Selon le principe de superposition, les couches sédimentaires se sont déposées les unes sur les autres. L'ordre de succession de ces couches correspondrait donc à une ordre de succession chronologique. Toute couche est considérée comme plus veille que celle qui la recouvre. Ce principe nous paraît sensé. Les scientifiques en déduisent donc une datation relative des couches ou un ordre chronologique. Pour appliquer ce principe, nous devons aussi croire que les sédiments se sont déposés et ont formé des couches horizontales à l’origine et qu'aucune déformation notable ne soient venue perturber l’ordre initial des couches. Les principes de superposition et d'horizontalité sont donc dépendants.
Faisons encore un peu d'histoire. En effet, les sciences sont lourdement tributaires de l'histoire. Elles peuvent être incompréhensibles si nous oublions leur genèse. D'où viennent ces principes ? Les premiers à avoir énoncé le principe de superposition seraient Sténon (1) (1638 – 1687) Selon leur théorie, les sédiments provenant d'une érosion se déposent strate après strate, couvrant toute étendue immergée, de façon horizontale. Ce principe ayant été admis depuis le XVIIème, aucun scientifique n'a cherché à le vérifier en laboratoire jusqu'au jour où un polytechnicien Guy Berthault a eu l'idée de se lancer dans cette entreprise. Des observations sédimentologiques contemporaines semblaient contredire les affirmations de Sténon.
Le processus sédimentologique se constitue de trois étapes : l'érosion, le transport des sédiments ainsi créés et le dépôt des sédiments, qui donnera naissance à une couche. Selon Berthault, Sténon n'a considéré que la troisième phase. Les sédiments se déposent au fur et à mesure les uns sur les autres, donnant ainsi un ordre de chronologie mais sans considérer le transport. Pourtant, les sédiments se déplacent, emportés par un liquide avec une certaine vitesse de courant. Sténon a donc implicitement considéré que la vitesse de transport était nulle, ce qui paraît peu concevable ou réducteur selon Berthault. Ce dernier a donc étudié le dépôt des sédiments avec une vitesse non nulle de transport. Il intègre donc dans sa simulation la chronologie des courants. Le principe de Sténon apparaît alors caduque.
Berthault ne fait pas que constater le principe réducteur de Sténon. Il met en place des expériences pour étudier davantage la stratification, notamment en prenant en compte la granularité des sédiments. Son programme comprend des expériences avec des professeurs d'hydrologie et de sédimentologie. « C’est un travail original qui remet en question quelques principes fondamentaux de la stratigraphie : nous vivons en ce domaine sur de vieux concepts ; l’auteur de la note reprend l’examen de la question par la méthode expérimentale, ce qui donne une grande force à ses assertions » (2). Ses résultats ont donné lieu à des publications et à de nombreuses conférences.
Finalement, Berthault en conclut que « les strates superposées ne sont pas […] nécessairement le résultat de couches successives. Ces expériences en canal démontrent que le postulat de Sténon […] et son principe de superposition ne sauraient s’appliquer qu’au seul cas d’absence de courant ». Il en déduit donc que « les principes de datation sur lesquels se fonde l’échelle des temps géologiques sont à remettre en question ».
Ses recherches et ses conclusions ont été vivement remises en cause. Nous avons trouvé un article critique de référence (3). Il attaque la prétention de ce polytechnicien non scientifique qui ose croire que des géologues ont pu se tromper depuis des siècles. « Pendant plus de quinze ans, un pseudo-géologue (chef d'entreprise de son état) aura accompli l'exploit de faire applaudir, dans des congrès nationaux et internationaux, des élucubrations "géologiques" visant à démontrer que tous les géologues, paléontologues et sédimentologues "d'antan" n'étaient que des ânes et que la théorie de l'évolution, née de leurs cerveaux égarés, allait incessamment s'écrouler devant ses découvertes révolutionnaires ». Puis, il remet en cause la portée de ses expériences. Comment des strates de quelques millimètres dans une éprouvette pourrait expliquer la création du monde ? Il en conclut à la malhonnêteté de Berthault. Il aurait en effet associé des autorités incontestables à des expériences de peu d'envergure, donnant alors à ces dernières une renommée incontestable. Puis, il lâche le dernier argument : Berthault est un créationniste. Comment pouvons-nous donc lui faire confiance ?! Ses études auraient été biaisées par sa foi. Son intention serait de concilier la Bible avec la science. Ainsi, il tenterait de remettre en cause la théorie d'évolution en s'attaquant aux principes de la stratigraphie. Finalement, l'auteur de l'article le traite d'imposteur...
Il n'est ni de notre compétence, ni de notre intention de vérifier si Berthault est un imposteur ou non. Nous voulons simplement montrer que le bon sens n'est probablement pas gage de vérité. Il peut être simplement réducteur d'une réalité plus complexe. Il est donc important de justifier régulièrement sa véracité. Nous sommes en outre étonnés par les critiques formulées contre Berthault. Rappelons ces motifs. Ils sont en effet révélateur d'un état d'esprit...
1. On ne peut pas remettre en cause un principe à cause de son ancienneté et de son usage par des scientifiques de renom depuis des siècles. Galilée serait certainement furieux d'entendre un tel argument.
2. Une personne n'appartenant pas officiellement à la communauté scientifique ne peut pas non plus prétendre énoncer des hypothèses scientifiques. On oublie vite que la génétique et la théorie tectonique des plaques proviennent d'hommes qui n'appartenaient pas à la communauté scientifique concernée.
3. Puis, raison suprême du dénigrement du travail de Berthault, il est chrétien et croit à la Sainte Écriture ! Si on est croyant, on n'est pas sérieux. Nous pouvons en effet légitimement penser que la théorie de Berthault est inspirée par sa vision du monde, elle-même inspirée par sa foi, mais nous pouvons aussi penser que la théorie évolutionniste est aussi biaisée par une certaine vision du monde. Il est donc malhonnête de vouloir refuser à l'un ce qu'on accepte à l'autre. Il est aussi intéressant de rappeler que Cuvier, le fondateur de la paléontologie et un des grands géologues, serait considéré aujourd'hui comme un homme peu sérieux ! Or, sans lui, que seraient la géologie, l'anatomie comparée et la paléontologie ?
Mais, dans cet article virulent, a-t-on un argument scientifique pour s'opposer aux conclusions de Berthault ? Aucun... Cela ne fait guère avancer la science !...
Cet article dénigrant Berthault est exemplaire. Nous avons, de manière caricaturale, les réponses des évolutionnistes face à des arguments qui peuvent discréditer la théorie d'évolution. Nous pouvons néanmoins souligner la pertinence de son auteur. Il sait que remettre en cause le principe de superposition, c'est aussi remettre en cause la datation relative des strates et par là, la théorie d'évolution elle-même. Car le temps est fondamental dans l'évolutionnisme. Mais, au lieu de s'opposer à l'auteur et à ses convictions, n'est-il pas plus pertinent de vérifier, de manière scientifique, les conclusions de Berthault ? Il est peut-être temps de revoir la vraisemblance des principes de superposition et d'horizontalité qui datent du XVIIème siècle... Car Bertault n'est pas le seul à le remettre en question...
1 Du vrai nom Niels Stelsen, bienheureux, anatomiste, géologue et évêque danois.
2 Jean Piveteau, président de l'Académie des sciences et paléontologue de renom, cité dans Les principes de datation géologique en question de Guy Berthault dans Fusion, n°81, mai - juin 2000.
3 Valérie Lecuyer, article Jean Dubessy et Guillaume Lecointre, Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences, Paris, Syllepse, 2001, 2° édition 2003.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire