais rapidement ses arguments s’effacent et finissent par être oubliés. En outre, ils font l’objet d’une vive controverse. On accuse de concevoir un Dieu incompétent ressort clairement de son livre. L'image d'un tel Dieu n’est guère soutenable. « Sir Isaac Newton et ses sectateurs, ont encore une fort plaisante opinion de l'ouvrage de Dieu. Selon eux, Dieu a besoin de remonter de temps en temps sa montre, autrement elle cesserait d'agir. Il n'a pas eu assez de vue pour en faire un mouvement perpétuel. Cette machine de Dieu est même si imparfaite selon eux qu'il est obligé de la décrasser de temps en temps par un concours extraordinaire, et même de la raccommoder comme un horloger son ouvrage, qui sera d'autant plus mauvais maître qu'il sera obligé plus souvent d'y retoucher et d'y corriger »[11]. Enfin, son ouvrage est insuffisamment clair et précis pour fournir des arguments solides. Ils seront en effet rapidement écartés. 

Un Modèle sans Dieu

Face aux discours scientistes, Dieu finit par disparaître de l’Univers newtonien. Selon Pierre-Simon Laplace (1749-1827), les lois de Newton sont suffisantes pour démontrer la stabilité du Monde. L’« hypothèse » d’un Dieu est devenue inutile. Le modèle suffit par lui-même. L’homme est désormais capable de se passer de Lui. Dans le modèle de Newton expurgé de Dieu se trouve probablement les germes des révolutions qui vont bouleverser la société et les esprits...


Pourquoi les scientifiques chercheraient-ils même à garder à Dieu une place dans un Univers aux lois si déterministes ? A quoi servirait Dieu dans leurs travaux ? Tout semble être déterminé grâce aux formules mathématiques … L’Univers mécanique de Newton fonctionne en effet merveilleusement. Au XVIIIème siècle, grâce à ses principes, Halley réussit à prévoir le retour de la comète qui porte son nom. Au siècle suivant, la planète Neptune est découverte par les calculs et non par l’exploration du ciel. La science déterministe triomphe…




Cependant le modèle newtonien pose quelques difficultés. 

En érigeant un Univers mécanique que dirigent des lois universelles et invariables, Newton a construit un Monde statique et donc éternel. Contrairement à ce que nous pourrions penser, ces formules sont intemporelles. Certes elles introduisent le temps mais non la durée comme nous l’explique Bergson. Tout se ramène en fait à l’espace.

En outre, Newton démontre que si l’Univers était fini, toute la matière finirait par se regrouper sous l’effet de la gravité. Newton propose donc dans son modèle un Univers infini, rempli d'un nombre infini d'étoiles, uniformément réparties dans l’Univers. Mais la simple observation de la nuit démontre son erreur. Car selon ce principe, la nuit serait alors lumineuse.

Le modèle de Newton est certes important pour déterminer et expliquer des mouvements mais ne peut expliquer la structure et l’organisation de l’Univers. Il est toujours utilisé mais il reste incomplet voire faux dans certaines conditions. Il ne parvient plus à sauver toutes les apparences. D’autres modèles sont apparus notamment pour déterminer la forme de l’Univers et prendre en compte les nouvelles observations du Ciel, de plus en plus précises. La réalité s’impose devant le modèle mathématique de Newton.

Contrairement à ce que nous avons pu penser, le modèle de Newton implique l’existence d’un « agent intelligent », tout puissant, à l’origine de l’Univers. Il implique un Créateur. Nous rejetons cependant l’idée d’un Dieu incompétent que semble présenter Newton dans son ouvrage. Nous pouvons regretter qu’il n’ait pas suffisamment approfondi sa pensée et de manière publique pour mieux définir le rôle de Dieu en tant que Créateur tel qu’il semble être défini dans sa relation épistolaire. Il pose néanmoins la question des conditions initiales qu’imposent les lois de Newton. Qui les a fixées et comment ?...





Références
[1] Voir Émeraude, octobre 2012. Trois articles sont consacrés à cette affaire. 
[2] Isaac Newton, Philosophiae naturalis principia mathematica, 1687. 
[3] Mouvement dotée d’une vitesse constante. 
[4]Livre III p. 2 dans l’édition de 1759 de la marquise de Châtelet cité dans Claudine Hermann, La traduction et les commentaires des Principia de Newton
[5] Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, T. II, 1759 dans La cosmologie cartésienne et ses conséquences
[6] Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, T. II. 
[7] Voir Newton, Galilée et Platon, rapport présenté au Congrès international d'Histoire des Sciences à Barcelone-Madrid (1-7 sept. 1959). 
[8] Voir Newton, Galilée et Platon
[9] Voir Newton, Galilée et Platon
[10] Voir Newton, Galilée et Platon
[11] Cité par Arkan Simaan, in L'image du monde de Newton à Einstein, Paris, Vuibert-Adapt, 2005, in L'idée d'univers de la science classique à la cosmologie moderne par Bernard Coly , Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2006.