" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 29 octobre 2016

Église uniquement spirituelle, invisible ? Une conception erronée de l'Église

Le monde est ouvert au pluralisme religieux. Nombreuses sont aussi les églises ou communautés chrétiennes qui prétendent incarner l’Église du Christ. Face à ce pluralisme, des âmes doutent et les délaissent. Pourtant, certaines d’entre elles croient sincèrement en Dieu. Les images que colportent les médias ne font que renforcer leurs sentiments. L’indignité des religions et leur histoire ne peuvent que les éloigner d’elles également. 

Le mépris n’épargne pas l’Église catholique. Il est encore plus vif. Des âmes soucieuses de Dieu ne voient en elle qu’une création humaine, incapable de répondre à leurs besoins. Cette attitude est aussi réconfortée par une idée très ancienne qui domine l’opinion publique selon laquelle une véritable religion ne serait que spirituelle ou encore intérieure. Toute structure religieuse est ainsi une marque d’erreur ou de mensonge. L’individualisme, le libéralisme et le rejet de toute autorité ne peuvent que réconforter cette idée. Or sans institution ni hiérarchie ecclésiastique, que serait l’Église catholique ? C’est en fait l’aspect visible de l’Église catholique qui est remis en cause. Dans cet article, nous allons donc étudier cette erreur et chercher à en percevoir la cause.

Une Église uniquement intérieure et spirituelle

On considère généralement l’Église comme purement intérieure et spirituelle. Notre Seigneur Jésus-Christ n’aurait jamais songé à une Église comme elle a existé et existe aujourd’hui. Elle résiderait uniquement dans l’intérieur des âmes. Notre Seigneur Jésus-Christ n’aurait en fait voulu qu’établir le règne de Dieu dans l’âme de chaque homme en produisant en lui une rénovation intérieure et en lui inspirant envers Dieu des sentiments d’un fils à l’égard d’un Père.

Par conséquent, l’institution physique de l’Église ne serait pas véritablement l’Église. Il ne serait pas nécessaire d’y faire partie extérieurement pour être dans l’Église. Notre Seigneur Jésus-Christ se serait même opposé aux religions uniquement rituelles et formalistes. Chaque individu aurait la liberté de vivre sa foi, sans nécessairement adhérer à des dogmes, suivre des rites tout extérieurs tant qu’il est habité par des sentiments vrais, authentiques, profonds. La perfection intérieure serait donc l’objectif du chrétien. Tel serait finalement l’essence du christianisme. « Le royaume de Dieu est en vous », nous dit Notre Seigneur Jésus-Christ. L’Église serait donc une création humaine. L’institution physique tirerait en fait son origine des circonstances ou de la pensée de ses disciples. 

En conclusion, l’Église n’aurait donc aucun statut. Notre Seigneur Jésus-Christ ne l’aurait point fondé juridiquement. Elle serait plutôt une « notion religieuse ». Dans ces conséquences, cette pensée si répandue remet en cause plusieurs points de la doctrine catholique. La principale attaque consiste à renier le caractère visible de l’Église, la considérant uniquement sous l’aspect spirituel.

La vision uniquement spirituelle et invisible de l’Église n’est pas récente. À plusieurs reprises dans le passé, notamment au Moyen-âge, elle est venue s’opposer à la conception catholique de l’Église. Parmi les partisans d’une telle vision de l’Église, nous pouvons citer les Fraticelles, les Hussites et plus généralement les protestants. Revenons donc dans le passé afin de comprendre cette erreur pour mieux la combattre.

Le cas des Fraticelles



L’ordre des franciscains est né de Saint François d’Assise. Rapidement après la mort du fondateur, l’ordre se divise en trois tendances en fonction de la rigueur avec laquelle la règle de son fondateur doit être appliquée. La faction dite spirituelle ou encore appelée « zelanti » est la plus fidèle. Elle veut notamment et strictement pratiquer la pauvreté absolue. Ils refusent aussi toute propriété. Parmi les chefs des « zelanti », nous pouvons citer Pierre Jean Olivi. Les Fraticelles désignent les plus radicaux des spirituels. Opposés aux spirituels, les conventuels veulent respecter la règle originelle avec souplesse et adoucissement surtout en matière de pauvreté. Il existe enfin un tiers-parti qui tout en voulant suivre la règle franciscaine avec rigueur souhaite atténuer les aspirations primitives par nécessité pratique. Saint Bonaventure représente cette voie équilibrée.

L’opposition entre les deux tendances radicales, spirituelle et conventuelle, conduit rapidement à des questions doctrinales sur la pauvreté et sur le droit de la propriété. On discute en particulier de la pauvreté absolue du Christ et des Apôtres. Certains spirituels finissent par remettre en cause l’Église en tant qu’institution matérielle. Les Papes interviennent dans les discussions et condamnent les erreurs que prônent les spirituels.

D’abord animés d’« une aspiration vers un christianisme plus pur »[1], les Fraticelles se révoltent contre le Pape et les évêques, répudient leur autorité dans l’Église et leur légitimité. Ils adhèrent à des  doctrines erronées comme celles du joachimisme et des frères du libre esprit. Ils finissent par distinguer deux Églises, l’une charnelle, l’autre spirituelle, la première souillée et riche, la seconde pauvre et sainte. « La première erreur […] invente deux Églises, l’une charnelle, écrasée par les richesses, débordant de richesse et souillée de méfaits […] ; l’autre spirituelle, pure de par sa frugalité, ornée de vertus, ceinte par la pauvreté »[2].

Alors que le débat portait au début sur la valeur de la pauvreté dans l’ordre franciscain puis de manière générale dans la vie religieuse des moines, les Fraticelles en arrivent à dénoncer les richesses de l’Église. Ils lui refusent tout bien de propriété qu’ils considèrent comme fruit du péché et résultat de la corruption. Ils professent une Église détachée de tout bien. Finalement, face à la position des Papes, ils se disent représentant de la vraie Église.

Idéalisation de l’Église

Le développement des erreurs des Fraticelles est caractéristique de la radicalisation d’une pensée qui au début en apparence généreuse et limitée dans son application s’affermit, se généralise, s’impose au mépris du système dans lequel elle est née. C’est dans cette première idée que se trouve le germe de l’erreur. Il y a d’abord une confusion entre le détachement des choses et la pauvreté, entre la vertu de pauvreté et la pauvreté matérielle. Il faut en effet distinguer l’esprit de la matière. Il est possible en effet de vivre sans être attaché aux biens et à la richesse. Un pauvre peut ne pas être pauvre dans l’esprit et au contraire il peut être gagné par le démon de l’argent, d’où l’envie et la méchanceté qui peuvent ronger son cœur. Cependant, il est bien difficile à un homme riche de se détacher de tout ce que représente la richesse. La confusion entre l’esprit et la chose est étonnante mais caractérise chez les spirituels une intention faussée dès l’origine.




Puis il y a un refus de réalité, notamment celle de l’Église, de sa mission qui nécessite des moyens matériels, y compris pour exercer la charité. Cela est aussi vrai pour tout homme. Sans bien, il ne peut satisfaire à ses besoins et aux besoins de ceux dont il est responsable. La vie religieuse du moine n’est pas celle de tous les hommes. Elle est une vocation qui n’est pas destinée à tous. Elle n’est pas la seule légitime. Les hommes qui sont dans le monde doivent se doter de biens pour pourvoir à leur rôle dans la société. Pour éviter les dangers que représentent la possession de biens, ils doivent cultiver la vertu de pauvreté, c’est-à-dire se doter de biens tout en étant détachés d’eux.

Dans l’erreur d’une Église uniquement spirituelle, il y a donc une conception réduite et idéalisée de ce qu’est l’Église. On veut que l’Église soit parfaite dans ses membres. Elle est identifiée à ses membres. Cette confusion conduit à une double conception de l’Église. D’une part, elle est considérée comme l’ensemble des prédestinés de Dieu, des purs, des saints. D’autre part, aucun germe de corruption ne doit exister dans l’Église et donc dans ses membres. Elle doit préserver l’élu de toute contamination.

Le cas des Vaudois

Les Vaudois ont aussi prôné la pauvreté et le détachement de tout bien. Ils ont condamné le travail et la propriété. Ils ont aussi condamné l’Église romaine pour ses richesses et sa corruption. Comme pour les spirituels qui refusent le relâchement de la règle de l’ordre franciscain, ils s’opposent à une situation de fait, à la corruption d’une partie des membres de l’Église, de sa hiérarchie. Mais leur condamnation ne frappe pas uniquement les coupables. Ils reportent la cause sur l’institution physique de l’Église et donc la remettent en question. Ce n’est pas possible, selon eux, que les autorités de l’Église puissent se comporter ainsi donc l’Église qu’ils dirigent n’est pas la vraie Église. De même, aujourd’hui comme dans le passé, persiste l’idée selon laquelle si le Pape n’agit pas d’une telle manière, c’est qu’il n’est pas le Pape.

Étudions le raisonnement des Vaudois. On a une certaine idée d’une chose. Or si la réalité de cette chose apparaît différente de l’idée selon laquelle on se la représente, on en revient à condamner cette chose sans remettre en cause sa représentation dans l’esprit. Et plus l’image qu’on s’est forgée est attaquée, creusant alors le fossé qui la sépare de la réalité, plus celui qui la défend la développe, l’affermit, la consolide au point que la chose et l’idée n’ont plus de lien. L’idéalisation d’une chose conduit à la faute. Il faut donc la dénoncer, c’est-à-dire montrer en quoi l’image est erronée, revenir au sens de la chose, à ce qu’elle est réellement et comprendre le processus de l’idéalisation qui a conduit à l’erreur. Il faut donc se raccrocher à la réalité. En clair, il faut retrouver la vérité, qui, dans un sens, est la conformité entre l’objet et sa représentation dans l’esprit.

Les facteurs temporels

Les Fraticelles et les Vaudois se sont surtout développés à partir du XIVe siècle. À cette époque, d’autres mouvements apparaissent et se rebellent contre l’Église catholique. C’est une époque en effet difficile, de crise pour l’Église. C’est un temps où la foi semble être en perdition, où le péché semble dominer, où des autorités n’accomplissent plus leurs devoirs. Une des causes vient en partie des hommes de l’Église et de son organisation. Elle a besoin de réformes dans ses membres et dans sa structure. Cependant, ne voyant pas d’efforts réels dans l’Église institutionnelle, des âmes perdent espoir ou se révoltent contre les autorités romaines. Elles en viennent à remettre en cause l’Église institutionnelle elle-même. Leur idée est simple : si elle ne peut pas se réformer, c’est qu’elle n’est pas réformable et par conséquent il faut la repenser, et s’il faut la repenser, c’est qu’elle n’est pas ce qu’elle doit être, donc ce qu’elle prétend être. Ainsi pour répondre à un tel discours, il est nécessaire de revenir aux véritables causes et de démontrer que le remède ne se trouve finalement que dans l’Église.

Le cas de Wyclef (1324-1384)

Mais parfois, la remise en cause de l’institution de l’Église est purement intéressée ou encore motivée pour des raisons politiques. Ainsi Jean Wyclef (1328-1384) remet en cause l’Église institutionnelle, son droit de propriété, le rôle et le pouvoir du clergé. Il enseigne que la seule Église est celle des prédestinés donc uniquement discernable par Dieu. Il conteste donc la visibilité de l’Église.

Wyclef est fortement soutenu par les autorités politiques de l’époque, en lutte contre la fiscalité pontificale. Son combat contre « l’Église visible » manifeste en effet un autre combat, celui qui oppose deux pouvoirs de nature différente, l’une dans les princes, l’autre dans le clergé. La doctrine qu’il professe remet en cause l’autorité de l’Église institutionnelle et ses prétentions de régir la société en lui déniant toute légitimité et toute visibilité. Or que devient une autorité si elle n’est que spirituelle et invisible ? Que devient l’Église sans voix et sans tête, sans structure manifestant son pouvoir ? Elle ne fait pas le poids face à un État qui se dote de tous les moyens pour dominer les cœurs et les esprits. Il est indéniable que la décléricalisation de la société a favorisé son étatisation. Le pouvoir de l’État n’est jamais aussi grand que lorsque l’Église institutionnelle s’est affaiblie. Face à des doctrines véritablement instruments de combat, nous devons revenir à la racine du problème et dénoncer l’imposture.

Ainsi le refus de voir l’Église institutionnelle comme la véritable Église s’explique :
  • par une idéalisation de ce qu’est l’Église ;
  • par le désespoir d’une situation qui apparaît sans issue ;
  • par son instrumentalisation au profit de ses adversaires. 
Nous voyons ainsi que face à cette erreur aux multiples causes souvent entremêlées, il est important de revenir au sens des choses, à ce qu’est l’Église à partir d’arguments fiables, de redonner espoir à ceux qui s’éloignent de l’Église en quête de solutions vouées à l’échec, et de montrer les véritables motivations de ceux qui la prônent. Il faut donc ouvrir les yeux et les cœurs, sans oublier de dénoncer et de condamner…

L’exigence de la perfection intérieure

Notre Seigneur Jésus-Christ a voulu rénover la conception juive de la religion, une conception bien humaine et matérielle. Les Juifs attendaient le retour d’un Messie victorieux de leurs ennemis, restaurateur d’un royaume terrestre. Ils suivaient fidèlement une Loi tout en trahissant son esprit, ne respectant que la lettre. L’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ et ses actions diffèrent radicalement de cette conception matérielle des Juifs, de celles des Pharisiens et des Sadducéens. Cependant, il ne faut pas croire que Notre Seigneur Jésus-Christ n’a point voulu d’une Église institutionnelle. Il faut en effet éviter deux erreurs.

D’abord, il ne faut pas croire que son message soit une nouveauté. Ce serait oublier les Prophètes qui parlent aussi du royaume de Dieu, d’un royaume spirituel. Jérémie rappelle aux Juifs que la religion est aussi une union intime entre Dieu et l’âme de chaque croyant. Mais comme les Prophètes l’ont bien annoncé, c’est bien Notre Seigneur Jésus-Christ qui fonde le royaume spirituel et intérieur. Notre Seigneur exige en effet à ses disciples la perfection intérieure, dépassant la justice toute extérieure et matérielle du judaïsme.

Puis, si cette exigence distingue la religion nouvelle des religions antiques, cela ne signifie pas qu’elle constitue l’essence du christianisme. Les religions ne sont pas en effet constituées par leurs différences. Ce n’est pas parce que Notre Seigneur a enseigné que le royaume de Dieu devait être surtout spirituel qu’il faut en conclure qu’il doit être exclusivement spirituel. Ne voir les choses que sous ce seul aspect, c’est déformer sa vue, c’est biaiser sa représentation, c’est réduire le champ de la vérité et donc la vérité elle-même. L’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ et sa vie doivent être regardés dans leur totalité pour en extraire toute la richesse et la profondeur de sa Parole.

Nous pouvons facilement comprendre les raisons qui conduisent Notre Seigneur Jésus-Christ à souligner l’exigence de la perfection spirituelle et la nécessité de la rénovation intérieure. Il doit en effet corriger les conceptions fausses des Juifs, notamment à l’égard du Messie et de l’œuvre de la Rédemption. Il veut leur faire comprendre la véritable nature du royaume de Dieu. Ils attendaient la restauration du royaume de David, un royaume terrestre triomphant, victorieux des païens et chassant les Romains de la Terre sainte. Enfermés dans une foi exclusive, les Juifs doivent donc entendre l’universalité de la foi.

L’erreur d’interprétation de la Sainte Écriture

Pour prouver la conception uniquement spirituelle de la religion chrétienne, on s’appuie généralement sur le verset biblique suivant : « le royaume de Dieu est en vous ». Mais ne pouvons-nous pas plutôt le traduire par « le royaume de Dieu est au milieu de vous » ou encore « le royaume de Dieu est parmi vous » comme nous le voyons dans la version d’Osty.  Cette traduction semble en effet plus cohérente avec le contexte de la narration même si la première traduction est aussi juste. Notre Seigneur répond en effet aux Pharisiens qui Lui demandent quand viendra le royaume de Dieu. Il leur répond : « Le royaume de Dieu ne doit venir de façon à être épié, et on ne dira pas : Le voilà ici ! ou là ! Car voilà que le Royaume de Dieu est parmi vous. » (Luc, XVII, 20-21) Notre Seigneur Jésus-Christ apprend aux Pharisiens qu’il ne faut pas s’attendre à des signes éclatants ou à des prodiges extraordinaires avant la venue du royaume de Dieu et du Messie. Non seulement il n’est pas observable de cette manière mais surtout il est déjà présent, il est déjà venu. Par conséquent, Il leur demande de ne pas le chercher où il ne le faut pas. Le temps du Messie est déjà arrivé… 

Une Église bien visible

L’exigence de la perfection intérieure est un des principaux éléments de l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ mais elle n’en est pas la seule. Le royaume des cieux est ainsi comparé à un champ sur lequel poussent à la fois le bon grain et l’ivraie. Il est aussi semblable à un filet du pécheur où se confondent les bons et les mauvais poissons. Il est donc constitué d’hommes et de femmes, de bons et de méchants. Il est donc fait de chair. Il est collectif et social. Il est bien visible.

Enfin, Notre Seigneur Jésus-Christ a envoyé ses Apôtres enseigner et baptiser. Il les a envoyés dans le monde à la conquête des hommes. Et rapidement, l’Église s’est structurée pour répondre à sa vocation. Les communautés chrétiennes apparaissent avec à leur tête un évêque. Elle s’organise pour subvenir à ses besoins, pour s’entraider, pour grandir tout en étant fidèle à l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Tout cela est bien matériel et visible.

Conclusion

L’idée selon laquelle l’Église n’est que spirituelle, que le christianisme n’est finalement que la recherche d’une perfection intérieure et le développement d’un royaume purement intérieur, conduit inévitablement à séparer l’Église de l’Église institutionnelle pour renier ensuite l’origine divine de l’Église institutionnelle et montrer sa prétendue fausseté. Les partisans d’une telle erreur présentent l’Église institutionnelle comme l’œuvre des disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ, œuvre nécessaire mais uniquement humaine. Ils l’auraient fondée pour répondre au développement des communautés chrétiennes et pour les adapter au monde dans lesquelles elles sont nées. Notre Seigneur n’aurait en fait pas prévu sa fondation. Or cette erreur manifeste au contraire la conception bien humaine de l’Église, une conception qui dénie la réalité des choses et égare l’esprit dans des chimères.

Idéalisation, désespoir, instrumentalisation, telles sont les causes très probables de ces erreurs. Les belles idées provenant souvent d’un cœur généreux et de belles intentions finissent par aveugler les esprits les plus élevés. Faut-il mépriser l’Église parce que le corps n’est pas comme nous le souhaitons et qu’il n’est pas à la hauteur de son âme ? L’Église ne se réduit pas à ses membres…



Notes et références

[1] Daniel-Rops, L’Église de la cathédrale et de la croisade, XIV, Fayard, 1952.
[2] Jean XXII, Constitution Gloriosam Ecclésiam, §14, 23 janvier 1318, Denzinger 922.

samedi 22 octobre 2016

L'Église selon Saint Irénée de Lyon

Saint Irénée (130-202), évêque de Lyon, est un des Pères de l’Église, successeurs des Pères apostoliques. Auditeur fervent de Saint Polycarpe, il a vécu à Smyrne en Asie Mineure. Il a ainsi pu « encore percevoir un écho direct de la parole de ceux qui avaient été les témoins oculaires de la vie du Christ »[1]. En 177, il devient évêque de Lyon, succédant à Pothin, fondateur de l’Église vers l’an 150 et mort en prison. Il est donc un témoin précieux et authentique de l’Église des premiers temps mais surtout un garant de l’enseignement de l’Église.

Saint Irénée nous a laissé un écrit connu sous le nom de Contre les Hérésies[2]. Il apparaît comme un « pasteur lucide, pleinement conscient des responsabilités qui pèsent sur lui à un tournant critique de l’histoire, à une heure où l’hérésie gnostique ne cesse de gagner du terrain et menace de submerger les communautés chrétiennes. »[3] Nous avons cherché à savoir comment ce grand évêque conçoit l’Église.

Remarquons avant tout que Saint Irénée utilise le terme d’Église aussi bien dans le sens d’Église répandue dans le monde que dans le sens d’Église locale. Les deux sens sont encore confondus.

L’unité de l’Église et unité de foi

La première information frappante que nous donne Saint Irénée sur l’Église est son Unité. « L’Église garde avec soin, comme n’habitant qu’une seule maison, elle y croit d’une manière identique, comme n’ayant qu’une seule âme et qu’un même cœur, et elle les prêche, les enseigne et les transmets d’une voix unanime, comme ne possédant qu’une seule bouche » (I, 10, 2). Une est sa foi. Pourtant, selon Saint Irénée, de nombreux obstacles s’opposent à cette unité. Son universalisme en est un. L’Église se répand en effet dans le monde entier et rencontre des hommes aux langues diverses. Pourtant, elle garde son unité et transmet fidèlement aux hommes ce qu’elle a reçu en dépit de leur diversité.

Aux premiers siècles du christianisme, l’Église se trouve face à l’hérésie gnostique. Saint Irénée oppose son unité aux multiples et innombrables variations de doctrines gnostiques. « Toute la véritable Église possède une seule et même foi à travers le monde entier » (10, 3). L’un s’oppose à la pluralité.

La fidélité au dépôt de la foi

Comment Saint Irénée explique-t-il l’instabilité et le pluralisme de l’hérésie gnostique ? L'hérétique se repose uniquement en sasagesse, c’est-à-dire « une fiction de son imagination » (III, 2, 1). Lorsque la Sainte Écriture les récuse, ils lui renient toute authenticité et fiabilité. Ils fabriquent leur propre canon. Lorsque la Tradition s’oppose à leurs doctrines, ils prétendent qu’elle n’est ni complète ni intègre. « Il se trouve donc qu’ils ne s’accordent plus ni avec les Écritures ni avec la Tradition. » (III, 2,2)

Or l’attitude de l’Église est différente. Le dépôt de la foi est précieusement gardé dans l’Église grâce à la succession des évêques. La foi de l’Église est la foi des Apôtres précieusement gardée. La Tradition qui se manifeste par la succession légitime des évêques est garante de l’unité de la foi.

Les hérétiques sont « les disciples […] de leur propre jugement perverti : d‘où la diversité de leurs opinions, chacun d’entre eux recevant l’erreur suivant sa capacité. L’Église, au contraire, qui tire des Apôtres sa ferme origine, persévère à travers le monde entier dans une seule et même doctrine sur Dieu et sur son Fils. » (III, 12,7)

La Tradition, garant de l’unité de la foi

Pour la première fois, le terme de « Tradition » est employé dans un écrit chrétien connu. Saint Irénée la définit comme venant « des apôtres et qui, grâce aux successeurs des presbytres[4], se garde dans les Églises » (III, 2, 2). Elle se distingue des versions écrites des Évangiles. Elle est perceptible en toute Église. Cette Tradition n’est pas celle d’une Église locale mais bien de l’Église. Elle se manifeste par la succession connue et ininterrompue des Apôtres.

La conservation de la foi s’explique donc en particulier par la succession ininterrompue des évêques. Comme il ne peut pas énumérer les successions de toutes les Églises, Saint Irénée choisit « l’Église très grande, très ancienne et connue de tous » (III, 3, 2). Il s’agit de l’Église de Rome, « elle en qui toujours, au bénéfice des gens de partout, a été conservée la Tradition qui vient des Apôtres. » (III, 3, 2) Ce privilège s’explique par l’excellence de ses origines. Saint Irénée voit en Saint Pierre et Saint Paul ceux qui « fondèrent et établirent l’Église de Rome » (III, 3, 2). L’énumération de la succession des évêques de Rome à partir des Apôtres est pour Sainte Irénée une preuve « très complète qu’elle est une et identique à elle-même, cette foi vivifiante qui, dans l’Église, depuis les Apôtres jusqu’à maintenant, s’est conservée et transmise dans la vérité. » (III, 3, 3) Car chaque évêque enseigne fidèlement ce qu’il a reçu. « Les Apôtres et leurs disciples enseignaient exactement ce que prêche l’Église » (12, 13). Et ce que chacun reçoit est la doctrine que l’Église transmet et qui est la seule vraie.

L’Église, seule gardienne de la foi

Pour Saint Irénée, l’unité de foi est gage de vérité. Par conséquent, l’enseignement de l’Église est vrai. « Le message de l’Église est donc véridique et solide, puisque c’est chez elle qu’un seul et même chemin de salut apparaît à travers le monde entier. » (V, 20, 1) La vérité est donc à recevoir de l’Église.

En outre, tous peuvent la trouver. « C’est elle qui est la voie d’accès à la vie, tous les autres sont des voleurs et des brigands. » (III, 4, 1) Ainsi faut-il rejeter toute doctrine ou parole venant des hérétiques. Il faut non seulement ne pas délaisser la doctrine de l’Église mais aussi se réfugier dans l’Église pour fuir les erreurs.

Seule l’Église a reçu le « Don de Dieu », c’est-à-dire le Saint Esprit. Elle est sans cesse sous son action. « Là où est l’Église, là est aussi l‘Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce. Et l’Esprit est Vérité. » (III, 24, 1) Ceux qui s’excluent de l’Église s’excluent de l’Esprit et par conséquent « ne se nourrissent pas non plus aux mamelles de leur Mère en vue de la vie et n’ont point part à la source limpide qui coule du corps du Christ. » (III, 24, 1) L’Église est la Mère qui allaite ou encore le corps du Christ qui abreuve. Elle est encore « plantée comme un paradis dans le monde » (V, 20, 2). Ainsi exclus de la vérité, ils ne peuvent qu’errer dans l’erreur et « ballottés par elle » (III, 24, 2) puisqu’« ils ne sont pas fondés sur le Roc unique mais sur le sable » (III, 24, 2).

Les missions de l’évêque

Saint Irénée s’applique donc à s’opposer aux hérétiques et à les ramener à l’Église tout en raffermissant les néophytes. Car telle est la mission des évêques, la mission des pasteurs de l’Église, « gardienne fidèle de la foi » (V, Préface). Non seulement il faut s’attaquer aux erreurs mais éviter aussi que les plus faibles puissent se laisser entraîner par des doctrines étrangères. Il faut enfin réintégrer les égarés dans l’Église. Nous retrouvons l’idée traditionnelle de la véritable recherche de l’Unité de l’Église.

Conclusion

Comprenons Saint Irénée. Il doit s’opposer à une hérésie qui menace sérieusement l’Église. Son ouvrage se concentre naturellement sur la foi. Il montre alors en quoi l’Église est véritablement l’Église du Christ par rapport aux différentes sectes gnostiques. L’unité de sa foi est un fait qui démontre sa véracité, son authenticité.

Il nous rappelle aussi de manière admirable que sous l’action du Saint Esprit, l’Église garde et transmet précieusement l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ, conservant ainsi la foi des Apôtres. Elle prêche donc la Vérité sans laquelle il n’est point possible de se nourrir de la vie. Or l’hérésie est nouveauté et instabilité. Elle se divise en multiples doctrines et sectes. L’unité de foi distingue la vraie Église de toutes celles qui prétendent l’être. La Tradition témoigne de cette unité de foi. Elle est donc démontrable historiquement.

Comme le démontrera plus tard Saint Augustin, l’Église est finalement la règle de foi. C’est donc vers elle qu’il faut se tourner pour juger de la véracité d’une doctrine ou de l’interprétation de la Sainte Écriture. Il faut recourir à elle comme à une Mère. Gardienne de la foi, l’Église a aussi le devoir d’enseigner la vérité, de dénoncer et de réfuter l’erreur, d’affermir les fidèles dans la foi et de chercher à faire changer les hérétiques pour les réintégrer dans l’Église. Saint Irénée nous en donne le meilleur exemple d’un pasteur dévoué, protégeant son troupeau et en quête de brebis égarées…





Notes et références
[1] Adelin Rousseau, Introduction dans Irénée de Lyon, Contre les hérésies, Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur, traduction A. Rousseau, Sagesses chrétiennes, Cerf, 2001.
[2] Irénée de Lyon, Contre les hérésies, Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur
[3] Adelin Rousseau, Introduction dans Irénée de Lyon, Contre les hérésies, Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur.
[4]Les presbytres désignent les évêques.

vendredi 14 octobre 2016

La Catholica


Au temps apostolique, des doctrines hérétiques se répandent dans les communautés chrétiennes. Certains chrétiens renient notamment le mystère de l’Incarnation, prétendant que Notre Seigneur Jésus-Christ n’était pas fait de chair [1]. Le Pape Saint Clément de Rome, les évêques Saint Ignace d’Antioche ou encore Saint Polycarpe de Smyrne, dont nous avons certains écrits authentiques, demandent alors fermement aux fidèles de ne pas les recevoir et de ne pas écouter ces doctrines étrangères à l’enseignement de Notre Jésus-Christ qu’ont transmis les Apôtres. Or les hérétiques se proclament eux-mêmes être l’Église. Ainsi dès l’origine du christianisme, se font face différentes communautés qui toutes prétendent être l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Pour désigner la vrai Église et la distinguer des fausses, Saint Ignace d’Antioche utilise l’expression « Église catholique ».

Bien plus tard, au IIIème puis au IVème siècle, l’Église est aussi menacée par des hérésies en Afrique du Nord. Des schismes viennent également la frapper. Le manichéisme ou le donatisme font des ravages dans les communautés chrétiennes. Et eux-aussi prétendent être l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Pourtant, l’Église est une, une par la foi, une par la charité. Comment donc distinguer la vrai Église ? Comment des doctrines dissemblables et contradictoires peuvent-elles en effet prétendre venir de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Dieu serait-Il changeant ou insensé ? Comment l’Église peut-elle être dirigée par des têtes opposées dans un corps divisé ? Notre Seigneur Jésus-Christ peut-Il être démembré, opposé à Lui-même ? Or toute société déchirée et opposée à elle-même est vouée à la mort comme notre Maître nous l’enseigne. Il ne peut donc avoir deux Églises de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais comment reconnaître la vraie ? Telle est la question que se posent notamment Optat de Milève et Saint Augustin.

Face au Donatisme

L’Afrique chrétienne a souvent été une terre de schisme. Au IVe siècle, le donatisme continue de diviser les communautés chrétiennes. Le but de notre article n’est pas de le définir. Nous l’avons déjà  fait dans un autre article [1]. Il est important de savoir que Parmenianus, un des chefs des Donatistes, et Optat de Milève [11], un défenseur de l’Église catholique, sont d’accord sur trois points :· 
- l’Église est une et indivisible ; 
- le salut n'est possible que dans l'Eglise ;
- les hérétiques sont exclus de l'Eglise.

Comment distinguer les Catholiques et les Donatistes ? Lorsque l’hérésie est la source d’une division, il est plutôt facile de reconnaître celui qui quitte l’Église puisque l’Église se reconnaît par sa foi, qui est la foi catholique. Pourtant, cela n’est pas si simple puisqu’il faut définir la règle de foi. Nous en reparlerons plus loin. La question est assurément plus délicate pour deux parties qui se réclament de la même foi catholique. Comment savoir entre eux où est l’Église ?

Selon Parmenianus, une épouse légitime se reconnaît par les biens que lui a constitués son époux en l’épousant. Ainsi comme elle est l’épouse du Christ, la véritable Église se reconnaît par les biens que Notre Seigneur Jésus-Christ lui a donnés. Parmenianus les appelle « dotes Ecclesiae ». Si les hérétiques n’ont pas ses biens, ils ne sont pas l’Église. Optat trouve cet argument excellent. Il va même les utiliser contre Parmenianus. Les « dotes Ecclesiae » sont au nombre de six : la « cathedra », symbole de l’unité de l’Église locale, l’évêque, l’Esprit, l’eau de la piscine baptismale et le symbole baptismal, l’autel et enfin le sacerdoce.

Contrairement à Parmenianus, qui considère les catholiques comme des hérétiques, Optat de Milève voit chez les donatistes des schismatiques[4]. Il se demande alors comment il est possible de différencier le schismatique du catholique, les deux demeurant fidèles au dépôt de la foi.

Pour Optat, le schismatique est celui qui a rompu avec l’Église visible. Il s’est rebellé contre son autorité. Il est donc sorti volontairement de l’Église. Pour montrer que les donatistes sont des schismatiques, il revient sur les origines de l’affaire. Il rappelle notamment la condamnation qu’ils ont reçue de la part des conciles régionaux, des autorités politiques et d’un concile de Rome. Une sentence de l’Empereur rejette en outre la prétention des Donatistes. Ils ne sont pas en effet l’Église puisque la « Catholica » est l’Église qui est répandue dans le monde entier. Or leurs communautés ne se sont vraiment diffusées qu’en Afrique du Nord. Cet argument sera souvent utilisé.

En s’appuyant sur des décisions du concile de Rome, Optat considère l’Église catholique comme la seule légitime d’abord « parce qu’elle est à Carthage l’Église historique, enracinée dans le passé et remontant à l’origine » et « parce qu’elle fait partie intégrante de la catholicité totale »[5]. Deux arguments montrent donc l’authenticité de l’Église locale : l’argument apostolique et l’argument géographique, c’est-à-dire en un mot sa catholicité temporelle (ou historique) et géographique, catholicité voulue par Dieu. Nous avons déjà montré que la catholicité répond à la volonté de sauver tous les hommes. Or l’église des Donatistes ne répond pas à ces deux critères. Elle ne peut donc se présenter comme étant la vraie Église.

L’argumentation d’Optat de Milève n’est pas nouvelle. Nous avons déjà vu dans une des lettres de Saint Ignace d’Antioche, datée du IIe siècle. L’expression « Église catholique » a été employée par opposition aux hérétiques. Elle est aussi présente dans le Fragmentum Muratorianum, un écrit rédigé vers 200. La Catholica est aussi utilisée par le Pape Cornélius dans une lettre adressé à Saint Cyprien, par Saint Cyprien et par un participant au concile de Carthage de 256. Deux évêques de Rome opposent aussi aux Donatistes la catholicité de l’Église. Une église limitée à un coin de l’univers ne peut prétendre être la véritable Église. L’expression « Église catholique » désigne donc bien l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le qualificatif « catholique » est en quelque sorte un marquant pour la distinguer des communautés et autres églises qui prétendent être l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le terme de « Catholica » est même employé, notamment par Optat mais surtout par Saint Augustin, comme synonyme d’Église. C’est la « Catholica » qui possède la vérité. C’est la mère qui enfante les chrétiens. Saint Augustin développe l’image de la vigne dont nous devons craindre d’être retranchés pour notre salut car un serment coupé n’a plus de vie. Il identifie « Catholica » et l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Rappelons que, comme nous l’avons déjà évoqué[6], nous entendons aujourd’hui la catholicité géographique au sens moral. L’Église a la capacité de s’étendre partout. C’est sa vocation. Elle est surtout son objectif final. Ainsi une communauté qui ne s’attache pas à la succession des apôtres et demeure limitée moralement ne peut prétendre être l’Église.

Dans son argumentation, Optat rappelle que Saint Pierre est le chef des Apôtres. Il est le fondement de l’Église. Aucun des autres Apôtres ne peut élever sa « cathedra » particulière contre celle de Saint Pierre. La « cathedra Petri » assure même l’union de tous les Apôtres. Elle sauvegarde l’unité de l’Église. L’union à cette « cathedra » est donc un argument en faveur de la légitimité de l’Église locale. Or le schismatique s’élève contre la « cathedra Petri ». 

Après Optat de Milève, Saint Augustin reprend le combat contre le Donatisme et tente de résoudre la querelle. Il s’appuie fortement sur l’argumentation d’Optat de Milève. Il utilise l’argument de la « cathedra Petri » mais progressivement il l’abandonne au profit de l’argument de la catholicité qui lui apparaît plus forte. Ne pas se rattacher à la racine chrétienne qui se trouve dans les sièges qui remontent aux Apôtres, c’est être retranché de la société chrétienne. Et sur les sièges apostoliques repose la succession apostolique des évêques. Cependant, le siège de Rome a la particularité d’être celle de Saint Pierre, qui est le premier des Apôtres, le fondement de l’Église.

Saint Augustin défend donc fermement que l’Église catholique est bien l’Église du Christ. Pour résoudre le schisme, il propose à un évêque donatiste de se rencontrer. Que dit-il à son interlocuteur ? Il faut chercher « quel différend, quelle cause initiale, quelle raison, a introduit dans l’Église du Christ une si déplorable et douloureuse scission ! »[7]

Aux fidèles qui pourraient avoir peur de la situation, Saint Augustin les rassure puisque la « Catholica » leur est une assurance. Il est l’héritage du Christ contre lequel rien ne peut s’opposer. Ils peuvent donc s’appuyer sur la promesse de Notre Seigneur Jésus-Christ. Au-delà, rien n’est sûr…

Ainsi contre le Donatisme et leurs prétentions de former la véritable Église, Optat de Milève puis Saint Augustin utilisent trois arguments principaux : l’apostolicité, la catholicité, temporelle et géographique, et la communion avec le siège de Rome. Les Donatistes sont bien conscients de leurs faiblesses. Alors qu’en 313 les Donatistes se disaient catholiques, en 393 ils se réclament de l’Évangile.

Face à l’hérésie

L’hérésie consiste dans la négation formelle et obstinée d’une vérité de foi. Les hérétiques « ont préféré s’acharner à défendre leurs erreurs plutôt que de veiller à les corriger »[8]. Elle est donc une erreur consciente commise contre la règle de foi. La question est donc de savoir qui est l’autorité qui définit cette règle.



Avant d’y répondre, notons une remarque de Saint Augustin. L’hérésie est reconnaissable en s’opposant à l’Église catholique qui la réprouve, en se donnant une dénomination particulière, en faisant sécession. Mais elle peut aussi se dissimuler à l’intérieur de l’Église. Or le schisme se détache volontairement de l’Église. Les schismatiques « se sont laissés emportés […] au souffle de l’orgueil, et de leur propre initiative, séparés de nous. » [9] L’hérésie en est éconduite d’autorité. Certes, dans les deux cas, les hérétiques et les schismatiques n’appartiennent plus à la « Catholica ». Ce sont des rameaux coupés de la vigne, retranchés de l’unité de l’Église. Ils n’ont pas le droit à l’héritage de la vie éternelle. Ils doivent pour cela retourner à l’Église catholique. Comme un rameau coupé, ils n’ont plus de lien avec elle…

Aux hérétiques, Saint Augustin affirme que l’Église catholique est bien la seule et vraie Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Certes c’est une question de foi mais cet article de foi peut s’appuyer sur des arguments de crédibilité. Elle a pour elle la continuité par opposition à l’hérésie qui est toujours une nouveauté. Cela nous renvoie au terme de catholicité au sens temporel. Nous pouvons remonter en effet dans les temps jusqu’à l’origine, jusqu’au premier qui a cru, jusqu’à Notre Seigneur Jésus-Christ en personne, auteur premier de notre foi. Le nom « catholique » est ainsi attribué à la foi de l’Église. La foi catholique est la foi des apôtres et de tous ceux qui se rattachent par la succession de ses évêques depuis que Notre Seigneur Jésus-Christ a fondé l’Église. L’authenticité de l’Église catholique se prouve donc historiquement. L’Église catholique est donc celle qui enseigne la foi catholique. Ainsi, l’Église catholique est règle de foi. S’il y a donc hérésie, cela ne peut provenir de l’Église catholique mais de celui qui s’en sépare.

Saint Augustin défend l’autorité de l’Église catholique, une autorité voulue par Dieu. C’est par elle que nous recevons les Saintes Écritures. C’est par elle que nous pouvons justifier des doctrines. C’est par elle finalement que nous observons la tradition apostolique. Car tout cela est reçu dans l’Église universelle. Lorsqu’une coutume n’est pas instituée par un concile œcuménique alors qu’elle reçue dans toute l’Église catholique, elle appartient à la Tradition et fait donc partie du dépôt de la foi. Le concile œcuménique vient même confirmer la coutume universelle et antique lorsqu’elle est contestée ou confuse. Telles sont notamment les pensées de Saint Cyprien. Les évêques peuvent ainsi être en désaccord sur un point de doctrine jusqu’au jour où la controverse est tranchée par un concile œcuménique. Le concile œcuménique ne fait donc que confirmer la foi catholique, il ne fait pas la foi. Lorsque l’Église catholique a parlé, la liberté de controverse est épuisée…

Notre Seigneur Jésus-Christ ne sépare pas la vraie foi de la vraie Église.  « Dans la chaire de l’unité, il a placé l’enseignement de la vérité. »[10] Il y a hérésie car l’Église est nécessairement dans la vérité. Pour Saint Augustin, l’Église est infaillible dans son universalité. Elle est colonne et fondement de la vérité. Elle est protégée par son chef qui la commande, chef invisible qu’elle a dans le ciel, parce qu’elle est corps mystique du Christ.

Conclusion

Face à la multitude des dénominations chrétiennes, il est important de discerner la vraie et seule Église. Car la foi nous demande de croire en une Église. La catholicité demeure un des critères d’authenticité incontestables. L’Église définit dans les symboles de foi les quatre critères, ou notes, qui la caractérisent : unité, catholicité, apostolicité, sainteté. Car destinée à tout l’univers, à tout le genre humain, à tous les temps, l’Église est et ne peut qu’être catholique. Elle peut être occidentale ou orientale, séjournant à Carthage ou à Thagaste, elle demeure une et catholique.

Reprenant une coutume populaire, déjà présente au IIe siècle et surtout au IIIe siècle, l’expression « Église catholique » servait à l’origine à identifier la vraie Église. Il est donc étrange aujourd’hui de vouloir distinguer l’Église catholique de l’Église du Christ ! Mais peut-être, est-ce le résultat d’une confusion, présente certainement dans l’opinion, entre l’Église romaine et l’Église catholique ou entre l’Église occidentale et l’Église catholique ? Or certaines Églises orientales unies à Rome sont bien catholiques. Si ce n’est pas le cas, de quelles autorités pouvons-nous dire qu’il n’y a pas pleine et entière identification entre l’Église fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ et l’Église catholique ? De telles idées s’opposent aux Pères de l’Église. Qu’on nous montre donc l’unanimité des Pères de l’Église sur cette question !




Notes et réferences
[1] Hérésie appelée docétisme. Voir Emeraude, septembre 2013.
[4] Les Donatistes nient la validité du baptême catholique. Ils sont véritablement hérétiques.
[5] Battifol, Le catholicisme de Saint Augustin, d’après Optat de Milève, I, 28.
[6] Voir Émeraude, articles "Universalité du Royaume de Dieu" et "Le grain de Sénévé", mai 016.
[7] Saint Augustin, Epist., XXXIII, 5.
[8] Saint Augustin, La vraie religion, n°9, œuvres de Saint Augustin, tome VIII, traduction J. Pegon.
[9] Saint Augustin, La vraie religion, n°9, œuvres de Saint Augustin, tome VIII, traduction J. Pegon.
[10] Saint Augustin, Epistol., CV, 16 dans Le catholicisme de Saint Augustin, Pierre Battifol, 1920.
[11] Milève (ou Mila) est une ville antique de la Numidie, aujourd'hui située en'Algérie.

samedi 1 octobre 2016

Qu'est-ce que l'Église ? Réponse par les images

Parfois, les mots sont bien incapables d'exprimer la vérité. Hésitants, ambiguës, ils s’ajoutent les uns aux autres sans pouvoir exprimer ce que l’esprit veut dire. Ils peuvent aussi être précis et justes mais demeurer obscurs et inefficaces pour un esprit trop enfermé dans ses certitudes ou dans ses erreurs. Ainsi faut-il parfois refuser toutes formulations, définitions, ou autres palabres pour se contenter d’une belle histoire.  Les yeux de l’âme peuvent saisir ce que ses oreilles ne peuvent entendre. Est-ce le cas pour l’Église ?  Il est en effet difficile de La définir. Il existe plusieurs définitions, comme celle de Bellarmin, du catéchisme de Trente ou encore celle du Concile de Vatican II.

Dans la Sainte Écriture, Notre Seigneur Jésus-Christ apprécie beaucoup les paraboles. Elles portent encore aujourd'hui de remarquables enseignements. Quatre d’entre elles nous parlent en particulier de ce qu’est l’Église. Elles sont riches de vérité. Elles sont aussi suffisamment fortes pour répondre à tous ses contradicteurs.

L’Église, signe visible

« Vous êtes la lumière du monde. Une ville ne peut être cachée, quand elle est située sur une montagne, et on n’allume point une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur un chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Qu’ainsi donc luise votre lumière devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Matthieu, V, 14-16)

Commentant ces paroles, Saint Jean Chrysostome justifie la raison de la visibilité de l’Église. « C’est à vous de veiller à ce qu’il ne cesse jamais de briller, non seulement pour vous, et pour ceux que vous devrez éclairer, mais encore pour la gloire de Dieu. »[1] Elle est visible pour affermir les fidèles dans la foi, pour appeler les hommes à se convertir, pour manifester la gloire de Dieu. Notre Seigneur Jésus-Christ appelle ses disciples à rayonner devant les hommes et à manifester leur foi comme leur charité afin que Dieu soit visible par leur présence. Comme une lumière est par nature visible à tous, l’Église est perceptible pour tous les hommes.

Les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ nous renvoient à une prophétie d’Isaïe. « Et il arrivera dans les derniers jours que la montagne préparée pour la demeure du Seigneur sera établie sur le sommet des montagnes, et elle sera élevée au-dessus des collines, et tous les peuples y afflueront. » (Isaïe, II, 1-3) Or comme nous le rappelle Saint Augustin, « une ville placée sur une montagne […] ne peut être cachée »[2].

L’Église n’est pas simplement visible au sens absolu, elle l’est aussi au sens relatif, ou dit autrement elle est aussi reconnaissable par rapport à tout ce qui pourrait être l’Église. Elle doit être reconnue comme étant la véritable Église, celle fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ, distinguée des fausses Églises.

Notre Seigneur Jésus-Christ donne un signe, celui de la vie de charité qui doit animer ses membres. « Je vous donne un commandement nouveau : c’est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. C’est en cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jean, XIII, 35) Ce n’est pas un signe qui nous permet de reconnaître l’Église mais plutôt un signe de l’appartenance à l’Église. Cependant, nous pouvons voir l’Église dans ses membres et la reconnaître en eux, qui sont les siens, comme la véritable Église. 

Une Église sous la forme spirituelle

Dans la Sainte Écriture, l’Église apparaît aussi comme une communauté de grâce avec Dieu. « Le royaume de Dieu est au-dedans de vous. » (Luc, XVII, 21) Elle apparaît comme un ensemble de mystères qui a été donné de connaître à ses disciples. Elle est saisie avec la foi. « Heureux vos yeux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent. » (Matthieu, XIII, 16) Effectivement, nous entrons dans l’Église par le baptême et par l’adhésion à la foi. Aux Apôtres, Notre Seigneur Jésus-Christ demande d’enseigner toutes les nations « les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé » (Matthieu, XXVIII, 19) Dans l’Église, nous confessons le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et nous y observons ses commandements.

Dans le discours des Béatitudes, Notre Seigneur nous présente les conditions pour y entrer et demeurer. Il nous demande notamment d’être pauvres d’esprit, doux, miséricordieux, pacifiques. Ainsi « cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice » (Matthieu, VI, 33).

Et dans le prologue de l’Évangile selon Saint Jean, nous écoutons avec ravissement qu’ « à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu ; à ceux qui croient en son nom ; qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. »(Jean, I, 12-13) Le caractère spirituel de l’Église est nettement marqué dans ce passage comme dans tout l’Évangile selon Saint Jean. L’Église se présente comme un royaume de la vérité et de la grâce, de la lumière et de la vie

Le bon grain et l’ivraie

Pour mieux comprendre ce qu’Il enseigne à ses disciples et à nous-mêmes, Notre Seigneur Jésus-Christ propose à ceux qui veulent bien L’entendre des paraboles simples et d‘une force extraordinaire au point qu’elles demeurent encore présentes dans les mémoires. Belles et riches images à méditer... La parabole du bon grain et de l’ivraie en est un exemple.

Imaginons Notre Maître assis sur une barque proche du rivage. Au bord de la mer est assemblée une foule attentive, admirative, buvant des paroles inaltérables, sources de vie. « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé du bon grain dans son champ. » (Matthieu, XIII, 24) Au grand jour, un semeur sema dans son champ comme font tous les paysans. Mais dans la nuit, le champ délaissé, « son ennemi vint et sema de l’ivraie au milieu du froment, et s’en alla. » (Matthieu, XIII, 25)

Rappelons que l’ivraie est réputée nocive, donnant surtout des nausées et des vertiges. Au début, lorsqu’elle pousse, elle est assez semblable au blé en herbe puis deviennent reconnaissable une fois la pousse avancée. Ainsi « les serviteurs du père de famille s’approchant, lui demandèrent : Seigneur, n’avez-vous pas semé du bon grain dans votre champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? » (Matthieu, XIII, 27)

Si les serviteurs furent surpris, le maître ne le fut pas. Il reconnut la main de son ennemi. Alors ils lui demandèrent s’ils pouvaient arracher les mauvaises herbes. « Non, de peur qu’arrachant l’ivraie, vous n’arrachiez aussi le froment avec elle. Laissez l’un et l’autre croître jusqu’à la moisson, je dirai aux moissonneurs : arrachez d’abord l’ivraie, et liez-là en gerbes pour la brûler ; mais le froment, rassemblez-le dans mon grenier. » (Matthieu, XIII, 28-30)

Notre Seigneur Jésus-Christ nous donne Lui-même la clé de lecture. Le semeur, c’est Lui-même, qui sème dans le monde. « Le bon grain, ce sont les enfants du royaume, et l’ivraie les enfants du malin. L’ennemi, qui l’a semée, c’est le démon. La moisson, c’est la consommation des siècles ; et les moissonneurs sont les anges. » (Matthieu, XIII, 38) Ainsi le maître laisse vivre ensemble dans son champ les fils du Royaume et les fils du démon. Quand viendra le jugement, à la fin des siècles, les anges sépareront le bon grain de l’ivraie, les justes des méchants. Les uns jouiront des splendeurs du Royaume de Dieu, les autres brûleront dans les fournaises du châtiment, « là sera les pleurs et les grincements de dents. » (Matthieu, XIII, 42) Saint Augustin voit dans l’ivraie les doctrines hérétiques et les philosophies mauvaises.

De même, vivant dans le monde, l’Église est une société dans laquelle s’entremêlent l’ivraie et le bon grain. Ce n’est qu’à la fin des temps que les justes et les pécheurs seront jugés et distingués. L’Église fait bien partie du champ du monde. Elle n’est pas que l’ensemble des saints. Le démon peut y semer le désordre et la confusion. Le péché peut donc atteindre ses membres. Et ce serait folie de vouloir arracher la mauvaise herbe. Car en voulant se défaire des mauvais, nous risquons de toucher aux bons. En outre, le mauvais le restera-t-il toute sa vie ? Ainsi non seulement les membres de l’Église ne sont pas tous saints mais les mauvais peuvent le devenir avant leur jugement. Il faut donc laisser opérer la justice divine

L’Église, l’hôtellerie du Bon Samaritain

Descendant de Jérusalem à Jéricho, le Bon Samaritain voit sur le chemin un homme dépouillé, chargé de coups, presque mort. Il s’approche de lui et bande ses plaies. Il le met sur sa monture, le mène dans une hôtellerie et prend soin de lui. « Aie soin de cet homme, et tout ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. » (Luc, X, 35) L’histoire du Bon Samaritain est une des paraboles illustres qui manifestent non seulement l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ - l’amour du prochain - mais également son action - le soin des âmes – dont l’Église en est la continuation.



Les Pères de l’Église ont vu dans l’homme à demi-mort l’humanité toute entière. Comme il est tombé aux mains des brigands, volé et blessé, elle a été dépouillée par la désobéissance du premier homme. C’est l’homme déchu, couvert de blessures, à demi-mort, profondément atteint par le péché mortel. Descendu de la Jérusalem céleste, Notre Seigneur Jésus-Christ est venu le guérir et le relever. Touché par une sincère compassion et habité d’une sincère miséricorde, Dieu fait homme s’est fait son prochain. Il a comblé l’abîme qui sépare l’infini de la poussière. Il a soigné nos plaies, adouci nos peines, guéri nos âmes. Il nous a apporté le remède qui seul peut nous toucher et nous relever. Puis, Notre Seigneur conduit l’âme à l’hôtellerie. Selon Saint Chrysostome, « cette hôtellerie, c’est l’Église qui reçoit tous ceux qui sont fatigués des voies du monde, et accablés sous le poids de leurs péchés ; c’est là qu’après avoir déposé ce fardeau, le voyageur harassé se repose et reprend de nouvelles forces ». L’Église prend soin des hommes tombés sur le chemin de la vie que Notre Seigneur Jésus-Christ a recueillis et lui a confiés. Elle lui offre un repos assuré et une sécurité complète jusqu’au jour où Il reviendra le reprendre.

Conclusion

Au travers de quatre paraboles, nous saisissons quelques caractères de l’Église : sa visibilité, sa spiritualité, la mixité de ses membres et sa puissance salvatrice. Elle est une société visible et reconnaissable, dotée d’une âme. Si son corps comporte des éléments bons et mauvais, son âme est sainte. Elle peut accueillir tous les hommes et leur donner tout ce dont ils ont besoin pour réparer leurs blessures et vivre de nouveau. Elle ne se résume donc pas à une société ni à son esprit ou encore à des moyens de salut. Tout cela paraît bien réducteur. Il est en fait bien difficile de renfermer un mystère si grand dans des mots pauvrement humains. Fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ, elle poursuit son œuvre jusqu’au jour où elle entrera dans le Royaume de Dieu…

En prenant en compte ces différentes réalités de l’Église, nous pouvons répondre à ses contradicteurs qui généralement ignorent ce qu’elle est. Mais les mots, répétons-nous, sont bien inaudibles pour des esprits renfermés. La meilleure voie est parfois de montrer ce qu’est l’Église, notamment en se montrant digne d’elle.




Notes et références
[1] Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur Saint Matthieu, 15, dans La Chaîne d’Or, tome I, Saint Thomas d’Aquin, trad. l’abbé J.-M. Péronn, librairie et éditeur groupe Saint-Rémi.
[2] Saint Augustin, In Ep. Joan, I, 13.