La
persistance du judaïsme ne nous laisse guère indifférent. Elle
nous interpelle, elle nous questionne, elle nous embarrasse. Le peuple juif est
le peuple de l’ancienne alliance, le peuple de l’élection
divine. Dieu l’a choisi et l’a retiré du monde ordinaire. D'une
grande patience, Il l’a longuement formé afin qu’il reçoive le
salut des hommes. Or ce peuple si choyé a refusé Notre Seigneur
Jésus-Christ. Il a rejeté Celui que Dieu a envoyé. Le maître de
la vigne a envoyé son fils auprès des vignerons auquel il l’avait
louée et ses vignerons ont tué son propre fils.
Le
peuple juif s’est obstiné dans son erreur et persiste encore dans
son aveuglement. Pouvons-nous vraiment croire à un échec de Dieu ?
Cette question nous ramène inévitablement à un autre mystère,
celui du salut de l’homme. Comment pouvons-nous en effet périr en
enfer quand Dieu veut tellement notre bonheur ? Comment tant
d’hommes vivent-ils aussi dans le péché après que Dieu ait
montré tant d’amour pour nous ? Insondable mystère qui
interroge les âmes…
Cependant le parallélisme entre le salut d'un peuple et le salut individuel a des limites. Et les enjeux sont différents. Le
peuple juif n’est pas comparable à un individu. Le salut
individuel est bien différent de celui d’un peuple particulier.
C’est bien l’histoire qui nous interroge et non le destin de
l’homme. Il s’agit donc de s’interroger sur la déchéance du
peuple juif…
L’histoire
commence par un choix à un moment précis dans un lieu précis. Dieu
a choisi un peuple parmi d’innombrables. Maintes fois secouru, ce peuple a survécu de nombreuses épreuves. Il a été doté de privilèges que nul autre peuple n’a détenus.
Les Patriarches l’ont conduit, les Justes l’ont sauvé, les
Prophètes lui ont parlé. Ce peuple élu a été véritablement
formé par la main de Dieu pour que le salut sorte de Jérusalem et
que la gloire divine resplendit sur toute la terre. Et pourtant, ce peuple si chéri de Dieu n’a pas reconnu le Messie tant attendu. Pire encore. Il l’a
condamné à mort et persécuté ses disciples. En dépit d’une
longue histoire exceptionnelle, le peuple juif a été infidèle à
sa mission. Il est demeuré incrédule et hostile.
Certes
nous pouvons comprendre les erreurs des Juifs à la lecture de la
Sainte Écriture et de la Tradition. Notre Seigneur Jésus-Christ
nous a montré l’étroitesse de leur esprit et leurs prétentions
exagérées. L’orgueil les a aveuglés et conduits à leur perte. «
C’est
pourquoi je vous dis que le Royaume de Dieu vous sera ôté et
qu’il sera donné à un autre peuple qui en produira des fruits. »
(Matth.,
XXI, 43) Les Apôtres et les Pères de l’Église ont aussi
longuement décrit leurs erreurs, leur aveuglement, leur conception
charnelle de la religion. Nous les avons évoqués dans nos
précédents articles. Mais cela ne suffit pas pour comprendre une
telle faillite. Il s’agit désormais d’aller encore plus loin.
Comment est-il possible que le peuple juif s’est endurci dans une
voie si contraire à celle qui lui était destinée ? Quel est
finalement le sens de cette histoire ?
Cette
question était encore plus brûlante dans les premières années du
christianisme. Dans la jeune Église se côtoyaient des chrétiens
d’origine juive et païenne. Certains chrétiens circoncis
éprouvaient quelques difficultés pour se détacher de la loi
mosaïque et de ses observances. Le risque était grand de voir alors
dénaturer l’Évangile au profit d’un attachement bien humain à
des choses dépassées. Il était donc important de leur rappeler
l’obsolescence et l’inefficacité de la Loi mosaïque, la fin de
l’ancienne alliance et de la servitude. Par Notre Seigneur
Jésus-Christ, une nouvelle ère a débuté, une nouvelle alliance a
été conclue comme l’avait annoncé la Sainte Écriture. Il
fallait enfin leur montrer l’erreur des Juifs qui persistaient à
vivre sous l’ancienne Loi et à ne pas reconnaître Notre Seigneur
Jésus-Christ comme étant le véritable Messie. La voie qu’ils
suivaient et qui allaient les conduire vers le judaïsme tel que nous
le connaissons aujourd'hui n’est pas celle que Dieu a tracée
pour le salut de l’âme. Il était donc important de présenter aux
chrétiens la déchéance du peuple juif et les erreurs qui les ont
conduits à leur perte.
Mais
un autre risque, encore plus grand, menaçait également les
chrétiens incirconcis. Les Chrétiens forment désormais le nouveau
peuple de Dieu au détriment du peuple juif, autrefois privilégié. Expulsés du Temple et des synagogues, les Apôtres et
les premiers chrétiens ont été amenés à apporter la bonne Parole
aux païens. Les Gentils l’ont reçue avidement et ont embrassé la
foi. Les prophéties de la Sainte Écriture sur l’universalité du
salut ont ainsi été accomplies. La vocation des Gentils n’est donc pas
une surprise pour celui qui pouvait les entendre. L’apostolat parmi
les païens a été une réussite au point que les incirconcis sont
devenus rapidement majoritaires dans la jeune Église. L’ancienne
race a finalement laissé sa place prestigieuse à une nouvelle. Le
risque était donc de voir cette gentilité convertie s’enorgueillir
de cette place qui lui a été offerte.
Dans
son Épître
aux Romains (IX-XI),
Saint Paul revient longuement sur l’attitude des Juifs. D’abord
incrédules, ils sont devenus hostiles au christianisme. Ils ont
excité la force et la violence contre les chrétiens, allant même
armer contre eux l’autorité romaine. Avant sa conversion, l’Apôtre
a figuré parmi les plus virulents adversaires des communautés
chrétiennes. Le peuple qui était détenteur des promesses divines
n’a pas accueilli la nouvelle alliance en dépit des preuves
d’amour de Dieu à son égard. Cette double attitude apparaît donc comme un véritable scandale. Il a refusé le festin qui lui a été
préparé. Le peuple tant aimé a alors été rejeté. Cet
apparent échec manifeste-t-il une faillite de la part de Dieu ?
Dieu n’aurait-il pas pu orienter le cœur des Juifs afin d’éviter
ce scandale ? Pourtant, « ce
n’est pas à dire que la parole de Dieu ait failli. »
(Rom.,
IX, 6)
Saint
Paul rejette cette première pensée qui pourrait hâtivement
effleurer notre esprit. Il nous rappelle alors l’histoire d’Isaac
et d’Ésaü. L’aîné a été assujetti au plus jeune. Seul Isaac
hérite en effet des promesses divines. Tous les descendants
d’Abraham ne sont donc pas porteurs de la promesse. Et cette
descendance n’est pas charnelle. Elle n’obéit pas aux lois de
l’hérédité. Ce n’est pas non plus l’enfant de la femme
esclave qui reçoit la bénédiction divine mais bien l’enfant de
la femme stérile. C’est bien Dieu qui choisit librement celui qui appartient réellement à la postérité d’Abraham. « Ce
ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce
sont les enfant de la promesse qui sont considérés comme la
postérité d’Abraham. »
(Rom.,
IX, 8) Sa souveraineté
est absolue. Ses desseins ne trouvent pas leur raison d’être dans
les œuvres de l’homme mais dans la volonté libre de Dieu. « La
souveraine libéralité ou la souveraine liberté de Dieu ne puise
qu’en Dieu même la raison des privilèges qu’il accorde, la
raison aussi du refus de ces mêmes privilèges. »[1]
Parabole du fils prodigue |
« Que
dirons-nous donc ? N’y a-t-il pas de l’injustice en Dieu ? »
(Rom.,
IX, 14) Nous pourrions alors croire que ces décisions sont
arbitraire et qu’un tel choix est injuste. Nous en conclurions
alors que sa souveraineté va à l’encontre de la justice. Pourquoi
a-t-il en effet choisi Isaac au détriment d'Ésaü ? Les lois
humaines qui sont fondées sur des considérations naturelles, telles
le droit d’aînesse, nous paraissent plus objectives et donc plus justes.
Mais nous sommes placés à un autre ordre. Dans le choix de Dieu, il
n’y a ni caprice ni injustice. Car qu’est-ce que la justice si ce
n’est rendre à autrui ce qui est lui dû ? Dieu nous doit-il
quelque chose ? Loin de nous cette pensée. Tout cela dépend de
la miséricorde divine. « Je
fais miséricorde à qui je fais miséricorde, et j’ai compassion
de qui je veux avoir compassion. »
(Rom.,
IX, 15) Nous sommes au niveau de la bienveillance divine,
c’est-à-dire de la gratuité. Où est donc l’injustice ?
Puisque
l’homme ne peut s’opposer à la volonté de Dieu, pourquoi Dieu
se plaint-Il de l’incrédulité des Juifs ? Cette question
peut aussi effleurer nos lèvres. Dieu n’est-Il pas tout
puissant ? Mais le vase d’argile peut-il se plaindre auprès
du potier ? Non évidemment. L’homme n’a nul titre à se
prévaloir pour exiger de Dieu des comptes. « O
homme, qui es-tu pour contester avec Dieu ? »
(Rom.,
IX, 20) De quel droit ose-t-il se mettre à la hauteur de son
Créateur ? Dieu n’a de dette envers personne. Il ne doit rien
au peuple juif. En outre, s’Il veut étendre ses bénédictions sur
tous les peuples, en quoi lèse-t-Il les Juifs ? Où est
l’injustice ? Dieu n’a-t-Il pas supporté avec patience une
longue suite d’infidélité, de révoltes et d’idolâtrie de la
part d’Israël ? Le peuple juif a été choisi pour être un
vase d’honneur mais il a été un vase d’ignominie.
À
maintes reprises, Dieu a pourtant prévenu son peuple de
l’universalité de la foi. La grâce doit se répandre sur tous les
peuples, sans exception. Saint Paul nous rappelle les prophéties
d’Osée et d’Isaïe qui prédisent l’universalité du salut.
Dieu a aussi clairement signifié au peuple juif le sort qui
l’attendait. Comment les Juifs peuvent-ils alors être surpris de
son sort et dénoncer une injustice ?
Enfin,
Saint Paul nous rappelle qu’une minorité de Juifs a été sauvée
comme l’avait encore prédit Isaïe. Le peuple juif n’est donc
pas entièrement perdu. C’est même un procédé classique qu’use
le bon Dieu comme le montrent de nombreux exemples dans l’histoire
sainte. « Si
le Seigneur des armées ne nous avait laissé une semence, nous
serions devenus comme Sodome, et nous aurions été semblables à
Gomorrhe. »
(Rom.,
IX, 29) Un petit nombre s’échappe toujours d’un désastre pour
que les survivants perpétuent la race. De la semence sortira le
salut.
Finalement,
le seul coupable dans cette affaire est bien le peuple juif lui-même.
Il s’est obstiné dans un tragique malentendu. Dieu n’y est pour
rien.
Le
peuple juif s’est enivré de sa conception de la justice. Il s’est
enfermé dans une idée personnelle de ce en quoi consiste la vie
religieuse de la sorte qu’il a méconnu la justice de Dieu. Il
« cherchait
une loi de justice »
non par la foi mais par leurs œuvres « comme
s’il avait pu y arriver par les œuvres. »
(Rom.,
IX, 31) Il a été dupe de ses illusions et de son orgueil, ne
cherchant la justice non en Dieu mais en l’accomplissement exact
des œuvres de la loi, c’est-à-dire en eux-mêmes. « Ne
connaissant pas la justice de Dieu, et cherchant à établir leur
propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu »
(Rom.,
X, 3). Voilà l’erreur du peuple juif qui l’a conduit à sa perte
et à sa déchéance. Lui-seul est coupable. C’est par leur faute
qu’un grand nombre de Juifs ne sont pas arrivés au salut. Alors
ils se sont heurtés contre la pierre d’achoppement. C’est bien
« l’adoration
d’une pensée personnelle qui a été à l’origine de leur
division avec Dieu. »[1]
Le
peuple juif a méconnu le caractère de la Loi et de son intention.
« Jésus-Christ
est la fin de la Loi »
(Rom.,
X, 4). La Loi conduit au Christ au sens où elle finit au Christ et
achemine au Christ, oriente les âmes vers Lui, l’ordonne vers Lui.
La vraie science de la Loi consiste donc à regarder le temps de la
Loi comme un noviciat qui prépare l’humanité à recevoir Notre
Seigneur Jésus-Christ. « Dans
l’intention de Dieu, la loi guidait au Christ, puis s’éliminait
d’elle-même le jour où le bienfait de la justice était offert à
tout croyant ».[1]
Le temps de la Loi est le temps de tutelle pour le Juif, un temps qui
est désormais fini. « Aussi
longtemps que l’héritier est enfant, il ne diffère en rien d’un
esclave, quoiqu’il soit maître de tout ; mais il est soumis à
des tuteurs et des curateurs jusqu’au temps marqué par le père. »
(Gal.,
IV, 3). Nous sommes donc arrivés à la plénitude des temps par
l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ, « né
sous la Loi, pour affranchir ceux qui sont sous la Loi, afin de nous
conférer l’adoption. »
(Gal.,
IV, 5)
Saint
Paul nous montre alors la différence entre la justice conçue par
les Juifs et la justice de Dieu. La justice de la Loi est une justice
d’effort qui dépasse nos forces, une justice impuissante dont le
fardeau est insupportable, une justice limitée et étroite. La
justice de Dieu est au contraire une justice à la portée de tous,
simple, aimable. Il n’est pas besoin d’expier le péché ou de
chercher à gagner vainement le ciel. « Ne
dis pas dans ton cœur ; qui montera au ciel ? […] Qui
descendra dans l’abîme ? »
(Rom.,
X, 7) puisque Notre Seigneur Jésus-Christ l’a fait pour nous. Pour
être juste, il faut s’unir à Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous
n’avons qu’à vouloir, à dire et à croire, à reconnaître et à
proclamer. « Si
tu confesses de ta bouche Jésus comme Seigneur, et si tu crois dans
ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Car
c’est en croyant de cœur qu’on parvient à la justice, et c’est
en confessant de bouche qu’on parvient au salut
» (Rom.,
X, 9-10)
Ainsi
la justice de Dieu ne se repose pas sur une discrimination entre les
hommes selon les paroles mêmes du prophète Joël. « Quiconque
invoquera le Seigneur sera sauvé. »
(Joël,
II, 32) Il n’y a qu’un seul Dieu qui sauve aussi bien les Juifs
que les Gentils. Le salut ne prend pas en compte l’origine de
l’homme, son état, son rang social ou encore son sexe. « Il
n’y a plus ni Juif ni Grec ; il n’y a plus ni esclave ni
homme libre ; il n’y a plus ni homme ni femme : car tous
vous ne formez qu’une seule personne en Jésus-Christ. »
(Gal.,
III, 28) Notre Seigneur Jésus-Christ a réconcilié toute l’humanité
en appelant tous à la même noblesse de la vie divine. Et
c’est justement cette universalité du salut qui a étonné puis
scandalisé le peuple juif. « C’était
précisément cette universalité de la justice surnaturelle,
nivelant tous les privilèges antérieurs dans une même grandeur
commune, qui avait étonné, puis scandalisé et irrité Israël. »[1]
Mais
comment ce salut peut-il être universel ? Comment le monde
pourrait-il en effet connaître Dieu ? Car il est évident que
tous ne l’admettent pas. Contrairement au peuple juif, le monde n’a
pas été préparé à Le recevoir. Telles sont les questions que
pourrait se poser le Juif. « Comment
donc invoquera-t-on celui en qui on n’a pas encore cru ? »
(Rom.,
X, 14) Par l’apostolat, nous répond Saint Paul. Mais « tous
n’ont pas obéi à l’Évangile »
(Rom.,
X, 15) comme tous les Juifs n’ont pas entendu la parole des
prophètes. Cependant « la
foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la
parole de Dieu »
(Rom.,
X, 17). Le salut n’est possible que pour celui qui accueille la Parole de Dieu. Et cette parole a été promulguée dans le monde
entier.
La
foi a pour condition extérieure la prédication entendue et la
prédication a à son tour pour condition la Parole divine, c’est-à-dire
l’ordre de Dieu. Et tous les moyens ont été pris pour répandre
la bonne parole. Les Juifs eux-mêmes l’ont entendue. Les Apôtres
ont promulgué l’Évangile à partir de Jérusalem et de Jérusalem, l’Évangile s’est répandu dans le monde entier. Aujourd’hui, quelle est
la région qui ne l’a point reçue ? Les premiers à
l’entendre ont été les Juifs de Jérusalem puis ceux de la
Diaspora. Et c’est parce qu’ils n’ont pas entendu la Parole de
Dieu que Dieu s’est détourné d’eux comme Il leur avait annoncé.
La Sainte Écriture contient des prophéties qui annoncent en effet
le rejet du peuple juif et ses conséquences, c’est-à-dire la
vocation des Gentils et la réprobation des Juifs.
Saint
Paul en appelle à Moïse. « J’exciterai
votre jalousie contre ce qui n’est pas une nation ;
j’exciterai votre colère contre une nation insensée. »
(Deut.,
XXXII, 21) Moïse annonce que pour répondre à
l’idolâtrie du peuple hébreu, Dieu provoquera la jalousie de son
peuple en donnant son amour à un peuple de rien. Il excitera le
dépit d’Israël en s’attachant à son tour à un peuple insensé,
et tenu pour tel par Israël. Isaïe précise que ce peuple insensé
ne l’attendait pas. « J’ai
été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis
manifesté à ceux qui ne me demandaient pas. »
(Is.,
XV, 1)
Dieu
a été un père plein de tendresse. Il a cherché à attirer vers
Lui ses enfants. « J’ai
tendu mes mains tout le jour vers un peuple rebelle et
contredisant. »
(Rom.,
X, 21) Il n’a pas cessé d’inviter Israël et Israël l’a
refusé. Son amour a été méprisé. Seul le peuple juif est
coupable. Il est le responsable du divorce survenu entre Dieu et
Israël…
Le
rejet d’Israël n’a jamais été complet et n’est pas définitif
Le Jugement dernier Francisco Pacheco (1564-1644) |
Mais
la déchéance du peuple juif n’est pas absolue. Elle n’est en effet ni
universelle, ni sans compensation, ni définitive. Saint Paul nous
rappelle encore qu’une minorité de Juifs a embrassé le
christianisme. Lui-même était un pharisien de la tribu de Benjamin.
« Non,
Dieu n’a pas rejeté son peuple. »
(Rom.,
XI, 2) Comme au temps passé, « il
y a un reste, en vertu d’une élection de grâce »
(Rom.,
XI, 5). Cette minorité forme la réserve de l’avenir. Mais ce
reste ne doit pas s’en enorgueillir car Dieu seul en est la cause et non leurs œuvres. Ainsi ces Juifs ne sauraient se glorifier ni
devant leurs frères déchus, ni devant la gentilité. Une minorité
a été préservée de la déchéance par la grâce et la
miséricorde, et non par le mérite des hommes.
La
chute de tant de Juifs n’est pas non plus vaine. « Par
leur faute, le salut est arrivé aux gentils de manière à exciter
la jalousie d’Israël.
» (Rom.,
XI, 11) Rejetés par les Juifs, les Apôtres se sont ouverts aux
païens, et par là, ils ont créé au cœur de l’épouse délaissée
un regret du passé. Un jour viendra où l’épouse reviendra comme
l’enfant prodigue. Ainsi « c’est
qu’une partie d’Israël est tombé dans l’aveuglement jusqu’à
ce que la totalité des gentils soit entrée. Et ainsi tout Israël
sera sauvé »
(Rom.,
XI, 25) Le retour du peuple juif annoncera même la résurrection finale.
Saint
Paul avertit donc les chrétiens incirconcis de ne pas s’enorgueillir
de leur état. Ils ont été préférés aux Juifs mais dans
l’objectif d’un retour final du peuple aimé. « Ne
te glorifie pas »,
« garde-toi
de pensées orgueilleuses ».
Comme des branches mortes, les Juifs ont été retranchés de l’arbre
de vie. L’olivier sauvage qu’étaient les païens a été enté
et se nourrit désormais de la sève. Mais « sache
que ce n’est pas toi qui porte la racine, mais que c’est la
racine qui te porte »
(Rom.,
XI, 18) Il faut donc se garder de toute présomption. Car si Dieu n’a
pas épargné les branches naturelles, Il n’épargnera pas non plus
les branches greffées si elles viennent à mourir. « Dieu
est assez puissant pour enter de nouveau les branches naturelles »
(Rom.,
XI, 24)
Conclusion
Saint Paul nous révèle le véritable sens d'un fait
historique. L’endurcissement du peuple juif répond à un dessein.
Dieu le permet de manière provisoire jusqu’à ce que la plénitude
des temps soit atteinte. Comme les Gentils, les Juifs obtiendront la
miséricorde de Dieu. Le peuple juif retrouvera sa place à la fin du
monde.
Quand
placé dans le paradis, Adam a désobéi à Dieu, l’humanité
entière s’est dérobée à la grâce divine. Dieu s’est alors
tourné vers un peuple qu’Il a formé et protégé. Puis quand Dieu
s’est tourné de nouveau vers l’humanité avec Notre Seigneur
Jésus-Christ, ce peuple s’est montré jaloux et orgueilleux. Tout
en se préservant d’une minorité parmi cette race privilégiée,
Dieu a fait entrer la gentilité dans l’Église avant que les Juifs puissent la rejoindre. Ainsi, Saint Paul décrit l’histoire en
quatre temps successifs : la Création, la vocation d’Abraham,
l’Évangile et la fin des temps. Il nous révèle un plan qui est à
la hauteur de son auteur. Dieu est au commencement, au centre et à
la fin de tout. Si l’homme doit donc se glorifier, qu’il se
glorifie donc en Dieu.
« O
profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu !
Que ses jugements sont insondables et ses voies incompréhensibles !
Car « qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son
conseiller ? » Ou bien « qui lui a donné le
premier, pour qu’il ait à recevoir en retour ? » De
lui, par lui et pour lui sont toutes choses. »
(Rom.
XI, 33-36)
Sachons
donc reconnaître dans les événements historiques ce plan divin qui
à sa plénitude unira à Dieu Juifs et non Juifs. Ne nous
enorgueillissons pas de notre état. Les événements de l’histoire
du peuple juif ont été écrits et nous ont été transmis pour nous
éclairer. Ce sont des leçons de choses que nous devons prendre en
compte et que nous devons méditer. La Sainte Écriture nous révèle
la volonté et la sagesse de Dieu.
Référence
[1]
Dom Paul Delatte, Les Épîtres de Saint Paul, replacées dans
le milieu historique des Actes des Apôtres, Tome I, 1928.
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