" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 25 septembre 2015

Le temps d'Einstein (Partie 1)

Dans des articles anciens[1], nous avons étudié de manière simple et rapide une des sciences majeures de notre monde moderne : la physique quantique. En dépit de sa complexité, nous avons voulu aborder cette matière. Il n’est pas en effet judicieux de vouloir parler de la Création sans nous tourner vers la science qui tente de la décrire, voire d’en expliquer l’origine. En outre, certains adversaires de la foi s’appuient sur des conclusions scientifiques pour l’attaquer et remettre en cause le christianisme. Sans avoir de telles intentions, certains de nos contemporains peuvent être troublés par les discours scientifiques au point de refuser de croire ou de perdre une foi déjà fragile. Il est donc important de connaître ce discours. Nous suivons en fait les pas des écrivains apologétiques qui nous ont précédés. L’étude de la science quantique a aussi été riche en enseignement.

Une autre théorie a également émergé au XXe siècle au point de devenir aujourd’hui inévitable : la théorie de la relativité. Elle est souvent évoquée pour décrire l’univers. Comme la physique quantique, certains penseurs l’utilisent pour justifier un discours hostile au christianisme. La relativité ne relève-t-elle que de l’ordre de la science ? N’est-elle pas aussi valable dans l’ordre de la pensée et de la vérité ? Elle a aussi la particularité de traiter la notion du temps. Or cette notion est au coeur de l’évolutionnisme, une idéologie omniprésente et mensongère, si contraire à la foi. C’est pourquoi depuis quelques articles, nous étudions cette notion. Il est donc devenu inévitable d’aborder la théorie de la relativité[2].

Comme dans l’étude de la physique quantique, nous ne chercherons pas à nous encombrer de formules. Nous ne chercherons pas non plus à vulgariser la théorie de la relativité même si un tel danger est parfois difficile à éviter. La vulgarisation est en effet dangereuse car à force de simplifier des théories pour être comprises, nous finissons par les adapter au regard de l’opinion ou à une philosophie particulière au point de colporter, voire confirmer, des préjugés. Or, parfois, la science nous fait modifier notre façon de penser. Il faut aussi prendre le recul nécessaire pour mieux juger les principes et les interprétations d’une théorie. Or pour cela, il faut parfois être précis et approfondir des notions que l’effort de vulgarisation ne permet pas. Notre objectif est donc de présenter la théorie de la relativité de manière compréhensible et suffisamment précise pour pouvoir porter un jugement juste sur les discours qui l’évoquent.

Comme dans la physique quantique, nous traiterons de ses principes et de ses conclusions sans oublier les interprétations dont ils ont fait l’objet et le contexte dans lequel la théorie de la relativité s’est développée. Ainsi, nous demeurons hors du domaine scientifique, même si nous devons parfois nous y aventurer. Nous n’avons d’ailleurs aucune prétention scientifique. Nous laisserons en effet la parole aux hommes compétents.

Ce premier article traite du commencement, c’est-à-dire du contexte qui précède la naissance des théories de la relativité.
Retour au XIXe siècle

Le XIXe siècle est un siècle extraordinaire, notamment au niveau scientifique. C’est avant tout le siècle de l’électricité. Coulomb (1736-1806), Ampère (1775-1836) et Faraday (1791-1867) ont marqué ce siècle. Bien d’autres encore les sont suivis, chacun ayant apporté sa pierre à un édifice extraordinaire. Le XIXe siècle est aussi le siècle de l’électromagnétisme avec Maxwell (1831-1879) et ses quatre équations étonnantes. Nous oublions souvent que ces hommes ont contribué à forger le monde tel que nous le connaissons actuellement, un monde d’où émerge notre modernité.  

La révolution de Maxwell

Revenons sur James Clerk Maxwell. Le scientifique reprend toutes les découvertes de ses prédécesseurs et leurs résultats expérimentaux afin de les intégrer dans un modèle unique. Pour cela, il s’appuie sur un modèle préexistant, celui de la mécanique. Il conçoit les champs électriques et magnétiques comme un ensemble d’engrenages et de roues extrêmement complexe. Par ce mécanisme, il relie les phénomènes électriques et magnétiques. En agitant une charge électrique, on crée un champ électrique variable qui à son tour crée un champ magnétique variable qui lui-même produit un champ électrique variable, etc. Ainsi se propagent de manière continue les champs électriques et magnétiques. C’est ce que nous appelons l’électromagnétisme. Maxwell élabore quatre lois sous forme d’équations pour traduire les relations entre les champs électriques et magnétiques. Elles donneront naissance à de nombreuses inventions (moteurs, magnétophones, appareils électroménagers, téléphones, radios, etc.).



Certes, son modèle mécanique s’est vite révélé erroné et naïf. Il est depuis longtemps oublié. En manipulant ses équations, Maxwell va surtout faire une grande découverte, celle qui est la base d’une véritable révolution scientifique. Il s’aperçoit en effet que son modèle ressemble fort à la description mathématique du son. Or le son se propage sous forme d’onde. Il en déduit alors que la perturbation électromagnétique se propage aussi sous forme d’onde. Il découvre aussi que la vitesse de l’onde se rapproche de celle de la lumière. Il finit par conclure que la lumière se propage sous la forme d’onde traversant le champ électromagnétique selon les lois qu’il a définies. Il met en pièce la théorie corpusculaire de la lumière[3].

La fin de Newton ?

Rappelons que jusqu’à Maxwell, le monde scientifique travaillait selon les lois définies par Newton.  Le succès du modèle de Newton est très surprenant puisqu’en son temps, elles n’ont été guère acceptées. Fondamentalement, elles sont difficilement croyables. En effet, elles impliquent des actions à distance. Comment des objets peuvent-ils interagir sans aucun contact physique ? Cela ressemble fort à de la magie. La loi gravitationnelle semblait peu crédible pour la communauté scientifique Comment la Terre pouvait-elle agir instantanément sur un objet ? Quand nous songeons à l’aspect philosophique de la théorie de Newton, c’est-à-dire à l’essence même de son modèle, nous ne pouvons en effet qu’être perplexes. Mais la théorie de Newton a été si féconde qu’elle s’est imposée en dépit des critiques. 



Le modèle électromagnétique s'oppose à cette idée d’actions à distance. Les changements se transmettraient désormais sous forme d’ondes. En outre, au contraire de Marwell, Newton considère la lumière comme des corpuscules. Ainsi à la fin du XIXe siècle, la physique dispose de deux grandes théories, la mécanique et l’électromagnétisme, qui sur plusieurs points se contredisent. La lumière, est-elle corpusculaire ou ondulaire ? Les phénomènes agissent-ils de manière continue ou discontinue ?

Étrangeté de l’électromagnétisme

Auréolées de ses succès et de ses applications pratiques, les lois électromagnétiques se sont imposées à la communauté scientifique. Le modèle dans lequel elles étaient définies a aussi rapidement été oublié. Tout en les utilisant, les scientifiques ont vite abandonné l’idée d’un fondement mécanique aux phénomènes électromagnétiques. Les lois de Marwell sont en fait devenues des principes à partir desquelles s’est développée la science moderne. Le même phénomène s’est produit avec la physique de Newton. Ses lois ont été abondamment utilisées alors que leurs fondements ont été vite oubliés. Leurs succès les ont validées au point qu’elles sont devenues des vérités allant de soi jusqu’au jour où la science vient ébranler nos certitudes




Cependant, dès le départ, les lois de Marwell ont posé une réelle difficulté aux scientifiques. Si les phénomènes électromagnétiques se propagent en effet sous forme d’onde, il faut bien un milieu qui porte et transmet ces ondes. Sans air, il n'y point de son ; sans étendue d'eau, point d'onde. Il faut nécessairement un médium qui transmet la propagation de l'onde. Nous retrouvons la fameuse idée de l’éther. Les lois de Marwell imposent donc l’existence de l’éther sans lequel les ondes électromagnétiques ne pourraient se propager. Or s’il existait, il comporterait des caractéristiques étranges. L’éther se comporterait en effet comme un milieu subtil qui remplirait tout l’espace et pourtant se comporterait comme s’il était absent. Des expériences sont montées pour le détecter mais en vain, elles échouent toutes.

Les lois de Maxwell posent aussi d’autres problèmes aux scientifiques. Elles s’opposent en effet à la théorie de la relativité définie par Galilée, le fondement même de la physique …

La théorie de la relativité de Galilée


Galilée (1564-1642)
Contrairement à ce que nous pensons naïvement, la notion de relativité n’est pas nouvelle. Elle a été formellement définie par Galilée u XVIIe siècle. Elle traduit ce que nous voyons dans notre vie quotidienne.

Depuis Galilée en effet, nous ne pouvons pas parler de mouvement sans référentiel, c’est-à-dire sans définir le point de vue à partir duquel nous observons un mouvement. Une personne assise dans un train est immobile par rapport au conducteur du train alors qu’elle file à des centaines de kilomètres à l’heure pour un observateur immobile sur le quai de la gare regardant passer le train. De même, ancrés sur la Terre, nous pouvons dire que l’univers tourne autour de la Terre alors que si nous sommes dans l’espace, nous observerons une autre réalité. Ce sont deux observations d’un même phénomène mais vu selon deux points de vue ou encore deux référentiels différents. La description d’un mouvement, c’est-à-dire son observation, dépend du référentiel dans lequel on l’observe. Tout mouvement est donc relatif. 

Définissons deux termes importants. Un mouvement est dit uniforme rectiligne lorsque sa vitesse est constante et sa trajectoire est une ligne droite. Un référentiel peut être en mouvement par rapport à un autre. deux référentiels sont dit inertiels s'ils sont en mouvement uniforme rectiligne l'un par rapport à l'autre.

Dans un de ses ouvrages, Galilée prend l’exemple de poissons nageant dans un bocal. Si le bateau est à l’arrêt ou en mouvement uniforme, le mouvement du poisson reste identique pour un observateur sur le bateau. En un mot, les référentiels inertiels sont équivalents. Les descriptions d'un mouvement sont identiques dans les deux référentiels.

En outre, l’observateur ne perçoit pas le mouvement du bateau en regardant seulement le poisson. Le mouvement d’un référentiel inertiel n’est pas détectable par lui-même. Prenons un autre exemple. Asseyons-nous dans un train. A côté de nous, par la fenêtre, nous voyons un autre train. Quand ce second train démarre, nous avons l’impression que c’est nous qui bougeons. Mais dès qu’il disparaît, nous laissant seuls sur la voie, nous découvrons vite notre erreur. Le paysage fixe nous confirme en effet notre immobilité.



Dans son expérience virtuelle, Galilée ne décrit pas simplement le mouvement d’un poisson dans un bocal. Il décrit aussi une bouteille d’eau qui se vide goutte par goutte dans un grand récipient en dessous d’elle. De même que nous ne voyons aucune différence dans le mouvement du poisson dans son bocal, nous ne percevrons pas de différences dans le mouvement de ce goutte-à-goutte si le bateau est à l’arrêt ou en mouvement uniforme. Cela revient à dire que l’accélération est identique dans les deux référentiels, ou dit autrement les lois de la dynamique sont les mêmes dans un référentiel fixe ou en mouvement uniforme.

Selon Galilée, le mouvement est donc observé de la même manière dans un référentiel inertiel, c’est-à-dire en mouvement uniforme ou immobile. Aucune expérience interne au référentiel ne permet de déterminer si son mouvement est uniforme ou inexistant.

Les « transformations de Galilée »

Galilée confirme l’expérience par une démonstration mathématique. Il établit notamment une relation mathématique qui associe les descriptions d’un même mouvement observé dans deux référentiels inertiels. Elles sont appelées «  transformations de Galilée ». Les positions d’un objet, c’est-à-dire ses coordonnées dans l'espace, dans un référentiel peuvent alors se déduire de sa position dans un autre référentiel inertiel. Ainsi nous arrivons à concilier des observations d’un même mouvement mais selon des référentiels ou points de vue différents. Nous pouvons donc passer d’un référentiel à un autre sans difficulté.
Coordonnées X, Y, Z d'un point pour déterminer une position dans un référentiel


En soi, le mouvement demeure absolu. Il est vrai au sens où l’objet se déplace de la même façon quel que soit le point de vue de l’observateur. Son mouvement comme sa cause ne dépendent pas de l’observateur[5]. Dans la physique, les lois de Newton restent aussi identiques quelques soient les référentiels inertiels. Elles ne dépendent pas de l’observation. Effectivement, les lois de Newton ne changent pas lorsque nous leur appliquons les « transformations de Galilée ».

Les lois de Maxwell en danger

Or stupéfaits, les scientifiques découvrent que les équations de Maxwell changent si nous les soumettons aux « transformées de Galilée ». En effet, après transformation, les formules donnent des termes nouveaux qui viennent compliquer les équations. En outre, ces termes nouveaux décrivent d’étranges phénomènes que les expériences ne confirment pas. 

Si des phénomènes nouveaux apparaissent lorsque nous changeons de référentiel inertiel, nous en déduisons rapidement que l’observateur serait capable par lui-même d’identifier s’il est au repos ou en mouvement uniforme. En regardant le mouvement du poisson rouge, nous pourrions savoir si le bateau est à l’arrêt ou en mouvement uniforme. Nous sommes donc en contradiction avec la loi de relativité de Galilée. C’est pourquoi cette découverte bouleverse la communauté scientifique. Soit les lois de Maxwell sont fausses, soit la transformée de Galilée est fausse.

Lorentz au secours des lois de Maxwell

Mais si les équations de Maxwell sont fausses, comment pouvons-nous expliquer leur succès ? Les «  transformées de Galilée » seraient-elles fausses ? Lorentz (1853-1928) s’attaque au problème. Il parvient alors à corriger les « transformées de Galilée » afin que les lois de Maxwell respectent le principe de relativité. Ces équations seront appelées « transformation de Lorentz ». Elles ont l’avantage de conserver la structure de Maxwell tout en préservant les lois de Newton. Des expériences confirmeront aussi leur véracité.

L’erreur de Galilée est même justifiée. En effet, les « transformations de Lorentz » se réduisent à celles de Galilée pour des mouvements dont la vitesse est beaucoup plus basse que celle de la lumière. En un mot, les « transformées de Lorentz » prennent en compte tous les mouvements, y compris ceux qui ne sont pas discernables à l’œil alors que les « transformées de Galilée » ne sont vraies que pour des cas particuliers, conformes à nos observations quotidiennes. Les « transformées de Galilée » ne sont finalement que des approximations suffisantes pour notre expérience quotidienne quand les « transformations de Lorentz »  sont plus générales.

La communauté scientifique est alors soulagée. Elle se félicite même de ce progrès incontestable. Elle a amélioré sa connaissance du monde et peut poursuivre ses progrès.

Les transformées de Lorentz
c étant la vitesse de la lumière,.
x, y, z, t les coordonnées et le temps dans un référentiel R .
s', y', z', t',les coordonnées et le temps dans un référentiel ' inertiel par rapport à R .

Mais les « transformées de Lorentz » sèment à leur tour la panique

La  joie des physiciens est de courte durée. La découverte de Lorentz provoque à son tour une vive inquiétude dans la communauté scientifique. Si nous appliquons en effet les « transformées de Lorentz » à un mouvement à un temps donné, nous obtenons des valeurs de temps différents pour le même mouvement dans un autre référentiel inertiel. Le temps fait aussi l’objet d’une transformation ! En un mot, deux événements perçus comme simultanés dans un même référentiel cessent de l’être si nous les observons dans un autre référentiel ! Le principe de simultanéité n’est plus respecté. Le temps absolu de Newton n’existe plus !

Pire encore. Nous arrivons à des conséquences en apparence stupide. En manipulant les équations, Lorentz puis d’autres, comme Poincaré, découvrent que les dimensions d’un corps et le temps varient en fonction du mouvement du référentiel. En se déplaçant, les corps se rétrécissent et le temps passe plus lentement. Toujours avec « les transformées de Lorentz », Poincaré en vient à démontrer l’invariance de la vitesse de la lumière. Ils arrivent vite à une conclusion : les « transformées de Lorentz » ou le principe de simultanéité sont faux. Cependant, ils ne cessent pas leurs recherches. Des solutions très complexes sont élaborées pour concilier les théories. Mais la communauté scientifique est de nouveau en émoi.

Au début du XXe siècle, la physique se débat ainsi dans de profondes contradictions. L’édifice que les scientifiques ont édifié depuis plus de trois siècles se fissure dangereusement. Il finit par s’écrouler en 1905.

Une solution bouleversante

En 1905, trente-et-une page d’un article scientifique, intitulé Sur l’électrodynamique des corps en mouvement, apportent aux savants une réponse aussi extraordinaire qu’inattendue à leurs difficultés. L’auteur est un inconnu : Einstein (1879-1955). En quelques pages retentissantes, il leur dévoile une nouvelle théorie : la théorie de la relativité restreinte

Sa solution est en effet révolutionnaire. Il remet en cause la physique de Newton et plus particulièrement sa notion du temps[6]. Mais elle a l’immense avantage de réunir la mécanique classique et l’électromagnétisme dans une seule théorie dans un cas particulier (mouvement référentiel). Plus tard, de manière plus ambitieuse et plus approfondie, Einstein élaborera la théorie de la relativité générale qui fonde une nouvelle physique dans tous les cas. La communauté scientifique est abasourdie. Toute la tradition scientifique est balayée.

Einstein, un scientifique insolite ?

Qui était Albert Einstein avant son article ? Après un premier échec, Einstein intègre l’École polytechnique fédérale de Zurich, où enseignent de grands scientifiques comme Heinrich Weber, Adolf Hurwitz et Hermann Minkowski. Autrefois considéré comme solitaire et introverti, il s’y montre épanoui, assistant avec enthousiasme aux cours de physique. Mais rapidement, il se fait remarquer par son arrogance et son orgueil. Son professeur lui dira : « vous êtes intelligent, jeune homme, mais vous avez un défaut : vous ne laissez personne vous faire la moindre remarque. Pas la moindre. »[7] Son attitude finit par lui mettre à dos tout le corps professoral. Toute son enfance est en effet marquée par un refus du système scolaire. Avant son intégration à Polytechnique, les rapports qu’il a eus avec ses professeurs ont toujours été houleux. Pourtant, il n’était guère un cancre. Au contraire. Il n’a cessé de confirmer de bonnes dispositions en mathématiques et en physiques. Mais son attitude lui fermera une carrière académique classique

Peu soucieux des traditions, voire des conventions sociales, Einstein se montre un esprit indépendant et particulier convaincu de son intelligence. Il ne supporte pas notamment l’esprit qui règne dans les lycées allemands, tous empreints d’autoritarisme. C’est pourquoi il réussit à fuir l’Allemagne. Pour fuir aussi les obligations de service militaire, il prend la nationalité suisse. Il haït sans-doute l’esprit militaire. « Si quelqu’un peut prendre plaisir à marcher en rang aux sons d’une musique, cela suffit pour que je le méprise ; c’est par erreur qu’il reçu un cerveau, puisque sa moelle épinière lui suffirait amplement. »[8] Durant la première guerre mondiale, il se consacrera uniquement à ses travaux. Fondamentalement pacifiste, il prendra néanmoins conscience que face à la montée du nazisme, il sera nécessaire de prendre les armes. C’est sans-doute grâce à son intervention que les Américains réussiront à inventer la bombe atomique avant les Allemands.

Sa vie privée est aussi hors norme. Mileva Maric est son premier véritable amour. Scientifique et chercheur comme lui, elle donne naissance une fille de manière quasi-clandestine, hors mariage. Contre l’avis de ses parents, il l’épouse. L’avenir donnera raison à sa mère. Cette idylle se finira en tragédie. Plus tard, il divorcera pour se marier avec sa maîtresse. Einstein n’est pas non plus un véritable père comme nous l’entendons. Selon ses biographes, de manière générale, il méprise les sentiments naturels qu’il qualifie de primitifs.

A la sortie de l’école polytechnique de Zurich, contrairement à la carrière classique d’un élève, Einstein ne trouve aucun poste d’enseignement et de recherche. Il accusera ses maîtres d’en être responsables. « Ces gens-là considèrent instinctivement tout jeune intelligent comme une menace à leur dignité momifiée. » [9] Après divers petits métiers, en 1902, il trouve un poste au Bureau fédéral de la propriété intellectuelle de Berne grâce à un de ses camarades d’étude. S’il n’est guère prestigieux, son poste lui assure toutefois salaire et loisir, deux conditions indispensables pour mener des études scientifiques en toute liberté. Son emploi lui donne aussi l’opportunité de découvrir les nouvelles inventions et de revenir à un passe-temps de sa jeunesse, les machines électriques.

Le père d’Einstein, Hermann, était un des premiers entrepreneurs en approvisionnement d’électricité d’Allemagne. Avec son frère Jacob, il a fondé en 1885 une compagnie d’ingénierie électrique. Jacob en était le responsable technique quand Hermann en était plutôt le responsable des activités commerciale jugés insolubles par les techniciens.

Lorsqu’en 1905, il publie son article, Einstein est un scientifique en marge du système. Ses écrits sont pourtant révolutionnaires. Il publie quatre articles. Ils traitent de la nature quantique de la lumière, du mouvement brownien, de l’équivalence entre la masse et l’énergie puis de sa théorie de relativité. Contrairement à la tradition, dans ce dernier article, Einstein ne se réfère à aucun scientifique de son temps. Le message est clair : il ne leur doit rien.



Ainsi le XIXe siècle est souvent décrit comme le siècle de la modernité. Pendant des années, les scientifiques ont fait de bouleversants progrès dans le domaine de la connaissance, progrès qui ont aussi conduit à l’amélioration de la vie. Mais au fur et à mesure des progrès, le fondement de la science s’est aussi dangereusement fragilisé. Les découvertes successives ont apporté son lot de surprises, de joies et de déconvenues. Les désillusions se sont succédées. Les certitudes se sont effritées. Les évidences se sont envolées. Quand s’achève le XIXe siècle, la physique de Newton vacille. Le nouveau siècle bouleversera les esprits. Scientifique hors norme, Einstein est un des auteurs de la révolution qui s’annonce. Pour comprendre la théorie de relativité et ses conséquences, il est important de prendre en compte ce contexte particulier.





Notes et références
[1]
 Voir Émeraude, février, mars et avril 2014
[2] Ou plutôt les théories de la relativité puisqu’elle comprend une théorie restreinte et une théorie générale.
[3] Voir Émeraude, article Qu'est-ce que la lumière ?, janvir 2014.
[5] Nous excluons le domaine quantique où l’observation intervient dans ce qu’il observe. La physique quantique est exclue de notre raisonnement.
[6] Voir Émeraude, article Le temps de Newton, mars 2015.
[7] Cité dans Einstein et la Relativité, L’espace est une question de temps, collection Grandes idées de la science, présentée par Etienne Klein, 2014.
[8] Einstein, cité dans Einstein, la joie de la pensée, François Balibar, Découvertes Gallimard, 1993.
[9] Cité dans Einstein et la Relativité, L’espace est une question de temps.

lundi 21 septembre 2015

Prophéties et miracles, des arguments apologétiques de premier ordre

La Transfiguration
Nul ne peut contester l’antiquité et l’intégrité substantielle de l’Ancien Testament. Élaboré bien avant notre ère chrétienne, il a survécu au temps à l’abri des manipulations et des altérations. Pendant des siècles, un peuple particulier, le peuple juif, en était le dépositaire. Convaincu de son origine divine, il a protégé les livres sacrés qui composent la Sainte Bible. La Sainte Écriture transmet la Parole de Dieu. Elle contient l’origine de l’humanité, l’histoire des relations entre Dieu et les hommes, l’histoire d’un peuple, ses grandeurs et ses déchéances. Elle enseigne les commandements divins, définit l’interdit, les obligations, une morale. Elle est aussi prière, cantique, louange à Dieu. Mais elle n’est pas que passé et destinée au présent, elle est aussi avenir. Par ses Patriarches, ses Justes et ses Prophètes, Dieu a dessiné, parfois avec précision, ce qui va advenir. Au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ, le peuple de Dieu attend toujours la réalisation des promesses divines. Gardant jalousement les prophéties, il attend le Messie, Celui qui doit être envoyé par  Dieu, pour sa plus grande gloire. Il attend avec impatience ce moment où Dieu triomphera des impies et apportera la justice et la paix à tout l’univers. Il attend le renouvellement du monde. Au bout de la route tracée par Dieu se trouve le salut de tous. En dépit des siècles qui passent, cette attente est encore vive au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ. Est-Il Celui qui doit arriver ?

Nul ne peut non plus contester l’authenticité et la véracité des Évangiles. Ces livres ont aussi été préservés de l’usure du temps. Leur valeur historique est notamment indéniable. Ils apportent un témoignage fiable sur les événements qui se sont déroulés durant les premières années de l’ère chrétienne. Ils nous décrivent, parfois avec simplicité et tendresse, les faits et gestes de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ils nous rapportent ses paroles, ses émotions, ses peines également.

Alors que l’Ancien Testament nous donne des signes, prophéties et figures, qui nous permettent d’identifier le Messie, le Nouveau Testament nous montre surtout leur réalisation en Notre Seigneur Jésus-Christ. Nombreux et parfois précis sont en effet les éléments qui nous permettent de reconnaître Celui qui doit être envoyé. Certains de ses éléments sont connus, d’autres plus voilés s’éclairent par leur réalisation. Les Apôtres rappellent ainsi les prophéties qui se rapportent à Notre Seigneur Jésus-Christ. Les Pères de l’Église ont également souligné la réalisation de leur accomplissement en Lui. Les signes demeurent encore convaincants.



Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même insiste souvent sur l’importance des promesses divines. Il montre clairement à ses interlocuteurs qu’Il les a accomplies en connaissance de cause. Avant de mourir sur la Croix, il conclue sa Passion par ces mots riches de sens : « tout est consommé. » (Jean, XIX 30) Cela ne peut guère nous surprendre. A plusieurs reprises, il affirme qu’Il doit réaliser ce que la Sainte Écriture a annoncé. Le jour de son arrestation, il interpelle ses gardes : « J’étais tous les jours parmi vous, enseignant dans le Temple, et vous ne m’avez point pris ; mais c’est pour que les Écritures s’accomplissent. » (Marc, XIV, 49) L’un des disciples de Notre Seigneur tente de s’interposer et frappe de l’épée un des gardes. Mais son Maître l’arrête aussitôt « Comment donc s’accompliront les Écritures, disant qu’il doit en être ainsi ? » (Matth., XXVI, 54) Il est nettement conscient qu’Il doit accomplir les prophéties divines. Parfois, ses gestes n’ont pas d’autres raisons d’être que de réaliser ce qui a été annoncé. Que la volonté de Dieu soit faite !

Insistons encore. Il est en effet important de rappeler que Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même nous affirme qu’Il réalise ce que la Sainte Écritures a annoncé il y a des siècles auparavant. « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures » (Matth., XXI, 42), dit-Il souvent à ses disciples. La Sainte Écriture témoigne véritablement de Lui. Il est donc Celui qui doit être envoyé. Il est le Messie. Pour le savoir, lisez les prophéties et jugez ses faits et gestes selon les paroles bibliques. Il réalise la volonté de Dieu. C’est évident. « Les œuvres que mon Père m’a données à accomplir, ces œuvres que je fais moi-même, rendent témoignage de moi, que le Père m’a envoyé. [...] Scrutez les Écritures, puisque vous pensez avoir en elles la vie éternelle, car ce sont elles qui rendent témoignage de moi. » (Jean, V, 36-39)

Il est donc faux de croire que tout cela n’est qu’une invention des Apôtres et de leurs disciples. Tout en accomplissant ce qui est annoncé, Notre Seigneur Jésus-Christ annonce et affirme hautement ce qu’Il est. Les œuvres qu’Il accomplit et les paroles qui les accompagnent sont donc de puissants arguments que nous devons ne pas oublier.

Mais ce ne sont pas les seuls signes que Notre Seigneur nous a laissés pour affirmer ce qu’Il est. Les miracles qu’Il accomplit nous indiquent qu’effectivement, Il est envoyé de Dieu. « Hommes d’Israël, écoutez ces paroles : Jésus de Nazareth, homme que Dieu a autorisé parmi vous par les miracles, les prodiges et les merveilles que Dieu a faits par Lui au milieu de vous comme vous le savez-vous-mêmes […] » (Ac. Ap., II, 22) Les évangélistes nous rapportent en effet de nombreux miracles. Il prêche et confirme ses paroles par des prodiges. Saint Jean nous en donne une explication. « Jésus a fait encore en présence de ses disciples beaucoup d’autres miracles qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-ci ont été écrits afin que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et afin que, croyant, vous ayez la vie en son nom. » (Jean, XX, 30-31)

Comme nous l’enseigne Saint Jean, les miracles participent grandement à la pédagogie divine. Ils doivent nous conduire à notre sanctification en nous apportant des motifs de crédibilité. Comme tout signe, ils portent une signification, un enseignement. La guérison de l’aveugle-né en est un exemple. Notre Seigneur Jésus-Christ nous apporte la lumière et nous permet ainsi de quitter l’obscurité dans laquelle nous sommes plongés. Mais il est tentant de réduire le miracle à cette dimension symbolique ou de le considérer uniquement sous son aspect révélateur au point d’oublier le fait concret qui se réalise et qui manifeste la puissance de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est en effet tentant d’oublier la force probante de cet argument apologétique. Le miracle est avant tout un signe de crédibilité.


Notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas simplement accompli des prophéties, ce qui est déjà une chose extraordinaire, ou encore réalisé des miracles, mais Il a aussi prophétisé des choses qui effectivement se sont réalisées. La connaissance de l’avenir est un signe puissant et efficace. Trois fois au moins, Il annonce sa Passion, sa Mort et sa Résurrection, de façon claire et avec certitude. « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, par les princes des prêtres et par les scribes, qu’il soit mis à mort, et qu’il ressuscite le troisième jour. » (Luc, IX, 22) Il nous donne en avance quelques détails particuliers : la trahison de Judas, l’abandon de ses disciples, le reniement de Saint Pierre. Il révèle aussi le martyre de Saint Pierre et la persécution de ses disciples. Parmi les autres révélations, rappelons enfin la prophétie sur la destruction de Jérusalem et du Temple. « Voyez-vous toutes ces choses ? En vérité je vous le dis : il ne restera pas là pierre sur pierre qui ne soit détruite. » (Matth., XXIV, 2)

Le plus grand des signes que Notre Seigneur Jésus-Christ nous a donnés est sa Résurrection. Elle est le signe suprême de son autorité. Tout ce qui est extraordinaire est en effet réuni dans ce miracle prophétisé. Il accomplit ce qui était voilé dans la Sainte Écriture et ce qu’Il a annoncé, puis réalise une chose inédite et inimaginable. « Si le Christ n’est point ressuscité, notre prédication est donc vaine » (I. Cor., XV, 14) Notre Seigneur Jésus-Christ l’a souvent invoquée pour appuyer son enseignement. Alors qu’Il était sur la Croix, « les passants le blasphémaient branlant la tête, et disant : Ah ! Toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, descend de la croix. » (Matth., XXVII, 39-40) Sur le chemin d’Emmaüs, Notre Seigneur Jésus-Christ dira à ses disciples : « il est ainsi écrit, et c’est ainsi qu’il fallait que le Christ souffrît, et qu’il ressuscita d’entre les morts le troisième jour. » (Luc, XXIV, 46)


Prophéties accomplies et miracles réalisés, que de signes qui témoignent efficacement de Notre Seigneur Jésus-Christ ! Ce sont de véritables témoignages que nous devons méditer et utiliser à bon escient. Notre Seigneur Jésus-Christ  nous demande de Le juger selon ses œuvres. « Maintenant je vous le dis avant que cela arrive, afin que, quand ce sera arrivé, vous croyiez. » (Jean, XIV, 29) Ainsi pouvons-nous éviter les faux prophètes et tous ceux qui abuseront des fidèles par des prodiges. « Voilà ce que je vous ai dit : il fallait que fût accompli tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse dans les prophètes et dans les psaumes. » (Luc, XXIV, 44)

Si ces œuvres témoignent de Lui, nous devons alors L’écouter. La Sainte Écriture nous annonce en effet un Messie comme Docteur des nations et prédicateur de Dieu. « Venez et montons à la montagne du Seigneur, et à la maison de Jacob, et il nous enseignera ses voies, et nous marcherons dans ses sentiers ; parce que de Sion sortira la loi, et la parole du Seigneur de Jérusalem. » (Is., II, 3) La Samaritaine de l’Évangile attend ainsi le Messie comme celui qui « nous apprendra toutes choses. » (Jean, IV, 25)

Naturellement, Notre Seigneur Jésus-Christ s’affirme être comme un Docteur et un Maître. « Vous m’appelez vous-même Maître et Seigneur ; et vous dites bien, car je le suis. » (Jean, XIII, 13) Il accepte aussi ce titre qu’on lui donne à plusieurs reprises. Mais Il n’est pas un Maître comme un autre.  « C’est moi qui suis la lumière ; qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. » (Jean, VIII, 12) Il n’existe pas d’autres maîtres que Lui car Lui-seul nous guide vers Dieu le Père. « Moi je suis la voie, la vérité et la vie. Personne ne vient à mon Père que par moi. » (Jean, XIV, 6)



Écoutons bien. Sa doctrine n’est pas la sienne. « Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé. » (Jean, VII, 16) Par conséquent, celui qui écoute son enseignement écoute celui qui L’a envoyé, c’est-à-dire Dieu le Père. Il rappelle en effet à plusieurs reprises qu’Il a été envoyé par le Père pour enseigner et répandre la vérité. « Il faut que je prêche aux autres villes le royaume de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé. » (Luc, IV, 43) Sa mission est très claire.

Notre Seigneur Jésus-Christ fait exactement la volonté de Celui qui L’a envoyé. Celui qui L’entend et Le suit, entend et suit Celui qui L’a envoyé. Recevoir son enseignement, c’est entendre Dieu. Croire en Lui, c’est s’unir à Dieu. En un mot, Il est la voie qui nous mène à la béatitude éternelle. « Mon père qui m’a envoyé lui-même m’a prescrit ce que je dois dire et ce dont je dois parler. Et je sais que son commandement est la vie éternelle. Ainsi ce que je dis, je le dis comme mon Père m’a commandé. » (Jean, XII, 49-50)

Croire en Lui est donc une obligation, une nécessité pour celui qui veut s’unir à Dieu et sauver son âme. Ce n’est ni une option, ni un plaisir, laissés au bon vouloir de chacun. Il est la Voie et non une voie parmi tant d’autres. Et n’oublions jamais le prix de cette enseignement : le sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ.. «Tout est consommé. » (Jean, XIX 30)

Saint Cyrille et saint Méthode
A son tour, Notre Seigneur Jésus-Christ envoie ses disciples pour diffuser son enseignement dans le monde entier. Il leur commande de prêcher en son Nom à toutes les Nations, c’est-à-dire à tous les peuples de la Terre. « Vous serez témoins pour moi à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Act. Ap., I, 8) Ceux qui les recevront recevront Notre Seigneur Jésus-Christ. « Qui vous reçoit, me reçoit, et qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. » (Matth., X, 40) Or « celui qui reçoit un juste en qualité de juste, recevra la récompense d’un juste. » (Marc, X, 41) Que dire alors si ce juste est Notre Seigneur Jésus-Christ ? Ainsi, « celui qui ne croira pas sera condamné. » (Marc, XVI, 16) Ou encore « Qui vous écoute, m’écoute, et qui vous méprise, me méprise, mais qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé. » (Luc, X, 16)


Nous aussi, nous devons témoigner par nos œuvres et par nos paroles puisque nous-mêmes nous avons reçu Notre Seigneur Jésus-Christ. Or de nos jours, la défense de la foi se réduit parfois à exposer la sagesse et la grandeur de son enseignement au point que certains finissent par Le considérer comme un grand Sage ou un moraliste extraordinaire. Sa vie est disséquée pour en extraire du sens et de grandes leçons morales. On parle plus de la signification de la Résurrection que de sa réalité historique et de sa nature miraculeuse. On évite de la voir comme une preuve de la véracité du témoignage de Notre Seigneur Jésus-Christ et de son caractère divin. Effectivement, cela fait désordre dans l’œcuménisme ambiant.

Imitons plutôt Notre Seigneur Jésus-Christ qui a souvent souligné la valeur et la portée de ses œuvres et de ses miracles. C’est par ces signes nombreux et différents que nous pouvons en effet « prouver » la véracité de son témoignage. Tout change quand nous savons d’où Il vient et ce qu’Il est venu faire. Les mots n’ont pas le même poids. Les enjeux changent radicalement. Le regard est différent…

Ainsi il n’est guère possible de défendre la foi sans montrer que Notre Seigneur Jésus-Christ est Celui qui a été envoyé par Dieu le Père pour être l’unique voie de notre salut. C’est pourquoi les prodiges qu’Il a accomplis ont une valeur apologétique de premier ordre…


« Celui-ci est mon Fils, en qui j’ai mis toutes mes complaisances. Écoutez-le. » (Matth., XVII, 5)

samedi 19 septembre 2015

Les signes : derrière le visible, l'invisible

Dieu n’est ni absent dans le monde dont Il est le Créateur ni indifférent à ses créatures. Il n’est silencieux et muet qu’à ceux qui ne veulent point L’entendre. Toute l’histoire de l’homme est empreinte de sa présence. Mais comment pouvons-nous Le voir et L’écouter, Lui qui est pur esprit, nous qui sommes faits de chair et de sang ? Vivant dans le monde, nous sommes assujettis à un temps qui passe. Dieu est hors du temps. Il est alors attirant de croire à deux réalités injoignables, à deux univers disjoints et incommunicables. Un tel monde laisserait l’homme autonome dans l’illusion de ses pouvoirs, libre de ses pensées et de ses actions, libre d’agir comme il entend. Mais la réalité est toute différente. Non seulement il existe un seul monde, un monde où se côtoient l’infini et le fini, la toute-puissance et la misère, l’éternité et le temps, mais également un monde dans lequel Dieu intervient et se fait entendre.

Depuis les premières heures de l’humanité, l’homme a cherché à offrir à Dieu des sacrifices. Après le récit de la Création, la Sainte Écriture nous révèle l’histoire de Caïn et d’Abel. Les deux frères sacrifient au Créateur les fruits de leur travail comme offrandes. Toutes les religions, sur toute la planète et dans toute l’histoire de l’humanité, contiennent des sacrifices qui se déroulent selon des rites considérés comme immémoriaux. Pourtant, Dieu n’a nullement besoin de nos offrandes. Il n’a besoin de rien. Le sacrifice ne serait-il alors qu’une invention humaine ?

Offrandes d'Abel et Caïn Guiard des Moulins,
Bible historiale Paris, début du XVe siècle
De nombreuses explications pourraient justifier la raison d’être du sacrifice. Les thèses plus ou moins imaginatives et séduisantes abondent en effet pour justifier cet acte. Étant la perfection même, Dieu n’a besoin d’aucune offrande. Seul l’homme en a donc besoin. « L’homme les offre à Dieu, non pas parce que Dieu en a besoin, mais pour que soit représenté à l’homme qu’il doit se rapporter lui-même et tout ce qu’il a à Dieu comme à la fin, et comme au Créateur, au Gouverneur et au Seigneur de l’Univers. »[1] Par différentes choses sensibles, c’est-à-dire par l’usage de ses sens, l’homme cherche à s’exciter aux choses divines « afin qu’à travers ces œuvres sensibles notre intention soit dirigée vers Dieu et notre affection enflammée. »[2] Par nos sens, nous accédons à la connaissance. Par des choses sensibles, nous excitons et exprimons nos vérités intérieures, nos affections, nos sentiments. C’est aussi par les réalités physiques que notre esprit s’élève vers Dieu.

Selon Saint Augustin, « le sacrifice est le sacrement ou signe sacré du sacrifice invisible »[3]. Au-delà du sacrifice, fait de matières, de gestes et de paroles, réunis dans un ensemble cohérent, se trouve une autre réalité, cette fois-ci bien invisible. « Il en faut voir que des figures de ce qui s’accomplit en nous-mêmes pour opérer notre union et l’union de notre prochain en Dieu »[4]. Dans le sacrifice, Dieu réclame autre chose que les éléments visibles. Ne voir dans le sacrifice que la bête qu’on égorge ou le feu qui brûle, c’est ne point comprendre la volonté de Dieu. Le seul sacrifice qui le satisfait est notre propre sacrifice.

Tout sacrifice contient des éléments visibles et invisibles. Les premiers sont des signes qui représentent une réalité insensible. Ce sont plus que des symboles puisqu’ils nous permettent d’atteindre l’invisible. Le rite avec ses gestes symboliques et puissants est une représentation extérieure d’une réalité cachée à nos sens. Car il existe deux sortes de réalités. Les unes trouvent en eux-mêmes leur explication et leur raison d’être, les autres n’ont d’autres usages que de marquer ou d’indiquer autres choses qu’elles-mêmes. Ce sont les signes.

L’homme est l’union d’un corps et d’une âme, d’éléments visibles et invisibles. Notre pensée ne s’exprime pas seulement par la voix. Elle peut aussi s'exprimer par des gestes, un regard, une attitude. Notre corps est plus que présence et mouvement. Il acquiert une valeur qui va au-delà de ce qu’il est. Un regard est plus expressif qu’une parole. Nos gestes ont une véritable signification.

Corps et âme, nous en sommes l’union. Ce ne sont pas deux réalités qui s’ignorent et vivent de manière séparée. Elles se communiquent, s’interagissent. Mais sans le visible, l’invisible ne peut communiquer. Que serait la pensée sans la parole ou le geste ? Nous devons passer par le corps pour que l’âme s’exprime. C’est pourquoi un geste contient une valeur qui dépasse sa réalité. L’invisible a besoin du visible comme signe. « La chair animée par l’esprit lui prête ses éléments, et l’âme enrichit de ses volontés supérieures l’animalité où elle s’incarne. Vivant dans les deux mondes à la fois, l’homme a pris l’habitude de passer constamment de l’un à l’autre, et d’en mélanger les richesses dans une action unique ; et parce qu’il est beaucoup plus habitué au maniement des valeurs corporelles qu’à l’usage des réalités spirituelles, c’est aux premières qu’il demande sans cesse de l’aider à grandir jusqu’à la hauteur des secondes. C’est le visible qui sert de signe à l’invisible, c’est l’inférieur qui porte le supérieur. Et ainsi, de par la volonté de l’homme, […], un geste corporel contient une valeur spirituelle. »[5]

Le serpent d'airain
L’homme a ainsi besoin du visible pour atteindre l’invisible. Dieu ne peut se rendre visible que par la réalité sensible. « Si vous n’aviez point de corps, Dieu vous aurait accordé simplement des dons invisibles, mais parce que votre âme est unie à un corps, c’est au travers des objets sensibles que Dieu vous livre l’intelligence de sa doctrine. »[6] Derrière le visible se trouve l’invisible. Le visible prend parfois tout son sens quand nous atteignons l’invisible qui s’y cache. Au moyen de la réalité physique, l’homme accède donc à des vérités plus hautes. « Il a été divinement prévu en faveur de l’homme qu’il puisse trouver même dans les choses sensibles un rappel des réalités divines »[7].


Il y a alors derrière le signe une volonté et une raison qui explique et légitime l’usage extraordinaire du corps dans un domaine qui le dépasse. Le visible est porteur d’un sens qui dépasse la réalité physique car une intelligence y a introduit une connaissance afin que nous qui sommes une chair animée de l’esprit et une âme dans la chair puissions atteindre une réalité supérieure.

De l’union d’un concept et d’une image naissent donc un signe. Une enveloppe physique contient une réalité invisible. « Le signe est une enveloppe physique qui contient une réalité invisible ; et comme le composé humain dont il est à la fois le fils et le prolongement, il est formé par l’union des deux valeurs. »[8]La vérité apparaît dans l’union de ces deux valeurs. L’image apporte toute la force de l’émotion et de la sensibilité que la raison ne possède pas par elle-même quand le concept contient un message de Celui qui veut nous faire connaître de hautes vérités. « Pour allumer et nourrir le feu de l’amour, combien sont utiles les insinuations des symboles : ils nous émeuvent et nous enflamment plus que si nous possédions les réalités sans voiles et sans figures. C’est un fait qu’une idée suggérée par une allégorie significative nous meut et nous charme davantage que si on nous la disait en propres termes. » [9]

La pensée et l’émotion ont besoin de s’incarner dans des choses sensibles afin d’être connues et vécues. Elles préexistent cependant au geste et à la parole. Mais elles n’existent en quelque sorte que par leur incarnation. Par sa valeur propre, l’image nous engage donc vers le sens. Ainsi le visible engendre l’invisible au sens où une réalité supérieure nous est rendue accessible. Sans la chair qui l’enveloppe, elle nous serait inconnue. Elle rend donc présente une réalité qui préexiste à l’image. Elle ne la crée pas. Elle la produit.

Le Buisson ardentSébastien Bourdon
Si le regard ne s’arrête que sur l’enveloppe physique, nous prenons le risque de nous arrêter au signe vidé de son sens. « Un signe vide, ce serait un signe mort. »[10] Le signe ne représente plus ce qu’il signifie. Il devient muet. Nos yeux et nos oreilles ne perçoivent plus cette réalité que cache la chose visible. Seule la raison peut redonner sens au signe. Il faut donc que nous y maintenions par la raison sa signification. Si nous oublions aussi l’image pour n’y voir que sens, nous risquerions aussi de nous égarer dans notre imagination.

Que sont ces signes qui nous communiquent une réalité sans lesquels nous ne pouvons atteindre l’invisible ? Ce sont notamment les miracles, les prophéties, le culte que nous rendons à Dieu. La Sainte Écriture nous transmet aussi de nombreux signes, en particulier par les figures qu’elle contient. La religion est emplie de signes. Par ces canaux divers et variés, nous communions à une réalité d’ordre supérieur. La pensée divine nous est communiquée. Nous nous unissons à Dieu…

«  […] vinrent à lui les pharisiens et les sadducéens, pour le tenter, et ils le prièrent de leur faire voir un prodige dans le ciel. Mais Jésus répondant leur dit : « Le soir venu, vous dites : il fera beau, car le ciel est rouge. Et le matin : aujourd’hui, de l’orage, car le ciel est sombre et rougeâtre. Vous savez donc juger l’aspect du ciel, et vous ne savez pas reconnaître les signes des temps ? Une génération méchante et adultère demande un prodige, et il ne lui sera point donné de prodige, si ce n’est le prodige du prophète Jonas. » (Matth., XVI, 1-3)




Notes et références
[1] Saint Thomas d’Aquin, Somme contre les gentils, Livre III, chap. CXIX, 2, Flammarion, 1999.
[2] Saint Thomas d’Aquin, Somme contre les gentils, Livre III, chap. CXIX, 4, Flammarion, 1999.
[3] Saint Augustin, Cité de Dieu, X, 5.
[4] Chanoine Eugène Masure, Le Sacrifice du Chef, édition Beauchesne, 1944.
[5] Chanoine Eugène Masure, Le Sacrifice du Chef, VIII.
[6] Saint Jean Chrysostome.
[7] Saint Thomas d’Aquin, Somme contre les gentils, Livre III, chap. CXIX, 1.
[8] Chanoine Eugène Masure, Le Sacrifice du Chef, VIII.
[9] Saint Augustin
[10] Chanoine Eugène Masure, Le Sacrifice du Chef, VIII.