" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 30 novembre 2012

La conquête arabe

La religion musulmane est la deuxième religion du monde. Depuis la péninsule arabique, elle s'est répandue en Europe, en Asie et en Égypte et ne cesse de croître encore. Et pourtant, nous savons combien la doctrine musulmane est contradictoire, difficilement accessible. D'où vient donc son succès ? Nous allons essayer de trouver des réponses dans l'histoire de cette religion, et plus particulièrement au temps de la conquête arabe. Car contrairement au christianisme, la religion musulmane s'est répandue essentiellement par les armes... 


Mahomet meurt en 632 à Médine. Depuis l'hégire, il a étendu sa domination sur toute la péninsule arabique. Il a soumis les Bédouins du Nord, quelques oasis syriennes, des cités arabes de la péninsule jusqu'au Yémen. Dès 629, il lance en vain une expédition au Nord. Mais, cette domination s'avère éphémère. En effet, dès la mort de Mahomet, elle s'effrite. De nombreuses tribus se révoltent. Soit elles rejettent l'islam, soit elles refusent de payer la « zakât », « l'aumône », à Médine. Certaines suivent même d'autres chefs religieux qui se présentent comme des prophètes. 

A la mort de Mahomet, Abu Bakr est élu calife, c'est-à-dire successeur du Prophète. Il est à signaler qu'aucune mention n'est faite ni dans le Coran, ni dans la Sunna, relative au califat. Les fonctions du califes, ses attributions, les modalités d'élection et de nomination sont assez vagues. Cela explique en partie les guerres civiles et les discordes qui ponctueront la succession des califats. 

Avant de mourir en 634, Abu Bakr désigne Omar comme successeur. Compagnon et ami de Mahomet, Omar règne dix ans avant d'être assassiné par un Perse. Une assemblée nomme Othman nouveau calife. Mais, certains musulmans considère cette élection comme un coup d'état, qui vise à empêcher la prise de pouvoir d'Ali, le gendre de Mahomet, l'époux de Fatima. Cela entraînera la scission des musulmans... 

Dès son élection, Abu Bakr affronte les révoltes arabes et unifie de nouveau la péninsule. Les tribus sont finalement réduites à l’obéissance par une série de batailles. Tous ceux qui refusent de se soumettre sont vaincus, voire massacrés. De nombreux compagnons de Mahomet meurent aussi dans ces combats. La paix revenue, il peut désormais se lancer dans de vastes expéditions. La conquête arabe progressera par voie de terre et de mer. Les conquêtes sont fulgurantes : Mésopotamie (632-642), Syrie (633-636) et Égypte (639-642). Les troupes du califes progressent selon deux axes : vers l'Ouest, ils affrontent les forces byzantines, vers l'Est, ils combattent les Perses... 

En 636, dans la bataille de Yarmouck, les forces byzantines sont écrasées. La province syrienne et la métropole Antioche se rendent aux vainqueurs sans combattre. Sous la direction du patriarche Sophrone, Jérusalem résiste et après un long siège, finit par se rendre en 638. Césarée est conquise en 640. Byzance est menacée en 673, et de nouveau en 718. Dès 639, les armées musulmanes se tournent, à l’Ouest, vers les provinces fabuleusement riches de l’Égypte. Alexandrie tombe en 642. L’avance continue vers l’Ouest : Tripoli est prise en 643, la côte atlantique du Maroc est atteinte en 681. La dernière ville impériale, Carthage, tombe en 698. Les musulmans tiennent alors tout le pourtour sud de la Méditerranée. Ils passent ensuite à l’Europe, et l'Espagne sera la nouvelle proie des musulmans. Gibraltar est atteint en 710. En 718, la quasi-totalité de la péninsule ibérique est aux mains des musulmans, à l’exception de la frange nord. D’Espagne, ils franchissent assez vite les Pyrénées. En 720, ils prennent Narbonne, en 725, Carcassonne et Nîmes, puis remontant le Rhône, ils parviennent jusqu’à Autun. Ils seront enfin arrêtés à Poitiers en 732. 

La progression vers l'est est plus rapide. En 637, Ctésiphon, la capitale de l'empire Perse, est prise. En 640, l'Arménie est conquise. En 656, successivement, les troupes du calife conquièrent l'Irak, l'Iran, l'Afghanistan et l’Azerbaïdjan. Puis, avec de nouvelles campagnes, ils soumettent l'actuel Tadjikistan. En 711, ils prennent d’assaut la ville de Daïboul dans le delta de l’Indus. Ils remontent ensuite la vallée de l’Indus, conquérant progressivement l’équivalent du Pakistan actuel. Ils atteignent Syr-Daria en 751... 




Dans les premières années de la conquête, les premiers califes ne semblent pas vouloir édifier un nouvel empire. Les attaques ressemblent encore à des coups de forces, faits de cruautés et de pillages. En dehors de quelques batailles décisives, les califes lancent des razzias, pillent et détruisent les campagnes. Faute d'armement adéquat, ils s'abstiennent d'abord à attaquer les villes qui s'abritent derrière leurs murailles. Les routes deviennent cependant dangereuses. Les villes sont alors isolées. Les arabes, « dont le glaive féroce, barbare et plein de sang » mènent la terreur. Les villages sont saccagés, les champs dévastés, le bétail enlevé. Les chrétiens s'enferment dans les villes, « enchaînés et cloués par la terreur des Sarrasins » (1). En 634, la région de Gaza jusqu'à Césarée est mise à sac et dévastée. On dénombre un massacre de 4 000 paysans chrétiens, juifs et samaritains. Dès 639, la peste et la famine sévissent. Les villes apeurées et affamées finissent pas négocier des redditions moyennant tribut. Elles payent leur protection. « Omar envoya Khaled avec une armée, dans la région d'Alep et d'Antioche. Ils y firent périr beaucoup de monde. Personne ne leur échappait. Quoiqu'on puisse dire des maux que la Syrie eut à subir, on ne pourrait les raconter à cause de leur multiplicité ; car les Taiyayê [les Arabes] étaient la grande verge de la colère de Dieu » (2). 

Cette situation est identique dans l'empire Perse. A Elam, la population est massacrée. A Suse, les notables sont passés au fil de l'épée. La population assyrienne est décimée ou réduite à l'esclavage. Ils « entrèrent dans le district de Darôn qu'ils saccagèrent, et où ils répandirent des flots de sang. Ils exigèrent des tributs et se firent remettre des femmes et des enfants » (3). Les monastères sont pillés, les moines tués, les monophysites massacrés ou asservis. Jusqu'en Arménie, ils portent avec eux « l'extermination, la ruine et l'esclavage » (4)... 

« Ce tableau général de dévastation, de ruines, de massacres et de déportation des populations captives des villes et des campagnes s'étendit sur tous les territoires conquis d'Asie, d'Afrique et d'Europe » (5).

Ces victoires rapides s'expliquent principalement par la désintégration des empires byzantin et perse. Les troupes du calife les attaquent au moment ils sont épuisés par les guerres et les crises internes. Vaincue par Byzance, la Perse est, dans la pire des confusions, les usurpateurs se succédant sur le trône. L'empereur byzantin Héraclius vieillissant a certes vaincu l'ennemi séculaire perse mais la lutte a été incroyablement dure. Alors qu'il voit la ruine de l’œuvre de sa vie, il se tient à l'écart de la conquête arabe. Puis à sa mort, en 641, le trône est l'enjeu d'une lutte familiale au moment où les Arabes attaquent l'Egypte. L'empire byzantin connaît surtout la division : les provinces orientales ne supportent plus Byzance. Ce sont finalement deux géants divisés et à bouts de souffle qui subissent l'assaut des arabes ... 

Face aux troupes arabes, la résistance est alors faible. Dans l'empire byzantin, les populations locales sont lasses de l'oppression religieuse et économique des empereurs. Les querelles religieuses n'ont pas cessé de diviser l'empire. L’Église byzantine chasse ou persécute les monophysites. En Perse également, les combats religieux ne sont pas rares entre le mazdéisme et les différents hérésies chrétiennes qui s'y sont réfugiés. Les arabes sont alors considérés comme des libérateurs. Certains chroniqueurs les considèrent d'ailleurs comme une secte chrétienne ou judaïsante. Le joug arabe est préféré à celui de Byzance... 

Les conquérants sont aussi aidés par le ralliement des nomades arabes qui s'étaient progressivement implantés dans les civilisations sédentaires. Des tribus, dont le rôle était de défendre les empires face aux expéditions des Bédouins, se rallient aussi aux troupes arabes. Les deux empires n'ont plus de défense. La désertion arrive parfois en plein combat. Lors de la bataille de Yarmouck, les Ghanassides, alliés des Perses, désertent et passent à l'adversaire. 

Sans cependant généraliser ces ralliements, il faut surtout retenir la passivité des chrétiens du Moyen orient et leur désaffection à l'égard de Byzance. Et point important, les conquêtes n'ont pas un aspect religieux. Elles ne sont pas considérées comme telles. On ne se bat pas pour Mahomet mais pour acquérir des richesses. « Leur but était moins la conversion des peuples à la nouvelle foi que la soumission de nouvelles terres et la domination sur les infidèles » (6). 

Mais, compte tenu de leur faible effectif et de leur inexpérience, les arabes sont incapables seuls de durer et d'occuper le terrain conquis. En outre, ce sont des nomades. Ils savent chevaucher et combattre mais ignorent la gestion des villes. L'occupation paraît alors légère, peu imposante. Les troupes et les fonctionnaires demeurent sur place pour faire rentrer les impôts. « Conscients de leur infériorité numérique, qui leur impose de rechercher l'adhésion des populations assujetties, ils se gardent au départ de mesures trop oppressives et s'efforcent même de prendre en compte l'aspiration des chrétiens à davantage d'autonomie » (7). Les communautés chrétiennes gagnent donc une certaine autonomie, notamment religieuse. Les arabes laissent aussi les chrétiens gérer leurs villes. Mais, ils ne cherchent aucune assimilation. Ils s'affirment comme les vainqueurs, rejetant toute équivalence entre musulmans et non-musulmans. Il y a bien une forte distinction entre vainqueurs et vaincus. En outre, les peuples conquis se voient offrir des traités de protection, qui leur garantissent la sécurité des personnes et de leurs biens, la liberté de culte et l'auto-administration. Les vaincus se rachètent en quelques sortes aux vainqueurs. Il s'instaure ainsi un droit particulier entre les conquérants et les occupants. 

Ainsi, les califes et leurs troupes ne semblent guère chercher à convertir les peuples qu'ils ont conquis. Ils veulent exploiter les richesses des civilisations tombées à leur merci. Les motifs de leur chevauchée semblent traditionnels des nomades arabes : le gain de l'appât, attisé par les difficultés des civilisations riches et par la faiblesse de la résistance. Leur conquête s'appuie en outre sur un climat de terreur qu'ils instaure de manière systématique et démesuré. La peur fait ouvrir les portes des villes. Leur victoire reposent aussi en grande partie sur la faiblesse de leurs adversaires, épuisés et divisés, et sur celle des populations locales, lasses de l'oppression. Les arabes ne sont pas des vainqueurs très présents et exigeants, compte tenu de l'absence d'effectif suffisant, d'une incompétence dans la gestion de villes. Ils sont même très habiles en mettant en place des traités conciliants et avantageux pour les vaincus. La conquête arabe est alors considérée comme étant acceptable par les populations locales... 


1. F.M. Abel, Histoire de la Palestine, Paris, 1952, cité par Bat Ye'or, Les chrétientés d'Orient entre jihad et dhimmitude, VIIe-XXème siècle, chapitre I, édition Jean-Cyrille Godefroy, 2007. 
2. Chroniques de Michel le syrien, cité par Bat Ye'Yor, Les chrétientés d'Orient
3. E. Dulaurier, Recherches sur la chronologie arménienne, 1859. 
4. Sépéos, fin VIIème siècle, cité par Dulaurier, Recherches sur la chronologie arménienne, 1859, dans Les chrétientés d'Orient
5. Bat Ye'or, Les chrétientés d'Orient, I. 
6. Georges Ostrogorsky, Histoire de l’État byzantin, chapitre II, 2, 1996. 
7. Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des chrétiens d'Orient, des origines à nos jours, édition Fayard., 1994.

lundi 26 novembre 2012

La scandaleuse affaire de l'homme de Piltdown

Quand un fait s'oppose à la théorie de l'évolution, rapidement, la communauté scientifique dénonce l'imposture avant même de l'étudier sérieusement. Mais, l'histoire montre aussi qu'un fait peut aussi être accepté très hâtivement quand il appuie cette théorie. Le scandale de l'homme de Piltdown en est un exemple flagrant. 
Les scientifiques ne sont pas en effet tous épris d'objectivité. Ils agissent aussi selon leurs préjugés culturels et parfois également selon la recherche de la gloire... 


Le 18 décembre 1912, le célèbre paléontologiste Woodward du British Muséum présente une découverte extraordinaire : l'homme de Piltdown. Il le considère comme le chaînon manquant entre l'homme et le singe. Il est en effet présenté comme un ancêtre directe de l'homme moderne et du singe. Son crâne est en effet semblable à celui d'un homme contemporain et sa mâchoire à celle d'un singe. Tout la communauté scientifique est en émoi. 

Certains scientifiques sont sceptiques. Il n'est pas conforme aux recherches et ne ressemblent guère à l'homme de Néanderthal qu'on venait de découvrir : la mâchoire est celle d'un homme, le crâne est proche du singe. Compte tenu de la renommée de Woodward, les sceptiques finissent toutefois par être ignorés. Puis, on élabore des théories complexes pour rendre compatibles l'existence des fossiles en apparence contradictoires. En outre, d'autres éléments appuient sa thèse. Au début de 1917, le Père Teillard de Chardin découvre un nouveau fossile confirmant l'homme de Piltdown. Les sceptiques deviennent rares. On érige même un mémorial à Piltdown. L’Angleterre, en pleine apogée, célèbre sa découverte. 

Néanmoins, au fur et à mesure des découvertes géologiques, l'homme de Piltdown devient de plus en plus un mystère étrange, invraisemblable. Avec de nouvelles méthodes de datation, on finit par découvrir dans les années 50 que l'homme de Piltdown est plus jeune que prévu, ce qui ne correspond pas à la chronologie de l'évolution. Il ne peut plus être considéré comme un chaînon manquant entre l'homme et le singe. Puis, des scientifiques indépendants du British Muséum peuvent enfin analyser les fossiles et découvrir la supercherie : l'homme de Piltdown était en fait constitué d'un crâne humain moderne et d'une mâchoire d'ouran-outang, teintés pour reproduire la coloration due au grand âge. La dent de singe découverte par Teilhard de Chardin n'est qu'une dent humaine, limée pour imiter l'usure des dents humaines. Les fossiles trouvés auprès du crâne et de la mâchoire venaient de Malte et de Tunisie. Ils ont été déposés auprès de l'homme de Piltdown pour confirmer son grand âge. Les scientifiques finissent par conclure à une fraude. En 1959, la datation au C14 évalue l'âge de l'homme de Piltdown à 500 ans. 

Nous ignorons qui sont les fraudeurs. De nombreuses enquêtes ont été menées pour découvrir le ou les auteurs de cette supercherie. Tous les protagonistes, sauf Woodward, ont été accusés. Gould, très renseigné sur cette affaire, soupçonne fortement le paléontologue qui a découvert les fossiles et Teilhard de Chardin. Mais « le mystère n'est pas de savoir qui est le véritable auteur, mais comment toute une génération de scientifiques a pu se laisser berner par une supercherie aussi évidente » (1). 

La fraude révèle en fait que « la science est une activité humaine mue par l'espoir, les préjugés culturels et la recherche de la gloire ». L'homme de Piltdown appuyait une thèse que beaucoup de scientifiques partageaient. En élaborant des théories, on tente d'expliquer les faits, d'en tirer un sens. Et on se sert des faits pour mettre à l'épreuve les théories. Mais, une fois qu'on opte pour une théorie, on a plutôt tendance à interpréter les faits comme des preuves de la théorie et à reconnaître ce qui s'y conforme. En outre, tous les fossiles d'hommes étaient découverts en Afrique ou en Asie, révélant que l'homme provenait de ces continents. Or, l'homme de Piltdown prouvait que l'homme venait probablement des îles britanniques. Il enorgueillissait l'Angleterre qui prouvait son ancienneté à une époque où elle dominait le monde. Puis, les paléontologues anglais ont manqué cruellement d'esprit critique. « On peut également penser que bien des scientifiques se sont laissés duper parce que l'idée qu'on puisse agir avec l'intention de tromper le public et les experts était totalement contraire à leur nature » (2). 

Nous pouvons encore mentionner d'autres mensonges qui montrent parfois les dangers des préjugés culturels. De tels dérapages ne sont pas en effet rares. En 2009, les médias annonçaient triomphalement qu'on avait trouvé le fossile « chaînon manquant » entre nous et un groupe de primate, la célèbre Ida. Google en avait fait un moment sa mascotte. John Hurum, paléontologue au Musée d'histoire naturelle à Oslo, acclamait cette découverte : « c'est le premier lien vers tous les humains ». Tout cela était faux. « Cette annonce était dénuée de toute réalité scientifique et relève d'une opération de communication sans précédent » (3). Une nouvelle inconsistance scientifique... Certes, des scientifiques ont vite déclaré l'imprudence d'une telle déclaration, mais la propagande darwiniste a rapidement fonctionné... 

Soyons prudents. Les supercheries, les fraudes et les acclamations intempestives ne sont pas rares pour justifier ou attaquer l'évolutionnisme. En aucun cas, ils ne doivent fournir des prétextes à un refus de la science ou à sa dérision, mais plutôt nous montrer combien les résultats scientifiques nécessitent de la prudence et d'esprit critique. Ils ne sont pas exempts d'erreurs et de manipulations. Quand une science est mêlée d'idéologie, ces erreurs sont très certainement plus fréquentes...


1. Gould, La souris truquée, cité dans www.sciencespresses.qc.ca
www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/piltdown.html. 
3 Vivane Thivent, le 20 mai 2009, dans www.universcience.fr

vendredi 23 novembre 2012

Le mystère des dinosaures

Acambaro est une région aride du Mexique. En juillet 1944, Waldemar Julsrud y découvre des pierres taillées et des céramiques. Amateur en archéologie et en cultures indiennes, il comprend rapidement qu'il est devant une découverte archéologique extraordinaire (1)... 

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Julsrud engage alors un paysan mexicain pour qu'il fouille le site où les figurines de céramique ont été trouvées, et pour qu’il lui rapporte intact tout objet similaire, moyennant quelques pesos. Il rapporte des brouettes pleines de poterie de céramiques et de pierres. Les objets sont faits d’argile et de pierre, et leur taille varie de quelques centimètres à moins d'un mètre. La collection comporte plus de 30 000 objets et ne contient aucune réplique. Chaque figurine d’argile est unique, réalisée sans moule, selon la méthode du « feu ouvert », modelée avec talent et décorée avec soin

Les objets laissent entendre que la région d’Acambaro était autrefois couverte de forêts, bien différente de la vallée sèche qu’elle forme aujourd’hui. Les géologues ont en effet découvert que la vallée était autrefois occupée par un grand lac, il y a environ 5 000 ou 6 000 ans. Le site où l’on a découvert les figurines était autrefois au bord du lac. La faune, les plantes, les arbres et les fleurs dessinés sur les pièces représentent l'ancien paysage. Parmi les figurines, se trouvent des animaux aujourd'hui disparus, notamment un dromadaire américain et des chevaux de l’époque glaciaire, ainsi que de rhinocéros d’espèces éteintes. Des dents ont été retrouvées près des céramiques. Elles seront identifiées comme des dents d'un cheval éteint qui avait vécu durant l’époque glacière. 

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La collection de Julsrud comporte des pièces exceptionnelles. Elles comprend des centaines de figurines représentant des dinosaures dont des espèces presque totalement inconnues au public à l'époque de la découverte, comme le brachiosaure ou l'iguanodo. Or, pour les sculpter si précisément et si finement, les auteurs de ces sculptures devaient connaître les dinosaures. « N’importe qui croirait que ces grands sauriens n’ont pu être créés que par des artistes disparus depuis longtemps et qui les connaissaient bien » (2). Des figurines représentent des hommes avec des dinosaures. Julsrud émet alors l'hypothèse que la civilisation qu'il venait de découvrir connaissait réellement les dinosaures. 

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Mais l'hypothèse est irrecevable. Selon la chronologie des espèces unanimement reconnue, les hommes n'auraient jamais pu rencontrer des dinosaures. Ces derniers ont disparu il y a environ 65 millions d'années. Or, l'homme est apparu, selon toujours cette chronologie, bien après, il y a au plus 100 000 ans. La découverte de Julsrud est donc révolutionnaire. Des enquêtes sont alors menées sur place. 


En 1953, l'archéologue américain Charles Corradino di Peso (1920-1982) affirme dans son rapport que : « notre investigation a prouvé de manière concluante que les figurines ne sont pas préhistoriques et qu’elles n’ont pas été faites par une race préhistorique supérieure associée aux dinosaures » (3). La découverte de Julsrud ne serait donc qu'une supercherie. L'autorité locale d'Acambaro fait à son tour une enquête et réfute les allégations de Charles Dipeso. En 1954, la controverse atteint son point culminant. Les archéologues officiels du Mexique décident à leur tour d’enquêter. Ils découvrent eux-mêmes des figurines en présence de témoins. Mais, dans un rapport, ils déclarent que ces figurines ne peuvent qu'être fausses, compte tenu de la présence de dinosaures parmi les représentations. Les faits contredit la théorie donc les faits sont faux ! ... 


En 1955, Charles Hapgood, professeur d’histoire et d’anthropologie à l’université du New Hampshire, mène une nouvelle enquête très détaillée sur la collection d'Acambaro. Il fait à son tour de nouvelles fouilles et découvre encore des figurines, y compris sous une maison construite en 1930. Il fait tester trois échantillons par la méthode de datation C14 (4), méthode encore toute récente. Les dates fluctuent entre 4 530 et 1 110 avant J.C. Deux de ces échantillons sont envoyés en 1972 à un autre laboratoire qui, par une autre méthode, les date à 2 700 avant J.C. avant de se rétracter. Des fragments de céramiques sont enfin envoyés à un laboratoire d'archéométrie nucléaire qui les date à 2 000 ans au moins. Enfin, une équipe d'universitaires, experts en céramiques, ne croient pas que les objets qu'on leur présente peuvent être fabriqués dans les temps modernes, encore moins par des amateurs. 

Aujourd'hui, les figurines d'Acambaro sont considérées par la plupart des scientifiques comme des faux. Ils reprennent généralement les arguments de Charles di Peso (5). Julsrud est présenté comme un marchand d'art et non comme un archéologue. Or, en 1923, il a déjà co-découvert la culture chupicuaro, inconnue jusqu'alors., proche d'Acambaro Il connaît aussi les différentes cultures indiennes. Certes, il ne se préoccupe guère des modalités de la fouille, en effet très peu sérieuses, et fait entièrement confiance à un paysan qui lui apporte des pièces en échange d'argent. C'est pourquoi généralement on attaque sa méthode et on suggère que les Indiens ont agi par intérêt. On discrédite aussi l'ancienneté des figurines. Elles ne présentent aucune trace d'usure, aucune incrustation de saleté, aucune cassure. De même, la fosse qui contenait les figurines semble avoir été récemment creusée. On fait également appel à des experts en cultures amérindiennes qui reconnaissent que les figurines ne ressemblent guère aux civilisations antiques connues. Mais, surtout, on a trouvé des familles indiennes capables de fabriquer de telles figurines ou de graver des pierres pour les vendre à des touristes. Elles étaient probablement inspirées par des films passant au cinéma d'Acambaro, et ce depuis 1944. Enfin, tout en exposant les limites de la datation du carbone C14 (6), on justifie une date récente par une autre méthode de datation... 


Mais, comment pouvons-nous croire que des indiens non spécialistes puissent représenter autant de dinosaures dont certains leur étaient inconnus ? Face à une telle collection de dinosaures, nous nous posons quelques questions simples : les indiens mexicains d'une région désertique, connaissaient-ils autant de dinosaures et d'une manière si précise, et étaient-ils capables de fabriquer de telles figurines en aussi grand nombre, selon la méthode du feu ouvert ? Que pouvaient-ils savoir en effet des dinosaures à cette époque ? Certes, l'imagination ou le cinéma peuvent tout expliquer mais nous pouvons légitimement rester sceptiques... 

Et si cette découverte était une supercherie, elle semble être extrêmement travaillée et naïve en même temps. Imaginons le travail pour façonner plus de 30 000 figurines selon une méthode qui nécessite aucun moule. Nous sommes aussi émerveillés par la beauté de ces pièces. C'est du travail précis et bien fait. En un mot, de l'art. Pourquoi un faussaire voudrait-il offrir des figurines représentant des dinosaures et des hommes quand le monde cultivé savait que cela était impossible ? … 

Stégano à Angkor
Quand nous avons découvert cette histoire, nous avons essayé de l'approfondir pour mieux juger de sa véracité, et nous avons rencontré d'autres surprises : les figurines d'Acambaro ne seraient pas les seules qui pourraient remettre en cause les chronologies officielles sur les dinosaures. Nous pourrions citer les pierres d'Ica au Pérou classées aussi comme une imposture. 11 000 pierres portent des gravures représentant des espèces disparues, dont certaines demeurent inconnues pour des non-spécialistes et d'autres ont été récemment découvertes. Sur certaines pièces, des hommes combattent des dinosaures. Mais, le fermier qui a fait la découverte a avoué en être l'auteur. A Serre-Brigoule, en France, on aurait trouvé des silex gravés de dinosaures. Dans la grotte de Bernifal, située en Dordogne, parmi les 110 gravures et rupestres, on pourrait découvrir un dinosaure en train de combattre un mammouth. Au Zimbabwe, des dessins dans un grotte représenteraient de manière précise des éléphants et d'autres animaux actuels, et un brontosaure. A Angkor, au Cambodge, un stégosaure apparaîtrait sur une représentation. Il existerait aussi des sceaux antiques représentant des dinosaures... Tous ces faits sont-ils des supercheries ? … Peut-être … Mais, l'histoire encore récente montre qu'on peut encore découvrir des animaux préhistoriques, pourtant considérés comme disparus (cœlacanthe, sphénodon)... 


Coelacanthe

Si ces faits sont véritables, cela signifie que les hypothèses actuelles sur la chronologie des espèces sont erronées. Ils remettent donc profondément en cause les méthodes de datation, ou plutôt les principes qui les fondent. Et, comme nous l'avons vu dans les articles précédents, ils méritent en effet un nouvel examen sérieux. Or, la première et seule réaction de la communauté scientifique face à ces découvertes est de les renier systématiquement, parfois de manière hâtive, sur la base seule des hypothèses actuelles. Les faits ne peuvent pas contredire les théories, donc les faits sont faux ! Heureusement, certains scientifiques et journalistes tentent de comprendre et finalement osent dire ce que peut-être beaucoup de scientifiques pensent : les hypothèses sont peut-être simplement fausses... 


Sphénodon



1. Dennis Swift, créationniste, « Les dinosaures d'Acambaro », CEP n°27 et 28, 2ème trimestre 2004, le-cep.org.
2. Lowell Harmer, journaliste américain, qui inspecta la collection, Los Angeles Times (25 mars 1951). 
3. Charles Dipeso, The Clay Monsters of Acambaro, Archaeology (été 1953), p.111-114, cité par CEP n°27. 
4. Contrairement à l'article CH710.2, il est pertinent de dater des céramiques en carbone 14, cf http://www.kikirpa.be
5. Revandication CH710.2, http://www.talkorigins.org
6. On date l'argile et non la figurine en elle-même. Il est donc possible d'utiliser une argile ancienne pour en faire aujourd'hui une figurine.

mercredi 21 novembre 2012

Principes d'identité paléontologique

Selon le principe d'identité paléontologique, deux couches qui renferment les mêmes fossiles sont considérées de même âge. L’application de ce principe suppose que le fossile considéré n’existe que dans la couche à dater, ni au-dessus, ni au-dessous. Il doit s’agir d’une forme repère limitée à un niveau donné. On appelle ce type de fossiles, du fait de leur utilité pour classer les strates, un fossile stratigraphique. Nous reformulons alors le principe : deux couches contenant les mêmes fossiles stratigraphiques ont le même âge. Nous retrouvons donc la paléontologie et l'importance des fossiles dans la datation... 

Dans la mesure où la Terre garde son histoire sous forme de fossiles, ils sont utilisés pour dater de manière relative les terrains. C'est le rôle de la biostratigraphie. Elle cherche en effet à dater les couches à partir des fossiles, et plus précisément par le degré de développement atteint par les organismes découverts. Selon des géologues du XIXème siècle, la vie a progressé du plus simple au plus compliqué. Les créatures simples se sont alors complexifiées progressivement au fur et à mesure de leurs transformations. Ainsi, en quantifiant la variabilité des espèces représentées par les fossiles et en les comparant, il est possible de dater de manière relative les fossiles et par conséquent les couches terrestres. En conclusion, l'évolution biologique des espèces est une sorte de chronomètre... 

Nous voyons donc que la biostratigraphie s'appuie sur la théorie de l'évolution, mais surtout sur un présupposé : le progrès constant de l'organisation des vivants. S'il y a évolution, il y a assurément progrès. Nous retrouvons l'idée que par l'évolution, les organismes obtiennent de nouveaux organes et donc de nouvelles fonctions, toujours dans le cadre d'une amélioration. Il y a bien ajout d'une fonctionnalité dans l'être vivant et par conséquent une complexification de son organisme. Or, nous rappelons que la génétique a montré que les mutations n'ont aucune finalité. Il n'y a pas non plus nécessairement complexification. 

Le principe d'identité paléontologique pose deux limites de validité (1). Il existe des fossiles spécifiques à des conditions écologiques particulières. Par conséquent, il faut retrouver des conditions identiques pour pouvoir comparer des fossiles. Or, il est difficile de connaître ces conditions dans un passé aussi lointain, conditions que les couches terrestres n'enregistrent pas. Il existe aussi des fossiles qui sont spécifiques à des régions. Il n'est donc pas possible de comparer des régions différentes selon les fossiles. Enfin, il ne faut pas oublier la migration de la faune. Des fossiles peuvent ne plus être présents dans une couche régionale pour la simple raison que les organismes correspondant l'ont quittée. Il n'y a pas disparition mais migration... 

Un fossile stratigraphique est intéressant s'il satisfait aux critères suivants : répartition géographique étendue, grande fréquence des fossiles et existence courte dans le temps. Il est alors typique d'une formation sédimentaire et sa présence permet de caractériser l'âge d'un gisement. Or, les scientifiques sont confrontés à deux problèmes : la rareté des fossiles et les problèmes temporels et spatiaux des lignages. 

Rareté des fossiles 

Les traces que laissent les créatures vivantes sont rares. La plupart du temps, les restes des créatures mortes sont détruits pour de multiples raisons. Un cadavre ou un débris d'êtres vivants laissés à la surface du sol ou de l'eau se décomposent rapidement. Pour qu'il devienne un fossile, il faut qu'ils soient soustraits à l'action des prédateurs et à celle des organismes susceptibles de les détruire comme les bactéries. Ils doivent donc être rapidement ensevelis pour être à l'abri de l'air. Dans un petit nombre de cas, un faisceau de conditions particulières permet leur conservation. 

Les meilleurs agents de fossilisation sont le gel rapide, l'enfouissement rapide dans des tourbières, dans les cendres volcaniques ou dans l'ambre jaune, ou enfin, la minéralisation des tissus organiques qui nécessite un enfouissement très rapide par des sédiments. Ainsi, de nombreux mammouths ont été retrouvés gelés en Sibérie, conservés intacts (2). Un homme a été trouvé congelé dans un glacier (3), un autre dans une tourbière au Danemark (4)... Dans tous les cas, il faut un enfouissement rapide. C'est pourquoi seules des catastrophes de grande ampleur pourraient expliquer l'accumulation de nombreux fossiles, notamment dans la région du Colorado, où trois cents dinosaures ont été retrouvés entassés au même endroit. 

Ensuite, la fossilisation dépend de la nature de la créature. Si l'animal est mou sans squelette, il n'en restera rien sauf dans le cas exceptionnel où le sédiment durcit rapidement. En outre, la seule possession du squelette ne permet que de caractériser la morphologie de l'organisme et certains caractères comportementaux. Par ses dents, il est possible de supposer s'il est végétarien ou carnivore. Mais comment pourrons-nous savoir s'il allaite, pond des œufs ou met bas ses progénitures ?... 

Dans le cas des vertébrés, les fossiles sont assez rares car leur corps souvent de grande taille doit être enfoui relativement rapidement pour être conservé. Ils sont quasiment inexistants pour les oiseaux. Les fossiles les plus courants sont donc ceux de créatures marines, comme les mollusques (coquillages), ou de petites tailles. Finalement, il existe très peu de fossiles (20 % du nombre d'espèces vivantes, 6 % du nombre d'espèces connues.) 

En conclusion, le principe d'identité paléontologique n'est pas évident à mettre en œuvre. Il semble bien fonctionner pour les micro-fossiles et très rarement pour les macro-fossiles. « Si l'on ne dispose pas de cas aussi clairs pour les organismes plus grands, c'est essentiellement en raison de la rareté des fossiles macroscopiques par rapports aux fossiles microscopiques : les organismes macroscopiques sont fondamentalement moins abondants que les micro organismes, leurs milieux de vie sont, pour beaucoup, moins propices à la fossilisation, etc. C'est l'une des raisons pour lesquelles, en général, l'ancêtre commun de deux espèces est présenté comme « virtuel » » (5). Les ancêtres communs représentés dans un arbre phylogénétique sont donc bien hypothétiques et non une réalité. 

Certains évolutionnistes justifient alors le manque des organismes intermédiaires en évoquant l'impossibilité d'obtenir aisément des fossiles. Nous pourrions suggérer une autre hypothèse aussi plausible : ils n'existent pas tout simplement... 

Problèmes temporels et spatiaux liés au lignage 

Les données paléontologiques montrent souvent que l'apparition d'un nouveau groupe d'organismes, ou d'une nouvelle espèce, s'effectue par scission d'une population ou d'un groupe en deux sous-ensembles, pouvant ensuite évoluer indépendamment et se scinder à leur tour. Partant d'une espèce initiale, un groupe pourra se diversifier en plusieurs espèces. Au cours de cette diversification, une nouvelle espèce peut coexister, dans le temps et dans l'espace, avec l'espèce dont elle dérive et avec les autres espèces nouvellement apparues dans le groupe. Ainsi, plusieurs espèces de même lignée peuvent coexister. Il est donc difficile de caractériser une couche par un fossile représentant une espèce à une époque donnée. Cette hypothèse serait réaliste si l'espèce primitive était isolée de l'espèce dérivée et cela de manière géographique. L'isolement géographique est donc une condition nécessaire. Comment pouvons-nous en effet croire à une absence de chevauchement temporel et spatial entre deux espèces ? 

De même, une espèce dérivée peut fort bien disparaître avant l'espèce primitive dont elle s'est différenciée, un phénomène que l'idée de progrès évolutif rejette a priori. Selon le néodarwinisme, seule l'espèce la plus adaptée à son milieu survit et l'adaptation nécessite son évolution. Nous en déduisons que l'espèce dérivée survit alors que l'espèce primitive disparaît. La logique est implacable. Mais, est-ce la réalité ? 

Finalement, la corrélation entre la présence d'un fossile dans une couche et l'ordre chronologique entre les espèces par leur lignage est une hypothèse audacieuse. Elle est certes possible, mais n'est pas démontrée. Le principe d'identité paléontologique n'est donc pas une garantie de la chronologie relative entre les couches... 


1. Cours de Deug sur la géochronologie, www.geologie.free.fr
2. Futura-sciences.com du 13 juillet 2007. 
3. Il a été retrouvé entre l'Italie et la Suisse, en 1991. On l'a appelé Otzi. Il a été estimé à plus de 4 500 ans. Wikipédia
4. Homme de Tallund, estimé au moins 2 000 ans. Wikipédia
5. Cyril Langlois de l'ENS Lyon, Olivier Dequincey de l'ENS Lyon, L'Évolution montrée par les fossiles, mars 2007.

lundi 19 novembre 2012

Superposition et horizontalité

Selon le principe de superposition, les couches sédimentaires se sont déposées les unes sur les autres. L'ordre de succession de ces couches correspondrait donc à une ordre de succession chronologique. Toute couche est considérée comme plus veille que celle qui la recouvre. Ce principe nous paraît sensé. Les scientifiques en déduisent donc une datation relative des couches ou un ordre chronologique. Pour appliquer ce principe, nous devons aussi croire que les sédiments se sont déposés et ont formé des couches horizontales à l’origine et qu'aucune déformation notable ne soient venue perturber l’ordre initial des couches. Les principes de superposition et d'horizontalité sont donc dépendants. 

Faisons encore un peu d'histoire. En effet, les sciences sont lourdement tributaires de l'histoire. Elles peuvent être incompréhensibles si nous oublions leur genèse. D'où viennent ces principes ? Les premiers à avoir énoncé le principe de superposition seraient Sténon (1) (1638 – 1687) Selon leur théorie, les sédiments provenant d'une érosion se déposent strate après strate, couvrant toute étendue immergée, de façon horizontale. Ce principe ayant été admis depuis le XVIIème, aucun scientifique n'a cherché à le vérifier en laboratoire jusqu'au jour où un polytechnicien Guy Berthault a eu l'idée de se lancer dans cette entreprise. Des observations sédimentologiques contemporaines semblaient contredire les affirmations de Sténon. 

Le processus sédimentologique se constitue de trois étapes : l'érosion, le transport des sédiments ainsi créés et le dépôt des sédiments, qui donnera naissance à une couche. Selon Berthault, Sténon n'a considéré que la troisième phase. Les sédiments se déposent au fur et à mesure les uns sur les autres, donnant ainsi un ordre de chronologie mais sans considérer le transport. Pourtant, les sédiments se déplacent, emportés par un liquide avec une certaine vitesse de courant. Sténon a donc implicitement considéré que la vitesse de transport était nulle, ce qui paraît peu concevable ou réducteur selon Berthault. Ce dernier a donc étudié le dépôt des sédiments avec une vitesse non nulle de transport. Il intègre donc dans sa simulation la chronologie des courants. Le principe de Sténon apparaît alors caduque. 

Berthault ne fait pas que constater le principe réducteur de Sténon. Il met en place des expériences pour étudier davantage la stratification, notamment en prenant en compte la granularité des sédiments. Son programme comprend des expériences avec des professeurs d'hydrologie et de sédimentologie. « C’est un travail original qui remet en question quelques principes fondamentaux de la stratigraphie : nous vivons en ce domaine sur de vieux concepts ; l’auteur de la note reprend l’examen de la question par la méthode expérimentale, ce qui donne une grande force à ses assertions » (2). Ses résultats ont donné lieu à des publications et à de nombreuses conférences. 

Finalement, Berthault en conclut que « les strates superposées ne sont pas […] nécessairement le résultat de couches successives. Ces expériences en canal démontrent que le postulat de Sténon […] et son principe de superposition ne sauraient s’appliquer qu’au seul cas d’absence de courant ». Il en déduit donc que « les principes de datation sur lesquels se fonde l’échelle des temps géologiques sont à remettre en question ». 

Ses recherches et ses conclusions ont été vivement remises en cause. Nous avons trouvé un article critique de référence (3). Il attaque la prétention de ce polytechnicien non scientifique qui ose croire que des géologues ont pu se tromper depuis des siècles. « Pendant plus de quinze ans, un pseudo-géologue (chef d'entreprise de son état) aura accompli l'exploit de faire applaudir, dans des congrès nationaux et internationaux, des élucubrations "géologiques" visant à démontrer que tous les géologues, paléontologues et sédimentologues "d'antan" n'étaient que des ânes et que la théorie de l'évolution, née de leurs cerveaux égarés, allait incessamment s'écrouler devant ses découvertes révolutionnaires ». Puis, il remet en cause la portée de ses expériences. Comment des strates de quelques millimètres dans une éprouvette pourrait expliquer la création du monde ? Il en conclut à la malhonnêteté de Berthault. Il aurait en effet associé des autorités incontestables à des expériences de peu d'envergure, donnant alors à ces dernières une renommée incontestable. Puis, il lâche le dernier argument : Berthault est un créationniste. Comment pouvons-nous donc lui faire confiance ?! Ses études auraient été biaisées par sa foi. Son intention serait de concilier la Bible avec la science. Ainsi, il tenterait de remettre en cause la théorie d'évolution en s'attaquant aux principes de la stratigraphie. Finalement, l'auteur de l'article le traite d'imposteur... 

Il n'est ni de notre compétence, ni de notre intention de vérifier si Berthault est un imposteur ou non. Nous voulons simplement montrer que le bon sens n'est probablement pas gage de vérité. Il peut être simplement réducteur d'une réalité plus complexe. Il est donc important de justifier régulièrement sa véracité. Nous sommes en outre étonnés par les critiques formulées contre Berthault. Rappelons ces motifs. Ils sont en effet révélateur d'un état d'esprit... 

1. On ne peut pas remettre en cause un principe à cause de son ancienneté et de son usage par des scientifiques de renom depuis des siècles. Galilée serait certainement furieux d'entendre un tel argument. 

2. Une personne n'appartenant pas officiellement à la communauté scientifique ne peut pas non plus prétendre énoncer des hypothèses scientifiques. On oublie vite que la génétique et la théorie tectonique des plaques proviennent d'hommes qui n'appartenaient pas à la communauté scientifique concernée. 

3. Puis, raison suprême du dénigrement du travail de Berthault, il est chrétien et croit à la Sainte Écriture ! Si on est croyant, on n'est pas sérieux. Nous pouvons en effet légitimement penser que la théorie de Berthault est inspirée par sa vision du monde, elle-même inspirée par sa foi, mais nous pouvons aussi penser que la théorie évolutionniste est aussi biaisée par une certaine vision du monde. Il est donc malhonnête de vouloir refuser à l'un ce qu'on accepte à l'autre. Il est aussi intéressant de rappeler que Cuvier, le fondateur de la paléontologie et un des grands géologues, serait considéré aujourd'hui comme un homme peu sérieux ! Or, sans lui, que seraient la géologie, l'anatomie comparée et la paléontologie ? 

Mais, dans cet article virulent, a-t-on un argument scientifique pour s'opposer aux conclusions de Berthault ? Aucun... Cela ne fait guère avancer la science !... 

Cet article dénigrant Berthault est exemplaire. Nous avons, de manière caricaturale, les réponses des évolutionnistes face à des arguments qui peuvent discréditer la théorie d'évolution. Nous pouvons néanmoins souligner la pertinence de son auteur. Il sait que remettre en cause le principe de superposition, c'est aussi remettre en cause la datation relative des strates et par là, la théorie d'évolution elle-même. Car le temps est fondamental dans l'évolutionnisme. Mais, au lieu de s'opposer à l'auteur et à ses convictions, n'est-il pas plus pertinent de vérifier, de manière scientifique, les conclusions de Berthault ? Il est peut-être temps de revoir la vraisemblance des principes de superposition et d'horizontalité qui datent du XVIIème siècle... Car Bertault n'est pas le seul à le remettre en question... 


1 Du vrai nom Niels Stelsen, bienheureux, anatomiste, géologue et évêque danois. 
2 Jean Piveteau, président de l'Académie des sciences et paléontologue de renom, cité dans Les principes de datation géologique en question de Guy Berthault dans Fusion, n°81, mai - juin 2000. 
3 Valérie Lecuyer, article Jean Dubessy et Guillaume Lecointre, Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences, Paris, Syllepse, 2001, 2° édition 2003.

vendredi 16 novembre 2012

Uniformitarisme et catastrophisme

Les principes de la stratigraphie

La Terre est constituée de couches terrestres. Elles se diffèrent en particulier par leur structure et par les fossiles que l'on peut y découvrir. Ils constituent véritablement les archives de l'histoire de la Terre. En étudiant la succession des couches, la stratigraphie tente de reconstruire les évènements géologiques. 

Elle cherche à établir une chronologie relative des terrains, à partir de principes dont : 
  • le principe d'uniformitarisme : les structures géologiques passées ont été formées par des phénomènes agissant comme à notre époque ; 
  • le principe d'identité paléontologique : deux couches ayant les mêmes fossiles sont considérées comme ayant le même âge ; 
  • le principe d'horizontalité originaire : les couches sédimentaires se déposent horizontalement ; 
  • le principe de superposition : toute couche est considérée comme plus veille que celle qui la recouvre. 
A partir de ces principes, on peut dater les différentes couches terrestres. La théorie d'évolution s'appuie sur ces datations, considérées comme des faits acquis. Il est donc intéressant de s'interroger sur ces principes.

Dans cet article, nous allons étudier le premier principe...

Uniformitarisme et catastrophisme

« Comme beaucoup de biologistes l'ont reconnu a posteriori, c'est avant tout l'uniformitarisme géologique qui les a poussés à accepter le concept d'évolution » (1). Le principe d'uniformitarisme est fondamental. Il est un des principes sur lesquels reposent les sciences de la terre et de la vie. Nous l'avons déjà rencontré dans la théorie de l'horloge moléculaire. Que dit-il exactement ? Il postule que les processus géologiques passés sont identiques à ceux que nous observons actuellement. Les causes anciennes sont identiques aux causes actuelles. Il y a continuité des causes dans le temps. Et ces causes sont lentes, de même intensité. 

Cette doctrine s'oppose à la théorie du catastrophisme selon laquelle des évènements inattendus et brutaux ont contribué à la constitution de la Terre. Le catastrophisme est souvent relié au christianisme. On dénonce régulièrement l'influence de la religion sur cette théorie. A partir de la fin du XIXème siècle, elle a été finalement considérée comme erronée, absurde et sans valeur, alors qu'il dominait auparavant les sciences. Or, aujourd'hui, de brillants scientifiques la remettent en valeur sans que la religion n'intervienne. L'uniformitarisme est à son tour remis en cause après plus d'un siècle de domination ... 

Au XVIIIème siècle, des scientifiques sont partisans d'une explication du monde fondée sur des bouleversements brutaux. Ils tentent d'expliquer le monde par des catastrophes naturelles. La Sainte Écriture est compatible à cette théorie. Les « catastrophistes » parviennent à faire progresser de manière considérable la géologie. Ils considèrent que les processus ayant modelé notre planète sont discontinus et évolutifs. La Terre et son aspect ont donc évolué au cours du temps par des causes qui elles-mêmes ont évolué. Cette évolution a en outre laissé des traces à partir desquelles il est possible de connaître cette histoire, de la reconstituer. C'est donc par ces indices qu'on peut expliquer ce qu'était la Terre au cours du temps. Il faut donc les récupérer, les identifier et les étudier... 

Georges Cuvier
Georges Cuvier est probablement le plus grand des catastrophistes. A partir de l'observation des strates de la terre et des fossiles, il constate des ruptures dans la faune et la flore fossiles. Il ne peut l'expliquer que par des catastrophes tant la rupture est brutale. La théorie permet donc d'expliquer les observations ... 

Mais d'autres scientifiques penchent plutôt vers une vision continue et cyclique des processus. « Les causes invoquées aujourd’hui pour les phénomènes géologiques sont les mêmes que les causes invoquées anciennement » (2). C'est la théorie de l'actualisme et dans sa radicalité celle de l'uniformitarisme... 

Charles Lyell est le géologue qui parviendra à faire triompher l'uniformitarisme au détriment du catastrophisme au point qu'il est considéré comme le fondateur de cette doctrine. Dans son livre Principle of geology, il présente une synthèse des connaissances géologiques de l'époque et combat la doctrine du catastrophisme. Cette œuvre connaît un succès mondial. Elle inspire profondément Darwin. Dans son ouvrage, Lyell expose en fait de manière claire et forte les idées d'un autre géologue, James Hutton. Ce dernier considère que les phénomènes sont permanents et de même intensité. Ainsi, le présent est la clé du passé. Il faut donc étudier les phénomènes présents et les replacer dans le passé. La doctrine ainsi élaborée est l'actualisme. Mais, Lyell radicalise les pensées de James Hutton. Seules des processus lents sont responsables de la formation de la croûte terrestre. Selon d'autres géologues, moins catégoriques, des causes lentes ne peuvent pas à elles-seules expliquer l'état de la nature présente. Ils ne refusent pas absolument de faire appel à des épisodes violentes. 

Charles Lyell
A partir de Lyell, l'uniformitarisme domine la pensée scientifique. Le catastrophisme est dénigré. Il faudra attendre par exemple 1980 pour que des scientifiques américains émettent l'hypothèse qu'une météorite ait pu percuter la terre. Des cataclysmes sont de nouveau envisagés. Nous voyons combien l'idéologie peut freiner considérablement la science !... 

Cette opposition continuité / discontinuité se retrouve dans l'évolutionnisme. Darwin pense à la sélection naturelle comme moteur de l'évolution, une cause lente et continue, alors que Gould, fondateur de la théorie des équilibres gradués, parlent de catastrophes comme causes de l'évolution. Ces deux doctrines s'affrontent. 

Les biologistes et les géologues sont confrontés à la même problématique : comment peut-on expliquer l'absence des organismes intermédiaires ? C'est le célèbre problème des « chaînons manquants ». En effet, s'il y a une lente évolution des êtres vivants, nous devrions retrouver tous les êtres intermédiaires entre les ancêtres communs et les espèces actuelles. Nous devrions être capables de retrouver tous les membres d'une même lignée. Or, il n'en est rien. En dépit des recherches, aucune trace de ces chaînes intermédiaires n'a été trouvée. Conscient de cette terrible faille du darwinisme, des géologues ont alors émis l'hypothèse des catastrophes pour expliquer cette rupture entre les espèces. On retrouve l'idée de Cuvier. Mais, ces géologues restent néanmoins résolument évolutionnistes. Pourtant, un nouveau problème apparaît : comment des mutations génétiques peuvent-elles subitement transformer des espèces ? Conscient de cette objection, Darwin a toujours prôné l'évolution graduelle, lente, pas à pas... 

L'uniformitarisme et le néodarwinisme sont confrontés à la notion du temps, notion insaisissable. Devons-nous considérer le temps comme des instants continus où le passé n'est qu'un présent mais dépassé, ou comme des périodes discontinues où le passé est très différent du présent ? Certes, demain sera comme aujourd'hui, mais sur une période de millions d'années, en sommes-nous encore si sûrs ? Et cette hypothèse est purement intellectuelle, invérifiable. Elle est pourtant le fondement sur laquelle s'appuie toute la théorie synthétique de l'évolution... 


1 M. Denton, Évolution, une théorie en crise, chapitre I, traduit de l'anglais par Nicolas Balbo, Flammarion, 1985. 
2 Pruvost, 1956, cité dans cours SVT, géochronologie – geologiefree publié dans www.Etudiant-a-Rennes.fr.tc

mardi 13 novembre 2012

Les limites de l'horloge moléculaire

Les espèces sont caractérisées par leur ADN et plus précisément par leur génome (1). Aujourd'hui, nous savons définir avec précision le génome de chaque être vivant et donc identifier les différences de séquences génétiques entre les organismes. Constatant que les changements dans les macromolécules biologiques s'accumulent de manière relativement constante au cours du temps, des scientifiques ont eu l'idée de transposer ce phénomène dans la génétique. Le degré de divergence génétique entre deux espèces peut alors déterminer l'âge de leur différenciation et donc de leur ancêtre commun le plus récent. C'est la théorie de l'horloge moléculaire (2). « Le nombre de différences observées entre deux séquences est proportionnel au temps écoulé depuis que ces deux espèces se sont séparées » (3). Cet article montre les limites de la théorie de l'horloge moléculaire (4). 

Si cette théorie a été largement acceptée et appliquée, elle fait aujourd'hui l'objet d'un débat dans le milieu scientifique. La paléontologie et l'horloge moléculaire ont en effet donné lieu à des divergences « difficilement réconciliables » (5) dans la datation. On arrive parfois à 500 millions d'années de différences ! Compte tenu de l'âge supposé de l'apparition de la vie (3,5 milliards), l'écart est considérable.

Les nœuds de l'arbre sont placés aux âges estimés par la technique de l'horloge moléculaire par Peterson et al, 2004. Arbre phylogénétique d'après Paterson et al.2005

Quelles sont les hypothèses de la théorie de l'horloge moléculaire ? Toute science travaille à partir d'hypothèses pour modéliser son objet d'étude. Ainsi, en les définissant, nous pourrons mieux distinguer le modèle et la réalité. 

1ère hypothèse : plus des organismes partagent un ancêtre proche, plus leurs génomes se ressemblent, et par conséquent, plus le degré de leur divergence génétique est faible. Ou encore, plus cette divergence est important, plus leur ancêtre commun est lointain. Cela revient à dire que cette théorie s'appuie sur la théorie de l'évolution. Elle entre dans le cadre de l'évolutionnisme. Elle ne peut donc le justifier. 

2ème hypothèse : toute dissemblance observée entre deux séquences de gènes est vue comme une modification unique et définitive. On détermine les différences génériques entre deux espèces, puis on calcule le degré de divergence de leur séquence pour dater leur différenciation. La théorie ne prend donc pas en compte la possibilité qu'un gène ou un nucléotide mutent à plusieurs reprises à travers le temps, ce qui est bien réducteur pour un phénomène aléatoire qu'est la mutation génétique (6). L'hypothèse suggère finalement que le génome conserverait fidèlement la totalité du passé. Or, le « présent » n'est pas capable de mémoriser tout le « passé ». Il n'a que l'image du résultat fini. Pour cela, il faudrait identifier les lignages les plus proches, c'est-à-dire les espèces qui se suivent au plus près dans l'évolution, puis déterminer leur génome pour calculer leur divergence. La mémoire génétique seraient ainsi plus fidèle. Or, la démarche est différente. C'est par la divergence génétique qu'on identifie la proximité des espèces ... 

Mais, dans la pratique, les scientifiques ne comparent pas tout le génome mais certaines séquences spécifiques. Parfois, des datations sont obtenues à partir d'un gène ou de quelques gènes. La prise en compte de nombreux gènes rend en effet les calculs extrêmement longs, voire irréalisables. Finalement, la datation est calculée à partir d'un échantillon limité de séquences. La méthode connue comme étant la plus fiable ne peut pas être utilisée pour plus de cent séquences. 

3ème hypothèse : la vitesse de mutation est constante à travers le temps pour toutes les lignées sur une longue période (7). Elle ne varie donc pas en fonction des organismes ou de leur environnement. Si la sélection naturelle est le moteur de ces mutations, comme le suppose le néodarwinisme, nous en déduisons que la pression de cette sélection est restée en moyenne la même sur tous les organismes au cours du temps dans les différentes lignées. Il y aurait alors continuité dans le passé. Nous sommes dans le cadre de la théorie de l'uniformitarisme, que nous étudierons dans l'article suivant. Ce principe est fondamental. 

4ème hypothèse : la vitesse d'accumulation des séquences est du même ordre de grandeur au sein d'une même classe fonctionnelle de protéines et elle est différente pour des protéines qui ont des fonctions différentes. Cette hypothèse est une amélioration de la précédente. Aujourd'hui, la science nous révèle qu'il est impossible de connaître le rôle d'une protéine ou d'un gène dans la réalisation d'une fonction. Les interactions entre les protéines ou entre les gènes sont beaucoup trop complexes. Comment pouvons-nous alors répartir les gènes entre classes fonctionnelles et par conséquent identifier sa vitesse de mutation propre ? 

5ème hypothèse : on ne prend en compte qu'un nombre réduit de mutations, les substitutions fiables (8). La théorie exclue en effet toutes les mutations qui modifient les séquences de manière latérale ou les recombinent. Les méthodes considèrent uniquement les séquences alignées. En outre, les positions génétiques évoluent indépendamment les unes des autres, ce qui revient à dire que le codage est aléatoire. Les mutations n'ont pas de finalité. Toutes les mutations ne sont donc pas fiables. Elles ne donnent pas systématiquement un individu vivant et fécond. Il existe aussi des mutations neutres qui donnent aucune évolution de caractères. Toutes les mutations non fiables et neutres sont donc ignorées... 

Ces différentes hypothèses sont finalement très éloignées de la réalité. Certes, elles sont nécessaires pour déterminer les dates de différenciation entre deux espèces, mais elles sont peu réalistes. L'une d'entre elles, la principale, est en outre considérée comme fausse par la communauté scientifique : « les taux de substitution que subit une même molécule dans différentes lignées diffèrent au cours du temps et différent entre eux ». L'horloge moléculaire n'est pas constante, elle serait épisodique. « Li conclut en 1993 à l'absence de toute horloge moléculaire » (9). De nombreux scientifiques évolutionnistes ont donc remis en cause la théorie de l'horloge moléculaire. « Les discours triomphalistes occultait les difficultés liées à l'obtention des séquences des données brutes, mais surtout certains problèmes liés à la reconstruction phylogénétique appliquée aux caractères moléculaires, problèmes qui étaient pourtant déjà perceptibles. L'optimisme de l'époque devait vite s'accompagner de précautions » (10). Pourtant, elle demeure encore appliquée. 

La théorie de l'horloge moléculaire présente, à notre avis, deux erreurs fondamentales
  • elle considère que le présent contient intégralement le passé
  • elle oublie la forte interdépendance des gènes et donc des mutations, ou encore plus simplement la forte et nécessaire unité et cohérence de l'être vivant. 
Elle a en fait simplifié la complexité de la réalité pour construire un modèle dans lequel il est possible de réaliser des calculs, mais ce modèle est terriblement éloigné de la réalité. « Quelle que soit la méthode utilisée, des hypothèses très simplificatrices sont faites sur l'évolution biologique des séquences » (11). Les calculs ont-ils alors un sens ? En effet, pouvons-nous évaluer la marge d'erreurs entre la datation réelle et la datation estimée

Deux résultats scientifiques nous paraissent intéressants. Dans une première étude (12), des scientifiques ont étudié les avantages et les inconvénients des méthodes utilisées. Toutes ont des limites et leur fiabilité est différemment reconnue. Les méthodes dépendent notamment de nombreux paramètres arbitraires et peu objectifs (nature des séquences utilisées, qualité de l'alignement, nombre de séquences incluses dans l'alignement, etc.). 
Une seconde étude a cherché à calculer des arbres phylogéniques à partir de plusieurs méthodes. Les différences de résultats peuvent compter en 100 millions d'années. « De manières importantes, les différentes approches d'horloge assouplies produisent des estimations d'âges de divergences couplées à des incertitudes généralement exprimées sous forme d'intervalles de crédibilité. Les incertitudes ont souvent été négligées dans les datations moléculaires classiques, ce qui a fait artificiellement croire à une grande précision des horloges moléculaires. En fait, la connaissance de cette incertitude est essentielle non seulement pour quantifier la précision du signal de datation moléculaire présent dans les données génomiques mais encore pour permettre une meilleur comparaison avec le registre fossile » (13)... 

En conclusion, hors du monde de la recherche, notamment dans les écoles et dans les médias, on présente l'arbre phylogénique comme un résultat scientifique incontesté de l'évolutionnisme, sans jamais préciser ses limites et la marge d'erreur des résultats obtenus. Il est décrit comme un fait avéré au point d'annoncer des dates et des filiations alors que le monde de la recherche doute désormais de leur fiabilité. Par différentes méthodes séparées, les scientifiques recherchent plutôt l'arbre phylogénétique le moins erroné dans le modèle de la théorie. Il y a véritablement un fossé entre l'école et la science, entre la certitude de l'enseignement et l'incertitude des chercheurs. Et les médias, que font-ils lorsqu'ils abordent la question de l'évolutionnisme ? Ils ne font qu'amplifier l'enseignement scolaire et renforcer cette certitude infondée. C'est ainsi qu'une théorie devient progressivement un dogme. Comme elle a acquis le statut de vérité, il n'est même plus la peine de démontrer sa véracité, voire sa vraisemblance. 

L'arbre phylogénétique n'a en fait de valeur qu'en le replaçant dans le modèle qui a permis de l'élaborer. Or, ce modèle est éloigné de la réalité. Les arbres phylogéniques ne sont donc que des constructions intellectuelles, abstraites, qui ne correspondent pas à une réalité mais à un modèle ! 

La principale limite de cette théorie est de croire que le présent peut contenir tout entier le passé. N'est-ce pas le reflet d'une certaine prétention ? Celle de croire que nous sommes capables par le présent, c'est-à-dire par nous-mêmes, de construire le passé tel qu'il était ? Quelle folie !... 


1 Voir Émeraude, octobre 2012, article « l'ADN, la clé de la vie »... 
2 Élaborée par Emile Zuckerkandl et Linus Pauling dès 1962-1965, et par Wilson en 1977.
3 Cours Terminal S du lycée Montaigne de Paris, MmeMorin-Ganet, 2006, www.freesvt.free.fr.
4 Cours 2004\Polys2004\Phylogénie moléculaire\Les arbres phylogénétiques, www.bioinfounice.fr, 2005. 
5 Emmanuel J.P. Douzery, Fréderic Delsuc et Hervé Philippe, article « les datations moléculaires à l'heure de la génomique », dans M/S : médecine sciences, vol.22, N°4, 2006, http:/id.erudit.org/derudit/012809. 
6 Voir Émeraude, octobre 2012, article « Les mutations, mécanismes d'évolution ». 
7 Article « les datations moléculaires à l'heure de la génomique ». 
8 Cours 2004\Polys2004\Phylogénie moléculaire\Les arbres phylogénétiques, www.bioinfounice.fr, 2005. 
9 Guillaume Lecointre, article les « phylogénies moléculaires », page « les données de séquence finirent par prendre le dessus », www.cnrs.fr
10 Guillaume Lecointre, article les « phylogénies moléculaires ». 
11 Cours « la phylogénie », www.info.univ-anger.fr .
12 Cours « la phylogénie », www.info.univ-anger.fr
13 Article « les datations moléculaires à l'heure de la génomique ».

vendredi 9 novembre 2012

Les arbres phylogénétiques

Dans les collèges et les lycées, les enfants découvrent concrètement l'évolution des espèces par des schémas, appelés « arbres phylogénétiques ». Nous nous sommes donc penchés sur ce sujet. Nous allons alors aborder de nouvelles notions et de nouvelles sciences, en particulier la paléontologie... 


Qu'est-ce qu'un arbre phylogénétique ? 

Un arbre phylogénétique est constitué de feuilles, de branches et de nœuds. Les feuilles représentent les espèces disparues ou vivantes. Les branches relient les espèces entre elles, selon des relations d'évolution. Leur longueur indique la « distance temporelle » qui les sépare. Sur les branches, sont indiqués les caractères qui différencient les espèces. Un nœud représente l'ancêtre commun hypothétique des espèces rattachées. Il correspond au moment où elles se sont différenciées. L'arbre phylogénétique représente finalement les relations de parenté des espèces au sens de « qui est plus proche de qui » contrairement à l'arbre généalogique qui indique des relations parentés au sens de « qui descend de qui ». « Là où la généalogie est une représentation directe du passé, la phylogénie ne s'attache qu'à reconstituer le passé » (1). 


Pourquoi devons-nous étudier l'arbre phylogénétique ? 

L'unité et la diversité de la vie sont expliquée par ce schéma très simple et aux qualités pédagogiques extraordinairement efficaces. Toutes les branches de l'arbre se rejoignent indirectement en un seul point afin de montrer que toutes les espèces dérivent d'un ancêtre commun. L'arbre comprend de nombreuses branches et feuilles, décrivant ainsi la différenciation des espèces. La base de l'arbre traduit donc l'unité, et les ramifications, la diversité. L'arbre phylogénétique remplace en un seul coup d'œil une somme colossale de connaissances et de discours scientifiques complexes. Il est une vulgarisation condensée et incroyablement réussie de la théorie d'évolution. Il est donc important de connaître les limites de cette représentation qui reflètent également les limites elles-mêmes de l'évolutionnisme... 

Comment se construit un arbre phylogénétique ? 

La construction d'un arbre phylogénétique consiste à identifier et à classer les espèces selon des caractères, puis à les relier par leurs caractères communs et enfin à évaluer la distance temporelle entre elles. Cela revient donc à différencier les espèces en identifiant les caractères nouveaux qui les séparent puis à dater la différenciation des espèces. 

Cet arbre est construit principalement à partir de deux méthodes : 
  • la comparaison de caractères dérivés : on compare des structures observables sur lesquelles on peut faire des hypothèses d'homologie ; 
  • la datation des différenciations en combinant plusieurs méthodes provenant de la génétique, de la stratigraphie et de la paléontologie. 
L'arbre phylogénétique associe donc les résultats de plusieurs sciences dont certaines ont pour objet d'étude l'être vivant actuel, d'autres le monde passé. L'arbre établit ainsi des relations entre le présent et le passé. Il tente en particulier d'expliquer le présent par le passé. Le coccyx de l'homme serait par exemple une trace laissée par un de nos ancêtres qui avait une queue (2). Mais les évolutionnistes expliquent aussi le passé par le présent. Et parfois, nous arrivons à une boucle infernale : nous avons un coccyx car un de nos ancêtres avait une queue, et un de nos ancêtres avait une queue car nous avons un coccyx, donc nous sommes bien « dérivés » d'un ancêtre qui a évolué pour devenir un homme... 

Qu'est-ce qu'un caractère ? 

Un caractère est un attribut physique (anatomie, morphologie, physiologie), comportemental ou moléculaire, observable chez un organisme. La forme d'un œil, l'organisation des organes, l'allaitement, l'ordre des gènes sont des caractères. Un caractère est dit ancestral ou primitif quand il est présent chez les ancêtres hypothétiques d'un groupe d'espèces. Il est dit dérivé ou évolué quand il est nouveau dans une espèce par rapport à son ancêtre. 

L'évolutionnisme établit donc des filiations en comparant les caractères. Par les fossiles, la paléontologie décrit les modalités d'apparitions et de disparitions des caractères ; par la génétique, il explique ses transformations par des mutations génétiques. 

Qu'est-ce que la paléontologie ? 

La paléontologie (3) est « la science étudiant la vie ancienne » ou encore « la recherche et l'interprétation des traces du passé, l'étude de ces formes de vie aujourd'hui disparues » à partir des restes de leur corps et des traces de leurs activités. Ces traces sont appelées fossiles. Dans la plupart des cas, ils proviennent d'un processus de minéralisation. Il est possible, de manière rarissime, de découvrir des matières organiques partiellement ou totalement conservées : mammouth dans le pergélisol (4), momification dans du bitume (5)... 

A partir des fossiles, les scientifiques définissent l'existence d'êtres vivants et tentent de les reconstituer tels qu'ils étaient. Cela peut concerner des espèces encore vivantes ou disparues. Dans le premier cas, nous parlons de « fossiles vivants » ou plus exactement d'espèces panchroniques. Grâce à ce matériel, « nous arrivons à nous faire une idée, incomplète bien sûr, mais exacte, de la faune et de la flore d'une époque donnée et à recomposer laborieusement l'image des mondes disparus » (6). En classant les espèces dans un ordre chronologique, la paléontologie essaye de retracer l'histoire de l'apparition successive des vivants. 

Comment pouvons-nous relier des espèces entre elles ? 

Les espèces sont reliées entre elles par des caractères homologues. « Sont dits homologues deux structures qui, prises chez deux organismes différents, entretiennent avec les structures voisines les mêmes relations typologiques, les mêmes connections, et ceci quelles que soient leurs formes et leurs fonctions » (7). Cette homologie est dite structurale. Pour reconnaître que deux structures sont homologues, on ne cherche pas une ressemblance dans la forme. Au contraire, on identifie ces structures quelles que soient les variations de formes. Par exemple, le cinquième métatarsien d'une tortue, d'un homme, d'un lézard, du sphénodon sont tous homologues de par leur position dans le pied qui est toujours le même au regard des autres os. 

A cette homologie structurale est ensuite associée l'homologie classique, dite « homologie par filiation » : deux structures prises chez deux organismes sont alors dits homologues lorsque celles-ci sont hérités d'un ancêtre commun à ceux-ci. Par exemple, le cinquième métatarsien du sphénodon et du lézard est coudé et forme un angle prononcé. Sur l'arbre phylogénétique, et plus précisément sur le nœud reliant le sphénodon et le lézard, apparaîtra l'hypothèse d'un ancêtre commun qui aura ce caractère nouveau. Cet ancêtre n'est pas celui de l'homme et de la tortue qui ne possèdent pas ce caractère. 

En ne s’intéressant qu'aux différences de caractères homologues dérivés, la phylogénie tente d'établir des rapprochement entre l'évolution des espèces à partir de règles simples. Plus le nombre d'espèces qui partagent un caractère dérivé est faible, plus l'ancêtre commun hypothétique est récent. L'ancêtre commun possède la somme des caractères dérivés de ses descendants. L'arbre phylogénétique se construit ensuite à partir de tous les caractères dérivés en recherchant l'arbre le plus parcimonieux, c'est-à-dire celui qui nécessite le moins de transformations d'états de caractères en d'autres. 

Comment pouvons-nous dater les fossiles ? 

La paléontologie n'a pas de sens si elle ne peut pas dater les fossiles. Pour cela, elle s'appuie sur deux disciplines principales : 
  • la stratigraphie, qui étudie les couches de l'écorce terrestre en vue d'établir la façon dont elles se sont constituées ; 
  • la radiochronologie, discipline qui se propose de dater les roches et les fossiles par l'étude des corps radioactifs qui s'y trouvent. 
La stratigraphie étudie la succession des couches géologiques, appelées strates. A partir de quelques principes, elle a établi une chronologie relative de l'histoire de la Terre, aujourd'hui universellement admise et enseignée. Elle ne donne pas une durée par rapport au temps présent. 

Pour obtenir une datation absolue, les scientifiques utilisent les propriétés de la radioactivité. Certains éléments naturels (père), dits radioactifs, se décomposent pour donner naissance à un élément plus stable (fils). Une loi détermine de manière absolue le temps de leur désintégration en connaissant la quantité d'éléments « père » et « fils ». Ainsi, en mesurant la quantité d'éléments « père » et « fils » dans un corps, on détermine son âge de façon absolue. Il existe différentes méthodes de datation selon la nature des éléments radioactifs mesurés. 
La datation par le Carbone 14 est probablement la méthode la plus connue. Elle est fondée sur la mesure de l'activité radiologique du Carbone 14 (C14) contenu dans la matière organique, dont on souhaite connaître l'âge absolu, à savoir le temps écoulé depuis sa mort. Le C14 est le seul élément radioactif que l'on trouve dans les restes d'organismes. Tous les végétaux absorbent les C14 présents en quantité infime dans l'atmosphère. Les animaux les absorbent à leur tour en se nourrissant de ces végétaux. A leur mort, le C14 se désintègre. En mesurant le C14 restant dans l'organisme, on déduit le temps écoulé depuis sa mort. On peut ainsi dater des objets jusqu'à environ 40 000 ans, avec une précision de 150 à 200 ans. 

Ainsi par la radiochronologie, on date de manière absolue les strates et donc les fossiles qui y sont contenus, et par conséquent les espèces. Ou nous pouvons aussi dater les fossiles puis les strates qui les ont contenus... Nous pouvons ainsi retrouver une nouvelle boucle infernale : un fossile date la strate qui date un fossile... 

Comment calculons-nous la distance temporelle entre deux espèces ? 

Par la génétique, on peut identifier le génome des êtres vivants, et par la comparaison génétique de deux organismes, on obtient le nombre de différences génétiques entre eux. Plus ce nombre est important, plus les individus sont considérés comme étant éloignés dans la filiation. Par le taux de divergence génétique, on établie en quelque sorte une datation relative. On parle alors d'horloge moléculaire

Ainsi, entre deux espèces, dont on peut dater l'existence de manière absolue et dont la divergence génétique est connue, on peut établir un rapport entre cette divergence et la durée qui les sépare. On calcule finalement une vitesse de mutation. En faisant l'hypothèse que cette vitesse est constante, quelle que soit les espèces, on calcule la date de différenciation de toutes les espèces de l'arbre phylogénétique. Ainsi selon les évolutionnistes, on peut reconstruire l'histoire de l'évolution de la vie... En théorie...

Car l'arbre phylogénétique n'est qu'une représentation d'une théorie et non celle d'une histoire. Le modèle dans lequel il est construit est en outre bien éloigné de la réalité. Nous allons désormais vous présenter, dans les prochains articles, les limites du modèle et donc de l'évolutionnisme ...









1 Guillaume Lecointre, responsable d'un département au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, Qu'est-ce qu'un arbre phylogénétique ?, www.inrp.fr.
2 Cours BioGeoPal L3 de l'institut physique du globe de Paris, « Les fossiles pour étudier l'évolution », www.step.ipgp.fr. 
3 Du grec « palaios », ancien, « ontos », vie, être et « logos », étude, science. 
4 Sous-sol gelé en permanence ou au moins pendant deux ans. 
5 Père André Boulet (marianiste), Création et Rédemption à l'épreuve de l'évolution, 2009, édition Téqui. 
6 Jules Carles, Le transformisme, édition PUF, Que sais-je ?, 1970. 
7 Guillaume Lecointre, Qu'est-ce qu'un arbre phylogénétique ?