" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


dimanche 30 septembre 2012

L'évolutionnisme, est-il si évident que cela ?

Pour nos contemporains, l'évolutionnisme apparaît comme une vérité certaine. Il est enseigné ainsi dans les écoles et les ouvrages scolaires. Ouvrez par exemple un livre traitant de la nature et vous retrouverez probablement cette thèse sous l'apparence d'une vérité, d'un fait acquis. Nous avons ainsi tendance à oublier que cette « vérité » n'est qu'une « hypothèse » et qu'elle n'a pas été au départ acceptée par la communauté scientifique, notamment par les premiers naturalistes scientifiques. Car contrairement à ce que nous entendons régulièrement, l'évolutionnisme n'est pas une théorie évidente ... 

Buffon (1707-1788) 

Buffon est sans doute le naturaliste le plus célèbre. Son œuvre est magistrale. En 36 volumes, il a élaboré une véritable encyclopédie naturaliste. Il a en effet essayé de rendre compte de tous les règnes de la nature tout en expliquant « le fil conducteur de la génération et du commencement de la vie ». Il pose l'existence d'une structure élémentaire des êtres vivants, basée sur le concept de parties organiques. Ces dernières sont « des parties primitives et incorruptibles, que l’assemblage de ces parties forme à nos yeux des êtres organisés » (1). Les parties organiques vivantes constituent et structurent le vivant. Il nomme ces parties organiques des molécules organiques. 

Comment ces molécules organiques peuvent-ils structurer l'être ? Il expose deux principes. D’une part, les parties organiques possèdent la trace d’un moule intérieur des parents (2). Donc, ce moule intérieur issu du mélange des parties organiques parentales assure un développement harmonieux de l’individu. D'autre part, il existe un prototype initial, porteur du moule intérieur de référence, qui a donné son architecture au cours des générations successives. Tout l'organisme et chacune de ses parties constituent le moule des nouveaux individus qui doivent être engendrés. 

Pour expliquer la diversité, Buffon propose une variabilité des êtres au sein des espèces au cours du temps sans qu'elle s'écarte trop du prototype initiale. Un organisme peut adapter son fonctionnement global mais cette adaptation est limitée. Arrivé à un certain point, il meurt. « Jusqu'à un certain point, nos poumons et notre mode de vie peuvent s'adapter à un cœur défaillant : mais notre économie organique est incapable de se reformuler pour compenser une déficience cardiaque très importante ; et ces limitations persistent même si nous projetons ces processus au cours d'une longue séquence générationnelle » (3). 

Buffon expose donc une théorie qui maintient l'immutabilité des espèces avec une variabilité des individus au sein des espèces. Une innovation morphologique substantielle est impossible. Rien de nouveau ne peut se produire. Il est donc éloigné de l'évolutionnisme, qu'il rejette. Pourtant, dans ses explications de dégénérescence des animaux, des naturalistes pressentent une orientation transformiste. D'autres la rejettent catégoriquement... 

Il faut aussi noter que Buffon s'appuie parfois sur la Révélation pour limiter la variabilité des êtres uniquement au sein des espèces. « Il est certain par la révélation que toutes les espèces sont sorties toutes formées des mains du Créateur » (4). On pourrait supposer, comme nous avons pu souvent le lire, qu'il n'a pas voulu professer publiquement l'évolutionnisme par crainte de sanctions de l'Église ou de perte d'emploi et de revenus. Et s'il craignait réellement la pression ecclésiastique, pourquoi a-t-il émis l'idée d'une génération spontanée comme cause de l'origine des espèces, niant explicitement un des dogmes de l'Église ? Il n'a donc pas peur de transgresser les dogmes. N'oublions pas qu'il a vécu à un temps où les idées les plus pernicieuses et contraires à la foi se diffusaient facilement. Il vit à une époque de remise en cause de tout ordre et de toute autorité. C'est pourquoi nous croyons que ce n'est pas la supposée pression de l'Église qui lui empêche de songer ou de professer l'évolution des espèces mais bien sa profonde conviction (5). 

Carl von Linné (1707-1778) 

Carl von Linné est un naturaliste suédois qui a entrepris une véritable description des êtres vivants. Il est surtout connu pour avoir inventé une nomenclature, toujours en usage. Il les a classés à partir de critères morphologiques et d'affinités supposées. Il est aussi l'un des premiers savants à utiliser le concept d'espèce. Par son étude, il veut démontrer la grandeur de la Création divine. Comme Buffon, il accepte la mutabilité des êtres au sein de chaque espèce mais refuse toute évolutionnisme. Pourtant, il a pu observer avec soin et sérieux toute la diversité de la faune et de la flore. 

John Ray (1743-1805) 

Naturaliste anglais, John Ray a également utilisé la notion d'espèce. Selon lui, des individus de même espèce engendre des individus identiques à eux. Deux individus d'espèce différente ne sont pas fertiles. Il est proche de la définition aujourd'hui acceptée par la grande majorité des scientifiques. S'il accepte l'adaptation des animaux et des plantes à leur environnement, il ne conçoit aucune évolution d'espèce. Tout montre la sagesse et le pouvoir du Créateur. 

Georges Cuvier (1769-1832) 

Georges Cuvier est un anatomiste suisse, qui a surtout étudié la classification des êtres vivants selon l'état des organes les plus significatifs. Il divise ainsi les animaux entre les vertébrés et les invertébrés. Il utilise aussi comme critères la circulation sanguine ou les organes nutritifs. Par ses observations, il constate une certaine subordination entre les organes. Il en déduit alors qu'il est possible de connaître tous les organes à partir d'un seul. Il est donc possible de juger un animal par un de ses organes. La modification de l'un entraîne aussi des changements dans les autres. Il utilise cette loi pour étudier les fossiles et reconstituer ainsi plus de cent soixante animaux fossilisés. 
À la faveur de ces travaux et de nombreuses observations, Cuvier estime dans son ouvrage Les Révolutions de la surface du Globe (1825) qu'il a dû exister à la surface du globe des animaux et des végétaux qui ont disparu. Il admet le principe des crises locales, à savoir des disparitions et des apparitions de plusieurs espèces en même temps en un site donné. Il est ainsi partisan de la théorie dite du catastrophisme, selon laquelle des catastrophes auraient fait évoluer le monde. Le déluge serait une de ses catastrophes. 
Son périmètre dépasse le naturalisme. En géologie, il pose de nouvelles méthodes d’étude en fournissant les moyens de déterminer l'ancienneté des couches terrestres par la nature des débris qu'elles renferment. 
Fort de son expérience et de ses connaissances, « il s'insurge contre le transformisme de Lamarck et constituera un adversaire acharné ». Il ne voyait notamment aucune incompatibilité entre la science et la Bible. 

Adam Segdwick (1785-1873)

Professeur de géologie et pasteur, Adam Segdwick est un des fondateurs de la géologie moderne. Il est surtout connu pour avoir été un des enseignants les plus marquants et estimés de Darwin. Et pourtant, il s'est opposé à sa théorie. 
Après avoir lu son livre De l'origine des espèces, il lui adresse une lettre dans laquelle il explique que non seulement, son livre est erroné mais qu'il est aussi dangereux. 

« J’ai lu votre livre avec plus de peine que de plaisir. J’ai admiré sans restriction certaines parties, d’autres m’ont fait rire jusqu’à en avoir mal aux côtes ; j’en ai lu d’autres avec une profonde tristesse parce que je les crois erronées, d’autres encore m’ont causé un réel chagrin, parce que je les crois entièrement fausse et très nuisibles. » (6). 

Des parties sont fausses car, dit-il, la méthode inductive est mal utilisée : « après avoir pris au début la route qui mène à toute vérité, vous avez trahi la vraie méthode inductive ». Nous parlerons plutôt d'abus. Anticipant Karl Popper, il qualifie ses arguments d'irréfutables au sens où ils ne peuvent être ni prouvés, ni rejetés. « Bon nombre de vos vastes conclusions sont basées sur des assertions qui ne peuvent être ni prouvées ni réfutées : Pourquoi alors les exprimer dans le langage et la disposition propres aux inductions philosophiques ? ». 

Contrairement à Darwin, Adam Segdwick voit dans la sélection naturelle non une cause de la diversité mais une conséquence. « Quant à votre grand principe, la sélection naturelle, qu’est-ce sinon une conséquence secondaire de faits primaires supposés ou connus ? ». 

Son livre est surtout nuisible car il ne voit dans sa conception de la nature aucun aspect métaphysique ou moral. Tout est uniquement physique. Ses propos sont clairs et lucides. « L’homme qui nie cela s’enfonce dans les marais de la folie. La couronne et la gloire de la science organique, c’est qu’au moyen des causes finales elle unit l’ordre matériel à l’ordre moral, et elle ne nous permet cependant pas de confondre ces deux ordres dans notre première conception des lois, ni dans notre classification de ces lois, que nous considérions l’un ou l’autre de ces côtés de la nature ». Il rompt ce lien de manière intentionnel. « Il me semble même, si je vous comprends bien, que tous vos efforts, dans deux ou trois cas capitaux, tendent à le briser ». Il pressent alors le drame que peut causer sa théorie. « S’il était possible d’anéantir ce rapport (Dieu soit loué, cela ne se peut ! ), il en résulterait pour l’humanité, selon moi, un mal qui pourrait la rabaisser à l’état de brute et l’enfoncer à un degré de dégradation plus grand que tous ceux qui nous ont été signalés par les annales de l’histoire ». Les hypothèses scientifiques ne sont pas en effet anodines et neutres. Elles ont des impacts dans notre vie et dans nos comportements. « Personne n'a mieux exprimé que Sedgwick les enjeux à la fois moraux, religieux et scientifiques, représentés par la théorie darwinienne » (7). Pouvons-nous être aussi clairs que Sedgwick ? 


Si l'évolutionnisme et plus spécialement le darwinisme ont été rejetés au XIXème siècle par des scientifiques, comment pouvons-nous expliquer la victoire de Darwin ? Tous ses commentateurs, partisans ou non, sont unanimes : il est convaincant. Ses prédécesseurs sont brouillons, hésitants, théoriques. Ils supposent, imaginent, proposent. Lui, il affirme et appuie ses propos par des exemples concrets. Il enchante et charme. Il est aussi entouré de personnalités scientifiques et politiques entièrement dévouées à sa théorie, parfois pour des raisons uniquement politiques ou religieuses. Car ses partisans ont compris toute l'importance et la force du darwinisme. Il naît dans une période, en particulier en Angleterre, où on s'oppose aux autorités religieuses et à leur monopole dans l'enseignement. Adhérer à l'évolutionnisme revient donc à lutter contre leurs pouvoirs. Un combat peut en cacher un autre... 



1 Buffon, Histoire naturelle, tome II. Source : Gallica. 
2 Nous parlons aujourd'hui de programme génétique. Excellente intuition... 
3 Gustavo Caponi, thèse "Transformisme limité et matérialisme radical dans l'Histoire naturelle de Buffon", université fédérale de Santa Catarina, Brésil, de Marie-Odile Bernez, L'héritage de Buffon, éditions universitaires de Dijon, 2009. 
4 Buffon, Histoire naturelle, tome III, citée par Gustavo Caponi, Transformisme limité et matérialisme radical dans l'Histoire naturelle de Buffon
5 La thèse de l'universitaire brésilien Gustavo Caponi soutient aussi cette idée. 
6 Lettre dans Vie et correspondance de Ch. Darwin, publiée par son fils M. François Darwin, 1888, t. I. 
7 Thèse de doctorat "Darwinisme et évolutionnisme dans la Grande-Bretagne victorienne" de Daniel Becquemont, universitaire de Lille III, 1985, cité dans l'article Lettre d'Adam Sedgwick à Darwin, revue CEP, n°14, trimestre 2001, le-cep.org.

vendredi 28 septembre 2012

Lamarck et l'ordre des choses

Dans l'article précédent, nous avons présenté Giordano Bruno, un des personnages de l'histoire, considéré par certains comme un précurseur de l'évolutionnisme. Dans le présent article, nous allons aborder un autre évolutionniste, plus connu, Lamarck. Comme Giordano Bruno, il a aussi cherché à élaborer une philosophie de la nature, voire une théologie de la nature, qui intègre sa théorie scientifique. 

Si Giordano Bruno joue avec la raison et son imagination, Lamarck justifie sa théorie par l'observation. Il la considère même comme étant le seul moyen de connaissance fiable et pertinent. « L’observation étant celle sur laquelle tout repose dans mon ouvrage, il me paraît difficile qu’on puisse en avoir une meilleure. » (p.10) (1). 

Hors de l'observation, il ne trouve que de l'imagination. « Toutes les connaissances solides que l’homme peut parvenir à se procurer, prennent uniquement leur source dans l’observation. Les unes sont le produit de celle qui est directe ; les autres résultent des conséquences justes qui sont dans le cas d’en être déduites. Hors de cette catégorie, tout ce que l’homme peut penser ne provient que de son imagination » (p.10). Comme les êtres spirituels ne peuvent pas être observés, ils sont inconnaissables. « Nous ne saurions rien connaître à son égard. L’idée que nous en avons est donc absolument sans base » (p.11). Ce qui n'est pas sensible ne peut faire l'objet de connaissances. 

Cette capacité unique d'observer, qui est propre à l'homme, lui permet d'atteindre Dieu. « Effectivement, étant le seul des êtres de notre globe qui ait la faculté d’observer la nature et de considérer son pouvoir sur les corps, ainsi que les lois constantes par lesquelles elle régit tous les mouvements, tous les changements qu’on leur observe, les actions mêmes que certains d’entre eux exécutent, il est aussi le seul qui ait senti la nécessité de reconnaître une cause supérieure et unique, créatrice de l’ordre de choses admirable qui existe. Il parvint donc à élever sa pensée jusqu’à l’Auteur suprême de tout ce qui est. » (p.7). A partir des faits observés, l'homme déduit l'existence et la puissance de Dieu. Lamarck reconnaît donc Dieu comme créateur. 

Il affirme aussi que Dieu peut créer de deux manières, soit de manière directe, soit par l'intermédiaire d'êtres. Lamarck choisit la deuxième solution. Dieu a créé « un ordre de choses [...], immutable tant que son auteur le permettra, agissant uniquement sur la matière, et qui possède le pouvoir de produire tous les corps observables, d’exécuter tous les changements, toutes les modifications, les destructions mêmes, ainsi que les renouvellements que l’on remarque parmi eux » (p.9). Quel est cet ordre de choses ? « C’est à cet ordre de choses que nous avons donné le nom de Nature » (p.9). La matière n'est pas opératrice comme l'entend Giordano Bruno ; il donne cette fonction à quelque chose qu'il appelle « nature ». Lamarck souligne que seul Dieu peut créer, la nature ne faisant que produire. « Dieu a établi un ordre de choses, constituant une puissance particulière et dépendante, mais capable de donner lieu successivement à la production de tous les corps physiques, de quelque ordre qu’ils soient » (p.23). 

Pourquoi choisit-il une création indirecte ? Lamarck observe des évolutions, des transformations, des espèces disparues. Si Dieu avait directement tout créé, ces changements seraient preuves d'inefficacité et contrediraient donc sa conception de Dieu, Créateur d'un monde parfait et ordonné. Car après avoir créé le ciel et la terre, Lamarck considère que Dieu ne peut plus agir sur les êtres. Il en vient à croire à une création indirecte. 

Le monde est, selon Lamarck, caractérisé par le mouvement, en dépit des apparences. « Tout nous paraît avoir une constance absolue, et cependant tout change sans cesse autour de nous. » (p.29). « Il n’y a nulle part de repos parfait ; qu’une activité continuelle, variée selon les temps et les lieux, règne absolument partout » (p.29). Par conséquent, il existe une puissance agissante : « l’existence d’un pouvoir général, toujours agissant, toujours opérant des produits manifestes en changement, selon les circonstances favorables » (p.32). « Ce pouvoir qui agit toujours de même dans les mêmes circonstances, et qui, sitôt que celles-ci viennent à changer, est obligé de varier ses actes ; ce pouvoir, en un mot, qui fait tant de choses et de si admirables, est précisément ce que nous nommons la NATURE. Et c’est à cette puissance aveugle, partout limitée et assujettie, qui, quelque grande qu’elle soit, ne saurait faire autre chose que ce qu’elle fait ; qui n’existe, enfin, que par la volonté du suprême auteur de tout ce qui est ; c’est à cette puissance, dis-je, que nous attribuons une intention, un but, une détermination, dans ses actes !» (p.35). 

Lamarck expose deux erreurs à éviter. La première erreur est de confondre Dieu et la nature. La nature n'a aucune volonté. Elle est assujettie aux lois de Dieu. « Elle agit toujours de même dans chaque circonstance semblable, et ne saurait agir autrement » (p.41). La deuxième erreur est de confondre la nature et les êtres qui constituent l'univers. Elle est une puissance active. « C’est, effectivement, la nature qui fait exister, non la matière, mais tous les corps dont la matière est essentiellement la base […] c’est elle seule qui les fait ce qu’ils sont, et que c’est elle encore qui donne aux uns les propriétés, et aux autres les facultés que nous leur observons. » (p.48-49). Elle est constituée d'objets non physiques, étrangers aux corps et aux matières. Elle est composée d'« objets métaphysiques », donc inconnaissables. « Cet ensemble d’objets forme un ordre de choses continuellement actifs, et muni de moyens qui permettent et régularisent tous ses actes. » (p.51). 

Tout mouvement est donc ordonné par la nature. « Puisque la nature est une puissance qui produit, renouvelle, change, déplace, enfin, compose et décompose les différents corps qui font partie de l’univers, on conçoit qu’aucun changement, qu’aucune formation, qu’aucun déplacement ne s’opère que conformément à ses lois, et quoique les circonstances fassent quelquefois varier ses produits et celles des lois qui doivent être employées, c’est encore, néanmoins, par des lois de la nature que ces variations sont dirigées » (p.59). Il n'y a donc aucun désordre dans l'univers. Tout vient par nécessité. La perfection de l'œuvre divine est préservée. 

Lamarck est un théiste, fidèle à la conception d'un Dieu horloger. Si un horloger doit intervenir continuellement pour réparer sa montre, il serait considéré comme un piètre artisan. Il ne peut donc concevoir une telle chose, d'où la puissance active que Dieu a insérée dans la montre, une puissance créée par Dieu et capable de la faire évoluer selon les circonstances. Et c'est finalement cette puissance active, limitée, créée, qui fait que la montre fonctionne quelles que soient les situations. Sa conception erronée de Dieu nécessitait une telle théorie pour la rendre conforme à ses observations. Au lieu de la remettre en cause, il imagine une nature personnifiée, dotée d'une puissance certes limitée et créée, mais active, productive, opérative comme dirait Giordano Bruno. Ce dernier plaçait cette « force vitale » dans la matière, Lamarck la voit dans un « ensemble de corps métaphysiques » mystérieux et inconnaissables, qui constitue ce qu'il appelle la nature. 

Pourquoi Giordano Bruno et Lamarck, et d'autres encore, élaborent-ils de telles philosophies ? Ils sont probablement conscients que des mécanismes purement physiques ou matérielles ne permettent pas d'expliquer le monde en perpétuel changement. Ils sont donc dans l'obligation d'introduire une force vitale dans l'univers, moteur de ce dynamisme. Ils la conçoivent hors de Dieu au point qu'Il n'est plus qu'un spectateur détaché de son œuvre, sans personnalité, sans lien avec le monde et les êtres qui le composent. Dieu n'est finalement qu'une cause nécessaire pour que la Création ait pu avoir lieu. Ceux qui veulent concilier l'évolutionnisme et Dieu ne peuvent aussi que converger vers cette solution si éloignée du christianisme. Elle se fonde sur une conception d'un Dieu impersonnel, abstrait, intellectualisé … Ce n'est pas le Dieu de la Sainte Écriture … Ce n'est pas notre Dieu... 


1 Jean-Baptiste Lamarck, Système analytique des connaissances positives de l'homme, 1820, cnrs, 2001, accessible via www.lamarck.cnrs.fr. Les citations de Lamarck proviennent de cet ouvrage. Nous mentionnons la page. 


mercredi 26 septembre 2012

Giordano Bruno et la matière opératrice...

« Je suis convaincu qu'on est ou qu'on est pas transformiste, non pour des raisons tirées de l'histoire naturelle mais en raison de ses opinions philosophiques » (1). 

Toute théorie qui professe l'évolution des espèces ne peut se cantonner au monde sensible. Elle est mêlée à une conception du monde qui dépasse les êtres eux-mêmes. Croire à l'évolution revient en effet à croire à un principe immuable, moteur de l'évolution. Thalès, Anaximandre et leurs disciples l'ont en effet cherché à le définir. La théorie finit par être intégrée à une philosophie de la nature, voire à une théologie de la nature. Les précurseurs plus récents de l'évolutionnisme n'ont pas échappé à cette logique. Quelques exemples très éloignés dans le temps nous montrent en effet que la science n'est finalement qu'un argument pour édifier une conception du monde... 

Giordano Bruno est souvent cité par les évolutionnistes comme étant l'un de leurs prédécesseurs. Il a surtout l'avantage d'être considéré comme une victime de l'obscurantisme religieux. Selon leur récit, il aurait été brûlé pour avoir affirmé une certaine filiation entre l'homme et les singes. Il est donc naturellement présenté comme le défenseur de la raison contre la tyrannie. Mais, la vérité est toute autre. Certes, le tribunal de l'inquisition romaine l'a jugé et l'a ensuite livré aux bras séculiers pour que la justice soit faite. Car il a été condamné pour hérésie. Il professait et enseignait la négation de la Sainte Trinité, de la virginité de Sainte Marie, de la transsubstantiation, etc. Il a donc été condamné pour des positions uniquement théologiques, et non pour sa vision cosmographique très particulière. Les évolutionnistes n'ont aucune raison pour le considérer comme un martyr de leur théorie... 

Très novateur et renommé, grand voyageur, Giordano Bruno a été souvent appelé dans les diverses cités et royaumes avant d'en être souvent expulsé. Les églises calvinistes et luthériennes l'ont excommunié et l'église anglicane ne l'a pas supporté longtemps. Il a été cependant protégé par Henri III. Il a aussi occupé des chairs dans les universités. Ses sujets de prédilection sont surtout la magie et la mnémotechnique. Libre penseur, il est aussi connu pour son impertinence et pour son fort caractère. 

Giordano Bruno soutient les thèses coperniciennes (2) mais les dépasse et les radicalise. Contrairement aux idées dominantes de l'époque, Copernic enseigne que le soleil est au centre de l'univers. Selon Giordano Bruno, il n'y a pas de centre car l'univers est infini. Alors que Copernic justifie ses thèses par des arguments scientifiques, mathématiques, Giordano s'appuie uniquement sur le jugement de la raison. Il est en effet avant tout philosophe et non scientifique. 

Et à son époque, deux conceptions théologiques s'affrontent sur le sujet de la Création. Le monde est-il le meilleur que Dieu pouvait créer ? Cette question très difficile peut paraître inutile mais elle est en fait très importante. Si le monde créé est le meilleur qu'Il pouvait créer, Dieu a donc été contraint dans son œuvre. Dans le cas contraire, Dieu demeure libre dans son activité créatrice. La question soulève donc le problème de la nécessité et de la liberté en Dieu. 

Giordano Bruno est convaincu que le monde créé est le meilleur que Dieu a pu créer, mais sa pensée ne s'arrête pas là. Si Dieu est infini, Il n'a pas pu se contenter de produire un monde fini. Il ne peut en effet créer que de l'infini. L'univers est donc infini, sans clôture. « L'univers infini déploie l'acte infini de la totalité » (3). Il y aurait donc deux infinis qui se côtoient, Dieu et le monde. Dieu serait inséré dans le monde comme le monde serait en Dieu. Le tout divin serait le tout universel, et réciproquement. Il semble néanmoins rejeter le panthéisme, car il refuse toute confusion entre Dieu et l'univers. Il parle plutôt de mystère incompréhensible pour l'homme. 

Mais, il va plus loin encore. Son imagination n'a en effet aucune limite (4). Il croit que toutes les choses matérielles et spirituelles sont constituées d'entités indivisibles, appelées monades. Dieu est ainsi le monade suprême d'où s'échappent une infinité de monades inférieures. Les êtres corporelles proviennent de la « complexion » de monades matérielles. Cette complexion produit les instruments et les organes qui définissent les activités du corps (respirer, se nourrir, se déplacer, ...) et leur mode de réalisation. Il évacue toute finalité dans les êtres et leurs organes. L'homme n'a pas de jambes pour marcher mais marche parce qu'il a des jambes. Mais comment ces monades s'organisent-elles pour donner des organes ? 

Le dynamisme est la caractéristique de l'univers qui agit en sorte que les choses soient mus par un dynamisme intègre qui les fait naître, croître, périr et renaître, et les transforme. « La divinité s'éploie et se disperse dans le nombre illimité des êtres et des mondes sérialisés et successifs » (5). Ce dynamisme est l'expression du flux et du reflux des monades matérielles. Elles se composent et se décomposent. Seule la matière est source de la production universelle. Elle devient une activité infinie, une vie universelle. Elle engendre tous les individus sans aucune intervention d'un agent extérieur. Dieu est toujours présent, différent de la nature, un infini côtoyant un autre infini. 

Selon Giordano Bruno, l'homme est « l'expression momentanée de la matière opératrice qui l'accouche, la nourrit et la décompose » (6). Cela est aussi vrai pour tous les êtres. L'univers infini est vivant, affirme-t-il. « Je dis en outre que cette immensité infini est un vivant bien qu'il n'ait pas une figure déterminée, ni un sens qui se rapporte aux choses extérieures : car il a toute l'âme en lui-même, il comprend tout ce qui est animé et est tout » (7). Ainsi le monde détient une âme et possède une vigueur infinie. Il est source intarissable du mouvement et du changement. 

Giordano Bruno a été condamné pour hérésie et non pour ses conceptions cosmographiques, pourtant panthéistes et contraires à l'enseignement de l'Église et à la conception de l'époque. S'il croit en un Dieu, ce dernier paraît bien inutile. La matière apparaît comme le seul acteur de l'univers. Elle est source et moteur de toute chose, et semble réunir en elle tous les attributs de Dieu. Elle apparaît finalement comme un opérateur divin. Certes, nous avons de grandes difficultés à bien comprendre sa pensée, mais nous sommes bien loin de la science et de la raison. L'évolutionnisme, sans revenir à ce panthéisme délirant, s'appuient pourtant sur le même principe : la matière est seule opératrice … 

Giordano Bruno n'est pas le seul évolutionniste à édifier une conception aussi philosophique de la nature. Lors de notre étude, nous avons eu la surprise de découvrir une autre philosophie, celle de Lamarck, le fondateur de la biologie, le premier savant à professer ouvertement l'évolutionnisme, l'un des scientifiques les plus célèbres des temps modernes... 




Références
1 Yves Delage, zoologiste français (1854-1920), évolutionniste convaincu, cité par Georges Salet, Hasard et certitude.  
2 La théorie copernicienne s'oppose à celle de l'époque (théorie de Ptolémée) : la terre est au centre de l'univers et tout tourne autour de la terre. 
3 Philippe Forget, article "Giordarno Bruno et l'annonciation de l'immense" dans Giordano Bruno et la puissance de l'infini, revue L'art de comprendre, avril 2003, n°11/12. 
4 Il pense que seule l'imagination peut faire progresser l'homme dans ses connaissances. 
5 Philippe Forget, article "Giordarno Bruno et l'annonciation de l'immense
6 Philippe Forget, article "Giordarno Bruno et l'annonciation de l'immense" 
7 Giordano Bruno, De l'infini, de l'univers et du monde, Paris, Les Belles Lettres, 1995, cité dans "Giordarno Bruno et l'annonciation de l'immense".

lundi 24 septembre 2012

L'évolutionnisme, une idée aussi vieille que la science


L'idée d'une évolution des espèces n'est pas récente. Elle ne date pas du XIXème siècle. De nombreux partisans de l'évolutionnisme invoquent en effet des hommes illustres, parfois très anciens. Ils considèrent généralement Anaximandre (610 av. J.C.- vers 546 av. J.C.) comme le premier « savant » évolutionniste. Philosophe grec, il est le disciple de Thalès et le remplace à la tête de l'école de Milet. Parmi ses élèves, nous pouvons citer par exemple Pythagore. Nous ne disposons aujourd'hui aucun de ses ouvrages. Cependant, nous connaissons ses idées par l'intermédiaire de philosophes grecs, notamment par Aristote. 


Les philosophes de l'école de Milet croyaient en l'existence d'un mouvement perpétuel, puis en un principe et en un moteur premier. Thalès constate en effet que toute chose ici-bas naît et meurt. Il suppose donc l'existence d'un substrat unique à tous les germes et à toutes les dissolutions. L'eau serait ce substrat. Il devrait avoir aussi un moteur capable d'animer ces mouvements. Il confie ce rôle à un élément psychique, qu'il appelle âme. C'est probablement la première théorie qui se détourne de la mythologie. 

Anaximandre suit le même raisonnement que Thalès. L'existence éphémère qu'il constate exige l'existence d'une chose éternelle. « Si tout a dû commencer, rien n'a pu commencer, il faut donc au moins un éternel » (1). Ce qui est premier ne peut avoir été engendré. Il reconnaît aussi un principe en toutes choses. « Tout ce qui existe, ou bien est un principe, ou bien a un principe ». Mais, aucun élément particulier ne peut être identifié comme le principe duquel naissent toutes les réalités. Il doit en effet donner sans fin naissance à l'immense multitude des substances. Le principe est finalement sans limite. « Anaximandre […] déclara que le principe de l'élément des êtres est l'infini, ayant le premier introduit le nom de principe : il dit que ce n'est ni l'eau ni aucun de ceux qu'on appelle éléments mais une autre nature, infinie celle-là, de laquelle naissent tous les cieux et les mondes y inclus » (2). 

Selon Anaximandre, l'univers tire son origine de la séparation des contraires de la matière primordiale. La substance originelle s'est différenciée par un processus qui ressemble à une sorte de tourbillon. Le chaud et le froid se sont ainsi séparés, comme l'eau et le sec. L'homme est le produit final d'une évolution à partir d'animaux aquatiques. « Anaximandre de Milet estimait que de l'eau et de la terre étaient sortis soit des poissons, soit des animaux tout à fait semblable aux poissons. C'est au sein de ces animaux qu'ont été formés les hommes » (3). Il pensait que les premiers animaux étaient entourés d'une écorce mais qu'en avançant en âge, l'écorce séchait et se rompait pour donner naissance à d'autres animaux. C'est pourquoi Anaximandre est considéré comme le premier évolutionniste connu... 

Certes, les évolutionnistes rejettent sa théorie mais sont-ils vraiment éloignés de ce précurseur si antique ? Les évolutionnistes sont d'accord sur le fait de l'évolution et peuvent s'appuyer sur l'observation de la nature et sur les sciences pour définir des mécanismes d'évolution. Depuis l'antiquité, l'observation s'est considérablement affinée. La structure de l'organisme des êtres est mieux connue. La nature même semble dévoiler son histoire. Mais, le problème fondamental n'a pas changé. Qui est la cause de l'évolution ? Comme les philosophes grecques, les évolutionnistes modernes ne cessent de se disputer sur ce sujet. Est-ce le hasard, la sélection naturelle, des catastrophes, etc. ? Certes, les causes évoquées aujourd'hui sont plus sérieuses, mais fallait-il attendre 2500 ans pour parvenir au même point ? Pouvons-nous encore parler de progrès ?... 

Néanmoins, un point fondamental différencie les philosophes grecs de leurs prétendus successeurs évolutionnistes. En effet, Thalès, Anaximandre et d'autres encore ont aussi compris que le changement qui caractérise le monde ici-bas nécessitait une existence éternelle. Il n'y a pas de changement sans un principe de stabilité. Cette logique a été oubliée... 

Mais, pourquoi les évolutionnistes modernes sont-ils encore à ce stade d'évolution de la connaissance ? Les philosophes grecs qui ont succédé à Anaximandre peuvent nous donner des éléments de réponse. Connaître les principes de la nature et ses origines sont des questions d'ordre philosophiques et religieux. La science ne peut nous apporter une réponse dans ce domaine. Car, pour atteindre la vérité des choses, il faut impérativement dépasser les biens sensibles. Cette belle leçon est probablement le progrès fondamental de la connaissance que les philosophes anciens avaient connu. Il serait peut-être temps de prendre en compte les leçons de l'histoire ... 


1. Histoire de la philosophie ancienne, Paul Bernard Grenet, chap. I, édition 1993, cours de philosophie Beauchesne, p.14.
2 Simplicius, Commentaire sur la Physique d'Aristote, cité dans Histoire de la philosophie ancienne, p.14.
Sur le jour fatal, IV, 7, trad. de J. Mangeat, 1843.

jeudi 20 septembre 2012

Brève étude historique de l'évolutionnisme

Un scientifique élabore rarement une théorie à partir de rien. Il développe, approfondit, clarifie, synthétise, simplifie ou radicalise des idées et des pensées qu'il a reçues de ses maîtres, de ses collaborateurs, de ses rencontres, de ses lectures, etc. Sa théorie est le résultat d'un enseignement reçu, de nombreuses influences et d'études personnelles. Elle a donc une histoire. Rares sont les scientifiques qui élaborent à partir de rien une théorie complète et convaincante... 

Une théorie est aussi influencée par les progrès de la connaissance et de la technologie, notamment au travers d'instruments d'observations plus perfectionnés. Ainsi, il arrive qu'elle perde des arguments qui le justifiaient, sans néanmoins disparaître. En dépit de ses lacunes ou de ses erreurs, elle peut même perdurer alors que ses argumentations ont perdu toute valeur. Car elle ne se fondent pas sur des faits ou sur des connaissances, mais sur des principes, c'est-à-dire sur des convictions, des philosophies, voire des idéologies. Le progrès des sciences peut aussi conforter la théorie par de nouveaux arguments jusqu'aux jours où de nouvelles observations en montreront les limites, voire les erreurs. Par l'étude de cette histoire, nous pouvons identifier ces principes qui sont véritablement les fondements de la théorie. 

Enfin, cette histoire est souvent sollicitée pour appuyer la légitimité d'une théorie et lui donner une certaine créance, surtout auprès d'un public profane. En rappelant les fantômes prestigieux du passé, elle n'apparaît pas comme le fruit de l'imagination ou d'une innovation subite mais comme le résultat d'un long processus naturel et par conséquent inéluctable. Elle entre ainsi dans la voie du progrès et ne peut donc être rejetée. Il est même avantageux que ce processus s'apparente comme le trophée d'un combat contre l'obscurantisme et contre la superstition. S'opposer à elle reviendrait alors à épouser le monde des ténèbres. Y adhérer serait au contraire une preuve d'intelligence et un nouveau moyen de conforter sa liberté. Une puissante dialectique se met ainsi en place. Le choix paraît donc clair. Il n'y a plus de choix...

Ainsi, pour imposer davantage sa théorie, notamment hors du monde de la recherche, on s'approprie des savants, des intellectuels, des philosophes, des hommes connus pour leur sérieux et leur probité. On constitue en quelque sorte une filiation, une série de sains témoignages en faveur de la théorie. Mais, ces fantômes dignes d'éloges ne sont plus là pour dire ce qu'ils en pensent exactement. Parfois, ces fantômes ne sont que le produit de notre mémoire collective, souvent plus disposée à ne garder que les bons côtés du personnage et à en oublier les aspects les plus critiquables. A nous donc de les retirer de l'histoire pour effectivement les entendre et les connaître afin de porter un regard critique sur les prétendus témoignages. Et parfois, ils ont beaucoup de choses à nous dire... 

Dans la deuxième édition de De l'origine de l'espèce, Darwin présente les scientifiques qui se sont approchés de la théorie de l'évolution et nomment aussi ceux qui l'ont aidé à l'élaborer. Des sites Web, des publications ou des conférences, en faveur de l'évolutionnisme, ont aussi identifié ceux qui ont traité ce sujet, et en particulier ceux qui ont inspiré Darwin, allant même citer des philosophes grecs comme les premiers évolutionnistes. Certains osent encore rappeler de l'oubli des prétendus scientifiques qui auraient subi la mort, notamment le bûcher, par la « détestable » inquisition pour avoir osé énoncer des principes évolutionnistes ! Tout est bon quand l'histoire supplée à des preuves scientifiques insuffisantes. Le public profane semble apprécier plus ce genre de justifications... 

Pour toutes ces raisons, nous avons voulu étudier l'histoire de l'évolutionnisme, notamment à travers les précurseurs du darwinisme, considérés comme tels par ses partisans. Nous avons donc fait ce travail fort intéressant qui mérite assurément une étude plus approfondie. Car à travers les différents prétendus « évolutionnistes » qui ont précédé Darwin, nous avons découvert des choses étonnantes. Au delà des faits et des interprétations, au delà même des découvertes scientifiques, nous avons rencontré des philosophies qui tentaient d'expliquer la nature. Parfois, à notre grande surprise, nous avons découvert de véritable théologie de la nature, proche du paganisme. Nous avons enfin décelé des mensonges, repéré des erreurs grossières et découvert des élucubrations aberrantes... 

Dans cet article, nous présentons uniquement les conclusions de notre étude. D'autres articles vous proposent de faire un rapide portrait des principaux précurseurs ou adversaires de l'évolutionnisme. Certains prônent une évolution des organismes vivants dans le cadre d'une philosophie matérialiste ou d'une opinion religieuse à tendance théiste (Giordano Bruno, Lamarck). D'autres étudient scientifiquement la nature sans adhérer à l'évolutionnisme et demeurent fidèles à leur conception chrétienne de la Création (Buffon, Linné, Ray). Des scientifiques adhérent à l'évolutionnisme, allant jusqu'à l'abandon de leur foi (Darwin). Enfin, certains savants trouvent une finalité dans l'évolution (Lamarck) quand d'autres la rejettent (Giordano Bruno,, Maupertuis), laissant le hasard seul moteur des changements... Notre étude nous permet dès maintenant d'énoncer quelques conclusions ... 

L'évolutionnisme n'est pas une évidence... 

L'étude de l'histoire de l'évolutionnisme nous permet d'abord de relativiser les propos de Darwin et de ses partisans : « on comprend facilement qu'un naturaliste qui aborde l'étude de l'origine des espèces et qui observe les affinités mutuelles des êtres organisés, leurs rapports embryologiques, leur distribution géographique, leur succession géologique et d'autres faits analogues, en arrive à la conclusion que les espèces n'ont pas été créées indépendamment les unes des autres, mais que, comme les variétés, elles descendent d'autres espèces. » (1). Non, l'évolution n'était pas une évidence pour tous les naturalistes sérieux… John Ray, Carl Von Linné et Buffon ont longuement et minutieusement étudié la nature et ont rejeté toute idée d'évolutions des espèces. Ils n'ont admis que des variations au sein des espèces. L'un des professeurs de Darwin, le plus estimé, Segdwick, s'est aussi fermement opposé à sa théorie. 

L'évolutionnisme, une pensée unique... 

Aujourd'hui, l'évolutionnisme est devenue une évidence car elle ne donne aucune possibilité à d'autres théories de naître et de se développer, très probablement pour des raisons non scientifiques. Avant la deuxième guerre mondiale, les « darwiniens » regrettait de ne pas être enseignés et connus en France à cause de l'omniprésence des théories transformistes de Lamarck. Vers les années 80, la théorie synthétique de l'évolution domine à son tour dans l'enseignement et la recherche. Ses adversaires évolutionnistes, dont les partisans de la théorie des équilibre ponctués, crient alors à « la rigidité dogmatique » (2)... Cette domination ne laisse guère de chance aux autres théories. Qui oserait braver les médias, les scientifiques vulgarisateurs, les centres de recherche, l'éducation nationale et tant d'autres encore ? A qui profite le crime ? Le vieil adage pourrait s'appliquer à cette situation si plus favorable à la quête de la vérité. Pourquoi une telle domination ? … L'évolutionnisme n'est pas une évidence. Pour des raisons encore floues à notre esprit, elle est devenue une pensée unique, guère propice au progrès de la science, à notre formation intellectuelle et à notre liberté. 

L'évolutionnisme empreint de philosophie et de religiosité... 

Les théories évolutionnistes sont-elles exemptes de conceptions philosophiques et religieuses ? Sont-elles en effet éloignées de la prétendue neutralité affichée ? Dans notre expédition à travers le temps, nous avons en effet découvert une réalité que nous avons tendance à oublier tant notre société est sécularisée et cloisonnée. Les scientifiques ou les pseudo-scientifiques qui ont vécu avant le XXème siècle ne se contentaient pas d'étudier une science ou plusieurs ; ils ont souvent développé une philosophie, voire une théologie, dans lesquelles leur théorie avait toute leur place. Giordano Bruno (1548-1600) prône une matière opératrice, créée par Dieu, toute puissante sur les êtres qu'elle produit. Comme d'autres savants, Maupertuis (1698-1759) développe un panpsychisme universel, croyant que toute réalité matérielle possède une nature psychique comme l'homme (conscience, mémoire, sensibilité). Lamarck croit que tout être naît, meurt, se transforme, selon un ordre des choses agissant, créé par Dieu et composé d'objets métaphysiques inconnaissables, dont l'ensemble forme ce qu'il appelle la nature. Nous retrouvons toujours dans ces philosophies un monde capable de se régir de lui-même, confinant Dieu à un rôle ingrat, celui d'être l'initiateur d'un dynamisme pour en n'être ensuite qu'un spectateur impuissant. 

La diversité des espèces compatibles avec la foi... 

Des scientifiques voient dans la diversité de la nature une preuve de la grandeur de Dieu et la confirmation de la conception chrétienne de la Création. John Ray croit absolument à la stabilité des espèces et voient dans la diversité la preuve de la sagesse et du pouvoir de Dieu. Linné, qui est probablement le premier à avoir classé d'innombrables êtres vivants, est aussi un naturaliste fixiste qui veut démontrer la grandeur de la Création divine. Buffon rejette toute idée d'évolution, ses observations confirmant sa conception chrétienne. Cuvier allie ses théories avec la Bible. 

Pour ces fondateurs ou initiateurs des sciences modernes, il n'y a pas incompatibilité entre leur découverte et leur foi. Avant notre siècle, les scientifiques, fondateurs de nos sciences modernes, ne sont pas et ne pouvaient pas être des scientifiques laïques ou neutres comme nous l'entendons aujourd'hui. Car leur théorie rencontre inéluctablement leur foi ou leur conception religieuse. Cela est surtout vrai pour l'évolutionnisme. Darwin a finalement abandonné sa foi. Reste à savoir qui influence quoi. Lamarck développe-t-il une conception religieuse pour mieux prendre en compte ses interprétations, ou ses observations sont-elles interprétées pour sauver sa conception religieuse ? 

L'étude historique de l'évolutionnisme permet de relativiser certains discours et de porter un regard plus critique sur des théories qui, finalement, ne sont pas aussi dénuées de philosophies et de religions que prétendent leurs partisans. Si aujourd'hui il domine les esprits, c'est peut-être pour la simple raison que la société a été convertie avant tout à une « religion » qui écarte Dieu de toute action réelle sur les êtres. Est-ce le résultat d'une conception d'un Dieu considéré comme un simple horloger, triste spectateur impuissant de son œuvre ? Ou encore d'un Dieu intellectualisé ? Mais cette philosophie ou cette religion butent toujours sur une difficulté insurmontable. Qui régit l'évolution ? Qui cause le mouvement tant constaté ? Le hasard, une nature déifiée, des gênes personnifiés, des catastrophes … Question qui remonte déjà à l'antiquité... 


1 Darwin, De l'origine des espèces, Introduction.
La Structure de la Théorie d'évolution, de Stephan Jay Gould, cité par Cyril Langlois, Université Bordeaux 1, www.planet-terre.ens-lyon.fr.

NB Les articles qui vont suivre vont traiter des précurseurs de l'évolutionnisme ou des savants naturalistes qui ont précédé cette théorie.

mardi 18 septembre 2012

La notion d'espèce au sens scientifique

Les espèces ne seraient pas immuables et varieraient pour donner naissance à d'autres espèces, ainsi proviennent-elles toutes d'une même origine, telle est l'idée commune et centrale des théories évolutionnistes. Mais, au fait, qu'est-ce qu'une espèce au sens scientifique ? Nous pourrions croire que cette notion centrale soit parfaitement claire et unanimement reconnue. Ce n'est pas le cas. Il existerait plus d'une vingtaine de définitions scientifiques, et elles sont généralement récentes. La notion d'espèce est en effet complexe et difficilement saisissable. Comment peuvent-ils alors élaborer une théorie en ignorant exactement son objet ? Car si les espèces varient pour en donner d'autres, il est impératif de bien établir ce qui les distinguent et donc ce qu'elles sont. Cette notion n'a de sens que si elle permet de différencier les organismes vivants et de les ordonner... 

Principales définitions 

La définition la plus communément acceptée est celle établie par Ernst Mayer (1) en 1942 : « les espèces sont des groupes de populations naturelles, effectivement ou potentiellement interfécondes, qui sont génétiquement isolées d’autres groupes similaires ». Plus tard, il précisera que cette population doit pouvoir engendrer une progéniture viable et féconde. Cette définition présente trois éléments fondamentaux : 
  • la fécondité : deux êtres appartiennent à la même espèce s'ils peuvent donner naissance à un autre être, viable c'est-à-dire capable de perdurer, et fécond comme ses parents ; 
  • l'origine naturelle des espèces : ils ne sont pas nés d'une sélection artificielle ou d'une manipulation humaine ; ils proviennent tous d'une reproduction naturelle, rejetant toute intervention non naturelle dont celle de l'homme ; 
  • un aspect génétique : il n'y a pas de brassage génétique entre les êtres d'espèces différentes, y compris similaires, ce qui peut se produire dans le cas d'un isolement géographique. 
Mais cette définition n'est pas toujours pertinente, notamment pour les êtres asexués. Il est aussi difficile de l'appliquer pour certaines espèces vivant dans les profondeurs des océans ou dans l'infiniment petit (bactéries), et surtout pour les fossiles. Pouvons-nous établir avec certitude que l'accouplement de deux individus soient féconds, surtout pour des animaux supposés morts depuis des millions d'années ? 

C'est pourquoi certains scientifiques constituent des groupes d'individus à partir de caractéristiques morphologiques, soit structurale (taille, forme), soit à partir d'une ressemblance (similitude anatomique). Les premières classifications ont été élaborées à partir des similitudes anatomiques. Dans ce cas, la distinction des espèces varie en fonction de l'observation et de la précision des instruments employés. Cette méthode permet ainsi de prendre en compte les fossiles et tous les organismes dont nous ne pouvons pas suivre leur mode de reproduction. La notion de ressemblance est effectivement la seule méthode possible. Néanmoins, elle est très subjective et peut conduire à des désaccords entre scientifiques. 

Les dissemblances peuvent ne pas être visibles. La génétique peut alors différencier les organismes mais l'aspect quantitatif (nombre de gênes communs) peut masquer l'aspect qualitatif (séquencement des gênes, gênes dormants, actifs), aspect plus important. Il n'est pas en effet évident que deux êtres ayant les mêmes gênes appartiennent à une même espèce. Cette erreur a conduit à croire que l'homme était issu des singes. Mais, aujourd'hui, nous savons que la réalité est beaucoup plus complexe. Des gênes présents peuvent ne pas avoir un rôle ; ce sont les relations réelles entre gènes qui sembleraient être à l'origine de la structure anatomique. En outre, un seul gêne actif peut être à l'origine d'une fonction primordiale. 

La définition d'Ernst Mayr a été accusée d'être non évolutive. Ainsi, il en existe d'autres qui prennent en compte le lignage de populations (2). Une espèce serait l'ensemble des individus qui ont la propre destinée historique et leurs propres tendances évolutives. La définition la plus récente que nous avons pu trouver fait une certaine synthèse de toutes ces tentatives : « l'espèce est une unité homogène constituée de populations naturelles qui s'enchaînent dans le temps et qui, à chaque instant des temps géologiques, sont interfécondes et isolées des autres espèces » (3). Cette définition reprend les éléments de la définition d'Ernst Mayr mais elle introduit une notion fondamentale, celle du temps, et plus précisément celle d'histoire. Nous sommes évidemment dans un contexte évolutionniste. Nous notons aussi la notion d'enchaînement dans le temps, ce qui correspondrait à une continuité par la reproduction. Enfin une autre notion est introduite, celle de l'homogénéité

Qu'est-ce que l'homogénéité ? Deux caractères sont homologues lorsqu'ils sont semblables et qu'ils sont hérités d'un ancêtre commun par évolution. Lorsqu'ils se ressemblent, ils sont dits analogues. Nous sommes toujours dans un contexte évolutionniste. 

La prise en compte du « destin historique » (4) pose de véritables problèmes pour la distinction et la classification des êtres vivants. Car si une espèce évolue continûment (théorie synthétique de l'évolution), comment est-il possible de la distinguer dans le temps ? En effet, si un être est classé dans une espèce à un tel moment géologique, ses descendants évolués seront-ils encore classés dans la même espèce et à partir de quel moment constitueront-ils une espèce différente ? Comment distinguer l'être évolué et son ancêtre le plus proche en prenant en compte la notion primordiale du temps ? A partir de quel moment deux êtres appartenant à la même espèce deviendront inféconds entre eux ? Les questions ne manquent pas... 

En prenant en compte le « destin historique » des êtres vivants, il peut être très difficile, voire impossible, de les classer. Nous parvenons donc à une certaine ironie : la classification des êtres vivants en espèces a permis d'émettre l'hypothèse de l'évolutionnisme mais cette théorie conduit finalement à rendre inadaptée et impertinente la classification elle-même. Est-il en effet opportun de classer les êtres ? Mais, la classification est-elle naturelle ou une entreprise uniquement intellectuelle ? 

Une classification réelle ou artificielle ? 

La question de la réalité de la notion d'espèce se pose en effet. Est-elle une réalité indépendante de toute étude ou constitue-t-elle seulement un moyen scientifique pour mieux étudier la nature ? Nous retrouvons finalement une problématique philosophique très ancienne et pourtant encore actuelle. Deux conceptions philosophiques se heurtent en effet. Selon l'idéalisme, l'existence de types universels et permanents est réelle. Selon le nominalisme, seule est reconnue l'existence des individus, la notion d'espèce étant une invention des hommes. La classification apparaît donc naturelle pour les idéalistes, artificielle pour les nominalistes. 

La classification artificielle apparaît comme subjective. « Le terme d’espèce est donné arbitrairement pour des raisons pratiques à un groupe d’individus se ressemblant » (5). S'il est simple de distinguer le cheval de l'âne en deux espèces distinctes selon la définition d'Ernst Mayer (6), est-il aussi aisé de classer en deux espèces la souris à longue queue (Mus musculus domesticus), qui vit dans les habitations, et la souris à courte queue (Mus spretus), qui vit dans les champs et les maquis ? A part la longueur de la queue, au niveau macroscopique, elles nous paraissent suffisamment semblables pour les classer dans la même espèce. Le commun des mortels les considérera ainsi. Mais, au niveau microscopique, la situation est différente, notamment au niveau de la structure des gènes d'une enzyme. C'est pourquoi elles sont considérées comme appartenant à deux espèces différentes. Cet exemple nous permet de voir que la classification des espèces dépend fortement de critères et de la finesse de l'observation et de l'analyse. 

La classification naturelle ne repose pas sur des critères ou sur des instruments d'observation, mais sur la nature, indépendamment de l'homme. Elle est donc unique et ne varie pas selon l'analyse du scientifique. A ce dernier de déterminer cette classification. 

Nous n'essaierons pas de résoudre ce problème philosophique (nominalisme / idéalisme), qui est hors de notre portée et de notre étude, mais il s'agit de comprendre toute l'importance philosophique de cette problématique sur laquelle repose l'évolutionnisme. Elle est essentielle. 

Que font généralement les évolutionnistes ? Ils définissent des critères macroscopiques ou microscopiques pour classer des organismes, notamment pour les répartir en espèces, et à partir de cette classification et de cette répartition subjective, ils en déduisent des liens entre les espèces puis leur évolution, leur lignage. Nous sommes en quelques sortes dans un sens nominaliste de la nature. Mais, cela ne signifie pas que les espèces évoluent réellement, et encore moins qu'elles proviennent toutes de la même origine. Elles n'évoluent en fait que dans le modèle qu'ils ont défini et non dans la nature. Nous constatons une grave confusion entre le modèle établi et la réalité. Pour prouver l'évolution des espèces et leur origine commune, nous ne devons entendre la nature que dans un sens idéaliste. Nous voyons bien que nous ne sommes pas dans un même niveau de compréhension. 

Conclusion

Il est donc étrange de considérer l'évolutionnisme comme une vérité indubitable alors que la définition d'une espèce ne semble pas faire l'unanimité entre les savants. Ce simple constat montre donc toute la difficulté de classer et de répartir les êtres vivants. Au delà de la méthode appliquée pour les différencier, nous rencontrons un autre problème philosophique, encore plus difficile. Nous pouvons être nominalistes ou idéalistes pour conduire une réflexion mais nous ne pouvons pas être nominalistes et idéalistes quand cela nous enchante. Mélanger ces deux points de vue revient à confondre un modèle, par principe inexistant dans la nature, et la nature elle-même. La tentation est en effet grande de croire que nos constructions intellectuelles, très pertinentes pour étudier la réalité, correspondent à la réalité elle-même. Nous connaissons toute la naïveté et l'orgueil de cette erreur, pourtant si commune. Finalement, avant de démontrer la mutabilité des espèces pour prouver leur origine commune, il faut d'abord s'interroger sur la notion d'espèce, ce qui revient à choisir entre le nominalisme et l'idéalisme. Or, la science moderne en est probablement incapable. Car c'est un problème essentiellement philosophique ... 



1 Ernst Mayer (1904-2005), ornithologue, biologiste et généticien allemand. 
2 Notamment les définitions de Simpson (1961), de Wiley (1978). 
3 Devillers et Chaline (1989), La théorie de l'évolution, Dunod, cité par Jacques Bardat, L'espèce, histoire d'une notion fondamentale, courrier de l'environnement de l'INRA, N°21.
4 Elle montre aussi la distinction essentielle entre la macroévolution et la microévolution. Cette distinction est parfois négligée par l'évolutionnisme. 
5 Darwin, 1859.
6 Ainsi, le mulet, qui est le croisement d'un âne et d'une jument, n'est pas fécond. Il n'est donc pas une espèce.

mercredi 12 septembre 2012

La notion d'espèce dans la Sainte Ecriture

Le mot « espèce » employé dans la Genèse correspond-il à celui des scientifiques ? Non évidemment. Nous savons en effet combien le sens des mots évolue, surtout lorsqu'ils sont traduit dans une langue vivante. Alors, pouvons-nous tenter de concilier la Sainte Écriture et l'évolutionnisme ? Les malentendus proviendraient peut-être d'une incompréhension sur les termes. Il est si courant de se quereller et de se diviser pour des questions de mots !

Contrairement au terme « jour », nous avons peu de commentaires exégétiques sur le mot « espèce ». Il ne posait pas en effet de problèmes pour l'Église et pour les défenseurs de la foi. Tout était parfaitement clair. 

Le terme « espèce » de la Genèse traduit le mot hébreu « miyn » qui signifie « sorte », « type ». Dans un lexique biblique, nous avons pu trouver cette définition : « proviennent d'un même gêne ancestrale ». Elle nous semble anachronique et inexacte pour la Bible. Elle pourrait être une définition actuelle de l'espèce. Nous préférons donc l'abandonner... 

Nous avons trouvé une information plus pertinente, plus proche du sens biblique (1). Le mot « miyn » proviendrait de deux racines très proches : « manan » et « manah ». Le terme « manan » est lié à une notion d'ordre, de classification, de systématisation. Nous retrouvons aussi cette notion de distinction dans le mot « sorte ». Le terme « manah » est lié à la notion de partage, de découpage, de particule élémentaire. L'ensemble des êtres seraient ainsi ordonnés et répartis en éléments simples. Ces deux termes représentent donc un Dieu qui ordonne et range les êtres vivants. Le mot « espèce » désigne donc l'élément de répartition. Mais, ce n'est pas le seul ... 

En effet, la Sainte Écriture distingue bien séparément les végétaux, les poissons, les oiseaux et les animaux terrestres. Ils se répartissent selon les règnes végétale et animale, et dans le règne animal selon leur milieu (eau, air, terre). Il y a bien création distincte. 

Si nous ignorons la définition exacte du mot « espèce » employé dans la Sainte Écriture, son emploi signifie bien un ordonnancement des êtres dès l'origine et traduit donc une intelligence divine en action. Dans l'œuvre de la Création, plusieurs êtres suffisamment différents pour être distingués apparaissent clairement. Tout théorie faisant provenir le règne animal de celui des végétaux ou faisant croire à une origine commune des espèces contredit le récit littéral de la création de la Genèse. 

Certes, nous pouvons aussi songer à un récit allégorique de la Genèse. L'écrivain inspiré n'a peut-être voulu que traduire l'ordonnancement actuel de la vie végétale et animale tel qu'il était déjà constaté au temps de la rédaction du livre sacré. Mais, comme nous l'avons déjà constaté, l'Église a toujours vu cet ordonnancement comme l'œuvre du Créateur, comme la manifestation de sa sagesse. Nous nous opposons de nouveau à l'évolutionnisme qui voit dans la matière seule le moteur de l'évolution... 

En conclusion, si évidemment nous devons pas comprendre le mot « espèce » employé dans la Sainte Bible comme nous le comprenons aujourd'hui, l'évolutionnisme contredit fondamentalement la Sainte Écriture, qu'il soit entendu dans le sens littéral ou allégorique. Le conflit entre l'évolutionnisme et notre conception chrétienne ne se reposent donc pas sur une question de mot mais sur des questions plus essentielles qui orientent toute notre existence.. 


http://www.fraternite.net Les racines du mot « miyn » proposées dans le forum du site ont été confirmées par d'autres sources.

samedi 8 septembre 2012

"98% de bonobos en nous", une mascarade

Récemment, nous avons visité la vallée des singes, près de Poitiers. Cette réserve animale regroupe plus de 350 primates de 36 espèces différentes. Uniques en France, les bonobos sont les stars de cette réserve. Ils ressemblent aux chimpanzés. Nous avons assisté à leur nourrissage, prétexte à un « spectacle » en apparence bénigne mais finalement instructive. 


Sans grande surprise, nous avons entendu un discours évolutionniste lors du « spectacle ». Ces singes seraient les plus proches des hommes pour des raisons génétiques et comportementales. Nous aurions un ancêtre commun. Ouf ! Nous ne descendons pas des singes. Nous avons progressé ... 

« On a tous 98% de bonobos en nous », tel est le slogan publicitaire de la vallée des singes. Selon cette publicité, notre ADN posséderait 98% de gênes de bonobos. Et alors ? « Il existe plus de différences entre les génomes de deux espèces de mouches […] qu’entre ceux d’une souris et d’un être humain. » ! (1). Leur comportement, très proche du nôtre, notamment dans le domaine sexuel, semble aussi plaider en faveur d'un « cousinage ». Le spectacle auquel nous avons assisté montre en effet des signes de rapprochement : un bonobo tend la main pour avoir de la nourriture, un autre boude car son congénère lui a volé sa part, un singe bombe son torse devant son public, etc. Pour souligner peut-être davantage ces similitudes comportementales, on leur parle comme s'ils étaient des enfants ou des adultes... Tout semble donc indiquer une proximité du singe avec l'homme. Ils pourraient donc provenir d'un ancêtre commun. La présentatrice du « spectacle » fait continuellement allusion à cette thèse comme un fait naturel, indiscutable, approuvée de tous. 

Toujours dans son discours, l'homme est présenté comme un membre de l'espèce des hominidés, une des familles constituant les primates. Par rapport aux bonobos, il a une particularité bien soulignée : sa cruauté. Il serait le membre le plus cruel de son espèce. Faisons donc repentance... Nous sommes tous naturellement des méchants... 

Ce n'est pas tout. Et c'est probablement l'aspect le plus affligeant de ce « spectacle ». Le comportement sexuel des bonobos y est particulièrement souligné. Ce serait l'une de leurs spécificités. Savez-vous par exemple que « ce sujet n'est pas un tabou chez les bonobos » ?! Cette remarque en apparence stupide n'est pas aussi naïve qu'elle puisse paraître. Car évidement, nous pouvons penser que, nous autres primates, nous avons peut-être tort d'en faire un tabou. Or, pour nous, il ne s'agit pas de tabou mais avant tout de morale. 

Quelle surprenante confusion ! Une des différences fondamentales entre le singe et nous est justement la notion de morale. Tout semble donc insinuer que la morale est une invention purement humaine et non naturelle, et par conséquent, une notion à relativiser. Tout comportement sexuel apparaît ainsi comme une chose naturelle et donc à ne pas juger, encore moins à limiter. La voie est libre pour justifier « l'amour libre ». Les singes, nos « cousins », nous montrent la voie à suivre. Imitons donc les ! Que lisons-nous en effet sur le prospectus ? Que les bonobos sont adeptes du « sexe convivial » ! Pourquoi pas nous ?... Certes, tout n'est pas dit aussi clairement, et nous pouvons nous tromper dans nos interprétations, mais que de sous-entendus !... 

Enfin, un troisième point nous a particulièrement touché et choqué. Certes, il semble que le comportement sexuel des bonobos est très particulier et significatif. Mais, que donne-t-on à manger aux bonobos ? Des pastèques. Et alors, me direz-vous ? La présentatrice du spectacle a fait une remarque pertinente : ce fruit est aphrodisiaque. Effectivement, des recherches nous ont permis de confirmer ce point. Pour l'homme, la force aphrodisiaque de la pastèque équivaut à celle du viagra. La pastèque est certes présente en république démocratique du Congo et peut faire partie de l'alimentation des bonobos, mais en consommation courante, quels effets peuvent-elles produire si ce n'est une excitation de l'appétit sexuel ? Leur comportement sexuel présenté aux spectateurs comme un fait naturel pourrait donc être exacerbé. Il ne serait donc pas aussi naturel que cela. Pouvons-nous alors parler de manipulation ? Et pour quelle raison ? Pour attirer les touristes ou pour imposer une idéologie ? ... 

Nous avons finalement assisté à une mascarade significative de l'évolutionnisme. Ainsi se propage-t-il sans difficulté dans notre subconscient …

L'homme n'est pas une bête... Et la bête n'est pas à la disposition de l'homme pour jouer une telle mascarade...



1 Evgeny Zdobnov, professeur adjoint au département de médecine génétique et développement de l'institut suisse de bioinformatique, entretien publié sur www.unige.ch, université suisse, septembre 2008. L'important n'est pas la comparaison quantitative des gênes mais qualitative (état des gênes, rôle des gênes, interactions des gênes).

lundi 3 septembre 2012

Surmonter le syndrome de Galilée

Pourquoi devons-nous croire à l'évolutionnisme ? Si nous osons le mettre en doute, nous risquons l'anathème. Des voix s’élèveront pour nous accuser d'obscurantisme et d'ignorance. Un sourire méprisant répondra à nos doutes. Pourtant, plus nous approfondissons le sujet, plus nous découvrons des difficultés qui relèvent davantage de la philosophie et de la croyance que de la science. Les fondements des théories évolutionnistes nous paraissent fragiles, incertaines, téméraires. 

Comment pouvons-nous en effet croire à l'évolution des espèces lorsque la notion d'espèce paraît si insaisissable, voire inadaptée à la notion d'histoire ? 

L'évolutionnisme nous est présenté comme un des progrès des temps modernes, mais cette idée est aussi veille que la science. Elle fut l'une des premières hypothèses émises par les penseurs grecs pour expliquer la vie. Devons-nous de nouveau parcourir ce long chemin de la connaissance avant de nous apercevoir de la futilité de cette marche laborieuse et de notre superbe orgueil que seule notre stupidité semble égaler ? 

On nous présente l'évolutionnisme comme une évidence : ceux qui étudient sérieusement la nature ne peuvent qu'adhérer à cette théorie. Alors, pourquoi nombre de naturalistes sérieux, fondateurs des sciences modernes, grands observateurs de la nature, l'ont-ils rejeté ? 

Il est aussi présenté comme un fait scientifique épuré de toute croyance quand des fondateurs de l'évolutionnisme n'ont songé qu'à édifier une philosophie, voire à une théologie de la nature. 

Depuis des siècles, nous voyons l'autorité de l'Église remise en question, y compris et surtout dans son domaine de compétence, mais qui oserait remettre en question l'évolutionnisme ? Sommes-nous peut-être atteints du syndrome de Galilée ? Étrange maladie qui paralyse notre jugement lorsque nous sommes confrontés à une argumentation en apparence scientifique. Mortel abêtissement qui nous rend si docile aux discours savants. Cruelle déraison qui nous conduit à déposer rapidement les armes aux pieds de nos adversaires au lieu d'essayer de les combattre et de les défaire. Il est temps de surmonter cette fausse culpabilité, ouvrage de l'ennemi, et d'assumer notre foi. 


Nous entendons ceux qui nous accusent d'obscurantisme et d'ignorance : vous êtes des rétrogrades, ennemis de la vérité et du progrès. Croyez donc ce que disent les scientifiques ! Mais est-ce un crime ou une folie de refuser de croire sans comprendre et de ne pas tout accepter pour ce seul motif ? Le fait que l'évolutionnisme soit marqué d'un discours scientifique suffit-il pour empêcher tout jugement sensé ? 

Malebranche notait déjà en 1674 le danger de trop faire confiance aux hommes de science : « Ce sont des gens qui cherchent la vérité : on suit ordinairement leurs opinions sans les examiner. Ainsi leurs erreurs sont d'autant plus dangereuses qu'ils les communiquent avec plus de facilité » (Recherche de la Vérité). 

Sommes-nous finalement assez imprudents pour livrer notre bonheur à tous ceux qui mettent en danger notre liberté et notre âme ? Car nous savons que notre manière de penser et de vivre dépend de notre conception du monde et de la vie... Tout cela n'est pas anodin... 

O mon Dieu, protégez-nous d'une telle naïveté et aveuglement ! Que notre amour de la vérité nous guide dans ce monde où l'erreur porte le masque de l'honneur !