" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 26 mai 2017

Justice et miséricorde de Dieu

Il y a 500 ans un homme a déclenché une des plus grandes révoltes religieuses que l’Église catholique a certainement connues. Elle a éclaté en un temps troublé, hélas propice à un tel drame. Luther en garde une responsabilité tant incontestable qu’écrasante. Qui pourrait le louer sans commettre une injustice ? Qui pourrait en effet louer celui qui a tant excité les passions des hommes au mépris de la foi et de la raison ?

Sûr de lui et de son élection divine, Luther a cherché à défendre et à imposer une certaine conception de la religion. Contrairement à ce que nous pourrions croire, sa révolte n’est pas essentiellement doctrinale. Elle ne répond pas non plus à une volonté de réforme. Luther cherche encore moins à rénover l’homme. C’est d’abord et avant tout une révolte personnelle et intime contre une certaine conception de la vie religieuse. Il a remis en cause les relations entre Dieu et l’homme telles qu’elles étaient perçues à son époque. Et ces relations, si fondamentales dans une société alors chrétienne, se fondaient sur le salut ou plutôt sur la volonté de se sauver. Ce n’est pas un hasard si une pratique abusive des Indulgences a été le déclencheur de la révolte. Revenons donc au cœur de cette révolte religieuse…

L’inefficace et dérisoire justice humaine

Tourmenté dans sa cellule monastique, Luther doute de son salut. Il se mortifie par de nombreux exercices douloureux. Il multiplie ses prières. Il double ses jeûnes. Rien n’y fait. Le doute subsiste en lui. Et si Dieu ne l’acceptait pas ? Si Dieu refusait ses mortifications, ses litanies, ses jeûnes ? Que deviendraient ses souffrances et ses douleurs si ses larmes Le rendaient indifférent ? Un sacrifice, que vaut-il en effet s’il est rejeté par le Tout-Puissant ? Quelle détresse pour cette une âme fervente ! Tout le sens de la religion y est ainsi exprimé. Mais le sens en est bien restreint, à la mesure d’un regard tourné vers soi.

Depuis le jour où Abraham a suivi la volonté divine, quittant sa terre et sa famille à l’appel du Très-Haut, un peuple particulier est né, marqué de la bénédiction divine. Et en ce jour où il a voulu sacrifier son unique fils, obéissant sans hésiter à l’ordre reçu, une chose extraordinaire s’est produite dans l’histoire de l’humanité. Un geste perdu dans un coin reculé du monde, à l’abri des palais et des fureurs du temps. Une initiative divine, un homme en est l’objet. Il écoute et exécute, le cœur soumis, l’esprit confiant. Une chose extraordinaire s’est produite. Une alliance est née entre Dieu et un peuple, alliance qui s’affermira au gré des événements et des vicissitudes humaines. Dieu a choisi un peuple, et ce peuple, en retour, a choisi Dieu. L’infinie puissance divine se rabaisse à un abîme de misère. Une sorte de contrat unit Dieu et le peuple juif. Or comme tout contrat, il implique des charges et des devoirs pour les deux contractants. Le peuple élu s’engage à remplir la Loi que Dieu lui a transmise. En échange, Dieu promet au peuple fidèle une protection sans faille, le bonheur et la prospérité. Chacun doit exécuter fidèlement les clauses du contrat. Telle est la justice née d’une alliance. Si l’homme demeure fidèle à la Loi, il est juste et obtient le salut. Les promesses divines ne s’accomplissent qu’envers l’homme fidèle. Telle est la justice de la Loi.

Luther est seul et enfermé dans sa cellule. Ses scrupules le tourmentent. Dans ses pensées, se dresse un Dieu terrible. Siégeant sur un trône inaccessible, inflexible derrière son tribunal, Il évalue rigoureusement ses mérites et ses fautes, même les plus cachés. Terré dans sa conscience, abîmé d’inquiétude, il tremble d’entendre la sentence.

Pourtant, Dieu nous a avertis de cette étrange vanité. Qui est en effet capable de porter le joug de la Loi ? Et Saint Paul, qui pourrait oublier ses paroles inspirées ? Il nous a pourtant avertis.  La justice de la Loi est et demeure inefficace. Elle est en effet impuissante car elle ne nous transforme pas. Elle est limitée et bien étroite. C’est une justice par les œuvres, c’est-à-dire une justice qui vient finalement de l’homme, une justice à la mesure de l’homme. Éclairé par le Saint Esprit, Saint Paul nous fait découvrir une autre justice, celle de Dieu.

L’indispensable et nécessaire justice de Dieu

L’Apôtre des Gentils distingue deux justices, « notre justice, celle qui vient de la loi » et de « la justice qui vient de Dieu par la foi », « celle qui vient de la foi en Christ » (Philippiens, III, 9). La justice de Dieu est celle qui vient de Dieu et celle qui nous fait juste. Et cette justice est distincte et supérieure à la justice de l’homme qui vient de la Loi. Cette dernière est insuffisante pour le salut. Seule la justice de Dieu est efficace. Elle se révèle et se répand au moyen de l’Évangile, moyennant la foi de l’homme qui adhère aux vérités de foi et qui croit en elles.

Baptême du roi d'Ethiopie
La justice de Dieu est une justice sûre, efficace, aimable. Elle est là, proche de nous, à portée de nos lèvres, à portée de notre cœur. « Si tu confesses de ta bouche Jésus comme Seigneur, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. »(Rom., X, 9) Le salut est en effet simple, aussi simple que le remède que propose le prophète Élisée à Naaman pour guérir de la lèpre (Voir IV, Rois, IV). Quoi de plus simple que de reconnaître que Jésus est le Seigneur, et, de cœur, croire que Dieu l’a réveillé d’entre les morts ? Mais cela demeure encore insuffisant, nous dit Saint Paul. Il nous reste en effet à confesser de bouche et par nos œuvres ce que nous croyons. Telle est la justice qui provient de Dieu et qui nous rend juste. « Voici que moi, je poserai dans les fondements de Sion une pierre, une pierre éprouvée, angulaire, précieuse, enfoncée dans le fondement  » (Isaïe, XXVIII, 16)

Le salut ne réside donc pas dans la Loi sinon l’homme en serait la source puisque tout dépendrait finalement de son obéissance à la Loi et donc de sa volonté. Telle est la grande leçon que nous devons entendre pour ne point nous égarer dans nos vanités. Le salut ne provient que de Dieu.

La redécouverte de la justice de Dieu ne date pas du XVIème siècle. Elle ne l’est pas non plus découverte au fond d’une cellule où s’apitoie une âme bien esseulée dans son ignorance. L’Église l’a souvent enseignée et défendue contre tous ceux qui voyaient en l’homme la source de leur salut. Au temps de la grande inquiétude, celle qui finira par emporter la paix de nombreuses nations, beaucoup de chrétiens ne voient pas non plus Dieu comme un grand juge impitoyable, pesant le moindre geste et la moindre pensée, pour séparer les bons des mauvais…

La souveraineté de Dieu ou la tyrannie de l’homme ?

Si le salut ne réside pas en l’homme, faut-il croire que l’homme n’ait rien à faire pour se sauver ? Faut-il, comme Luther et surtout Calvin, voir son destin déjà écrit dans le Livre des vivants avant même qu’il ne naisse et qu'il ne meurt ? Faut-il croire à l'inutilité des œuvres quand finalement la question du salut est la seule et essentielle question de sa vie ? Si nous croyons à la prédestination des bons et des mauvais, à la vie et à la mort, comme ils l’enseignent plus ou moins clairement, notre âme ne peut que trembler d’effroi. Certes, nous ne nous inquiétons pas de savoir si nous sommes élus ou rejetés. Nous en sommes même indifférents à notre sort puisque nous ne voulons que ce que Dieu veut et ne recherchons qu’à faire la volonté de Celui que nous voulons aimer plus que nous-mêmes. Que son règne vienne, que sa volonté soit faite ! Non, notre inquiétude est ailleurs. Nous éprouvons une réelle détresse. Si Dieu prédestine les hommes à l’éternité et à la damnation, sans aucun mérite de leur part, que deviennent alors l’universalité du salut et la valeur du sacrifice ultime de Jésus-Christ mort sur la Croix ? Notre Seigneur Jésus-Christ ne serait-Il mort que pour les élus ? Mais les élus, que peuvent-ils bien faire des mérites de Notre Sauveur puisque leur sort est déjà scellé de toute éternité ? Or, « la justice est donnée à tout homme qui croit. » (Rom., X, 4)  

Quelle âme ne serait pas effrayée en songeant aux effets de la doctrine de la double prédestination ? Que deviennent ces martyrs, véritables froments du Christ, si finalement leur amour trempé dans le sang ne provient pas d’une âme élue ? Que deviennent ces ascètes de Dieu renonçant à tout dans la solitude et l’oubli ? Que deviennent ces hommes vendant tout, y compris eux-mêmes, pour libérer leurs prochains des geôles de l’esclavage ? Melanchthon et bien d’autres protestants ont senti au fond d’eux-mêmes les dangers d’une telle doctrine livrée à elle-même. Rien de bon ne peut en sortir. Pour y remédier, les hommes doivent alors s’enchaîner à un joug encore plus lourd que celui d’un peuple au cou raide. Calvin a ainsi par nécessité humaine instauré une nouvelle et stricte discipline, faite de règles minutieusement surveillées. Certes, il n’affirme pas que par cette discipline, l’homme est sauvé. Il croit au salut par la foi seule. Mais qui ne finit pas par en être persuadé ?

Avec une telle doctrine, l’âme ne peut que souffrir de la folie humaine. L’homme n’a plus d’entrave. La double prédestination lui montre toute la laideur de son visage et la noirceur de son cœur. Elle conduit à la perte de la morale chrétienne et de l’ascétisme, à la fin de la vie monastique. Que deviennent même les sacrements dans une telle conception du salut ? Tout un pan du christianisme s’effondre. Dieu étant indifférent à nos actions, nous finirons même par L’évacuer de notre existence, finissant par vivre comme s’Il n’existait pas dans notre monde. L’immoralisme et l’indifférentisme n’auront alors aucune difficulté pour se développer et se répandre avec toute leur laideur, enracinant un poison terrible dans nos cœurs. Et ceux qui sont convaincus de leur élection finiront par renverser toute forme d’autorité, croyant parler au nom de Dieu, engendrant révolte et rébellion. Une liberté sans Dieu, telle serait la conséquence d’une telle doctrine, qui s’appuie pourtant sur la toute-puissance de Dieu. Ainsi de manière insidieuse, l’homme prendra la place de Dieu. Comble de l’ironie. En voulant sauver l’idée de la souveraineté absolue de Dieu, on finit par vivre sous la tyrannie de l’homme

Le salut est possible pour tous les hommes

Dieu a fourni à l’homme tous les moyens pour son salut. Sans ses grâces, rien ne lui est possible. Mais comme tout être aimant, Dieu propose. Il n’impose pas. Ainsi, avec les grâces prévenantes, ses bonnes œuvres ne sont pas signes d’élection comme le croient les protestants, elles sont la foi vivante. Elles manifestent la charité d’une âme aimante. Celui qui croit sans vivre de sa foi est un homme qui se leurre de ses vanités. Celui qui vit sans la foi est un homme perdu pour un temps. Mais comme le bon larron, si son âme s’unit à la grâce qui lui est proposée, il est alors un homme sauvé. Rien n’est donc joué. Tout se joue tant que la vie demeure. Nul n’est définitivement perdu tant qu’il est encore capable d’accepter cette grâce qui s’ouvre à lui. Dieu est patient. Il connaît le prix d’une âme. Notre Seigneur Jésus-Christ est mort pour sauver tous les hommes. Faut-il encore que ces derniers croient de cœur et le confessent par la bouche et par les œuvres. Faut-il qu’ils s’unissent à Lui…

Pourtant, si l’Église enseigne que Dieu donne à tous les hommes les moyens dont ils ont besoin pour être sauvés, elle a toujours combattu les doctrines qui affirment que l’homme par les seules forces de son libre arbitre a l’initiative et le mérite du moindre mouvement qui le porte vers Dieu puisque de telles idées finissent par attribuer son salut à l’homme et non à Dieu. Notre Seigneur Jésus-Christ ne serait-Il finalement qu’un exemple à imiter ? L’homme risquerait de s’épuiser en exercices de mortification non pour répondre à la volonté de Dieu mais pour trouver la certitude en lui ou pour faire taire ses scrupules. Luther a bien pris conscience de cette folle prétention qui ne peut livrer l’homme qu’à l’angoisse. L’homme se lassera rapidement de l’ascèse puisqu’elle n’apportera ni paix ni véritable certitude. Si son salut repose en lui, il n’y verra que vicissitude et désespoir. Il se révoltera contre de telles prétentions. Le salut ne peut donc provenir ni uniquement de Dieu, ni de l’homme.

Vérité et vertu, la nécessaire et incontournable harmonie

Toutes formes de pélagianisme ou de prédestinationisme renferment des erreurs et de désastreux effets. Pour s'opposer à ces deux doctrines, certains s’opposent aux erreurs et défendent la vérité, d’autres voient leurs effets dangereux et réclament le retour à une vie chrétienne authentique. Dans ce combat, les positions finissent par se radicaliser, soit pour affermir la vérité et l’unique vérité avec maladresse et arrogance sans voir qu’en la défendant de si mauvaises manières, ils en viennent à la desservir, soit pour insister uniquement sur les vertus chrétiennes sans s’apercevoir que ces mêmes vertus perdront lentement leurs assises sans les fondements de la vérité. On oublie facilement que l’une ne va pas sans l’autre, que la foi sans la charité ne peut vivre comme la charité sans la vérité agit aveuglement et sans efficacité. Toute la difficulté est donc d’enseigner la vérité et de la vivre dans l’amour de Dieu. Il est difficile d’avoir confiance en Dieu sans Le connaître. Il est encore plus dur de L’aimer sans connaître sa volonté et de s’y conformer afin de s’unir à Lui selon son bon plaisir.

La doctrine concernant la justification et la prédestination n’est guère aisée à saisir. Elle est encore plus difficile lorsque les passions s’y mêlent. Gottschalk et Hincmar de Reims [3] ne montrent guère d’humilité et de prudence nécessaires pour traiter de tels sujets. La violence et l’orgueil que manifeste Luther l'emportent sur la paix et la charité. Or, il faut se renoncer à soi pour entendre la Parole de Dieu. Il faut être docile à l’enseignement de l’Église pour connaître les vérités de foi et appliquer les vertus chrétiennes. Parfois, devant la profondeur du mystère et l’abîme de notre misère, nous devrions nous taire sans chercher à saisir ce que l’homme n’est pas encore prêt d’entendre.

À la recherche de justifications

Des voix s’élèvent pour accuser Saint Augustin d’être l’auteur du prédestinationisme. Il est vrai que souvent, ses citations sont utilisées pour le justifier. Mais Gottschalk, Luther ou Calvin reposent aussi sur la Sainte Écriture. Deux versets sont souvent repris. Celui de l’Épître de Saint Paul aux Romains est le plus souvent cité. « C’est en croyant de cœur qu’on parvient à la justice, et c’est en confessant de bouche qu’on parvient au salut. » (Rom., X, 10). Puis celui du verset du prophète Habacuc, que Saint Paul reprend aussi : « le juste vivra par la foi. » (Habacuc, II, 4) Pour appuyer ses propos, Luther osera modifier les paroles du prophète. Devons-nous alors aussi accuser les textes sacrés d’être responsables de leurs doctrines erronées ? Ce ne sont pas ces œuvres qui mènent les esprits dans la voie de l’erreur mais l’erreur provient d’un esprit déjà égaré, qui lit ces textes sans se renoncer, à la recherche d’arguments pour se justifier.

De telles œuvres sont aussi mal comprises. Ce qui est affirmé pour répondre à une difficulté particulière devient vérité absolue sans relation avec le contexte dans lequel elles ont été écrites. Elles sont lues sans prendre non plus en considération l’ensemble des œuvres. Une phrase plaît. L’esprit s’y complaît. Elle semble confirmer ce qu’il croît. Raffermi dans ses certitudes, l’orgueil en sort vainqueur. Mais est-ce bien la vérité la véritable gagnante ? Combien d’âmes se sont-elles perdues croyant trouver dans un texte sacré ce qui était uniquement en elles ?

Ces âmes n’écoutent finalement que ce qu’elles désirent entendre. Elles prennent des hommes de Dieu et de leurs ouvrages ce qu’elles veulent tout en rejetant ce qu’elles ne veulent point. De Saint Augustin, elles retiennent la toute-puissance de la grâce et la prédestination sans retenir la claire affirmation de sa docilité à l’égard de l’enseignement de l’Église. Nous revenons ainsi à la notion première de l’hérésie. C’est pourquoi Luther et tous ses successeurs dans sa révolte sont déclarés hérétiques. L’hérésie ne provient pas de l’autorité de l’Église qui les met à jour et les récuse mais de leur prétention, celle de trier les vérités de foi selon leurs propres convictions. Ils conçoivent une religion à leur mesure. Et comme leur conception est purement humaine, elle ne peut que varier.

Une vision à la mesure humaine, vouée à la variation

Dans son ouvrage Histoire des variations des églises protestantes (1682), Bossuet nous rappelle que l’un des critères traditionnels de la règle de la foi est l’immuabilité. « Lorsque parmi les chrétiens on a vu des variations dans l’exposition de la foi, on les a toujours regardées comme une marque de fausseté et d’inconséquence dans la doctrine exposée  […] C’est pourquoi, continue-t-il, tout ce qui varie, tout ce qui le charge de termes douteux et enveloppés a toujours paru suspect, non seulement frauduleux, mais absolument encore faux, parce qu’il marque un embarras que la vérité ne connaît pas. » Plus ancien, Tertullien constate que les hérétiques varient dans leurs règles, c’est-à-dire dans leur confession de foi. Tout change dans les hérésies contrairement à la confession de la vraie foi qui demeure immuable et ne se réforme point. « Assurément, il n’y a qu’une seule et unique règle de foi, seule immuable et irréformable »[1]. C’est la nature même des hérétiques de varier sans cesse. « Chacun parmi eux se croit en droit de changer et de modifier par son propre esprit ce qu’il a reçu comme c’est par son propre esprit que l’auteur de la secte l’a composée. » Ainsi « l’hérésie retient toujours sa propre nature en cessant d’innover ». Et commentant le conseil de Saint Paul, Saint Chrysostome nous avertit : « évitez les nouveautés, profanes dans vos discours, car les choses n’en demeureront pas là : une nouveauté en produit une autre, on s’égare sans fin quand on a une fois commencé à s’égarer. »[2]  La nouveauté est une maladie semblable à la gangrène.

Bossuet explique « le désordre dans les hérésies ». Le génie humain en est la première cause. Dès qu’il a goûté à la nouveauté, il ne cesse de la rechercher avec appétit. Mais comme elle est le produit de l’esprit humain, elle n’est guère parfaite. « On s’engage sans bien pénétrer toutes les suites de ce qu’on avance ; ce qu’une fausse lueur avait fait hasarder au commencement, le trouve avoir des inconvénients qui obligent les réformateurs à se réformer tous les jours ». Leurs propos ne pouvant les contenter, allant « par pièces mal assorties », ils ne savent quand leurs innovations cesseront.

Effectivement, nous le constatons clairement dans le cas de Luther. Il progresse dans sa pensée selon les circonstances et les résistances. Comme le notent certains commentateurs, c’est un esprit intelligent qui a tout embrassé dans le christianisme. Mais il se laisse emporter par son génie, avançant dans ses audaces sans prendre conscience des conséquences de sa doctrine. Et comme un juge intraitable, la réalité lui montre toute l’imperfection de sa pensée. Il doit donc la rectifier sans se démentir, y ajoutant finalement des contradictions. Mais ses disciples, comme Melanchthon, n’ont point cet honneur à défendre. Ils peuvent la modifier puisque la doctrine de Luther ne provient pas de leurs entrailles et de leurs expériences personnelles. Ils n’ont rien à perdre à la faire évoluer.

Comprenons bien la leçon de  Bossuet. Il ne s’agit pas de montrer que leur doctrine a évolué par rapport à l’enseignement de l’Église mais au sein même de la foi protestante. Il n’éprouve aucune difficulté pour montrer la variation des nombreuses confessions de foi tant elles sont nombreuses.

Ainsi la variation des confessions de foi s’expliquent par l’erreur fondamentale de l’âme qui croit ce qu’elle veut entendre. Elle conçoit la religion selon sa propre mesure pour confirmer ses certitudes et affirmer la paix de son âme. Et selon son génie, elle convainc son entourage de toute la véracité de sa conception. Selon sa force de conviction, elle fait naître un mouvement qui bouleversera les esprits ou ne sera simplement qu’un feu de paille.

Que peut faire une âme sûre d’elle-même et de sa vision religieuse si ce n’est d’affirmer sa liberté d’interpréter et d’entendre ce qu’elle veut croire ? Elle ne peut que récuser l’autorité de l’Église pour ne voir finalement en elle la seule autorité possible. Elle ne peut donc adhérer qu’à la doctrine du libre examen. Or, qu’est-ce qui nous assure de la certitude et de la paix si tout repose en nous ? Une telle âme ne peut que troubler et diviser. C’est pourquoi selon Saint Augustin, la paix ne réside que dans l’Église catholique

Or l’Église ignore une telle démarche. Elle ne se repose pas sur une œuvre ou sur un Père de l’Église, aussi saint et savant soit-il. L’Église n’est pas celle de Saint Paul, de Saint Augustin ou de Saint Thomas d’Aquin. Elle est celle de Dieu, celle que Notre Seigneur Jésus-Christ a fondée pour notre salut. Sa doctrine n’est pas celle d’un homme. L’autorité de la Sainte Écriture n’a de sens que si elle repose sur celle de l’Église. Saint Augustin l’a clairement compris.

Conclusion

Il y a donc 500 ans que Luther a affiché ses fameuses thèses. Elles portent en elles une certaine conception religieuse fondamentalement différente de celle enseignée et transmise par l’Église catholique. Il a conçu de nouveaux liens entre Dieu et les hommes, remettant en cause non seulement la doctrine catholique mais aussi son autorité, ses coutumes, et les pratiques religieuses qui rythmaient la société. Cette remise en cause ne pouvait qu’apporter troubles et violences, déchirement et ruine. Cette conception religieuse toute personnelle tend vers l’individualisme religieux au mépris de l’idée même du christianisme.

En excluant toute coopération humaine dans l’œuvre du salut, œuvre de toute une vie, on finit par exclure Dieu de toute pensée humaine. Certes, Il peut être au centre de toutes les prières et les louanges, mais Il est si éloigné qu’Il n’est plus accessible, saisissable, perceptible. Le monde se vide de Dieu. Ce n’est pas un hasard si les véritables mystiques, tels Saint Jean de la Croix ou Saint François de Sales, sont des catholiques. Ce n’est pas non plus un hasard si le monde a perdu son enchantement au fur et à mesure de la « protestantisation » du monde. L’homme commence à prendre la place de Dieu, au moins dans les esprits. Telle est certainement la conséquence des idées des prétendus réformateurs…



Notes et références
[1] Tertullien, De virginibus velandis, I, 4.
[2] Saint Jean Chrysostome, Homélie V, Commentaire de la deuxième épître à Timothée.
[3] Voir Émeraude, article précédent. 

samedi 20 mai 2017

Justification et prédestination : Calvin, le Gottschalk du XVIème siècle ?

Emporté par sa démarche logique impitoyable, Calvin défend la doctrine de la double prédestination, selon laquelle les hommes seraient prédestinés soit à la béatitude, soit à la damnation. Elle est au cœur du calvinisme. Selon le prétendu réformateur de Genève, l’homme ne participe pas à son salut. Ses œuvres ne seraient donc pas méritoires contrairement à ce que prétend l’Église catholique. Puisqu’elle se trompe, Calvin en déduit que l’Église catholique n’est pas l’Église…

La question que soulève Calvin ne date pas du XVIème siècle. Les fondateurs du protestantisme n’ont pas découvert ce qui leur paraissait être une vérité. L’Église a déjà connu les idées luthériennes dans la controverse du semi-pélagianisme du Vème siècle, et les idées calvinistes dans le débat qui agite le IXème siècle. Dans cet article, nous allons rencontrer un prédécesseur de Calvin...

Le IXème siècle, un temps troublé

En l’an 800, Charlemagne rétablit l’Empire d’Occident. En 814, à sa mort, l’empire se disloque. Ses successeurs n’ont ni les qualités ni la force de gouverner un tel empire. Son successeur direct, Louis le Pieux, est certes un souverain chrétien, pieux comme un moine, mais à cause de son caractère faible et indécis, son règne est un des plus agités de l’histoire. Après de nombreuses révoltes et de multiples traités entre les différents souverains, l’empire est partagé entre trois royaumes en 843. Alors que les Carolingiens s’affrontent, ruinant l’unité chrétienne, de nouveaux barbares se jettent sur les terres européennes, ravageant les campagnes et les villes. En 841, la ville de Rouen est dévastée par les Normands, puis Nantes, Angers, Tours, et bien d'autres, jusqu’à Valence. À trois reprises, ils prennent Paris. En 846, les Sarrasins ravagent Rome et pillent les basiliques de Saint Pierre et de Saint Paul. Pour faire face aux invasions des Normands, des Slaves et des Sarrasins, et à la violence qui éclate dans toute l’Europe, la société s’organise. La féodalité se met en place.

En ce temps profondément troublé, l’Église doit faire face aux prétentions des princes qui veulent agir avec les Papes comme des seigneurs envers leurs vassaux. Les Papes défendent alors la primauté rattachée à leur siège. Le Pape Nicolas (858-867) en est un des plus fervents défenseurs. Il n’hésite pas non plus à intervenir dans les controverses qui agitent l’Église, notamment celles soulevées par un moine : Gottschalk. Ce dernier défend l’idée selon laquelle les hommes sont voués de toute éternité au salut ou à la damnation. La double prédestination est en effet déjà l’objet d’une controverse au IXème siècle.

La double prédestination de Gottschalk (v. 805, v. 868)

Gottschalk est placé oblat par ses parents au monastère bénédictin de Fulda. Il est consacré à la vie monastique lorsque Raban-Maur (v. 780-856)  le dirige. Mais, il ne supporte pas la vie stricte et la discipline sévère qui y règnent. En 829, il est délié de ses vœux par un concile tenu à Mayence. Toutefois, cette décision n’est guère appréciée par Raban-Maur. Il craint qu'elle remette en cause le développement des monastères. Il fait alors appel au roi Louis le Pieux qui décide de reporter les décisions du concile et de le réintégrer dans la vie monacale mais dans un autre monastère, celui d’Orbais, au sud-ouest d’Épernay, dans l'actuel Marne.

Voyant dans son destin la main de Dieu, Gottschalk s’est soumis à la décision du roi. Il pense qu’il n’appartient pas à l’homme de disposer de sa vie et que Dieu le dirige dans ses moindre détails. S’il doit reprendre l’habit du moine, c’est que Dieu l’a ainsi ordonné. Cependant, comment en être sûr ? Il éprouve une véritable inquiétude. Mais, il trouve dans l’étude des œuvres de Saint Augustin une confirmation de sa théorie. Sa lecture le soulage. Sa vie est désormais expliquée, les doutes enlevés.

Les ouvrages de Saint Augustin sur la prédestination ne font pas que le rassurer, ils l’enthousiasment. Il se décide d’enseigner la doctrine augustinienne, ou au du moins, comme il la comprend. Sans-doute convaincu qu’il est lui-même prédestiné à la vie éternelle, il l’enseigne avec témérité et violence. Son enseignement semble causer quelques scandales. Est-ce pour cette raison qu’il quitte le monastère et se rend une première fois en Italie en 847 ? C’est au cours de ce voyage qu’il se fait ordonner prêtre. De retour d’un deuxième voyage, il rencontre l’évêque de Vérone, Notting, et lui présente sa doctrine de la double prédestination. Inquiet, l’évêque en parle à Raban-Maur, devenu archevêque de Mayence.

La doctrine de Gottschalk  condamnée

L’ancien abbé de Fulda répond à Notting par lettre. Il lui montre les dangers de sa doctrine. Elle engendre le désœuvrement et l’inutilité de la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ pour le salut des hommes comme celle du baptême. Il défend la volonté libre de l’homme, même s’il a perdu sa pureté originelle. Raban-Maur écrit alors au comte de Frioul, chez qui Gottschalk, demeure pour lui avertir de la dangerosité de sa doctrine. « Nous avons appris que vous avez chez vous je ne sais quel demi-savant qui enseigne que la prédestination de Dieu impose une telle nécessité que, quand cet homme voudrait se sauver et s’efforcerait d’opérer son salut par de bonne œuvres et par une foi orthodoxe, tous ses efforts seraient inutiles, s’il n’était prédestiné à la vie »[1]. Il prouve que sa doctrine de double prédestination ne se trouve pas chez Saint Augustin. Gottschalk est alors chassé d’Italie. Il se rend en Dalmatie et en Pannonie, où il prêche sa doctrine.

Hincmar (806-882)
En 848, Gottschalk est à Mayence où s’ouvre un concile sous la présidence de Raban-Maur pour justement juger sa doctrine. Il y participe, professant la doctrine de la double prédestination, celle des bons et des réprouvés. Seuls sont sauvés ceux que Dieu veut. Il défend enfin l’idée que Notre Seigneur Jésus-Christ n'est mort que pour les élus. Toutefois, pour ne pas accuser Dieu d’être l’auteur du péché, il admet que Dieu subordonne la prédestination au mal à la prévision des démérites des damnés

Gottschalk accuse ensuite Raban-Maur de préférer les idées semi-pélagiennes à celles de Saint Augustin. Le concile de Mayence finit par le déclarer hérétique et exige qu’il se rétracte. Il est envoyé à Hincmar, évêque de Reims, pour y être jugé puisqu’il relève de sa juridiction, étant son métropolitain. Il est par ailleurs accusé d’être sorti de son monastère sans autorisation. Raban-Maur en informe Hincmar. « Nous vous écrivons seulement ces quelques lignes sur sa doctrine, telle qu’il l’a soutenu devant nous ; vous pourrez vous-même en instruire plus au long par vous-même, en l’interrogeant, et décider ce qu’il conviendra de faire. »[2]

En 849, le roi Charles le Chauve convoque un concile à Quercy-sur-Oise. Douze évêques se réunissent parmi lesquels Hincmar de Reims, Wénilon de Sens, Rothad de Soissons. Est aussi présent Bavon, abbé d’Orbais et supérieur de Gottschalk. Sa doctrine et ses écrits sont de nouveau condamnés. Ne voulant pas se rétracter de ses erreurs, il est flagellé. Pour empêcher que ses erreurs se répandent, il est emprisonné au monastère de Hautvilliers, où il meurt sans vouloir à aucun moment se rétracter. Hincmar tente de le convaincre de ses erreurs, enseignant que si Dieu prévoit le bien et le mal, Il ne prédestine que le bien. La « prescience » du mal n’engage point le libre arbitre de l’homme.

L’opiniâtreté de Gottschalk, un héraut de Dieu

Dans sa cellule, Gottschalk veut se défendre. Il publie une confession de foi, dans laquelle il invoque d’abord la toute-puissance de Dieu et le néant de l’homme avant de défendre ses idées à partir de Saint Paul, c’est-à-dire du verset X, 10 de l’Épître aux Romains. Il classe les hommes en deux catégories, les Saints, c’est-à-dire ceux qui ont à leur tête Jésus-Christ, qui les a rachetés, et les réprouvés dont Satan est le chef. Comme Dieu ne prédestine que le bien, les saints sont prédestinés. Quant aux réprouvés, il leur prédestine le châtiment en prévision des péchés qu’ils commettraient sans les prédestiner au châtiment. Il semble donc qu’il a modifié sa doctrine en rejetant la double prédestination comme le souhaitaient ses adversaires.

Mais, ce n’est qu’une rétractation illusoire. Les mots changent sans que le sens de la doctrine ne varie. Lorsqu’il justifie sa doctrine, il définit ce qu’il entend par bien. Il parle soit de la grâce de l’élection, soit de la justice du châtiment. Gottschalk confond en fait, ou rend équivalentes, la prescience divine et la prédestination. Les réprouvés sont donc condamnés tant par la prescience de Dieu que par la prédestination. Il se justifie par des citations des Pères de l’Église dans le sens d’une justification double. Enfin, dans sa confession, il affirme qu’elles lui ont été révélées par Dieu et par conséquent, il ne peut se taire sans encourir la colère divine. Il se considère donc l’apôtre d’une vérité divine, ce qui explique sa ténacité et sa hardiesse.

La controverse gagne l’Église

Sa condamnation et son emprisonnement ne suffisent pas à clore l’affaire. Si au début, la controverse semble opposer un moine inconnu au puissant évêque de Reims, elle finit par s’étendre dans toute l’église franqueL’attitude d’Hincmar, jugée encore odieuse aujourd’hui, soulève surtout de la réprobation. Certains adversaires d’Hincmar ne soutiennent pas les idées de Gottschalk mais son sort les émeut. Plusieurs évêques dont Prudence de Troyes, Wenilon, évêque de Sens, et Rémi, évêque de Lyon, prennent fait et cause pour lui. Hincmar demande à Raban-Maur de le défendre mais ce dernier, trop âgé, ne veut point prendre part à la lutte. Il se tourne alors vers Scot Érigène qui en voulant le défendre envenime la situation. Il écrit un traité dans lequel sont contenues des idées panthéistes, ce qui ne fait que le nuire.

La division de l’Église franque

Nous pouvons distinguer dans la lutte deux phases. D’abord, les théologiens favorables ou adversaires à la double prédestination luttent par traités interposés, puisant dans les œuvres patristiques les citations qui justifient leur position. Puis le combat s’envenime au travers de conciles régionaux.

Le concile de Paris, en 849, justifie la position de Gottschalk. Il enseigne en effet qu’il existe deux prédestinations, l’une pour les bons, l’autre pour les mauvais, cette dernière étant conséquente à la prévision des fautes des damnés. Ainsi défend-il l’idée selon laquelle Notre Seigneur Jésus-Christ est mort non pour sauver tous les hommes mais uniquement pour les élus. Il voit dans la formule « sauver tous les hommes », non l’universalité du salut, mais l’origine des élus pris dans toutes les nations. Enfin, depuis le péché originel, le libre arbitre sans la grâce est incapable de tout bien.

En 853, Hincmar réunit un concile à Quercy-sur-Loire, qui, contre le concile de Paris, réaffirme la seule prédestination, celle des bons à la vie éternelle, et la volonté de Dieu de sauver tous les hommes.

D’autres conciles, celui de Valence (855), sous la présidence de Rémi de Lyon, et de Langres (859), répondent au concile de Quercy. Ils réaffirment la double prédestination, l’une à la vie, l’autre, par l’effet de la prescience divine, à la mort. Le sang du Christ n’a pas été versé pour les réprouvés.

Un retour à l’unité et à la paix ?

Enfin, en 860, un concile se réunit à Tours pour faire cesser la division de l’église franque. Il réunit trois rois, douze métropolitains et des évêques de quatorze régions. Il enseigne l’universalité de la grâce, la mort de Jésus-Christ pour tous les hommes et rejette la prédestination absolue à l’enfer. Mais nul n’est convaincu tant les canons semblent ambigus.

Dans une lettre pleine de douceur et d’humilité, loin des passions qui enveniment les débats, l’évêque Amolon de Lyon s’adresse à Gottschalk et formule les erreurs qu’il relève de sa doctrine, dont l’inutilité des sacrements pour les réprouvés et l’impossibilité pour eux de se sauver. Enfin, il lui reproche de manquer de respect à l’égard des prêtres et des évêques.

Les véritables enjeux

Dans la controverse qui divise l’Église franque, il faut distinguer plusieurs aspects. Les adversaires d’Hincmar veulent surtout défendre l’enseignement de Saint Augustin souvent mis à mal par une opposition manquant de mesure. Au travers de Gottschalk, ils veulent en fait défendre la doctrine augustinienne. La violence et la témérité de Gottschalk, associées à l’attitude impitoyable d’Hincmar, font l’objet d’opposition dans les deux camps. Le caractère entier et passionné des deux principaux protagonistes explique une lutte acharnée qui ne donne finalement aucun résultat fécond.

Conclusion

Ainsi dans les controverses que soulèvent les moines de la Gaule du Sud ou du moine rebelle Gottschalk, nous voyons se lever deux positions doctrinales. La première s’oppose à l’augustinisme strict, qui remet en cause la vie monastique et l’ascétisme qui en est le fondement, mais surtout, la doctrine de l’universalité du salut. La seconde s’oppose à tout retour de l’hérésie pélagienne. On donne à Dieu la prééminence dans l’œuvre du salut, voire son action absolue, confondant par ailleurs prescience et prédestination. La lutte entre les deux parties prend rapidement un caractère passionné et violent en raison même des personnalités des principaux protagonistes. Le contexte troublé dans lequel évoluent les acteurs explique peut-être cette radicalité.

Entre ces deux positions, l’Église choisit l’équilibre. Elle énonce des points à défendre sur un sujet difficile à traiter tant les esprits ne sont pas matures. Néanmoins, rejetant toute forme de pélagianisme ou d’augustinisme strict, elle refuse catégoriquement la double prédestination à la vie et à la mort éternelle, enseignant la prédestination à la vie et la nécessaire coopération de l’homme à la grâce. Le temps n’est cependant pas propice pour définir formellement son enseignement sur le sujet. Le protestantisme en donnera l’occasion à l’Église.




Notes et références
[1] Hincmar, Lettre au comte Ebrard de Frioul, Patrologie de Migne, tome CXII dans Gottschalk, Moine d’Orbais ou le commencement de la controverse sur la prédestination au IXème siècle, Fédéric-J. Gaudard, thèse de théologie à la faculté de théologie de Paris, 1887.
[2] Raban-Maur, Lettre à Hincmar, évêque de Reims, dans Histoire littéraire de la France, 2ème édition, 1866, et Patrologie de Migne, tome CXII dans Gottschalk, Moine d’Orbais, Fédéric-J. Gaudard.
[3] Voir Émeraude, article précédent, "Justification et prédestination : Luther, le Lucidus du XVIème siècle", mai 2017.

vendredi 12 mai 2017

Justification et prédestination : Luther, le Lucidus du XVIème siècle

Un ouvrage plutôt récent présente la théologie de Calvin comme  « toute imprégnée des traditions catholiques de la réflexion sur Dieu. »[1] Le « réformateur » de Genève « ne cessa de revenir aux sources antiques et médiévales pour définir ce que les chrétiens ont raison de confesser. » Le même auteur affirme qu’il s’appuie non seulement sur Saint Augustin mais aussi sur les Pères grecs. De même, selon l’opinion dominante, Luther serait fidèle à Saint Augustin. Finalement, ce ne serait par les « réformateurs » qui se seraient séparés de la vérité mais l’Église catholique.

Luther comme Calvin ne sont pas en effet des innovateurs. Avant leur révolte, des voix ont aussi répandu les mêmes théories, c’est-à-dire la doctrine de la justification par la foi seule mais surtout la double prédestination, et de même l’Église les a condamnées avec la même fermeté. Nous allons donc retrouver dans un passé plus ou moins lointain les mêmes thèses afin d’en recueillir de précieuses leçons. Commençons d’abord par une première controverse, celle du semi-pélagianisme au Vème siècle…

Lucidus au Vème siècle

Nous allons nous rendre en Gaule au Vème siècle. Le christianisme est la religion de l’Empire romain dont la capitale se trouve en Orient, à Constantinople, la future Byzance. Les monastères sont nombreux. Fondé en 410, le monastère de Lérins, dans la baie de Cannes, étend son influence en Gaule. Les moines prennent de l’importance dans l’Église franque. Mais l’Empire d’Occident est déjà la proie des barbares. Les Vandales, les Burgondes, les Alamans et les Suèves ont déjà envahi la Gaule. En 476, le dernier empereur de l’Empire romain d’Occident abdique. En 430, Saint Augustin meurt lors du siège de sa ville d’Hippone…

Faust, évêque de Riez
Lucidus est un prêtre gaulois. Nous le connaissons au travers des condamnations dont il a fait l’objet. Fauste [2], l’évêque de Riez, condamne en effet les idées que le prêtre enseigne sur la grâce et la prédestination. Refusant d’admettre ses erreurs, il est condamné par un concile régional réuni à Arles en 473. Il finit par reconnaître ses erreurs et adresse aux pères conciliaires une lettre où il se rétracte. Un autre concile régional, celui de Lyon, en 474, renouvelle la condamnation. Nous avons sa rétractation dans laquelle est condamnée l’idée selon laquelle « après la chute du premier homme le libre arbitre de sa volonté a été totalement détruit » ou encore « les uns sont assignés à la mort, les autres prédestinés à la vie »[3]. Après cette condamnation, le texte rappelle la doctrine : « je soutiens la grâce de Dieu en ce sens que je maintiens unis l’effort de l’homme et l’action de la grâce, et que je déclare que la liberté de la volonté humaine n’est pas détruite, mais atténuée et affaiblie, que celui qui est sauvé peut être en danger, et que celui qui périt aurait pu être sauvé. » [4] Cette condamnation nous ramène au protestantisme…

Cette affaire ne peut être séparée de son contexte, fort imprégné d’un combat contre ce qui a été appelé le semi-pélagianisme.

La victoire de l’Église contre le pélagianisme

Saint Augustin a fermement combattu la doctrine de Pélage. Défendant le droit de la grâce, l’évêque d’Hippone s’est opposé à l’idée que l’homme pouvait par ses propres forces gagner son salut. Il enseigne la vérité catholique dans de nombreux traités dont l’Esprit et la Lettrela Nature et la GrâceLes conciles régionaux de Carthage en 411 et 416 condamnent les erreurs de Pélage. Rome à son tour condamne le pélagianisme en 417.

L’Église est ainsi sortie victorieuse de la controverse avec un enseignement approfondi. Elle refuse fermement le moralisme pélagien qui réduit la religion catholique à un échange d’obligations et de récompenses. Elle affirme le rôle de la grâce et de la miséricorde divine. Elle enseigne que depuis le péché originel, la nature humaine est déchue, c’est-à-dire incapable de la moindre initiative dans l’ordre du salut. Le salut et même le commencement de la foi sont entièrement des dons de Dieu.

Le monachisme menacé ?

Abbaye de Lérins
Or au sud de la Gaule, certains moines s’inquiètent de cette doctrine, voire la contestent. Le monastère de Lérins est l’un des centres de la contestation. Or c’est une véritable pépinière de saints. Saint Hilaire, Saint Vincent, Saint Césaire d’Arles sont parmi les illustres moines de cette élite de l’Église.

La doctrine augustinienne leur pose en effet un grave problème. Certains religieux tirent des œuvres de Saint Augustin l’idée de la prédestination et de l’inefficacité des œuvres dans la quête du salut. Si tout dépend de Dieu, que deviennent leurs efforts d’ascétisme sur lesquels repose la vie monastique ? Les moines s’opposent donc à cette doctrine afin de défendre l’existence même de la vie monastique. Que devient aussi l’universalité du salut si tout est prédestiné ? Ils s’inquiètent enfin légitimement sur les dangers d’un tel enseignement au regard de leur prédication. Il n’est en effet possible d’« inviter quelqu’un à se corriger ou à devenir meilleur que s’il sait que son effort vers le bien sera efficace. »[5] Ils craignent que la doctrine de Saint Augustin conduise à une dangereuse passivité, à « une sorte de nécessité fatale » [6]. Ainsi la doctrine de Saint Augustin telle qu’elle est entendue risque de remettre en cause leur apostolat et leur légitimité, voire leur existence.

La radicalisation des positions

Saint Prosper d’Aquitaine (390-455), un des disciples de Saint Augustin, s’inquiète à son tour des réactions des moines de Lérins et de Marseille. Il voit dans leurs thèses « un vestige de la perversité pélagienne »[7]. Il en informe Saint Augustin. La situation est alors dramatisée. La controverse finit par se radicaliser. On en vient à défendre la capacité du libre arbitre au détriment des droits de la grâce. Ennode, évêque de Pavie, en est un ardent défenseur. « C’est par notre propre choix que nous tendons au bien qui nous est montré. »[8] D’autres, comme le prêtre Lucidus, radicalise la doctrine de la prédestination.

Les véritables enjeux de la controverse

Cependant, la controverse est bien différente de celle de Pelage. Les enjeux ne sont pas les mêmes. Les moines ne remettent pas en cause la vérité doctrinale mais ses effets désastreux sur l’ascèse et la prédication. Comme Saint Augustin, ils défendent la corruption de la nature humaine après la chute d’Adam mais dénoncent les effets pervers de la doctrine augustinienne de la prédestination qui rendent incapable l’homme de la moindre initiative. Ils prétendent défendre la légitimité de la vie monastique qu’elle semble remettre en cause.  « Même si [la doctrine augustinienne] était vraie, il ne faudrait pas la divulguer, car il est très dangereux de transmettre un enseignement qui ne doit pas être entendu, tandis qu’il n’y a aucun péril à se taire sur des problèmes qui nous dépassent. » [9] Or Saint Augustin affirme nettement que la vérité doctrinale est une condition d’efficacité de la prédication. Il n’est pas possible de se taire.

Pourtant Saint Augustin défend aussi fermement la vie monastique. Ses ouvrages soulignent l’importance de l’ascèse dans la vie chrétienne qu’il présente comme un véritable combat. Les monastères revêtent pour lui une grande importance pour le christianisme. Cependant, il craint que l’ascèse excessive conduise à la vanité et à l'orgueil qui ruine finalement sa valeur. C’est pourquoi il ne cesse de rappeler que tout vient de Dieu, y compris la persévérance des saints. L’homme, fût-il moine, ne peut se prévaloir de toute supériorité.

Le véritable enjeu de leurs controverses n’est donc pas en réalité doctrinal. Les uns prônent l’enseignement de la doctrine pour s’opposer à toute résurgence de l’hérésie quand les autres sont plus tournés vers un pragmatisme moral à l’usage des religieux et des fidèles. Est-ce vraiment « une vaine dispute de mots » comme le défend Cassien ? La vie monastique, est-elle vraiment en danger ?

La tentation de l’élitisme

Jean Cassien (360-435) et les autres moines provençaux reconnaissent à l’homme la possibilité d’ « affranchir son âme de tout vice terrestre […] afin de la rendre à sa naturelle subtilité naturelle. », donnant donc une importance fondamentale à l’effort de chacun. Or cet effort hors norme, qui est capable de le fournir ? Seule une élite de la foi en est capable. Le cheminement vers le salut serait-il alors réservé à des athlètes, c’est-à-dire à une minorité ? L’universalité de la foi est donc menacée. Si Cassien ne réserve pas l’ascèse à une élite mais la prêche à tous les hommes, elle demeure exceptionnelle et donc naturellement restreinte à certains chrétiens. Les moines provençaux développent donc une spiritualité élitaire, rapprochant la vie monastique à la sainteté. La controverse est donc aussi centrée sur le rôle du monachisme dans le christianisme. Il est à noter qu’elle se déroule dans une région où les évêques sont principalement des moines.

Cependant, Cassien semble commettre une erreur. Selon Saint Prosper d’Aquitaine, il soutient l’idée selon laquelle l’homme n’a quelquefois pas besoin de la grâce pour le commencement d’une bonne action ou de toute bonne volonté. Cependant, il ne peut pas l’accomplir sans l’aide de Dieu. Sans remettre en cause la capacité de la grâce, il enseignerait la possibilité à l’homme de mériter le commencement de la foi.

Le semi-pélagianisme, un terme impropre

Le terme de « semi-pélagianisme » est sans-doute une erreur. Le terme est « assez malheureux, car cette position n’a pas de lien originel avec Pélage »[10]. On retrouve ce terme dans un texte polémique du XVIIème siècle contre un Jésuite qui enseigne une doctrine  proche des « semi-pélagiens ». Ce terme semble faire croire à un compromis entre le pélagianisme et l’augustinisme. Or la doctrine que prêchent les moines de la Gaule est bien différente de celle de Pélage. Elle a été en fait conçue dans un cadre où les controverses étaient vives, en une époque bien éloignée de la nôtre.

Vers la réconciliation ?

En 473, un concile régional se réunit à Arles pour traiter de la doctrine de la prédestination de Lucidus et pour la condamner. Il réunit vingt-neuf évêques de la Gaule. L’année suivante, le concile de Lyon confirme la condamnation de sa doctrine. Ces deux conciles réussissent à apaiser la controverse.

Or, au VIème siècle, Jean Maxence, un des chefs de file des moines scythes, remet en cause la doctrine de Faustus, l’évêque de Retz, et la doctrine des moines de Marseille dans le cadre de sa lutte contre les hérésies nestoriennes et monophysiques. Le Pape Hormisdas ne cède pas à sa demande et rappelle que la doctrine sur la grâce et la liberté doit être prise à partir des écrits de Saint Augustin. Le moine fait appel à Fulgence, évêque de Ruspe, exilé en Sardaigne depuis l’invasion des Vandales en Afrique. Il condamne à son tour les écrits de Faustus de Retz. Puis Saint Césaire d’Arles (470-542) adhère à l’argumentation de Fulgence et réunit les évêques à Orléans pour traiter de la question.

Saint Césaire d'Arles
La fin de la controverse

Présidé par Saint Césaire d’Arles, le concile d’Orléans, en 529, met fin à la controverse sur le rôle de la grâce et du libre arbitre.

Après la condamnation de la doctrine de Pélage sur le péché originel (canon 1 et 2), le concile condamne tout ce qui peut remettre en cause les droits de la grâce dans la foi depuis le commencement jusqu’à la persévérance finale. Il insiste surtout sur le rôle de la grâce prévenante, celle qui précède tout effort de l’homme. Ce n’est pas seulement l’acte proprement dit de foi qui est affaire de la grâce mais encore une introduction et une préparation de cet acte. « Selon les sentences de la Sainte Écriture […]  et les définitions des Saints Pères, nous devons, avec l’aide de Dieu, prêcher et croire que le péché du premier homme a tellement dévié et affaibli le libre arbitre que personne, depuis, ne peut aimer Dieu comme il faut ni croire ni faire le bien pour Dieu si la grâce de miséricorde divine ne l’a prévenu. […] Cette grâce […] ne se trouve pas dans le libre arbitre, mais [...] elle est conférée par la libéralité du Christ »[11].

Mais le concile défend aussi la coopération de l’homme dans l’œuvre de son salut. La priorité absolue de la grâce n’enlève rien à la nécessaire coopération du libre arbitre humain. « Nous croyons aussi, selon la foi catholique, qu’après avoir reçu la grâce par le baptême tous les baptisés peuvent et doivent accomplir, avec l’aide et la coopération du Christ, tout ce qui concerne le salut de leur âme, s’ils veulent fidèlement y travailler. »[12] Il affirme nettement qu’il n’y a aucune prédestination au mal par la puissance divine.

Ainsi « nous confessons et nous croyons aussi pour notre salut que, dans toute bonne œuvre, ce n’est pas nous qui commençons et qui sommes ensuite aidés par la miséricorde de Dieu, mais que c’est lui, sans aucun bon mérite préalable de notre part, qui d’abord nous inspire et la foi et l’amour, pour que nous recherchions fidèlement le sacrement du baptême et qu’après le baptême nous puissions accomplir avec son aide ce qui lui plaît. »[13]

Le Pape Boniface II ((530-532) confirme le concile d’Orange dans sa lettre Per filium nostrum le 25 janvier 531. Il condamne certains évêques des Gaules qui « entendent que la foi par laquelle nous croyons au Christ relève de la nature et non pas de la grâce »[14]. Il confirme alors la doctrine selon laquelle « la foi par laquelle nous croyons en Christ, tous comme tous les biens, sont accordés à chaque homme en raison du don de la grâce d’en haut, et non en raison du pouvoir de la nature humaine. » [15]

Ainsi, l’Église enseigne une nécessaire collaboration de la grâce et de l’ascèse, défendant une doctrine augustinienne équilibrée. Tous, augustiniens ou non, reconnaissent en effet à l’ascèse une fonction majeure dans l’œuvre du salut.

Conclusion

La controverse n’est pas un simple jeu de mots ou de subtilités théologiques. Elle soulève de véritables enjeux. Certains défendent une conception élitiste du salut fondée sur les mérites de l’ascèse tout en prônant de manière paradoxale l’universalité du salut. D’autres s’efforcent de mettre en garde les esprits contre l’orgueil et la supériorité d’une excellence humaine, fût-elle monastique.  

Revenons à Luther, et plus précisément à son expérience monastique. Il a cru que par ses efforts, il pouvait se justifier, voyant finalement dans l’ascèse la source de son salut. Mais, souffrant de son impuissance, il s’est rendu compte de son erreur. Il a alors élaboré sa doctrine de la justification par la foi seule. Et comme les moines de Lérins, il s’est rendu compte qu’elle conduisait à la double prédestination, contredisant l’universalité du salut. Mais esprit aussi entier qu’impétueux, il est passé d’une radicalité à une autre, sans chercher le point d’équilibre que l’Église a pourtant officiellement enseigné depuis le VIème siècle. Que serait-il passé s’il avait compris la véritable doctrine augustinienne de l’Église ?…




Notes et références
[1] Christopher L. Elwood, La théologie ecclésiale de Calvin et le salut de l’être divin,
[2] Né entre 400 et 410, abbé de Lérins puis évêque de Riez. Mort après l’an 485.
[3] Concile d’Arles, Lettre de soumission du prêtre Lucidus, 473, Denzinger 331et 335.
[4] Concile d’Arles, Lettre de soumission du prêtre Lucidus, 473, Denzinger 339.
[5] Prosper, Epistula Prosperi ad Augustinum, n°6 dans Moines et évêques en Gaule aux Ve et Vie siècles : la controverse entre Augustin et les moines provinciaux, Stéphane Gioanni, dans Médiévales, n°38, 2000, L’invention de l’histoire, www.persee.fr.
[6] Prosper, Epistula Prosperi ad Augustinum, n°3 Moines et évêques en Gaule aux Ve et Vie siècles : la controverse entre Augustin et les moines provinciaux, Stéphane Gioanni.
[7] Prosper, Epistula Prosperi ad Augustinum, n°8 Moines et évêques en Gaule aux Ve et Vie siècles : la controverse entre Augustin et les moines provinciaux, Stéphane Gioanni.
[8] Ennode, Lettre II, 19, Auctores Antiquissimi dans Moines et évêques en Gaule aux Ve et Vie siècles : la controverse entre Augustin et les moines provinciaux, Stéphane Gioanni
[9] Prosper, Epistula Prosperi ad Augustinum, n°3 Moines et évêques en Gaule aux Ve et Vie siècles : la controverse entre Augustin et les moines provinciaux, Stéphane Gioanni.
[10] Henri-Irénée Marrou, Saint Augustin et l’augustinisme, éditions du Seuil, 2003.
[11] Conclusion de Césaire d’Arles , Concile d’Orange, Denzinger 396.
[12] Conclusion de Césaire d’Arles , Concile d’Orange, Denzinger 397.
[13] Conclusion de Césaire d’Arles , Concile d’Orange, Denzinger 397.
[14] Boniface II, lettre Per filium nostrum à l’évêque Césaire d’Arles le 25 janvier 531, Denzinger 398.
[15] Boniface II, lettre Per filium nostrum à l’évêque Césaire d’Arles le 25 janvier 531, Denzinger 399.