" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mardi 20 décembre 2011

Est-ce bien de manifester dans les rues ?


Quand une injure véritable est publique, il est nécessaire, voire obligatoire, de réparer l'offense publiquement, par un pèlerinage, des prières publiques ou par d'autres moyens religieux. Quand nos voix s'élèvent vers Dieu en prenant à témoin la cité, elle est essentiellement religieusement. Il y a donc réparation de l'offense commise.

Mais, si cette manifestation est une protestation publique, elle devient politique. Elle n'est plus religieuse. Il n'y a donc pas de réparation possible. Car elle ne s'adresse plus seulement à Dieu seul mais aux autorités de la cité. Dans notre société médiatisée, où tout se confond, où seules les idées simples sont perçues, où seule la force de la parole et de l'image compte, cette manifestation demande de la prudence et de la vigilance.

Si une manifestation est mal organisée et se dégénère rapidement au point de provoquer de la violence, elle ne peut guère conduire à un bienfait. Car celui qui veut faire justice par soi-même commet une nouvelle offense. Et cette offense rejaillit inévitablement sur cette action collective au point de la couvrir. Une manifestation publique demande donc avant-tout un encadrement et une organisation efficaces afin qu'elle se déroule dans la paix et dans l'ordre. Et cette tranquillité doit également imprégner sa préparation. Sinon les passions guident les pas et excitent les cœurs.

Que signifie ensuite une manifestation dont les participants ne sont pas unis par la même intention ? Il y a manifestement duperie. Si Notre Seigneur Jésus-Christ est l'objet de l'offense, un musulman et un chrétien ne peuvent guère s'associer à la même action, à la même protestation. C'est absurde. Comme le chrétien ne peut s'associer à une action menée par des organisations contraires au Christ et à sa doctrine ! L'intention de la manifestation doit donc être clairement définie et exprimée avant et lors de la manifestation afin d'éviter de telle méprise. Si cette manifestation conduit à des confusions, il y a risque de manipulation...

Il est encore vain de vouloir manifester dans les rues en méprisant la loi qui la permet et l'encadre. Car vouloir la méconnaître, c'est prendre le risque de manquer de civisme et de commettre un délit, et cela de manière injustifiée. Un tel risque est-il en effet justifié devant Dieu ? Oui, diront certains car l'offense est grave. Certes, mais est-elle conséquente ? Car doit-on en effet prendre le risque d'aller en prison chaque fois que Dieu est offensé publiquement ? N'oublions pas que l'Eglise a toujours refusé dans ses rangs ceux qui couraient volontairement vers le martyre.

Enfin, une manifestation publique ne doit pas conduire publiquement à notre condamnation et à celle de notre foi. Comprenons-nous bien. Le monde nous condamnera toujours et elle rejettera notre foi. La condamnation dont nous parlons est celle de notre infidélité. Si nous ne sommes pas tels que Notre Seigneur nous le demande, en cohérence avec notre foi, nous ne sommes que des menteurs et des hypocrites ! La manifestation n'est donc pas un lieu de colère, mais une lieu de charité, une charité brûlante d'amour de Dieu. Toute action sans charité est vaine.  

L'image que nous véhiculons à travers une manifestation publique est certainement primordiale pour l'apostolat. Toutes nos interventions publiques ou privées doivent être un moyen de soigner cette image, une image sans stéréotype, afin que nous soyons crédibles aux yeux des incroyants. Car c'est par cette image que se juge notre religion...

Ainsi, pour répondre à une offense véritable et publique, il est important, voire obligatoire, de manifester publiquement sa désapprobation quand la manifestation réunit au moins les quatre conditions suivantes : préparation sérieuse et sereine, respect de la loi, intention claire et précise, exemplarité chrétienne dans la charité.

Mais, avant tout, nous devons aussi nous interroger sur la nature de l'offense. Est-elle bien véritable ? Est-elle réellement publique ? N'avons-nous pas tendance à réagir trop hâtivement, à vouloir agir avant tout, sans discernement, à foncer tête baissée ? Maladie bien caractéristique et dramatique de notre temps ! Il faut avant tout du recul, se dépassionner, réfléchir et s'informer raisonnablement afin que la foi et la raison gouvernent nos décisions et nos actions, sans néanmoins se fixer dans l'indécision ou la crainte.

Cet effort de recul et de réflexion est inévitable en notre époque tant la vie actuelle est complexe et désordonnée, tant l'information est diffuse, sans contrôle. Car si nous nous trompons de buts, épuisant nos énergies dans de vaines mobilisations, nos ennemis ne nous manqueront pas. Et notre image comme notre apostolat en souffriront. La protestation publique est donc source de dangers. Résumer aussi nos actions à ces manifestations risque de nous conduire à nous enfermer dans une position de faiblesse et et dans le communautarisme, peu favorable à l'apostolat. Ces actions doivent être précédées, accompagnées, suivies par une apologétique efficace...

jeudi 15 décembre 2011

La connaissance de l'Islam : Mahomet ...


Il est impossible de comprendre l'islam sans connaître son fondateur. Or, nous savons peu de choses de lui. Les seules sources qui nous restent sont le Coran, les hadiths, qui constitue une recueil de tous ses faits et ses gestes, et une première biographique historique, la Sïrat al rasoul, « vie du prophète », écrit deux siècles après la mort du Mahomet.

Mahomet, ou Muhammad en arabe, est né à La Mecque entre 570 et 580. D'une famille pauvre, il appartient, par le clan des Hächim, à la puissante tribu des Qoaraïchites. Orphelin de bonne heure, élevé par un oncle généreux, il s'engage dans le commerce caravanier. Puis, il entre au service d'une riche veuve, Khadidja, qu'il épousera par la suite et qui deviendra un de ses plus forts soutiens dans les épreuves.

Au cours de ses voyages, Mahomet rencontre souvent les « hommes des Livres » que sont les juifs et des chrétiens hérétiques, probablement des nestoriens. Il est très probable qu'il subit de leur part une certaine influence, notamment de la part de moines. C'est à partir de ces rencontres qu'il découvre la Bible qu'il ne lira cependant jamais.

Une inquiétude religieuse l'agite. Il traverse des crises d'abattement qui se manifestent en brusques exaltations et en visions. Une nuit, non loin de la Mecque, Saint Gabriel lui apparaît. Il lui montre un livre, la « mère des livres », prototype de tous les livres révélés, mais Mahomet n'arrive pas à lire ou ne sait pas lire. Alors, il sent que le Livre du Ciel descend en lui. Dans les états de transe, il en reçoit fragment par fragment, que ses fidèles retiennent par cœur avant de les transcrire aussitôt sur tout ce qu'ils peuvent (planchette, pierres plates, écorces de palmiers, omoplates de mouton). Les beau-pères de Mohammed, Abou Bakh et Omar, feront rassembler tout ce qui a été écrit et tout ce que ses compagnons ont retenu. Ce sera le Coran.


Mahomet finit par sortir de ses crises en étant convaincu d'être porteur d'une nouvelle révélation divine, déjà parvenue aux juifs et aux chrétiens, qu'il a pour mission de communiquer aux arabes et en arabe. Il prêche la nécessité pour les arabes d'adhérer au monothéisme, de croire en un Dieu unique, connu désormais sous le nom d'Allah en arabe. Après la série des prophètes, depuis Adam jusqu'à Jésus, Dieu leur a enfin envoyé un prophète arabe en sa personne.

Il se met donc à prêcher, d'abord à ses proches, sa femme, son gendre Ali, ses amis Abou Bakr, Oman, Othmân, qu'il réussit à convaincre, puis à sa famille et à sa tribu avant de parler publiquement à La Mecque. Moqué par les uns, honni par les autres, il finit par quitter sa ville natale, en 622, Yathrib, cité caravanière rivale de la Mecque. Cette date correspond au point de départ de l'ère musulmane, l'hégire.

Pour marquer le rôle donné à la ville d'Yathrib, elle sera désormais connue sous le nom de Madînat an-Nabî ou Al-Madîna, c'est-à-dire Médine, « la Ville du Prophète ». Elle deviendra en effet le centre de propagande religieuse et du gouvernement islamique. A Yathrib, une nouvelle communauté naît et se développe. Mahomet l'organise de manière théocratique en dehors de l'organisation tribale traditionnelle. Il en devient le pontife comme le chef qui règle la vie quotidienne. Parallèlement, il élabore sa doctrine religieuse. Sa puissance grandit.

Mais, Mahomet rencontre de nombreuses résistances. Les Mecquois l'accusent d'être « madjûn », c'est-à-dire possédé par un djinn. Sa doctrine s'oppose aussi à leurs intérêts commerciaux. Les deux camps s'affrontent. Mahomet attaque et pille leurs caravanes, les Mecquois ripostent...

Les chrétiens et les juifs refusent d'admettre sa mission prophétique. En outre, les juifs semblent soutenir les Mecquois. L'intransigeance juive marque fortement Mahomet au point qu'il décide, après une « révélation », de changer le rite de la prière. A l'origine tournée en direction de Jérusalem, elle doit désormais s'orienter vers la Kaaba et donc vers la Mecque. Kaaba devient la maison d'Allah, édifiée par Abraham, ancêtres des arabes et promoteur de la religion pure, comme celle des hanifs. Rapidement, Mahomet montre son indépendance envers les chrétiens et les juifs.


Comme les résistances sont fortes, Mahomet change de stratégie. Il abandonne la prédication au profit de la diplomatie et de la guerre. Après quelques luttes contre les Mecquois, il obtient, par la diplomatie et un mariage de circonstance, l'autorisation d'entrer à la Mecque en 629. Il écarte les grandes familles marchandes et s'empare de la ville. Il en devient le maître.

Mahomet ne semble pas se satisfaire de la situation. Il constitue des troupes, tend des embûches, mène des razzias au-delà de la péninsule arabe et revient, chargé de butins. Contre ses adversaires, il fait la guerre et parvient à unir les tribus de la péninsule arabe. Il lance même une expédition contre les Ghanassanides, mais sans succès. Le 8 juin 632, rentré à Médine, il y meurt. Fâtima, une de ses filles, est la seule de ses enfants à lui donner une postérité.

D'un lyrisme biblique, comparable aux anciens prophètes, Mahomet ressemble peu à ces derniers, surtout à la fin de sa vie. Il n'est ni un martyr, ni un ascète. Son harem contiendra jusqu'à neuf femmes, alors que sa doctrine le limite à quatre. Il se présente toujours comme un homme mortel et faillible. Il est aussi un chef politique qui légifère, s'occupe des intérêts matériels et dirige les campagnes militaires. Mahomet doit organiser simultanément et indissolublement la foi et la société...

Article suivant : la doctrine de l'Islam

mercredi 14 décembre 2011

Condamnation de l'Action française

L' Action française désignait à la fois un journal et un mouvement de pensée politique dont cette publication était l'organe. L'animateur de ce mouvement, qui était en même temps le directeur du journal, était Charles Maurras (1868-1952), « penseur profond, écrivain de première classe, dialecticien d'une puissance redoutable » (Daniel-Rops, Un Combat pour Dieu, IX). Son mouvement regroupait des monarchistes, des nostalgiques de l'Ancien Régime, des conservateurs et de nombreux catholiques... Mais, en 1926, Pie XI condamne l'Action française et des œuvres de Maurras.



En quoi la doctrine de l'Action française était condamnable pour l'Eglise ?

Il est difficile de connaître avec certitude les raisons de cette condamnation. Il n'existe aucun texte pontifical énumérant les erreurs de Maurras, mais un ensemble de discours et d'articles, fortement inspirés par le Saint Père. Nous pouvons aussi trouver de nombreux ouvrages contradictoires, « pour » ou « contre » la condamnation. L'autre difficulté est de prendre en compte l'évolution nécessaire et inéluctable des idées de Maurras. Jeune, Maurras est un antichrétien, vieux, nous pouvons en douter. Sans entrer dans un débat stérile et coûteux, nous exposerons simplement des idées maurrassiennes qui s'opposent à notre foi sans porter de jugement sur l'Action française et sur sa condamnation...

Sous les ordres d'un agnostique positiviste

Maurras était un agnostique et un positiviste, disciple d'Auguste Comte, un des maîtres de l'humanisme athée. Mais il n'embrassait pas toute sa philosophie, ne croyant en aucune philosophie. Selon les positivistes, l'homme, en tant qu'animal politique, est déterminé comme tous les êtres par les conditions physiques et biologiques où il se trouve. La morale n'a donc aucun rôle dans la politique. L'Eglise ne doit donc pas, non plus, intervenir dans la vie sociale, où l'homme est régi par une « physique des mœurs » et par des lois politiques intangibles. Mais, comment pouvons-nous comprendre que des catholiques sincères et profondément fidèles suivent un mouvement dirigé par un agnostique?

Une Eglise, une institution utile...

Cependant, selon Maurras, l'Eglise ne doit pas être éliminée dans l'ordre politique. Elle fait partie des réalités qui encadrent l'homme et l'aident à vivre. En tant qu'institution, l'Eglise catholique doit donc être défendue. Et il l'a défendue ardemment. C'est pourquoi Maurras fut considérée comme un grand défenseur de la foi. Mais, l'Eglise n'est vue que comme une institution, une religion d'ordre, vidée de sa substance spirituelle, dans une conception instrumentale et politique. Or, elle n'est pas faite pour organiser la société mais pour sauver les âmes ! Cette notion purement naturelle de l'Eglise ne doit pas nous surprendre puisque Maurras est profondément agnostique.

Un catholicisme déchristianisé...

Maurras s'en est pris souvent à la Bible et au monothéisme. Tout cela lui paraît dangereux parce que l'appel direct à Dieu légitime et nourrit la rébellion contre les intérêts généraux. Il oppose le « Christ hébreu », semeur d'anarchie, à la tradition de l'Eglise qui a su « tronquer, refondre, transformer les turbulentes écritures orientales pour en faire un système d'ordre capable de traverser les siècles ». Il oppose aux « quatre Juifs obscurs » qui ont écrit les Evangiles, « ce cortège savant des conciles, des papes et de tous les grands hommes de l'élite moderne ». L''Eglise a heureusement organisé l'idée de Dieu, ne laissant sa parole que contrôlée par une autorité. Nous retrouvons l'idée d'ordre. Selon toujours Maurras, le privilège attribué au catholicisme n'est pas fondé sur le vrai mais sur le bien. L'institution prime donc sur la foi, le bien sur le vrai. C'était « déchristianiser le catholicisme » (Mgr Ricard, évêque de Nice).

Un nationalisme exagéré

Selon le nationalisme professé par Maurras, les intérêts de la nation passent avant ceux de l'individu et de tout autre communauté. « La nation passe avant tous les groupes de la nation. La défense du tout s'impose aux parties. Dans l'ordre des réalités, il y a d'abord les nations. » (Maurras, Mes idées politiques). La nation devient une finalité. Pour son bien, il faut dépasser les vaines disputes, comme celles de la vérité. « Il faudra […] quitter la dispute du Vrai et du Beau pour la connaissance de l'humble Bien positif ». L'idée de nation est au-dessus des confessions religieuses...

Maurras soumet donc l'homme à la société, le Français à la France. Il exalte les valeurs nationales au détriment de toutes autres. La notion chrétien de « bien commun » est radicalement niée par le « nationalisme intégral » qu'il professe. Il ne pouvait avoir dans l'ordre international des intérêts supérieurs à ceux de la nation même. Il s'oppose au christianisme qui demeure trop universel à son goût.

Catholicisme par opportunisme ou par conviction ?

Que peut donc rechercher Maurras et ses disciples dans le catholicisme ? Certainement un principe unifiant, facteur de continuité et révélateur d'identité. Ils revendiquent le catholicisme. Pour eux, l'important n'est pas le contenu d'une foi, mais la religion prise comme structure d'ordre. Seul le catholicisme, par sa permanence, peut identifier le corps national, le rattacher aux lointaines origines de la France. Il est facteur d'unité par l'orthodoxie, la hiérarchie, l'influence qu'il exerce sur les mœurs.
En outre, la grande majorité des nationalistes se sentent solidaires d'une institution, l'Eglise catholique, qui, au même titre que l'armée mais dans un autre ordre, assure la pérennité, la continuité d'une identité française, plongeant ses racines en deçà de la Révolution, dans une ancienne France peu à peu édifiée, policée, consolidée par la religion catholique.

Finalement, les idées maurrassiennes priment le politique sur la moral, évacuent le spirituelle dans le christianisme, déchristianisent le catholicisme et exaltent l'identité nationale au détriment de l'identité chrétienne. Pie IX ne pouvait donc admettre que des catholiques fussent associés à une entreprise si formellement antagoniste à ses principes.

mardi 13 décembre 2011

Porter un regard de foi


Deux pièces, Sur le concept du visage du Fils de Dieu" et Golgota Picnic, deux intentions bien différentes. L'une montre dans un manifeste philosophique une certaine conception de la compassion radicalement différente de celle du christianisme et propre à faire douter de Notre Seigneur Jésus-Christ. L'autre ironise, dénonce, attaque l'iconographie chrétienne qui, selon l'auteur, est l'image même de « la terreur et de la barbarie ».

Mais, les deux pièces présentent des caractéristiques identiques : utilisation d'images sacrées, spectacles déstructurants aux scènes choquantes et violentes, impudiques et insultantes, volonté de provoquer les spectateurs, sans oublier la misère comme centre de cet art qui n'en est point un.
Dans la première pièce, un visage du Christ peint par Antonello de Messina, peintre de la Renaissance, dans l'autre la musique épurée de Joseph Haydn. Cette présence du sacré demeure le point clé de ces pièces comme le signalent leurs auteurs. Mais dans la seconde pièce, les scènes évangéliques se multiplient explicitement : multiplication des pains, passion du Christ, crucifixion et linceul de Turin, tout cela dans une parfaite dérision. Des chefs d'œuvres sont ainsi amalgamés dans un insupportable spectacle. Le « fiel » et le « miel » se mélangent.

Ces pièces ont pour but de provoquer le spectateur pour le faire interroger dans le domaine spirituel. Car il s'agit bien d'agir dans ce domaine. Le pianiste qui joue dans la pièce Golgota ne se trompe pas quand il dit : « le spectateur, qui reste bouche bée, parvient aussi, à travers cet étonnement et ces chocs, à une interrogation spirituelle, à une réévaluation de la figure du Christ. ». La phrase qui conclue la pièce Sur le Concept est aussi explicite: « tu es ou non le berger ». Et les spectateurs ne sont pas dupes. A la fin du spectacle, ils s'interrogent effectivement... Les deux pièces tentent donc de « réévaluer » le Christ en prenant comme support, disons comme otage, l'art chrétien. Le spectateur est pris à partie et doit répondre...

Derrière ces abominations se trouve probablement une idée simple. L'auteur de Golgota, en critiquant la Sainte Ecriture, lance cette phrase : « toute doctrine est réprouvable, parce qu’elle s’acharne à vouloir nous sauver ». Et lui, veut-il être sauvé ? Dans le même entretien, il explique qu'il a eu peur de Dieu quand il était enfant, peur qui l'a conduit à apostasier. L'auteur italien parle plutôt de mystique, l'auteur argentin de silence, de monastère …

Au delà de ces pièces déstructurantes, il font apercevoir des âmes en révolte contre Dieu, animées d'une peur irascible ou d'une soif de spirituel impossible. Sans-doute pour répondre à cet effroi et à ce besoin, ils veulent apostropher les spectateurs, les atteindre et les faire réagir. Leurs questions religieuses ne peuvent pas être emmurées dans une vie privée. Elles doivent impliquer le public. Qu'ils ne disent plus désormais que la religion est affaire privée !


Certaines œuvres chrétiennes peuvent provoquer de la peur. Le Christ sur la croix peut légitimement horrifier un incroyant. Mais sous le regard de la foi, cette peur change de nature comme la souffrance n'a pas la même saveur.
Et de même, si une religion n'est ressentie que comme une succession d'interdits et de règles, dont la fin est d'éviter l'enfer, Dieu peut faire peur et cette peur détourner l'homme de Dieu. Mais, cet ensemble de règles ne constituent pas la vie chrétienne.
La peur peut naître enfin des violences et des injustices faites et revendiquées par des chrétiens ou des clercs, parfois au nom de Dieu. La confusion entre le maître et ses serviteurs est alors très rapides. Tels serviteurs, tel maître...

La réalité telle qu'elle peut apparaître change de nature sous le regard de la foi. La vérité et le beau peuvent alors émerger...

Que devons-nous faire ? Ou plutôt que devons-nous dire et démontrer à ces hommes ? Que leur regard est profondément réducteur, amer, enfermé ! Ils sont accablés par la peur qui alourdit la justice de Dieu et rend effroyable son silence. Ils jugent par ce regard de peur ! Que peut donner un tel regard ? De la laideur et des mensonges...

Leur guérison passe inévitablement par Dieu, et par un autre regard sur Dieu, sur l'homme et sur les choses de la vie. Et la misère comme la souffrance changeront alors de visage. Car Notre Seigneur a bien montré le vrai visage des choses. Il ne cesse de Le dévoiler pour ceux qui veulent bien L'entendre. Il a surtout révélé d'une manière admirable la miséricorde divine et l'amour de Dieu. Et l'art chrétien a su merveilleusement exprimé ces profondes vérités.

Alors, que faire ?! Avant tout, là où nous sommes, menons une vie profondément chrétienne, prudente et ouverte, joyeuse et ferme, équilibrée et juste, une vie rayonnante et humble. Vivons simplement comme nous croyons. Alors, nous pouvons faire cesser l'effroi qui règne dans certaines âmes ou du moins ne pas la favoriser. Puis, à l'image des Pères apostoliques, il faut défendre et expliquer, surtout par écrit et par l'art, ce qu'est réellement la vie selon la foi. Nous devons proposer un autre choix de vie à tous nos contemporains, sinon d'autres proposeront une autre voie, celle de l'islam par exemple.

Enfin, ultime leçon de ces pièces, sachons défendre et réveiller l'art chrétien ! Que les chrétiens eux-mêmes s'approprient de cet art, la connaissent et sachent la reconnaître pour le faire aimer et pour le défendre ! Or, nous pouvons hélas avouer notre ignorance dans ce domaine comme dans toute notre culture chrétienne. La civilisation chrétienne meurt car peut-être nous ne portons plus son héritage et nous ne l'enrichissons plus des dons que Dieu nous a accordés. Alors ceux qui ont des mains d'artistes et l'âme éprise de Dieu n'hésitent pas à se mettre à peindre, à écrire ou à chanter pour l'amour de Dieu ! Car par l'art, Dieu peut toucher les cœurs, y compris ceux qui demeurent fermés. Contre ces spectacles abominables pour l'âme, n'est-il pas temps de proposer un art profondément chrétien ? Ou peut-être ne sommes-nous plus capables d'en produire un ?



Quelles sont les méthodes de l'apologétique ?

Précédent article : qu'est-ce que l'apologétique ?

La foi implique un triple concours : le concours de l'intelligence, de la volonté et de la grâce. L'apologétique a pour rôle de conduire au seuil de la foi, de la rendre possible en démontrant qu'elle est raisonnable. Les preuves apportées doivent nous amener à deux jugements sur le fait de la révélation :
  • le jugement de crédibilité, qui consiste à juger que la révélation est croyable. Elle s'adresse à l'intelligence ;
  • le jugement de crédentité, c'est-à-dire que si elle est croyable, il y a l'obligation de croire. Elle atteint la volonté.
L'apologétique démonstrative traite de Dieu, de l'homme, et de leurs rapports.
Elle se divise en deux parties :
  • une partie philosophique qui étudie les préambules rationnelles de la foi : l'existence de Dieu, sa nature et son action, l'existence de l'âme humaine, une âme qui a pour propriété d'être spirituelle, libre et immortelle, et enfin les rapports qui s'ensuivent nécessairement ;
  • une partie historique qui aborde les questions de fait. L'apologiste doit prouver l'existence des révélations par les mêmes procédés qu'utilisent les historiens. Il s'agit de prouver l'origine divine de la religion chrétienne par des signes ou des critères qui emportent notre assentiment, inhérents ou non à la doctrine révélée. L'apologiste doit également montrer que l'Eglise catholique seule possède les marques de la vraie Eglise fondée par Jésus-Christ. La crédibilité du magistère divin de l'Eglise une fois admise, il ne reste plus qu'à écouter ses enseignements.
On pourrait ajouter une partie scientifique, qui, par des arguments scientifiques, montrerait la conformité de la révélation avec les sciences contre tous ses adversaires qui cherchent à opposer des vérités scientifiques aux vérités de foi.

L'apologétique démonstrative est indissociable à l'apologétique défensive, qui lui déblaie le terrain en réfutant les objections que lui opposent ses adversaires, soit dans la partie philosophique, soit dans la partie historique.

Nous pouvons distinguer les méthodes apologétiques selon le point de départ ou selon la nature des arguments.
Dans la méthode descendante, l'apologiste va de la cause à l'effet, de Dieu à ses œuvres. Dans la méthode ascendante, il suit l'ordre inverse : il va de l'effet à la cause, de l'œuvre à l'auteur.
Si les arguments sont pris en dehors de l'homme, la méthode est dite extrinsèque. La méthode intrinsèque, au contraire, part de l'homme pour s'élever jusqu'à Dieu. Le considérant au point de vue individuel et au point de vue social, elle montre combien la religion surnaturelle répond aux appels et aux besoins de son âme. La méthode d'immanence, une des méthodes intrinsèques, prend son point de départ dans la pensée et dans l'action de l'homme. Les aspirations internes et immanentes, qui sont au fond de notre être, démontrent que notre nature a besoin du surnaturel, du transcendant, du divin que nous offre la révélation chrétienne. Mais, ces méthodes présentent des limites et des dangers.

La méthode extrinsèque, poussée à l'extrême, tombe dans l'intellectualisme. En exagérant la part de l'esprit et la force de la raison, elle paraît détruire la liberté de la foi et risque de manquer son but. Nous ne consentirons à adhérer à la révélation chrétienne et à l'Eglise catholique que si elle correspond à nos aspirations. Une démonstration ne peut parvenir à cet effet. La méthode intrinsèque, si elle rabaisse trop la raison et accorde trop de place à la volonté et au sentiment dans la genèse de l'acte de foi, aboutit au subjectivisme et au fidéisme, et manque aussi son but. Il ne suffit pas de démontrer la conformité de la révélation chrétienne avec les aspirations du cœur humain. Les adversaires du Christ pourront toujours objecter que la religion catholique n'a pas plus de valeur que les autres religions.

Ainsi, l'apologétique classique réunit ces méthodes : d'abord préparer l'âme par la méthode intrinsèque ou d'immanence, puis prouver le fait de la révélation par la méthode extrinsèque.
Mais, faut-il avant tout permettre à l'âme de sortir de son sommeil dans lequel une société l'a plongée, sans la heurter et sans la brusquer. La bonne parole ou encore le bon témoignage doivent parvenir jusqu'à cette âme. Et c'est par ces moyens, avec l'aide de Dieu, que l'âme s'interrogera. Nous devons être naturellement des signes de contradictions bien vivants et fidèles à Notre Seigneur Jésus-Christ pour l'obliger à la sortir de son indifférence ou de son opposition. Nous devrons alors être présents et répondre efficacement à ces interrogations...

lundi 12 décembre 2011

Donnons une bonne image du chrétien ...


Devant un blasphème publique ou une œuvre injurieuse, comment devons-nous réagir ? La réaction la plus naturelle et la plus légitime serait de manifester son mécontentement dans les rues. Mais est-ce suffisant ? Non. Seule, elle risquerait en effet de nous renfermer davantage sur nous-mêmes et de nous emprisonner dans nos propres convictions. Certes, il faut savoir se mobiliser pour refuser l'inacceptable mais réduire nos actions à cela, c'est se tromper de chemin, voire se perdre...


Les premiers chrétiens vivaient dans un monde hostile, cruellement plus dur que la nôtre. Et pourtant, ils ont vaincu Rome ! Comment ont-ils réussi cette prouesse ? Ont-ils cherché à changer le régime politique ou à se battre dans l'arène du monde ? Non. Ont-ils pris les armes pour faire cesser les sacrilèges et briser les temples païens ? Non plus. Et pourtant, ils ont fait plié Rome ! D'où vient donc leur succès ?

Dans les épreuves, ils ont su vivre chrétiennement, se soutenant mutuellement et témoignant fermement de leur fidélité à Dieu, devant leurs bourreaux et des foules, souvent déroutés par leur patience et leur espérance. Des chrétiens ont aussi défendu leur foi et répondu aux attaques dont ils étaient l'objet tout en démontrant leur civisme et leur honnêteté. En un mot, ils vivaient dans le monde sans être du monde. Ils étaient des signes de contradictions. Quels furent les résultats ? L'image que les païens pouvaient avoir des chrétiens s'est considérablement améliorée. Leur âme était donc prête à les entendre...

Selon Saint Augustin, une religion se juge par ses représentations. Car l'homme se nourrit d'images. Et aujourd'hui, avons-nous une image susceptible d'attirer les hommes de bonne volonté ? …