" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mercredi 26 novembre 2014

L'athéisme de Meslier : baratin et absurdité

Il serait bien long de présenter tous les arguments de Jean Meslier contre la religion et l’existence de Dieu tant ils sont nombreux. Les suivre selon l’ordre de son ouvrage pour ensuite les réfuter serait aussi bien difficile tant il manque de cohérence. Nous avons donc pris le choix de traiter plutôt sa démarche.
La valeur de la certitude
A plusieurs reprises, Meslier rejette les arguments en faveur de la religion ou de l’existence de Dieu car n’apportant aucune certitude, ils ne sont pas fiables. Il s’appuie en fait sur un principe qu’il rappelle souvent. 
« Des signes ou des effets qui peuvent également venir de l'erreur comme de la vérité » ne peuvent être considérés comme des preuves valables de vérité. Ainsi ils ne seraient pas légitimes de les utiliser. Par exemple, si la foi est le principe des religions et que toutes les religions, sauf peut-être une, sont fausses, cela signifie que la foi justifie le vrai et le faux donc elle n’est pas fiable. Ainsi faut-il la rejeter. Si les miracles sont utilisés par toutes les religions pour se justifier et que toutes les religions ne peuvent être vraies, ils sont de même rejetables.
Comment pouvons-nous adhérer à un tel principe ? Si la science est utilisée pour justifier des affirmations contradictoires, faut-il aussi la rejeter ? Un tel principe met fin à toute connaissance. Nous pourrions même retourner son principe contre lui-même. Il utilise en effet les miracles et les prophéties pour montrer l’absurdité de la foi. Or comme ils sont aussi employés pour montrer que la foi est raisonnable, ils ne peuvent être fiables pour justifier l’absurdité de la foi. Car finalement, ce ne sont pas les faits ou les signes qui sont fiables ou non mais leur interprétation et leur utilisation. Si des faits semblables justifient des affirmations opposées, cela signifie simplement une erreur dans leur compréhension ou dans le raisonnement, voire la mauvaise foi. Cela ne remet pas systématiquement en cause les faits eux-mêmes. Il s’agit donc de porter un regard critique sur l’interprétation et sur le raisonnement. Ce n’est donc pas obligatoirement l'objet de l'argumentation qui est non fiable mais l'argumentation elle-même.
En fait, selon Meslier, la certitude ne peut être garantie que par la raison. Par principe, il rejette alors l’enseignement chrétien doctrinal et moral tant que les chrétiens n’auront pas prouvé l’existence rationnelle de Dieu. « C'est à eux à établir et à prouver la prétendue vérité de leur foi et de leur religion [...]. Et c'est ce que je les défie de pouvoir faire (car la raison naturelle ne saurait démonstrativement prouver des choses qui sont contraires, contradictoires et incompatibles). Et ainsi, tant qu'ils ne le feront pas, qu'ils soient tenus pour convaincus d'erreurs et d'abus dans leur doctrine et dans leur morale [...] » En un mot, Meslier considère la raison comme seul mode de connaissance fiable. Il n’en connaît pas d’autre. Il rejette donc naturellement tout enseignement non rationnel. Or de telles affirmations auraient mérité une démonstration. Pourquoi la raison est-elle l’unique mode de connaissance fiable ? Si effectivement nous commençons par de tels principes, nous ne pouvons pas admettre la foi comme mode de connaissance. En absence de preuves rationnelles, il rejette finalement toute idée de religion et de l’existence de Dieu…
Mais la raison est-elle vraiment la source de ses certitudes ? Meslier appuie plutôt ses affirmations sur le bon sens et plus précisément sur l’aspect visible des choses : « […] se former des idées, des pensées et des connaissances plus ou moins parfaites de quelque objet que l'on ne voie point réellement et véritablement, ne sont que des actes d'imaginations […] » Il attaque en effet les mystères et les sources de la foi en montrant leur absurdité, c’est-à-dire leur prétendue incompatibilité avec le bon sens. Il attaque l’idée de Dieu car Dieu n’est pas visible. Mais la vérité et la réalité se réduisent-elle au monde visible ? Et son bon sens peut nous étonner. « Il est visible que tous les ouvrages de la Nature [...] ne dépendent dans leur formation et dans leur dissolution que du mouvement de la matière et de l'union ou de la désunion de ses parties […] » D’où vient cette évidence ? Il prône la soumission à la raison mais quelles preuves raisonnables apporte-t-il à cette affirmation ? « On ne peut douter que l'être en général n'ait de lui-même son existence et son mouvement. » Est-ce si évident de voir la nature créatrice d’elle-même ? Son principe de connaissance est donc fondé sur des a priori et non sur la raison.
L’art de mal conclure
Parfois, Meslier raisonne juste mais hélas il conclut ses raisonnements de manière hâtive. Par exemple, il montre qu’il ne peut y avoir qu’une seule religion vraie ou aucune. En effet, comment des religions peuvent-elles être toutes vraies alors qu’elles affirment des vérités différentes ? Elles sont donc toutes fausses, sauf peut-être une, puisque la vérité est une. Comme les chrétiens croient que leur religion est la vraie, Meslier affirme qu’il va chercher à les convaincre de la fausseté du christianisme. Par conséquent, la fausseté du christianisme montrera la fausseté de toute religion. Erreur. Cela ne signifiera simplement que le christianisme n’est pas la vraie religion et donc que les chrétiens sont dans l’erreur. Sauf s’il est convaincu que le christianisme ne peut qu’être la seule religion. Faut-il encore la prouver…



Et toujours selon la même démarche, si la seule religion supposée vraie est fausse alors Dieu n’existe pas. « Je m'attacherai principalement à vous faire clairement voir la vanité et la fausseté de votre religion, ce qui suffira pour vous désabuser en même temps de toutes les autres puisqu'en voyant la fausseté de la vôtre, que l'on vous a fait accroire être si pure, si sainte et si divine, vous jugerez assez facilement de la vanité et de la fausseté de toutes les autres. » Son raisonnement est d’une très grande simplicité, voire simpliste. Comment Dieu en effet peut-Il accepter que les hommes ne puissent pas suivre la vraie religion ? La pluralité de la religion est incompréhensible quand il songe à la bonté et à la sagesse de Dieu. Cela signifie simplement que Dieu n’est pas bon et sage comme il l’entend. Et comment sait-il que Dieu accepte cette pluralité ? L’existence d’une chose ne signifie pas qu’elle soit nécessairement acceptée moralement. Mais finalement, allons au fond du problème. Toute existence est-elle voulue moralement par Dieu ? Voilà un problème sérieux à résoudre. Si oui, que devient la liberté de l’homme ? Si non, que devient la puissance divine ? Nous sommes au cœur d’un mystère que Meslier n'aborde pas.
Comment avec de tels raisonnements peut-il s’opposer aux déistes qui conçoivent Dieu comme indifférent à l’égard de ses créatures ? Son raisonnement est assez étonnant. Par principe, il affirme que l’existence de Dieu est nécessairement liée à la religion. Donc en attaquant la religion, il remet en cause l’existence de Dieu. Mais il devrait plutôt montrer d’abord que si Dieu existe, la religion est alors une nécessité puis que la religion est une absurdité pour démonter enfin l’absurdité de son hypothèse. Sa démarche est différente. Il commence par prouver la fausseté des religions pour conclure par la négation de l’idée de Dieu. En outre, au lieu d’attaquer la religion en elle-même, il ne raisonne qu’avec une conception chrétienne de la religion. Sa démarche manque de rationalité et d’objectivité…
La faiblesse des arguments
Meslier tente de démontrer l’origine humaine des religions et de l’idée de Dieu. En s’appuyant sur des faits historiques, il explique qu’elles ont été inventées pour tromper le peuple au profit des puissants et pour satisfaire l’orgueil de certains individus. Elles se seraient maintenues par lâcheté, flatterie ou pour des intérêts politiques.
Des faits historiques peuvent-ils prouver quelque chose de manière générale ? Un fait peut illustrer ou confirmer une affirmation mais il ne peut pas prouver une hypothèse. Il peut toutefois la contredire et donc montrer sa fausseté. La religion chrétienne des premiers siècles était parfaitement contraire à la société  et à la pensée païennes. C’est pourquoi elle a été persécutée. Par conséquent, les persécutions contredisent la thèse de Meslier. Voilà bien une religion qui n’a pas été créée pour soutenir les puissants. Est-ce aussi pour tromper le peuple que les chrétiens ont accepté d’être martyrisés ? L’exemple du christianisme primitif contredit sa thèse…
Et puis, supposons que Meslier ait raison, qu’est-ce que cela signifie ? L’histoire nous montre en effet que des régimes politiques se sont maintenus grâce notamment à la religion mais cela n’explique pas la religion. Un tel rôle de la religion n’explique rien sur son origine. En outre, le fait qu’elle puisse être un outil politique n’induit pas nécessairement sa fausseté. Elle peut être en effet incomprise et manipulée. Certes Meslier explique que des hommes peuvent inventer des dieux mais cette capacité imaginative ne permet pas de conclure à l’inexistence de Dieu.
L’art de mal raisonner
Suivons un autre raisonnement classique de Meslier. Si la foi est le principe des religions et que toutes les religions, sauf peut-être une, sont fausses, cela signifie que la foi n’est pas fiable. La foi ne pouvant être un critère de véracité est donc un principe d’erreur. Par conséquent, les religions sont toutes fausses.
Ce raisonnement est-il exact ? Les religions s’appuient-elles toutes sur la même notion de foi ? Car sa première hypothèse affirme l’unicité du concept. D’où vient une telle affirmation ? Mais surtout comment parler de religion sans parler de croyance et de croyance sans parler d’adhésion donc de foi au sens commun du terme ? Et au fait, de quelle foi parle-t-il ?
Or si Meslier veut démontrer que le fait de croire est à rejeter de l'ordre de la connaissance car il est source d’incertitude, nous devrions rejeter tout ce que nous ne savons pas par nous-mêmes, tout ce que nous n’avons pas acquis par la raison. Et puisque la raison produit aussi des erreurs, allons-nous la rejeter à son tour car elle n’est pas fiable ? Son raisonnement conduit finalement à rejeter les principes de la connaissance. Nous arrivons donc à une absurdité…




Quelle est donc son erreur ? Si nous adhérons à une religion par la foi, ce n’est pas la foi qui fait la religion. La foi au sens commun du terme est une adhésion à des propositions qu’enseigne la religion comme étant des vérités sans avoir de preuves formelles ou directes sur leur véracité. Si toutes les religions sont fausses sauf une, ce n’est donc pas à cause de la foi mais à cause de la fausseté des propositions qu’elles enseignent. La pluralité des religions montrent donc simplement que l’homme peut se tromper sur la valeur d’une proposition. Si des théories scientifiques sont erronées, cela ne signifie pas que nous devons rejeter la science qui est leur mode de connaissance mais que ce mode n’est pas infaillible. Faut-il alors ne plus faire de science car il existe une possibilité d’erreur ? Faut-il ne plus croire car la foi peut nous conduire à l’erreur ? Il s’agit donc de déterminer la cause des erreurs de jugement des croyants qui adhèrent à des propositions fausses en les croyant vraies. Il s’agit aussi de savoir en quoi une religion est fausse et par conséquent de définir ce qu'est une religion vraie. Voilà les véritables bonnes questions que nous devons nous poser.
En outre, la foi se base sur un ou plusieurs témoignages. Donc l’erreur de jugement pourrait venir du témoignage. Un témoin affirme qu’une chose est vraie alors que finalement elle est fausse. Et c’est parce que ce témoin, nous le jugeons digne de confiance que nous croyons finalement à sa parole. Or toutes les religions s’appuient-elles sur le même témoignage ? Tous les témoignages ont-ils la même valeur ? Évidemment non. Donc la foi au sens classique du terme peut conduire à des erreurs à cause d’un mauvais jugement sur la force de la preuve sans remettre en cause la foi en elle-même comme mode de connaissance. Si le témoin ne peut se tromper et ne veut pas non plus nous tromper, la chose dont il témoigne ne peut qu’être vraie. Par conséquent, la foi nous permet d’accéder à la vérité. En quoi est-elle alors un principe d’erreur ?
Le chrétien ne croit en des vérités que sur l’autorité même de Dieu qui, juge-t-il, ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Par conséquent, la foi est un mode de connaissance qui atteint la certitude des choses dans ce cas précis. Pour s’opposer à une telle foi, il faut donc montrer que soit Dieu n’existe pas, soit Il peut se tromper ou nous tromper. La question de l’existence et de la nature de Dieu est donc primordiale
Ainsi la pluralité des religions ne montre pas le manque de fiabilité de la foi comme mode de connaissances mais rappelle la capacité de l’homme de mal juger. La raison peut aussi élaborer des théories fausses à cause de la faiblesse intellectuelle de l’homme. La cause n’est donc ni dans la religion ni dans la science mais dans l’homme. En un mot, l’erreur est du côté de l’homme.
Un raisonnement malhonnête
Meslier refuse toute véracité dans le christianisme tant que les chrétiens ne prouveront pas que Dieu existe. Nous penserions, peut-être à tort, que c’est à lui, l’accusateur, de prouver que le christianisme est faux pour ensuite parvenir à la conclusion de l’inexistence de Dieu. Mais en raisonnant ainsi, il commet de nombreuses erreurs, voire des fautes graves.
Il part en effet du principe que le christianisme est faux car il est déjà convaincu de l’inexistence de Dieu. Effectivement, s’il ne croit pas en l’existence de Dieu, la foi n’a plus aucun sens, le christianisme non plus. Quelle est donc cette démarche rationnelle qui consiste à partir d’un postulat qui contient déjà ce qu’il doit démontrer ?
Meslier demande alors aux chrétiens d’exposer leurs arguments pour qu’il puisse les réfuter. Mais à quoi bon discuter surtout lorsqu’il n’y a pas de discussion, sa mort empêchant en effet toute réponse ? Son silence et sa mort rendent caduque son raisonnement. Cette question sans réponse possible est en fait significative. Il ne veut entendre aucune réponse, aucune justification. Où est l’exigence de la vérité ?
Imaginons qu’il est encore capable de répondre. Il est alors obligé de répondre à toutes les démonstrations que les chrétiens peuvent lui présenter. Il est donc en attente. Il est aussi totalement dépendant de leurs argumentations. Cette posture n’est-elle pas une marque de faiblesse ? Il ne croit pas en Dieu non pas parce que la raison a démontré son inexistence mais parce que les arguments des chrétiens ne le convainquent pas. Un honnête homme aurait simplement suspendu son jugement. Il aurait aussi pu adopter l’agnosticisme.
Et si sa raison n’est pas convaincue par les démonstrations des chrétiens, cela ne peut que démontrer soit la faiblesse de leurs démonstrations, soit celle de sa raison. Cela ne signifie pas l’incapacité de la raison de démontrer l’existence de Dieu. Certes il est plus facile de démonter des arguments en partant du principe qu’ils sont certainement faux…
Sa faute est encore plus grave puisque comme nous le voyons dans son ouvrage, il ne connaît pas toutes les démonstrations classiques de l’existence de Dieu, et pire encore, son raisonnement s’appuie sur des variantes de démonstrations. Il s’attaque en fait aux arguments de Fénelon, de Malebranche et de Descartes. C’est peu quand nous connaissons tous les efforts qu’ont entrepris les philosophes grecs et chrétiens pour démontrer l’existence de Dieu et de son unicité.
Que de confusions !
Meslier affirme comme évident que tout être est lié aux trois dimensions que sont le temps, l’espace et la matière. Acceptons de nouveau cette affirmation si forte. Occupons-nous d’abord de la dimension temporelle de l’être. Pour pouvoir comprendre, nous aimerions connaître ce qu’il entend par le terme de « temps », qui lui semble en effet si évident au point qu’il ne daigne pas le définir. De nouveau, nous voyons un homme qui ne traite pas les questions fondamentales.
Pourtant comment peut-il ignorer le problème du temps ? Ignore-il Saint Augustin lui qui a si admirablement perçu toute la difficulté de cette notion indéfinissable ? Avec Meslier, nous surfons en fait constamment dans un vague absolu, peu propice à une véritable réflexion. Peut-être conçoit-il le temps de manière classique, c’est-à-dire comme la manifestation ou la mesure d’un mouvement physique. Dans ce cas, il n’y a du temps que dans un monde mobile ou changeant. Si Meslier affirme que l’être est lié au temps, cela signifie qu’il est obligatoirement changeant, en mouvement. Il se situe donc uniquement dans un monde matériel. Il exclut par conséquent toute idée de Dieu en tant qu’être immobile, être de toute éternité. L’éternité telle que nous le comprenons n’a donc plus de sens. Meslier n’est pas dans le même monde que celui des chrétiens. Il introduit des termes de son univers matérialiste dans un autre qui ne l’est point d’où des absurdités, des incompatibilités, des contradictions. La raison de son refus de la religion ne réside pas dans la religion mais dans son incompréhension de la religion. L'idée de Dieu est incompréhensible dans le monde qu'il s'est construit.
Meslier tente donc de répondre à l’un des arguments classiques des chrétiens, argument par ailleurs mal compris. Les croyants affirmeraient que Dieu précède le temps par l’éternité. Comment ? L’éternité ne serait-elle pas du temps, nous demande-t-il ? Car il conçoit l’éternité comme une suite de temps sans début et sans fin. Comment peut-il alors précéder le temps quand il est dans le temps ? Absurde, s’exclame-t-il. Absurde plutôt sa démarche ! Il veut juger la valeur d’un argument quand il n’en comprend pas les termes. L’éternité de Dieu, est-ce une suite infinie d’instants ? Au contraire, c’est l’absence de succession. C’est un instant sans commencement, sans fin. C’est un instant éternel. Ainsi il arrive à une contradiction non pas parce que l’hypothèse de départ est fausse mais parce qu’il manipule des notions sans aucune rigueur.
Plus rapidement, traitons du problème de l’espace. Il le conçoit comme la place occupée par un objet. Le raisonnement de Meslier est donc rapide. Dieu ne peut créer l’espace car il a besoin d’un espace pour être. « Ce qui n'est nulle part n'est point, et ce qui n'est point ne peut créer aucune chose ». Ce n’est pas l’idée de Dieu qui est absurde, c’est le concept de l’être lié à l’espace. Ce qui est surtout insensé, c’est le fait de concevoir Dieu de manière anthropomorphique. « Pour créer, il faut agir; pour agir il faut se mouvoir ; et pour se mouvoir il faut de l'espace et de l'étendue. » 
En fait, Meslier n'envisage rien sans matière. Il ne conçoit que l’être matériel. Par conséquent, avec une telle pensée, Dieu perd tout sens. Finalement, Meslier démontre maladroitement l'incompatibilité entre l'idée de Dieu et le matérialisme...
Suivons un autre raisonnement plus révélateur d’une autre erreur fondamentale. Meslier veut montrer que la matière est éternelle et qu’elle n’a pas pu être créée. La première étape de sa démonstration consiste à montrer que « l’être est » au moyen de la connaissance évidente de l’existence du monde et celle de notre propre être. Si ces deux principes peuvent être indiscutables, au moins pour les réalistes, nous ne voyons pas comment cette relation conduit à l’affirmation que « l’être est ». L’association nous paraît simpliste. Acceptons cependant sa conclusion. Or l’être ne peut pas ne pas avoir été. Car ce qui n’existe pas ne peut pas se faire exister. Et il ne peut pas avoir reçu l’être d’un autre puisque l’être n’existe pas en dehors de lui. Donc l’être est éternel. Par conséquent, il n’a pas été créé. « Il n'y a rien de créé, et par conséquent, point de créateur».
Or Meslier oublie quelques fondamentaux. D’une part, il ne définit pas ce qu’il entend par l’être. Soit il ne voit pas le problème, soit il l’esquive. Dans les deux cas, il ne philosophe pas, il baratine. D’autre part, il ne fait pas de distinction entre l’être et l’existence. Donc évidement si ces deux notions se confondent, nous arrivons sans problème à montrer que tout est éternel. Or justement, pouvons-nous les confondre ? Nous n’existons pas par nous-mêmes. Nous recevons l’existence ; nous ne sommes pas l’existence. Or son raisonnement pourrait montrer qu’il y a nécessairement un être qui a par lui-même l’existence, une entité dans lequel l’être et l’existence sont confondus. Alors selon son raisonnement, cet être est obligatoirement éternel. Il ne peut pas être créé. Nous l’appelons Dieu, « celui qui est »…
L’art de ne pas se poser de questions
A plusieurs reprises, Meslier justifie ses attaques en prenant à témoin les chrétiens eux-mêmes. Par exemple, les prophéties ne sont pas fiables. Saint Paul lui-même nous demande de nous méfier des faux prophètes. Par conséquent, selon un de ses principes que nous avons déjà évoqués, Meslier en conclut par le rejet pur et simple des prophéties comme motif de crédibilité. Évidemment, il ne cherche pas à comprendre pourquoi l’apôtre nous avertit de l'existence des faux prophètes.
Sa rage le rend-il aveugle ? Nous sommes parfois embarrassés devant quelques affirmations. Au cours d’un raisonnement, il nous présente un principe en affirmant sans inquiétude son évidence. Prenons par exemple celui-ci : « l'ignorance où l'on est de la nature d'une chose ne prouve nullement que cette chose ne soit pas ». Après avoir en effet tenté de démontrer que tout est matière et mouvement, il avoue qu’il est incapable de dire comment la matière peut se mouvoir par elle-même. Or la question est essentielle. Nous dirons même que tout repose sur cette question. La matière est-elle capable de se mouvoir par elle-même ? Par son postulat d’ignorance, il esquive le problème. Mais pire encore, il commet une faute : comment pouvons-nous affirmer qu’une chose est sans connaître sa nature ? Cela pourrait être compréhensible lorsque la connaissance n’est que le fruit de l’expérience. Une chose est car nous faisons uniquement l’expérience de son existence. Mais nous ne sommes plus dans une démarche de rationalité comme il l’aime si bien répéter mais dans une démarche purement existentielle. En outre - et c’est là probablement sa plus grande erreur - il confond l’être et l’existence. Hors de cette démarche existentielle et de cette confusion, son principe n’a plus aucun sens …
Pour conclure, Meslier présente de nombreuses erreurs de raisonnement. Les principes qu’il pose portent en eux-mêmes leurs conclusions. Il ne discute pas sur leur valeur. Il ne s’interroge pas non plus sur les véritables questions fondamentales. Il semble même refuser de les aborder. Ses conclusions nous étonnent aussi par leur simplisme. Enfin, si nous suivons ses principes avec plus de rigueur, ce n’est pas Dieu que nous rejetterions mais l’idée même de la connaissance. L’athéisme ne survivrait pas…
 Mais l’une des plus grandes fautes qu’il commet de manière systématique est d’utiliser des notions difficiles comme le temps, l’être, l’existence, sans chercher à les définir. Or comment traiter des questions sans chercher à en définir les notions qu’elles impliquent ? Comment philosopher sans se poser de questions et de bonnes questions ? En absence de définition rigoureuse et claire, il confond souvent des termes essentiels et fait naturellement des contre-sens puis s’étonne d’arriver à des absurdités. Pire encore. Il use des termes dans un sens purement matérialiste pour les appliquer ensuite sur une vision théiste du monde et il s’étonne encore à des contradictions et à des stupidités. Mais au lieu de remettre en cause son raisonnement, il rejette la vision théiste du monde. Tout cela n’est guère digne d’un penseur. L’ouvrage est finalement une série d’arguments qui tentent de persuader et non de convaincre. Nous ne sommes donc pas dans l’ordre de la raison mais du sentiment…


lundi 24 novembre 2014

Les mémoires de Meslier, une oeuvre politiquement athée : synthèse, premiers constats

Nous allons maintenant aborder la version des Mémoires de Jean Meslier, publiée de 1970 à 1972 [1]. Elle est considérée comme étant la plus fiable, c’est-à-dire authentique. Nous avons pu accéder à ce livre au travers d’un mémoire pour une maîtrise de philosophie [2] et de commentaires provenant essentiellement de partisans athées.
Huit preuves pour montrer l’absurdité de la religion et de l’idée de Dieu

Faisons, si possible, un résumé des Mémoires, ouvrage volumineux et difficile. Meslier veut démontrer l’imposture des religions puis la fausseté de l’idée de Dieu. Pour cela, il expose huit longues preuves. Certains de ses arguments touchent la religion et plus particulièrement le christianisme. D’autres frappent le théisme ou le déisme, c’est-à-dire la croyance en Dieu. Ces arguments sont en fait éparpillés dans les différentes preuves.
Dans la première preuve, Meslier tente de montrer que les religions et l’idée de l’existence de Dieu sont d’origine humaine et qu’elles répondent à des intérêts politiques ou à l’orgueil de certains individus. Lucide, il démontre qu’il ne peut avoir qu’une seule religion vraie. Donc la pluralité des religions qu’il constate montrerait que Dieu laisserait les hommes dans le mensonge et l’erreur. Cela va à l’encontre de sa bonté et de sa sagesse. L’idée de la Révélation serait aussi en contradiction avec un Dieu parfait et tout puissant. Les religions contrediraient finalement la sagesse et la bonté de Dieu.
Dans la deuxième preuve, Meslier s’attaque au fondement de toute religion, c’est-à-dire à la foi, source d’aveuglement et d’ignorance, principe d’erreur et mode de connaissance très peu fiable. En outre, il présente la foi comme source d’intolérance et de conflits. Comment un Dieu bon peut-il s’appuyer sur ce principe si mauvais ? La religion qui se fonde sur la foi ne peut qu’être absurde. Pourtant, les chrétiens présentent des motifs de crédibilité pour justifier le christianisme. Meslier tente alors de montrer la fausseté de ces « preuves ». Il s’oppose à leur fiabilité et donc à leur efficacité puisqu’ils sont aussi utilisés pour prouver des religions fausses. Il examine aussi les textes de la foi qu’il rejette comme étant aussi si peu fiables.
Dans la troisième et quatrième preuve, Meslier s’attaque de nouveau à la Révélation mais en cherchant à montrer son absurdité, son immoralité et ses contradictions. La Sainte Bible est l’objet de ses attaques. Il prétend que les prophéties ne seraient pas réalisées. Il rejette aussi l’exégèse catholique qui abuse du sens mystique et allégorique pour cacher la fausseté des textes sacrés. Ce n’est que supercherie.
Dans sa cinquième preuve, Meslier dirige son attaque sur la doctrine et la morale de la religion et plus particulièrement sur celles du christianisme. La doctrine chrétienne ne serait remplie que d’erreurs et d’absurdités. Nous retrouvons les critiques contre la Sainte Trinité, l’idolâtrie des chrétiens à l’égard de la Sainte Eucharistie, la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ, etc. Au niveau moral, le christianisme encouragerait des actes contre « la justice et l'équité naturelle » tout en condamnant de « naturelles et [...] légitimes inclinaisons de la Nature ». De nouveau, Meslier insiste sur la fausseté de la foi. La foi serait contraire à la raison. Elle serait un mode de connaissance inconvenante pour accéder à Dieu.
Dans sa sixième preuve, Meslier dénonce les maux de la société pour critiquer l’Église car non seulement elle serait incapable à les résoudre mais elle les favoriserait. Il décrit des plaies sociales : la trop grande disproportion des conditions de vie, la fainéantise sociale de certains individus (nobles, rentiers, moines), les distinctions de familles, l’indissolubilité du mariage et la tyrannie. Or tout cela va à l’encontre d’un Dieu bon. Tout est en fait mauvais dans cette société. Les pauvres seraient exploités par des riches et des puissants sous l’œil tolérant de l’Église. Par son silence, Meslier tient en effet la religion responsable d’une situation sociale terrible.
Dans sa septième preuve, Meslier tente de montrer que la raison ne peut démontrer l’existence de Dieu. Il s’attache donc à réfuter les démonstrations classiques de l’existence de Dieu avant de proposer une démonstration de l’absurdité de l’idée de Dieu.
Après avoir longuement cherché à démonter les arguments en faveur de l’existence de Dieu, Meslier propose une alternative aux religions et au déisme. Il le juge plus raisonnable par sa simplicité et son évidence. Il présente en fait un système totalement matérialiste. Tout est matière, y compris l’être. L'être n'est qu'une matière capable de se mouvoir d’elle-même. Ce serait même par les mouvements qu’elle créerait, qu’elle serait capable de créer, notamment de l’ordre et de la beauté. Considérée éternelle, la Nature serait alors créatrice d’elle-même. Selon Meslier, son système peut expliquer toutes les questions fondamentales que nous pouvons nous poser, en particulier le problème du mal.
Dans sa huitième preuve, Meslier rejette la nature immatérielle et immortelle de l’âme. Elle est aussi matérielle qu’est le monde. Il en appelle à l’autorité de Pline, de Montaigne et de Sénèque qui aurait critiqué l’idée d’une âme immortelle. Il n’hésite pas à se justifier en citant les prophètes. La Sainte Bible parlerait d’âme mortelle. Il montre qu'aucun des anciens prophètes ne croyait ni ne prêchait l'immortalité de l'âme, ni la vie après la mort.
Meslier condamne enfin la société de l’Ancien Régime qu’il juge comme étant une tyrannie qui ne profite qu’aux nobles, aux gens de l’Église et aux riches. Après avoir combattu la religion et l’idée de Dieu, qui sont les fondements du régime, il propose une autre société, une société de justice et d’équité dans lequel chacun pourra vivre selon son bon plaisir, une société d’hédonistes modérés
Meslier finit son ouvrage par un appel à la révolte, à la désobéissance civique et à la révolution pour renverser cette société tyrannique. Il conclut donc ses Mémoires en précisant son véritable objectif : amorcer la révolution en ébranlant le système social et politique de l’Ancien régime, un système basé sur l’ignorance et le mensonge que favorisent les religions et les déistes. Le premier combat est donc celui de l’esprit. La diffusion de la vérité est un devoir pour tous ceux qui veulent renverser la tyrannie.
Appel à un changement radical
Meslier décrit l’état de la société de l’Ancien Régime. Il souligne la forte inégalité sociale de ses contemporains : « les uns sont toujours dans la prospérité et dans l’abondance de tous les biens, dans les plaisirs et dans la joie, comme dans une espèce de paradis, pendant que les autres sont au contraire toujours dans les peines, dans les souffrances, dans les afflictions et dans les misères de la pauvreté, comme dans une espèce d’enfer. »[3] Cette situation lui est insupportable. Effectivement, Meslier nous décrit une société terrible. « J’estimai [...] la condition des morts plus heureuse que celle des vivants. »[4] Ses paroissiens vivraient un véritable enfer au point qu’ils n’auraient même pas besoin d’un autre dans le ciel. De cette vision des choses, il éprouve une véritable colère.
Sa vision de l’homme est aussi très noire. Il n’est que méchanceté et cupidité. Tout n’est qu’asservissement du faible par le fort, du pauvre par le riche, de l’ignorant par le clerc. La vision des gens de l’Église est aussi désastreuse. Ils ne sont que des escrocs et des menteurs. « La religion est une vraie pépinière de fanatiques »
Certes la vie de ses paroissiens était certainement très dure à son époque mais cette dureté doit-elle être étendue à la vie toute-entière, à la vie en général ? Les souffrances de l’époque peuvent-elles se résumer en un dualisme qu’il décrit avec une telle violence ?
En fait, Meslier croit que l’homme n’est pas naturellement méchant. Il le devient à cause de la société qui l’a rendu ainsi. En la changeant, il pourra être ce qu’il est par nature. Ainsi il faut combattre cette société et la remplacer par une autre société davantage marquée par la justice et l’égalité. Ses attaques contre la religion n’ont donc pour but que d’affaiblir la société de l’Ancien Régime. Il n’est finalement athée que pour répondre à un projet politique.
Une œuvre politique avant tout

Comme la religion est le fondement de la société, Jean Meslier cherche  à la réfuter, et plus spécialement le christianisme, en montrant ses erreurs, ses absurdités et ses fautes. Elle serait même contradictoire avec l’idée de Dieu qu’elle professe. Il tente aussi de montrer que l’idée de Dieu est irrationnelle, absurde et inutile. La religion comme l’idée de Dieu serait même nuisible à l’homme et à la société. Pour remplacer la religion et l’idée de Dieu, Meslier présente le matérialisme comme une alternative sage, rationnelle et raisonnable.
Il n’est pas matérialiste en soi mais sa conception du monde lui permet de fonder une nouvelle société. Il n’est donc ni athée ni matérialiste par conviction mais par intérêt. Son ouvrage n’est alors ni philosophique, ni religieux. Il est essentiellement politique. Ses Mémoires est avant tout un manifeste politique. Sa conclusion est un appel à la révolution et à la subversion. Son véritable objectif est de démolir la société de l’Ancien Régime et donc de briser ses fondements.
 « Je souhaiterais d'avoir le bras, la force, le courage et la masse d'un Hercule pour purger le monde de tous vices et de toutes iniquités, et d'avoir le plaisir d'assommer tous ces monstres, ministres d'erreurs et d'iniquité, qui font gémir si pitoyablement tous les peuples de la terre. » Selon Meslier, les régimes politiques de son époque sont des tyrannies. Leur principal fondement serait la religion qui les crée et les défend. Par conséquent, en s’attaquant à la religion et en montrant sa fausseté, ils s’affaibliront et pourront être plus facilement renversés. Ainsi Meslier tente de démontrer l’inanité de toute religion puis de toute idée de Dieu dans l’ordre métaphysique, physique et moral pour finalement ébranler le pouvoir politique. Tout est orienté par cette volonté politique. Son athéisme et son matérialisme sont nés finalement de sa colère et de son projet politique. Ils n’ont pas de valeur en soi.
Un titre évocateur : fausseté et mensonge
Prenons le titre de l’ouvrage : « Mémoire des pensées de J[ean] M[eslier], Prê[tre]-cu[ré] d’Estrep[igny] et de Bal[aives] sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes, où l’on voit les démonstrations claires et évidentes de la fausseté de toutes les divinités, et de toutes les religions du monde. » Il nous confirme que l’ouvrage est une œuvre politique. Il associe dans le même combat la monarchie et le christianisme, sources d’erreurs, d’abus et de fausseté.
Son ambition nous étonne. L’ouvrage est une réfutation non du christianisme mais de « toutes les religions du monde ». Vaste programme pour un prêtre reclus dans un village des Ardennes ! Que sait-il en effet des religions du monde entier ? Une telle prétention ne peut donc se fonder sur une réalité concrète mais uniquement sur le raisonnement et la philosophie. Pour atteindre son objectif, l’ouvrage devrait être une œuvre philosophique avec toutes ses exigences. Ce n’est pas le cas. Ce livre est en effet décevant. Il présente plutôt les religions au travers de faits tirés du christianisme, voire du paganisme antique. En un mot, le titre est mensonger. La religion qu’il dénonce est évidemment celle qu’il connaît, c’est-dire le christianisme.
Dans son ouvrage, Meslier s’adresse à ses paroissiens. Mais faut-il oublier qu’ils sont peu nombreux, une centaine d’âmes, et d’une situation sociale difficile ? Son livre leur est en fait inaccessible et inutile. Vaine procédé de polémistes ?! Il s’adresse en effet à la société, aux chrétiens, aux intellectuels et aux philosophes des Lumières. Il s’attaque à Descartes, à Malebranche et à Fénelon, ou plutôt à leurs livres, ou plus exactement à une certaine interprétation et compréhension de quelques œuvres. Meslier use en fait d’un stratagème classique. Il veut apparaître comme très proche du bas peuple, attendri par leur triste sort, préoccupé de leur bonheur. Mais tout cela respire la manipulation, la ruse, la fausseté… Comment peut-il être profondément préoccupé de leur bonheur quand pendant plusieurs années il les a mentis ?…
Une œuvre emplie de rage
Les Mémoires est une œuvre virulente, acerbe, pleine de déceptions et d’amertumes. Meslier a été prêtre pendant 40 ans. Combien d'années de silence, de mensonges et d’hypocrisie ? Pendant quarante années, il a joué une horrible comédie devant ses paroissiens, faisant croire à ce qu’il ne croyait pas. Pouvons-nous imaginer cette double vie ? Une existence de simulacre qui a du être terrible pour cet homme. Dans son ouvrage, il avoue sa faiblesse : il n’a pas pu dire la vérité. Certes, une fois mort, il n’a plus de scrupule, plus d’angoisse. Que pouvons-nous penser de cet homme et de cette œuvre qui fustigent le mensonge et la « tyrannie » quand lui-même finalement il n’a pas cessé de mentir et de profiter de cette supposée tyrannie ? Oserons-nous utiliser l’un de ses propres arguments ? Il nous dit en effet qu’un témoignage n’est pas fiable si le témoin ne l’est pas.
Pire encore. Furieux et agressif, Meslier attaque ses contemporains et accuse leur lâcheté, leur fourberie mais il est exactement le parfait représentant de ce qu’il abhorre. Il aurait aimé être le vengeur des opprimés et le poignard qui assassine les tyrans. Mais toute sa vie n’a été que silence, mensonge, absurdité. Son ouvrage est en fait le manifeste de son impuissance et de sa lâcheté. Il se lance dans un violent réquisitoire contre la religion et la société mais ne cherche-t-il pas finalement à se venger et à soulager une conscience qui a du bien le tourmenter ? Sa rage est sans-doute à la hauteur de ses tourments…
Comment pouvons-nous donc trouver dans cette colère un esprit raisonnable ? Une philosophie digne de ce nom peut-elle vraiment émerger d’un tel esprit ? Nous en doutons. Et le véritable philosophe n’est-il pas d’abord celui qui sait vivre selon une pensée réfléchie ? Nous sommes surpris de tous les commentaires que nous avons pu trouver sur cet homme. Ils vantent son talent au point de le hausser parmi les plus grands penseurs de l’humanité. La lecture de son ouvrage suffit à montrer toute la faiblesse, voire les fautes, d’une pensée sûre d’elle-même mais si éloignée des exigences et de l’honnêteté philosophiques. Elle n’est que l’expression d’une amertume lourde de signification…
« Un témoin de la Vérité est un homme, qui, dans la pauvreté, témoigne pour la Vérité, dans l’abaissement et le mépris, méconnu, haï, raillé, dédaigné, ridiculisé. Un témoin de la Vérité est un martyr. »[5]





Références

[1] Œuvres de Jean Meslier, édition animée et coordonnée par Roland Desné, Paris, Anthropos, 1970-1972, 3 tomes.
[2] Richard-Olivier Mayer, Mémoire de Jean Meslier : contre la religion et la tyrannie pour la libération des peuples, Maîtrise de philosophie, Université du Québec à Montréal, mai 2011.
[3] Œuvres de Jean Meslier, tome II, 1971.
[4] Œuvres de Jean Meslier, tome I, 1970.
[5] Kierkegaard cité dans Problèmes et grands courants de la philosophie de Louis Jugnet.

jeudi 20 novembre 2014

Voltaire et les Mémoires de Meslier, attaque contre le christianisme


Au début du XVIIIe siècle, Meslier a laissé avant de mourir un testament qui s'attaque à la religion et à toute idée de Dieu. Il a donné lieu à de nombreuses versions, notamment celle de Voltaire que nous allons traiter dans cet article à partir d’un texte fourni par le Cégep, le collège d'enseignement et professionnel  de Chicoutimi au Canada[1]. Rapidement, en le lisant, nous reconnaissons le style claire et limpide du célèbre polémiste, son ton cinglant et ironique, son verbe destructeur. Le texte synthétise admirablement ses pensées théistes, antichrétiennes et anticléricales. Il s'écarte profondément du testament athée de Meslier tout en utilisant ses arguments.



Une attaque antichrétienne et anticléricale virulente
L’ouvrage est accusateur et sans complaisance à l’égard des évêques et des prêtres. Cupides et imposteurs, ils sont accusés d’abuser de l’ignorance et de l’« aveugle piété » de leurs paroissiens pour maintenir les mensonges et s’enrichir à leur dépend.
Suivant un rythme rapide et une lecture assez claire, les paragraphes s’enchaînent facilement et parfois se concluent frénétiquement par des paroles assassines : « quelle pitié et quelle démence ! » ; « cela n'est pas croyable » ; « quelle pitoyable contradiction ! » ; « qui ne rirait d'une si ridicule doctrine ? » ; « quel abominable galimatias ! »…
L’ouvrage est plus rempli de pics et d’ironies que de démonstrations et de raisonnements sérieux. La mauvaise foi est permanente. Ainsi pour ridiculiser le christianisme, Voltaire replace certaines scènes bibliques dans le contexte du XVIIIe siècle puis interroge le lecteur sur leur véracité. Placé dans une telle situation, le lecteur ne peut que l’approuver. Les exemples sont aussi suffisamment bien choisis. Toutefois la force de Voltaire ne réside pas dans la mise en scène proprement dite. Elle repose essentiellement dans la suggestion.
Nous sommes finalement en présence d’une démolition systématique et satirique du christianisme. Il est la continuité des œuvres polémiques et scandaleuses de Voltaires et des autres philosophes dits « des Lumières ».

Opposition à toute foi, à toute « créance aveugle »
L’ouvrage ne cesse d’affirmer que la religion est fausse car elle se fonderait sur un « principe d’erreur », c’est-à-dire sur la foi, « une créance aveugle ». Or « il est évident qu'une créance aveugle de tout ce qui se propose sous le nom et l'autorité de Dieu est un principe d'erreurs et de mensonges. »
 Dieu ne pourrait user d’un tel moyen pour se faire connaître. « Or il n'est pas croyable qu'un Dieu tout-puissant, infiniment bon et sage, voulut se servir d'un tel moyen ni d'une voie si trompeuse pour faire connaître ses volontés aux hommes : car ce serait manifestement vouloir les induire en erreur et leur tendre des pièges pour leur faire embrasser le parti du mensonge. Il n'est pareillement pas croyable qu'un Dieu qui aimerait l'union et la paix, le bien et le salut des hommes, eut jamais établi, pour fondement de sa Religion, une source si fatale de troubles et de divisions éternelles parmi les hommes. Donc des Religions pareilles ne peuvent être véritables, ni avoir été instituées de Dieu. » En un mot, la foi serait principe d’incertitude et de trouble.
A la foi, l’ouvrage oppose la raison seule capable d’atteindre la certitude. Ainsi elle-seule serait en fait le seul mode de connaissance valable. Ce ne serait donc que par la raison que Dieu peut se faire connaître. La religion qui ne s’appuierait que sur la foi serait donc fausse et mensongère. La question est donc de l’ordre de la connaissance.
Un ouvrage antichrétien




Toutes les attaques se concentrent en fait sur la religion chrétienne. Le christianisme n’apporterait aucune preuve de véracité. Il ne serait que mensonge et fausseté. Certes l’ouvrage utilise souvent des exemples païens mais il les utilise pour montrer que le christianisme emploie les mêmes procédés erronés ou malhonnêtes. Cependant, il semble absoudre le paganisme quand il accuse le christianisme. 
Il rappelle que les chrétiens justifient leur foi en exposant des « preuves » comme font aussi les païens. L’ouvrage met en effet en parallèle les païens et les chrétiens pour les confondre. Les païens ont aussi justifié leurs religions par des prophéties, des visions, des inspirations. « Par quelle règle certaine connaîtra-t-on qu'il faut ajouter foi à ceux-ci plutôt qu'aux autres ? Il n'y en a certainement aucune raison vraisemblable. »
Après avoir relativisé la véracité des « preuves », l’ouvrage examine les motifs de crédibilité traditionnels du christianisme. Pour les réfuter, il les ridiculise et souligne leur manque d’originalité au regard du paganisme. Le christianisme ne serait finalement que la piètre continuité du paganisme…
Une attaque systématique des motifs de crédibilité
Le christianisme n’apporterait en outre aucune preuve réelle de son origine divine. L’ouvrage refuse en effet toute efficacité aux motifs de crédibilité classiques qu’enseigne l’Église. Il énumère une suite d’exemples qui ont pour but de montrer toute leur limite et leur fausseté. Il souligne presqu’à chaque ligne l’irrationalité du christianisme, son absurdité et sa grossièreté indigne d’un Dieu tel qu’il le conçoit. Tout cela ne serait pas « croyable ». Des exemples de la Sainte Écriture sont mis en exergue pour en souligner la stupidité. « On verra qu'il n'y a aucune érudition, aucune pensée sublime, ni aucune production qui passe les forces ordinaires de l'esprit humain. Au contraire on n'y verra, d'un côté, que des narrations fabuleuses ». Ses accusations portent aussi sur le judaïsme.
Certes, il voit de temps en temps de bons principes dans la Sainte Écriture mais aussitôt il les compare aux païens pour affirmer que les auteurs antiques dépassent de loin les auteurs inspirés. « D'ailleurs, combien les auteurs qu'on nomme profanes, Xénophon, Platon, Cicéron, l'Empereur Antonin, l'Empereur Julien, Virgile, etc., sont-ils au-dessus de ces livres qu'on nous dit inspirés de Dieu ! »
Reprise d’objections classiques
Généralement, l’ouvrage montre qu’il n’est point possible d’attribuer la Sainte Bible à Dieu tant elle s’oppose à l’idée même de Dieu. Elle serait bourrée de fautes, de contradictions, d’incohérences. « Ce qui fait encore voir que ces sortes de livres ne peuvent venir d'aucune inspiration Divine, c'est qu'outre la bassesse et la grossièreté du style, et le défaut d'ordre dans la narration des faits particuliers qui y sont très mal circonstanciés, on ne voit point que les auteurs s'accordent ; ils se contredisent en plusieurs choses ; ils n'avaient pas même assez de lumières et de talents naturels pour bien rédiger une histoire. »
Comme Celse et Porphyre, l’auteur s’attache aussi à montrer le peu de considérations que nous devrions avoir à l’égard des Apôtres et de leurs disciples. Ils ne méritent que mépris. Il rappelle en effet leur pauvreté et leur ignorance. Ce sont des « gens de la lie du peuple ». Contrairement aux religions païennes, ils ne sont guère recommandables. Ce ne sont que des imposteurs. L’auteur reprend une vieille légende antique selon laquelle Moïse aurait appris l’art de la magie des Égyptiens et aurait ainsi abusé de la crédulité des Hébreux.  « Mais ce qu'il y a en cela de plus ridicule dans le Christianisme que dans le paganisme, c'est que les Païens n'ont ordinairement attribué la Divinité qu'à de grands hommes, auteurs des arts et des sciences, et qui avaient excellé dans des vertus utiles à leur patrie ; mais nos Déichristicoles, à qui attribuent-ils la Divinité ? A un homme de néant, vil et méprisable, qui n'avait ni talent, ni science, ni adresse, né de pauvres parents, … » Tout cela n’est qu’une reprise des arguments païens

L’ouvrage reprend encore le vieil argument de l’inconvenance de la Passion et de la Mort de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Mais les hommes n'étaient-ils pas bien fous et bien aveuglés de croire faire honneur à Dieu de déchirer, tuer et brûler ses propres créatures, sous prétexte de lui en faire des sacrifices ? Et maintenant encore, comment est-ce que nos Christicoles sont si extravagants que de croire faire un plaisir extrême à leur Dieu le Père, de lui offrir éternellement en sacrifice son Divin Fils, en mémoire de ce qu'il aurait été honteusement et misérablement pendu à une croix où il serait expiré ? Certainement cela ne peut venir que d'un opiniâtre aveuglement d'esprit. »
Certes l'auteur de l'ouvrage rappelle que les versets bibliques ne doivent pas être lus au premier degré mais imitant Porphyre, il renie à l’Église l’usage des différents modes d’interprétation de la Sainte Écriture. « Il est facile de voir que ces sens spirituels et allégoriques n'étant qu'un sens étranger, imaginaire, un subterfuge des interprètes, il ne peut nullement servir à faire voir la vérité ni la fausseté d'une proposition, ni d'une promesse quelconque. »
Comme les auteurs païens, il refuse aussi toute spécificité de la morale chrétienne. « Quelles seront donc les vaines ressources des Christicoles ? Leur morale ? Elle est la même au fond que dans toutes les Religions ». Cette morale serait même affecte puisqu’elle serait la source de dogme cruel. « Des dogmes cruels en sont nés, et ont enseigné la persécution et le trouble. » Comme les païens, il dénonce le fanatisme chrétien et leurs mœurs dissolues.
Quelques nouveautés
Contrairement à Porphyre, l’auteur méprise profondément les juifs, le « détestable peuple Juif ». Pour se justifier, il s’appuie sur les propos d’historiens. « Que l'on consulte Tacite et quantité d'autres célèbres historiens au sujet de Moïse et de sa nation, on verra qu'ils sont regardés comme une troupe de voleurs et de bandits. » Sa tactique nous surprend. Les antichrétiens païens avaient plutôt tendance à opposer le judaïsme et le christianisme. En effet, ils cherchaient à montrer d’une part toute la nouveauté de la religion chrétienne et donc lui niaient toute antiquité, marque de divinité, et d’autre part l’infidélité des chrétiens à l’égard de leurs pères spirituels. Double accusation insupportables pour les païens. Au XVIIIe siècle, ces accusations ne sont plus valables. Au contraire, il faut montrer la continuité entre le judaïsme et le christianisme pour que l’opprobre qui est jeté sur le premier touche aussi le second. Car l’œuvre repose en grande partie sur un antijudaïsme fort…
L’ouvrage n’hésite pas à traiter les prophètes de fanatiques et d’imposteurs. Parlant d’Ezéchiel, « je demande comment un pareil extravagant serait reçu chez les plus imbéciles même de tous nos provinciaux ? » Ils ne font que naître une fausse espérance au moment même où le peuple juif est misérable. Les prophéties et leurs promesses ne sont que des inventions. « Il est constant que ces promesses n'ont jamais été accomplies ». Le peuple juif n’est pas le plus triomphant, le plus nombreux, le plus heureux. Cette attaque vaut aussi pour le christianisme. Le royaume de Dieu n’est guère ici-bas et le diable n’a pas été jeté dehors. Notre Seigneur Jésus-Christ est aussi considéré comme un imposteur.
Il fonde aussi ses arguments en employant les paroles même des apôtres et de Notre Seigneur Jésus-Christ pour les retourner contre les prêtres et les évêques. N’ont-ils pas prévenu qu’il y aurait des faux prophètes ? Il use aussi des faits historiques pour montrer le peu de créances de la Sainte Écriture. Aux dires mêmes de Saint Jérôme, n’a-t-elle pas fait l’objet de manipulations et d’erreurs dans les nombreuses copies ? Il s’oppose en fait à la capacité de l’Église d’identifier ce qui est vrai et ce qui est faux. Comment peut-elle décider qu’un texte est apocryphe ou non ? « Ainsi il n'y a point de preuve assurée pour discerner les uns d'avec les autres, en dépit de l'Église, qui veut en décider ; elle n'est pas plus croyable. » Tout cela est incertain donc à rejeter…
Ses critiques ne se bornent pas à la Sainte Écriture. Il attaque aussi la vie des saints qu’il juge ridicule et indigne de Dieu. De nouveau, l’ouvrage les rapproche des exemples païens. Elles ne seraient que leur continuité. « Ce n'est pas sans raison, en effet, que l'on regarde ces choses comme de vains mensonges : car il est facile de voir que tous ces prétendus miracles n'ont été inventés qu'à l'imitation des fables des poètes Païens ; c'est ce qui paraît assez visiblement par la conformité qu'il y a des uns aux autres. » Rien n’est nouveau. Pourquoi faudrait-il renier aux uns ce qu’on accepte aux autres ?
L’auteur s’appuie aussi sur les hérétiques. « Comme ce serait une grande sottise d'ajouter foi à ces prétendus miracles du paganisme, ce n'en est pas moins une d'en ajouter à ceux du Christianisme, puisqu'ils ne viennent tous que d'un même principe d'erreur. C'était pour cela aussi que les manichéens et les ariens, qui étaient vers le commencement du Christianisme, se moquaient de ces prétendus miracles, faits par l'invocation des saints, et blâmaient ceux qui les invoquaient après leur mort, et qui honoraient leurs reliques. » C’est à partir des arguments des hérétiques qu’il attaque surtout les dogmes. Contre la divinité du Fils et donc contre le dogme de la Sainte Trinité, il n’hésite pas à reprendre l’argument arien.
Il remet finalement en cause l’existence même du mystère. L’appel à la foi ne serait finalement qu’un moyen de masquer les contradictions et l’absurdité des vérités auxquelles doit adhérer le chrétien. L’auteur en vient de nouveau à comparer le christianisme et le paganisme au point d’affirmer la cohérence du paganisme, voire sa rationalité ! En parlant de l’anthropomorphisme des religions païennes, « il n'y aurait certainement rien de ridicule ni d'absurde dans cette doctrine, s'il était vrai que leurs dieux existassent. »
Voltaire finit sa diatribe contre le christianisme en l’accusant de cruauté. « Le sang humain coule depuis le temps de Constantin pour l'établissement de ces horribles impostures. » La moitié du genre humain en serait victime, soit par les persécutions et les guerres de religion, soit en enfermant des hommes et des femmes dans leur inutilité et oisiveté.


Finalement, Voltaire accuse le christianisme d’être l’ennemi déclaré de la religion naturelle. Ses derniers mots sont clairs. « Je finirai par supplier Dieu, si outragé par cette secte, de daigner nous rappeler à la Religion naturelle, dont le Christianisme est l'ennemi déclaré ; à cette Religion sainte que Dieu a mise dans le cœur de tous les hommes, qui nous apprend à ne rien faire à autrui que ce que nous voudrions être fait à nous-mêmes. Alors l'univers serait composé de bons citoyens, de pères justes, d'enfants soumis, d'amis tendres. Dieu nous a donné cette Religion en nous donnant la raison. Puisse le fanatisme ne la plus pervertir ! Je vais mourir plus rempli de ces désirs que d'espérances. » Voltaire n’attaque pas Dieu. Il s’oppose clairement au christianisme.
Dès le début de l’ouvrage, nous voyons en fait qu’il s’oppose à toute religion institutionnelle et tente de montrer que le Dieu du christianisme n’est point le vrai Dieu. En un mot, son ouvrage s’attaque plus spécifiquement au christianisme pour faire l’apologie du théisme. Nous sommes loin de l’ouvrage de Meslier qui veut montrer l’absurdité de la religion pour conclure par l’absurdité de l’idée de Dieu…
Conclusion
Voltaire use de ses connaissances et de ses dons littéraires pour détruire le christianisme. Pour cela, il valorise le paganisme et reprend leurs arguments antichrétiens, parfois désuets. Mais il use aussi d’autres arguments plus spécifiques à son époque conduisant à une rupture avec la critique païenne. Contrairement aux païens qui soulignaient la nouveauté et les trahisons du christianisme, l’ouvrage montre plutôt qu’il est issu d’un principe erroné et d’un judaïsme pervers. Il manipule aussi l’histoire pour montrer la non-réalisation des promesses chrétiennes. Tout cela a pour but de montrer que le christianisme n’est qu’une invention humaine.
La force de Voltaire est plus dans son style, son ironie, sa cruelle limpidité que dans le raisonnement. Il est aussi un expert dans la fourberie. Il a l’art de la confusion et du mélange. En outre, les exemples qu’il souligne ont déjà reçu une réponse depuis déjà bien longtemps. Il ressasse finalement des arguments en leur donnant une nouvelle force, une nouvelle vie. Non seulement il ne laisse pas la parole au défenseur, il lui enlève aussi tout moyen de se défendre. Car tout ce que l'Église pourrait dire va à l’encontre de la raison donc rejetable. Tout ce qui n’est pas rationnellement prouvable est incertain et tout ce qui incertain est rejetable donc rejeté. La foi n’a aucune crédibilité, aucune autorité. Il est donc inutile de chercher des « preuves » ou des « motifs de crédibilité ». Ils sont par principe rejetables. Tout son ouvrage se fonde sur le principe que la foi est « une créance aveugle ». Dans ce cas, comment est-il possible de répondre ?
Fresque bibliothèque de Strahov
F. Anton Maulpertsch (1724-1796)
Diderot et Voltaire précipités dans l'abîme
Mais si le christianisme est injustement attaqué, que reste-t-il ? Il est plus simple de détruire que de construire. Voltaire prône le théisme mais d’où vient cette croyance puisque toute foi est « créance aveugle » ? Ne voit-il pas dans ses attaques sa propre ruine ?








Références

[1] Testament de Jean Meslier [avec un Abrégé de la vie de l'auteur et un Avant-propos], nouvelle édition, site web : http://classiques.uqac.ca/, texte accessible sur  http://gallica.bnf.fr
. Il provient de la bibliothèque nationale de France.