" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 5 septembre 2015

Le véritable sens de la déchéance du peuple juif selon Saint Paul

La persistance du judaïsme ne nous laisse guère indifférent. Elle nous interpelle, elle nous questionne, elle nous embarrasse. Le peuple juif est le peuple de l’ancienne alliance, le peuple de l’élection divine. Dieu l’a choisi et l’a retiré du monde ordinaire. D'une grande patience, Il l’a longuement formé afin qu’il reçoive le salut des hommes. Or ce peuple si choyé a refusé Notre Seigneur Jésus-Christ. Il a rejeté Celui que Dieu a envoyé. Le maître de la vigne a envoyé son fils auprès des vignerons auquel il l’avait louée et ses vignerons ont tué son propre fils.

Le peuple juif s’est obstiné dans son erreur et persiste encore dans son aveuglement. Pouvons-nous vraiment croire à un échec de Dieu ? Cette question nous ramène inévitablement à un autre mystère, celui du salut de l’homme. Comment pouvons-nous en effet périr en enfer quand Dieu veut tellement notre bonheur ? Comment tant d’hommes vivent-ils aussi dans le péché après que Dieu ait montré tant d’amour pour nous ? Insondable mystère qui interroge les âmes…

Cependant le parallélisme entre le salut d'un peuple et le salut individuel a des limites. Et les enjeux sont différents. Le peuple juif n’est pas comparable à un individu. Le salut individuel est bien différent de celui d’un peuple particulier. C’est bien l’histoire qui nous interroge et non le destin de l’homme. Il s’agit donc de s’interroger sur la déchéance du peuple juif…

L’histoire commence par un choix à un moment précis dans un lieu précis. Dieu a choisi un peuple parmi d’innombrables. Maintes fois secouru, ce peuple a survécu de nombreuses épreuves. Il a été doté de privilèges que nul autre peuple n’a détenus. Les Patriarches l’ont conduit, les Justes l’ont sauvé, les Prophètes lui ont parlé. Ce peuple élu a été véritablement formé par la main de Dieu pour que le salut sorte de Jérusalem et que la gloire divine resplendit sur toute la terre. Et pourtant, ce peuple si chéri de Dieu n’a pas reconnu le Messie tant attendu. Pire encore. Il l’a condamné à mort et persécuté ses disciples. En dépit d’une longue histoire exceptionnelle, le peuple juif a été infidèle à sa mission. Il est demeuré incrédule et hostile.


Certes nous pouvons comprendre les erreurs des Juifs à la lecture de la Sainte Écriture et de la Tradition. Notre Seigneur Jésus-Christ nous a montré l’étroitesse de leur esprit et leurs prétentions exagérées. L’orgueil les a aveuglés et conduits à leur perte. « C’est pourquoi je vous dis que le Royaume de Dieu vous sera ôté et qu’il sera donné à un autre peuple qui en produira des fruits. » (Matth., XXI, 43) Les Apôtres et les Pères de l’Église ont aussi longuement décrit leurs erreurs, leur aveuglement, leur conception charnelle de la religion. Nous les avons évoqués dans nos précédents articles. Mais cela ne suffit pas pour comprendre une telle faillite. Il s’agit désormais d’aller encore plus loin. Comment est-il possible que le peuple juif s’est endurci dans une voie si contraire à celle qui lui était destinée ? Quel est finalement le sens de cette histoire ?

Cette question était encore plus brûlante dans les premières années du christianisme. Dans la jeune Église se côtoyaient des chrétiens d’origine juive et païenne. Certains chrétiens circoncis éprouvaient quelques difficultés pour se détacher de la loi mosaïque et de ses observances. Le risque était grand de voir alors dénaturer l’Évangile au profit d’un attachement bien humain à des choses dépassées. Il était donc important de leur rappeler l’obsolescence et l’inefficacité de la Loi mosaïque, la fin de l’ancienne alliance et de la servitude. Par Notre Seigneur Jésus-Christ, une nouvelle ère a débuté, une nouvelle alliance a été conclue comme l’avait annoncé la Sainte Écriture. Il fallait enfin leur montrer l’erreur des Juifs qui persistaient à vivre sous l’ancienne Loi et à ne pas reconnaître Notre Seigneur Jésus-Christ comme étant le véritable Messie. La voie qu’ils suivaient et qui allaient les conduire vers le judaïsme tel que nous le connaissons aujourd'hui n’est pas celle que Dieu a tracée pour le salut de l’âme. Il était donc important de présenter aux chrétiens la déchéance du peuple juif et les erreurs qui les ont conduits à leur perte.

Mais un autre risque, encore plus grand, menaçait également les chrétiens incirconcis. Les Chrétiens forment désormais le nouveau peuple de Dieu au détriment du peuple juif, autrefois privilégié. Expulsés du Temple et des synagogues, les Apôtres et les premiers chrétiens ont été amenés à apporter la bonne Parole aux païens. Les Gentils l’ont reçue avidement et ont embrassé la foi. Les prophéties de la Sainte Écriture sur l’universalité du salut ont ainsi été accomplies. La vocation des Gentils n’est donc pas une surprise pour celui qui pouvait les entendre. L’apostolat parmi les païens a été une réussite au point que les incirconcis sont devenus rapidement majoritaires dans la jeune Église. L’ancienne race a finalement laissé sa place prestigieuse à une nouvelle. Le risque était donc de voir cette gentilité convertie s’enorgueillir de cette place qui lui a été offerte.

Justice du rejet d’Israël

Dans son Épître aux Romains (IX-XI), Saint Paul revient longuement sur l’attitude des Juifs. D’abord incrédules, ils sont devenus hostiles au christianisme. Ils ont excité la force et la violence contre les chrétiens, allant même armer contre eux l’autorité romaine. Avant sa conversion, l’Apôtre a figuré parmi les plus virulents adversaires des communautés chrétiennes. Le peuple qui était détenteur des promesses divines n’a pas accueilli la nouvelle alliance en dépit des preuves d’amour de Dieu à son égard. Cette double attitude apparaît donc comme un véritable scandale. Il a refusé le festin qui lui a été préparé. Le peuple tant aimé a alors été rejeté. Cet apparent échec manifeste-t-il une faillite de la part de Dieu ? Dieu n’aurait-il pas pu orienter le cœur des Juifs afin d’éviter ce scandale ? Pourtant, « ce n’est pas à dire que la parole de Dieu ait failli. » (Rom., IX, 6)


Saint Paul rejette cette première pensée qui pourrait hâtivement effleurer notre esprit. Il nous rappelle alors l’histoire d’Isaac et d’Ésaü. L’aîné a été assujetti au plus jeune. Seul Isaac hérite en effet des promesses divines. Tous les descendants d’Abraham ne sont donc pas porteurs de la promesse. Et cette descendance n’est pas charnelle. Elle n’obéit pas aux lois de l’hérédité. Ce n’est pas non plus l’enfant de la femme esclave qui reçoit la bénédiction divine mais bien l’enfant de la femme stérile. C’est bien Dieu qui choisit librement celui qui appartient réellement à la postérité d’Abraham. « Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce sont les enfant de la promesse qui sont considérés comme la postérité d’Abraham. » (Rom., IX, 8) Sa souveraineté est absolue. Ses desseins ne trouvent pas leur raison d’être dans les œuvres de l’homme mais dans la volonté libre de Dieu. « La souveraine libéralité ou la souveraine liberté de Dieu ne puise qu’en Dieu même la raison des privilèges qu’il accorde, la raison aussi du refus de ces mêmes privilèges. »[1]


Parabole du fils prodigue
« Que dirons-nous donc ? N’y a-t-il pas de l’injustice en Dieu ? » (Rom., IX, 14) Nous pourrions alors croire que ces décisions sont arbitraire et qu’un tel choix est injuste. Nous en conclurions alors que sa souveraineté va à l’encontre de la justice. Pourquoi a-t-il en effet choisi Isaac au détriment d'Ésaü ? Les lois humaines qui sont fondées sur des considérations naturelles, telles le droit d’aînesse, nous paraissent plus objectives et donc plus justes. Mais nous sommes placés à un autre ordre. Dans le choix de Dieu, il n’y a ni caprice ni injustice. Car qu’est-ce que la justice si ce n’est rendre à autrui ce qui est lui dû ? Dieu nous doit-il quelque chose ? Loin de nous cette pensée. Tout cela dépend de la miséricorde divine. « Je fais miséricorde à qui je fais miséricorde, et j’ai compassion de qui je veux avoir compassion. » (Rom., IX, 15) Nous sommes au niveau de la bienveillance divine, c’est-à-dire de la gratuité. Où est donc l’injustice ?

Puisque l’homme ne peut s’opposer à la volonté de Dieu, pourquoi Dieu se plaint-Il de l’incrédulité des Juifs ? Cette question peut aussi effleurer nos lèvres. Dieu n’est-Il pas tout puissant ? Mais le vase d’argile peut-il se plaindre auprès du potier ? Non évidemment. L’homme n’a nul titre à se prévaloir pour exiger de Dieu des comptes. « O homme, qui es-tu pour contester avec Dieu ? » (Rom., IX, 20) De quel droit ose-t-il se mettre à la hauteur de son Créateur ? Dieu n’a de dette envers personne. Il ne doit rien au peuple juif. En outre, s’Il veut étendre ses bénédictions sur tous les peuples, en quoi lèse-t-Il les Juifs ? Où est l’injustice ? Dieu n’a-t-Il pas supporté avec patience une longue suite d’infidélité, de révoltes et d’idolâtrie de la part d’Israël ? Le peuple juif a été choisi pour être un vase d’honneur mais il a été un vase d’ignominie.

À maintes reprises, Dieu a pourtant prévenu son peuple de l’universalité de la foi. La grâce doit se répandre sur tous les peuples, sans exception. Saint Paul nous rappelle les prophéties d’Osée et d’Isaïe qui prédisent l’universalité du salut. Dieu a aussi clairement signifié au peuple juif le sort qui l’attendait. Comment les Juifs peuvent-ils alors être surpris de son sort et dénoncer une injustice ?

Enfin, Saint Paul nous rappelle qu’une minorité de Juifs a été sauvée comme l’avait encore prédit Isaïe. Le peuple juif n’est donc pas entièrement perdu. C’est même un procédé classique qu’use le bon Dieu comme le montrent de nombreux exemples dans l’histoire sainte. « Si le Seigneur des armées ne nous avait laissé une semence, nous serions devenus comme Sodome, et nous aurions été semblables à Gomorrhe. » (Rom., IX, 29) Un petit nombre s’échappe toujours d’un désastre pour que les survivants perpétuent la race. De la semence sortira le salut.

Finalement, le seul coupable dans cette affaire est bien le peuple juif lui-même. Il s’est obstiné dans un tragique malentendu. Dieu n’y est pour rien.

Cause du rejet d’Israël

Le peuple juif s’est enivré de sa conception de la justice. Il s’est enfermé dans une idée personnelle de ce en quoi consiste la vie religieuse de la sorte qu’il a méconnu la justice de Dieu. Il « cherchait une loi de justice » non par la foi mais par leurs œuvres « comme s’il avait pu y arriver par les œuvres. » (Rom., IX, 31) Il a été dupe de ses illusions et de son orgueil, ne cherchant la justice non en Dieu mais en l’accomplissement exact des œuvres de la loi, c’est-à-dire en eux-mêmes. « Ne connaissant pas la justice de Dieu, et cherchant à établir leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu » (Rom., X, 3). Voilà l’erreur du peuple juif qui l’a conduit à sa perte et à sa déchéance. Lui-seul est coupable. C’est par leur faute qu’un grand nombre de Juifs ne sont pas arrivés au salut. Alors ils se sont heurtés contre la pierre d’achoppement. C’est bien « l’adoration d’une pensée personnelle qui a été à l’origine de leur division avec Dieu. »[1]



Le peuple juif a méconnu le caractère de la Loi et de son intention. « Jésus-Christ est la fin de la Loi » (Rom., X, 4). La Loi conduit au Christ au sens où elle finit au Christ et achemine au Christ, oriente les âmes vers Lui, l’ordonne vers Lui. La vraie science de la Loi consiste donc à regarder le temps de la Loi comme un noviciat qui prépare l’humanité à recevoir Notre Seigneur Jésus-Christ. « Dans l’intention de Dieu, la loi guidait au Christ, puis s’éliminait d’elle-même le jour où le bienfait de la justice était offert à tout croyant ».[1]  Le temps de la Loi est le temps de tutelle pour le Juif, un temps qui est désormais fini. « Aussi longtemps que l’héritier est enfant, il ne diffère en rien d’un esclave, quoiqu’il soit maître de tout ; mais il est soumis à des tuteurs et des curateurs jusqu’au temps marqué par le père. » (Gal., IV, 3). Nous sommes donc arrivés à la plénitude des temps par l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ, « né sous la Loi, pour affranchir ceux qui sont sous la Loi, afin de nous conférer l’adoption. » (Gal., IV, 5)

Saint Paul nous montre alors la différence entre la justice conçue par les Juifs et la justice de Dieu. La justice de la Loi est une justice d’effort qui dépasse nos forces, une justice impuissante dont le fardeau est insupportable, une justice limitée et étroite. La justice de Dieu est au contraire une justice à la portée de tous, simple, aimable. Il n’est pas besoin d’expier le péché ou de chercher à gagner vainement le ciel. « Ne dis pas dans ton cœur ; qui montera au ciel ? […] Qui descendra dans l’abîme ? » (Rom., X, 7) puisque Notre Seigneur Jésus-Christ l’a fait pour nous. Pour être juste, il faut s’unir à Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous n’avons qu’à vouloir, à dire et à croire, à reconnaître et à proclamer. « Si tu confesses de ta bouche Jésus comme Seigneur, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvéCar c’est en croyant de cœur qu’on parvient à la justice, et c’est en confessant de bouche qu’on parvient au salut » (Rom., X, 9-10)

Ainsi la justice de Dieu ne se repose pas sur une discrimination entre les hommes selon les paroles mêmes du prophète Joël. « Quiconque invoquera le Seigneur sera sauvé. » (Joël, II, 32) Il n’y a qu’un seul Dieu qui sauve aussi bien les Juifs que les Gentils. Le salut ne prend pas en compte l’origine de l’homme, son état, son rang social ou encore son sexe. « Il n’y a plus ni Juif ni Grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus ni homme ni femme : car tous vous ne formez qu’une seule personne en Jésus-Christ. » (Gal., III, 28) Notre Seigneur Jésus-Christ a réconcilié toute l’humanité en appelant tous à la même noblesse de la vie divine. Et c’est justement cette universalité du salut qui a étonné puis scandalisé le peuple juif. « C’était précisément cette universalité de la justice surnaturelle, nivelant tous les privilèges antérieurs dans une même grandeur commune, qui avait étonné, puis scandalisé et irrité Israël. »[1]

Mais comment ce salut peut-il être universel ? Comment le monde pourrait-il en effet connaître Dieu ? Car il est évident que tous ne l’admettent pas. Contrairement au peuple juif, le monde n’a pas été préparé à Le recevoir. Telles sont les questions que pourrait se poser le Juif. « Comment donc invoquera-t-on celui en qui on n’a pas encore cru ? » (Rom., X, 14) Par l’apostolat, nous répond Saint Paul. Mais « tous n’ont pas obéi à l’Évangile » (Rom., X, 15) comme tous les Juifs n’ont pas entendu la parole des prophètes. Cependant « la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Dieu » (Rom., X, 17). Le salut n’est possible que pour celui qui accueille la Parole de Dieu. Et cette parole a été promulguée dans le monde entier.

La foi a pour condition extérieure la prédication entendue et la prédication a à son tour pour condition la Parole divine, c’est-à-dire l’ordre de Dieu. Et tous les moyens ont été pris pour répandre la bonne parole. Les Juifs eux-mêmes l’ont entendue. Les Apôtres ont promulgué l’Évangile à partir de Jérusalem et de Jérusalem, l’Évangile s’est répandu dans le monde entier. Aujourd’hui, quelle est la région qui ne l’a point reçue ? Les premiers à l’entendre ont été les Juifs de Jérusalem puis ceux de la Diaspora. Et c’est parce qu’ils n’ont pas entendu la Parole de Dieu que Dieu s’est détourné d’eux comme Il leur avait annoncé. La Sainte Écriture contient des prophéties qui annoncent en effet le rejet du peuple juif et ses conséquences, c’est-à-dire la vocation des Gentils et la réprobation des Juifs.

Saint Paul en appelle à Moïse. « J’exciterai votre jalousie contre ce qui n’est pas une nation ; j’exciterai votre colère contre une nation insensée. » (Deut., XXXII, 21) Moïse annonce que pour répondre à l’idolâtrie du peuple hébreu, Dieu provoquera la jalousie de son peuple en donnant son amour à un peuple de rien. Il excitera le dépit d’Israël en s’attachant à son tour à un peuple insensé, et tenu pour tel par Israël. Isaïe précise que ce peuple insensé ne l’attendait pas. « J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis manifesté à ceux qui ne me demandaient pas. » (Is., XV, 1)

Dieu a été un père plein de tendresse. Il a cherché à attirer vers Lui ses enfants. « J’ai tendu mes mains tout le jour vers un peuple rebelle et contredisant. » (Rom., X, 21) Il n’a pas cessé d’inviter Israël et Israël l’a refusé. Son amour a été méprisé. Seul le peuple juif est coupable. Il est le responsable du divorce survenu entre Dieu et Israël…

Le rejet d’Israël n’a jamais été complet et n’est pas définitif

Le Jugement dernier
Francisco Pacheco (1564-1644)
Mais la déchéance du peuple juif n’est pas absolue. Elle n’est en effet ni universelle, ni sans compensation, ni définitive. Saint Paul nous rappelle encore qu’une minorité de Juifs a embrassé le christianisme. Lui-même était un pharisien de la tribu de Benjamin. « Non, Dieu n’a pas rejeté son peuple. » (Rom., XI, 2) Comme au temps passé, « il y a un reste, en vertu d’une élection de grâce » (Rom., XI, 5). Cette minorité forme la réserve de l’avenir. Mais ce reste ne doit pas s’en enorgueillir car Dieu seul en est la cause et non leurs œuvres. Ainsi ces Juifs ne sauraient se glorifier ni devant leurs frères déchus, ni devant la gentilité. Une minorité a été préservée de la déchéance par la grâce et la miséricorde, et non par le mérite des hommes.

La chute de tant de Juifs n’est pas non plus vaine. « Par leur faute, le salut est arrivé aux gentils de manière à exciter la jalousie d’Israël. » (Rom., XI, 11) Rejetés par les Juifs, les Apôtres se sont ouverts aux païens, et par là, ils ont créé au cœur de l’épouse délaissée un regret du passé. Un jour viendra où l’épouse reviendra comme l’enfant prodigue. Ainsi « c’est qu’une partie d’Israël est tombé dans l’aveuglement jusqu’à ce que la totalité des gentils soit entrée. Et ainsi tout Israël sera sauvé » (Rom., XI, 25) Le retour du peuple juif annoncera même la résurrection finale.

Saint Paul avertit donc les chrétiens incirconcis de ne pas s’enorgueillir de leur état. Ils ont été préférés aux Juifs mais dans l’objectif d’un retour final du peuple aimé. « Ne te glorifie pas », « garde-toi de pensées orgueilleuses ». Comme des branches mortes, les Juifs ont été retranchés de l’arbre de vie. L’olivier sauvage qu’étaient les païens a été enté et se nourrit désormais de la sève. Mais « sache que ce n’est pas toi qui porte la racine, mais que c’est la racine qui te porte » (Rom., XI, 18) Il faut donc se garder de toute présomption. Car si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, Il n’épargnera pas non plus les branches greffées si elles viennent à mourir. « Dieu est assez puissant pour enter de nouveau les branches naturelles » (Rom., XI, 24) 

Conclusion

Saint Paul nous révèle le véritable sens d'un fait historique. L’endurcissement du peuple juif répond à un dessein. Dieu le permet de manière provisoire jusqu’à ce que la plénitude des temps soit atteinte. Comme les Gentils, les Juifs obtiendront la miséricorde de Dieu. Le peuple juif retrouvera sa place à la fin du monde.

Quand placé dans le paradis, Adam a désobéi à Dieu, l’humanité entière s’est dérobée à la grâce divine. Dieu s’est alors tourné vers un peuple qu’Il a formé et protégé. Puis quand Dieu s’est tourné de nouveau vers l’humanité avec Notre Seigneur Jésus-Christ, ce peuple s’est montré jaloux et orgueilleux. Tout en se préservant d’une minorité parmi cette race privilégiée, Dieu a fait entrer la gentilité dans l’Église avant que les Juifs puissent la rejoindre. Ainsi, Saint Paul décrit l’histoire en quatre temps successifs : la Création, la vocation d’Abraham, l’Évangile et la fin des temps. Il nous révèle un plan qui est à la hauteur de son auteur. Dieu est au commencement, au centre et à la fin de tout. Si l’homme doit donc se glorifier, qu’il se glorifie donc en Dieu.

« O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies incompréhensibles ! Car « qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller ? » Ou bien « qui lui a donné le premier, pour qu’il ait à recevoir en retour ? » De lui, par lui et pour lui sont toutes choses. » (Rom. XI, 33-36)

Sachons donc reconnaître dans les événements historiques ce plan divin qui à sa plénitude unira à Dieu Juifs et non Juifs. Ne nous enorgueillissons pas de notre état. Les événements de l’histoire du peuple juif ont été écrits et nous ont été transmis pour nous éclairer. Ce sont des leçons de choses que nous devons prendre en compte et que nous devons méditer. La Sainte Écriture nous révèle la volonté et la sagesse de Dieu.

Référence
[1] Dom Paul Delatte, Les Épîtres de Saint Paul, replacées dans le milieu historique des Actes des Apôtres, Tome I, 1928.

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