" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mercredi 30 novembre 2011

Connaissance de l'Islam : la péninsule arabique avant Mahomet

La péninsule arabique avant Mahomet

Avant de présenter quelques critiques de l'islam, il est utile et nécessaire de décrire rapidement sa naissance, son développement et les éléments qui le constituent. En ce premier article, nous allons simplement décrire l'environnement dans lequel il a évolué, un environnement qui explique bien des traits de l'islam et ses premiers succès.

Byzance et Perse, deux puissants empires affaiblis

Au VIIème siècle, le Moyen Orient est le lieu de l'affrontement entre deux immenses empires, l'empire byzantin et l'empire perse, qui s'épuisent dans de nombreuses guerres (611-630). Le Nord de la péninsule arabique est un enjeu stratégique où ils interviennent constamment.
Deux grandes hérésies se sont répandues au Moyen-Orient, le nestorianisme et le monothélisme, condamnés respectivement en 431 (Concile d'Ephèse) et en 451 (Concile de Chalcédoine). Pourchassés par Byzance, des hérétiques se sont réfugiés dans l'empire perse avant de connaître de nouvelles persécutions. Le conflit devient violent entre les Byzantins et les monothélistes, notamment en Egypte et en Syrie. Pour des raisons fiscales et religieuses, le pouvoir byzantin finit par être détesté. L'empire byzantin est en outre en proie à des guerres civiles (602-610) qui provoquent des séditions dans l'administration.

Une péninsule arabique divisée

La péninsule arabique peut être divisée en deux parties :
  • le Nord, aux pluies rares qui expliquent la présence de steppes et d'un vaste désert de pierres et de sables, domaine des caravanes. On y trouve des tribus indépendantes, sous l'autorité d'un cheikh élu, qui s'affrontent régulièrement ;
  • le Sud, tourné vers l'Océan Indien, qui lui apporte de l'humidité par la mousson, propice à de riches cultures et à la sédentarisation dans les oasis du Hedjaz et surtout au Yémen. Se constituent des Etats éphémères, dont le célèbre royaume de Saba, avec une civilisation brillante et une société plus évoluée.
Mais, le Sud est tombé en décadence. Le Yémen connaîtra la domination éthiopienne puis perse jusqu'à la conquête musulmane. Ce déclin profite au Nord, et particulièrement à La Mecque.

La Mecque, une « république marchande »
Oligarchique et prospère, La Mecque peut jouer le rôle d'une capitale. Elle puise sa prospérité dans le commerce et les caravaniers, et dans un pèlerinage ancestral, qui conduit de nombreux païens vers la Kaaba.
Avec le déclin du Sud de l'Arabie, elle est devenue le centre de toutes les influences, vers laquelle converge les grandes routes commerciales. Les principales grandes familles sont les Qouraych, constitués de plusieurs clans, en particulier les Omayya et les Hachim.

Les nomades, des guerrières et des pillards
Les tribus nomades sont liées par des rapports de clientèles ou unies en puissantes confédérations guerrières. Elles s'adonnent aux razzias sur les oasis et sur les caravanes. Les relations entre les nomades guerriers, habitants du désert, et les sédentaires des oasis ou des villes, sont réglées par le rançonnage ou par un droit de protection. Les nomades font aussi des incursions sur les terres cultivées de basse Mésopotamie et de Syrie, bordant l'Arabie.  
Pour se protéger contre ces razzias, les byzantins et les perses ont mis en place une sorte de glacis protecteur en abandonnant leur défense à des tribus arabes : les Ghassanides, monophysites au service des Byzantins, et les Lakhmides, nestoriens au service des Perses, et tout cela en échange de subsides réguliers, de soutien militaire en armes et en chevaux, et de titres honorifiques. Néanmoins, des nomades pasteurs s'infiltrent et s'implantent progressivement sur la rive Ouest de l'Euphrate et sur les marges de la Syrie et de la Palestine.
Religion polythéiste
Un polythéisme frustre assigne à chaque tribu sa divinité propre, qui possède généralement un caractère astral, mais très mal individualisé. La Mecque honore Manât, la déesse du bonheur, Allât, la déesse du ciel, Alläh, un dieu créateur suprême. Ce dernier est loin d'avoir la première place dans ce panthéon même s'il prend de l'importance. Les Bédouins vénèrent essentiellement al'Ozzä, l'étoile du matin.
Le culte s'adresse à des arbres et surtout à des pierres sacrées, les bêtyles, dans lesquelles la divinité est censée résider. Ces pierres, ointes d'huiles et de parfums, recouvertes de tissus précieux et d'ex-voto, sont entourées d'un territoire saint où il est interdit de tuer un animal ou de pénétrer sans en préalablement purifié. La plus célèbre des pierres est la pierre noire, vénérée à La Mecque, enchâssée dans la Kaaba. Des idoles entourent le temple autour duquel s'accomplissent le rite essentiel du thawaf: le fidèle fait sept fois le tour dans le sens contraire aux aiguilles d'une montre. Les tribus redoutent les djinns innombrables qui inspirent devins et poètes, tourmentent les voyageurs et les malades.
Influences chrétiennes et juives
  
La péninsule arabique est pénétrée par les courants religieux qui agitent ces puissants voisins. Le christianisme est répandu notamment dans le Najran, qui a connu des martyrs en 523, et au Yémen. Les hérésies, dont le nestorianisme, ont aussi atteint l'Arabie.
La communauté juive est importante. Essentiellement composée de paysans et d'artisans, elle s'est surtout implantée dans les oasis du Hijâz. Elle vit au milieu de païens, pasteurs semi-sédentarisés ou citadins. Ces derniers assurent le trafic caravanier entre la Palestine, la Syrie, la Perse et l'Océan Indien, trafic d'où l'Arabie tire sa richesse.
Il ne faut pas non plus oublier les « hanifs », personnages assez mystérieux, qui semblent, selon le Coran et d'autres sources, de purs monothéistes, non juifs et non chrétiens, qui se rattachent à Abraham.


mardi 29 novembre 2011

La nation (3 ) : position du chrétien...

Précédent article : la naissance d'une nation...

Et nous, chrétiens ?

Et nous chrétiens, nous pouvons être un peu troublés par l'idée de la nation. Car elle s'oppose fortement à l'universalité de notre foi. Ce n'est pas un hasard si des nationalistes se sont opposés fortement à la valeur universelle du christianisme. L'apparition des nations a aussi marqué la fin de la chrétienté et compliqué la tâche des Papes. Parallèlement, parmi les dix commandements, nous avons le culte de la patrie.

Néanmoins, cette apparente contradiction ne doit pas nous inquiéter car la réponse est toujours identique à tous les problèmes que nous rencontrons. Il s'agit de mettre les bonnes priorités et donc de ne pas confondre la fin et les moyens.

L'Eglise est « totalement hostile à toute conception politique qui voit dans le pays ou l'Etat une fin ultime et se suffisant à elle-même » (Pie XI, 14 décembre 1925).

« Il semble qu'on popularise de nouveau cette notion de la Cité et de l'Etat qui est en contradiction formelle avec la doctrine catholique : une Cité ou un Etat qui est à lui-même sa dernière fin, un citoyen qui n'est ordonné qu'à la Cité, une cité à laquelle tout doit se rapporter et qui doit tout absorber » (Pie XI, 20 décembre 1926).

Mais, a-t-on le droit de se sacrifier pour la nation ? Nous pouvons décomposer cette difficile question par trois autres plus simples. Qui personnifie la nation puisqu'elle n'est qu'une idée, une construction imaginaire ? S'agit-il d'un régime politique, du chef de l'Etat, de l'Etat lui-même ou de la patrie ? Est-ce un sentiment exagéré qui pousse au sacrifice, la nation devenant un absolu, une fin en soi ? Quel est cet amour qui porte vers le sacrifice ?

Dans la Cité de Dieu, Saint Augustin emploi le terme de patrie pour désigner cette cité céleste, la seule véritable patrie du chrétien. Est-ce cet amour qui nous conduit au sacrifice ou un autre absolu qui n'est pas Dieu ? C'est au fond de la conscience qu'il faut chercher la réponse...

La nation est plus une perception, une construction imaginaire, qu'une réalité, douée d'une force émotionnelle incroyable et puissante. Elle sous-entend une conscience qui se forme, évolue et transforme l'homme, sa conscience et sa volonté. Elle doit donc nous interroger sur les connaissances et les valeurs qu'elle contient. Les valeurs que la nation véhicule sont-elles bonnes ? Coïncident-elles avec les valeurs chrétiennes ? En effet, puis-je appartenir à une nation qui porte des valeurs différentes à celles que j'adhère ? …

En clair, la question qui est derrière celle de l'idée de la nation, est celle de la civilisation...



La nation (2) : La naissance d'une nation ...

Entre identité collective et identité individuelle

L'homme est partagé entre deux nécessités naturelles : celle d'appartenir à une société et donc de se fondre dans une identité collective, et celle d'avoir une existence personnelle, d'avoir sa propre individualité. L'identité de l'homme se construit sur ces deux tendances : le nous et le moi.

L'une des identités peut dominer l'autre. La prédominance du moi a été favorisée par le cartésianisme, le protestantisme, le capitalisme et le romantisme. L'individualité est aujourd'hui fortement marquée au détriment de l'identité collective. Cette dernière est exaltée par le nationalisme, le fascisme, le communisme...

Une société en perte d'identité collective...

Depuis le XVIIème, la société française a connu lentement de profonds changements. La société agraire, fortement ancrée sur une petite communauté autonome et sur un territoire restreint, a disparu progressivement, en particulier par la centralisation de l'Etat et la construction d'un Etat moderne. La baisse de l'influence de la religion a également affaibli les liens de la communauté. La perception du territoire a aussi évolué par le développement des moyens de communication et par la fixation des frontières. La perception de la communauté s'est donc considérablement agrandie. L'identité collective, qui a perdu de la force au niveau local, se porte donc vers des horizons plus vastes.

L'Etat, moteur dans la construction d'une nouvelle identité collective...

Parallèlement à cette nouvelle communauté plus vaste, des hommes ont œuvré pour construire une conscience nationale, forte utile pour s'opposer à une autorité supranationale (Papauté, Empire), à un autre Etat, ou à des autorités locales. Contre la Papauté, les rois ont en effet cherché à affirmer une certaine «conscience nationale» (conciliarisme, gallicanisme). Des tentatives pour « nationaliser » les conciles ont échoué. Dès le XIVème siècle, les communautés monastiques se sont déchirées entre « nations ».

L'Etat a joué un grand rôle dans la constitution de la conscience nationale (langue obligatoire, unification de la loi, de la justice, etc). Si tous sont régis par les mêmes règles, la conscience d'appartenance à une même communauté ne peut que s'affirmer. La construction d'un Etat moderne conduit donc inévitablement à créer cette nouvelle identité collective.

Pour inculquer cette idée d'appartenance, l'Etat a, depuis le XIXème siècle, disposé de deux moyens plus efficaces : l'enseignement obligatoire, identique pour tous, et la conscription. Enfin, n'oublions pas les symboles forts qui la caractérisent : l'hymne national, le drapeau, les monuments aux morts, ...

Sans oublier les événements circonstanciels...

La guerre et l'occupation sont certainement les facteurs les plus importants dans la constitution de la conscience nationale. L'occupation française des terres allemandes au XIXème siècle a fait naître ou affermi la conscience germanique. L'identité française s'est forgée dans la boue et la misère des tranchés. La souffrance partagée forme inéluctablement une conscience au sein d'un groupe ou d'une communauté. Elle rapproche et solidifie les liens. Notre propre identité s'affirme face à l'autre. Je suis moi car je ne suis pas l'autre. L'identité collective se construit comme la nôtre. Mais je suis aussi moi car je prends conscience de mes propres qualités.

Et les intellectuels, formateur de la conscience collective...

La reconnaissance des « qualités nationales » est l'œuvre des intellectuels, comme nous le montre clairement le cas de l'Allemagne. Mais, l'œuvre des intellectuels va encore plus loin que cette reconnaissance. Certains n'hésitent pas à construire une « conscience » en donnant forme à ce qui n'est pas. C'est le cas des historiens qui ont voulu construire une histoire nationale. Ils ont tenté de raconter l'histoire d'une nation comme si elle était permanente, éternelle. Cette tendance concerne toutes les sciences (philologie, géographie, archéologie, etc.). Mais, l'histoire demeure probablement la science qui a le plus œuvré dans ce sens. C'est par ces historiens intéressés que s'est fixée une représentation de la nation. Mais, cette culture, née surtout au XIXème siècle, est aussi notre culture.

Sans négliger la conscience populaire...

Enfin, la conscience nationale se construit aussi par le bas. Phénomène captive, proche des effets de foule, elle est une mode d'expression sociale.

Ainsi, au moment où l'identité locale s'est estompée, il s'est formé une identité collective plus étendue, fortifiée par la volonté du pouvoir politique et des intellectuels, et par les circonstances, parfois cruelles. L'idée de la nation est le fruit d'un processus qui demeure inéluctable dans la constitution d'un Etat souverain et moderne. Elle est la marque de l'époque moderne, où l'homme n'est plus limité à son village, à sa région, où il a été déraciné de sa patrie. Elle montre enfin combien l'œuvre des intellectuels n'est pas innocent. Elle peut être fortement intéressée, œuvre de propagande qui nécessite un fort besoin d'esprit critique éclairé.


Prochain article : position des chrétiens ?...

dimanche 27 novembre 2011

La nation (1), quelle drôle d'idée?...

    Résumé d'une conférence (octobre 2011) 1ère partie

L'idée de la nation est au cœur de nos siècles, non seulement en France et en Europe mais également au Moyen Orient. Elle est encore très importante dans le monde intellectuel et ne laisse guère insensible le pouvoir politique. Il est pourtant difficile d'en fournir une définition claire et complète. Néanmoins, il est possible d'en donner quelques traits et d'en tirer des enseignements intéressants.

Qu'est-ce que la nation avant le XIXème siècle?

Le terme de « nation » provient de « nascere » dont le sens est naître. Il a désigné à Rome et au Moyen-Age un groupe d'hommes étrangers, ayant la même origine naturelle ou parlant la même langue (Université de Paris, Collège des quatre nations).. 

Dans certaines traductions françaises de la Vulgate, la Bible parle souvent de « nation ». Elle désigne les « gentes », d'où provient le terme de « gentils », terme qu'il faut entendre, dans le langage biblique, des peuples autres que celui d'Israël. 

         Diverses conceptions au XIX-XXème siècle
  • conception organique : la nation se fonde que sur des critères ethniques, biologiques, linguistiques ; 
  • conception filiale : la nation, une société naturelle dont l'appartenance ne s'explique que par la naissance, l'hérédité ; 
  • conception volontariste : la nation, une association de membres volontaires, soit libres d'y adhérer (conception constitutionnelle, révolutionnaire), soit un plébiscite de tous les jours (Ernest Renan) ; 
  • conception marxiste : la nation, un processus historique, une communauté disposant de caractères propres mais aussi de liens économiques.
Ces conceptions donnent à la nation soit une idée permanente, éternelle, et exclusive (conceptions organique et filiale), soit une idée mortelle et universelle (conception volontariste). Dans tous les cas, la nation prime sur toute autre communauté et surtout sur l'individu. 

Elles semblent être le fruit d'idéologies et ne prennent pas en compte la variété concrète des nations. L'idée de nation est très liée à une histoire vécue ou racontée, ou aux rôles politiques qu'ont a pu jouer des intellectuels et des hommes politiques. 

Pour essayer de mieux comprendre ce qu'est l'idée de la Nation, il serait intéressant de la distinguer avec des termes très proches, souvent confondus :
Nous allons désormais suivre un autre cheminement qui nous apportera d'autres éléments de réflexions. Comment peut se construire une Nation ? Deux exemples de constructions se présentent à nous, la France (construction déductive) et l'Allemagne (construction inductive). En France, l'Etat s'est construit lentement, de génération en génération, avant que n'apparaisse la nation française. En Allemagne, la nation a précédé l'Etat. La nation allemande est née durant l'occupation française au début XIXème siècle alors que l'Etat allemand a été fondé en 1870 à Versailles. Pour constituer une Nation, il faut avant tout une conscience nationale et cette conscience n'est pas innée. Elle est le résultat d'un processus complexe. 

Entre identité collective et identité individuelle

L'homme est partagé entre deux nécessités naturelles : celle d'appartenir à une société et donc de se fondre dans une identité collective, et celle d'avoir une existence personnelle, d'avoir sa propre individualité. L'identité de l'homme se construit sur ces deux tendances : le nous et le moi. 

L'une des identités peut dominer l'autre. La prédominance du moi a été favorisée par le cartésianisme, le protestantisme, le capitalisme et le romantisme. L'individualité est aujourd'hui fortement marquée au détriment de l'identité collective. Cette dernière est exaltée par le nationalisme, le fascisme, le communisme... 

Prochaine épisode : comment se construit une nation...

Etat-Nation : il existe des Etats avec de nombreuses nations et des nations réparties sur plusieurs Etats. L'idée d'Etat-Nation, une seule nation dans un seul Etat, conduit à une confusion et à la supériorité de la Nation sur l'Etat. La Nation dispose elle-même de la souveraineté et des prérogatives de l'Etat. L'Etat en est devenu comme l'organe de la Nation et non plus de la communauté qu'il représente. C'est désormais la Nation qui exprime cette représentativité.

Etat : entité politique et juridique durable, souverain sur un territoire précis, représentant une communauté indépendante, soumise à une autorité, et disposant de fonctions régaliennes, puis une organisation pour les assurer. C'est pourquoi aussi l'Etat peut faire des lois et les faire appliquer. La Nation n'est pas de nature politique ou juridique mais sociale, sans aucune existence juridique. 

Patrie : « la terre des pères », de nos ancêtres. C'est le patrimoine hérité et rassemblé de nos pères, comprenant aussi les valeurs qu'ils nous ont transmises par leurs exemples. C'est bien une chose concrète, parfois palpable. La Nation serait la communauté des héritiers de ce patrimoine et de ces valeurs. Elle regroupe et relie des générations. 

Prochain article : La naissance d'une nation...

samedi 26 novembre 2011

« Sur le concept du visage du Fils de Dieu » , un concept dangereux...


Un questionnement sur la souffrance, 
une réponse qui conduit à l'apostasie... 


Résumé de la pièce 
Devant le visage du Christ, un père incontinent est victime de diarrhées colossales. Le fils le lave ; le père s'excuse en pleurant ; le fils le console en riant. Mais à peine la nouvelle couche installée sur les fesses du père-enfant, la colique reprend. Le père pleure encore, le fils a le courage de rire encore. Ce courage, il ne l'aura plus à la troisième couche, s'effondrant après un instant de colère dans les bras de son père en pleurant à son tour. L'appartement n'est plus qu'un immense ramassis de merde. Le tout sous le regard du fils de Dieu : le fond du décor est constitué du portrait du Christ. Les yeux du Christ voient tout, scène et salle. Le fils court embrasser le visage du Christ tandis que le père a­sperge maintenant d'excréments tout l'appartement à l'aide d'un bidon géant. Sur la scène, à peu près débarrassée de ses éléments, débarquent des enfants de retour de l’école qui ôtent leurs cartables et, comme ils caillasseraient des oiseaux, balancent des grenades explosives sur le Christ. Au retour du silence, à la disparition des enfants, après un long temps, le visage du Christ dégouline d’un sang noir. Bientôt son visage se déforme et se déchire. Alors apparaissent en lettres d’or une phrase : « You are (not) my shepherd », (« Tu n’es pas mon berger »), avec le « not » qui clignote... 

Des scènes sont très choquantes pour un chrétien. Mais comme toute pièce conceptuelle, au-delà des images insultantes, il faut dévoiler les idées que veut exprimer l'auteur. Pour cela, il suffit parfois de l'entendre et de lire les critiques des hommes habitués à ce genre d'art. Les messages sont clairs :
  • tout montre l'abjection d'un monde, le nôtre, devant le regard impuissant du Christ : décor déshumanisant, aseptique, humiliation d'un homme devant des spectateurs, excréments omniprésents ; 
  • face à cette misère, un homme, le fils, possède tous les attributs du Christ (douceur, abnégation, pardon, amour). Il se remplit de bonté quand son père se décompose ; 
  • le père se vide et n'a plus rien, son honneur disparaissant sous les yeux des spectateurs. Quand le visage du Christ est imbibé de sang noir, il se lève pour la première fois et quitte la scène. Pourquoi ? ; 
  • quand les enfants jettent des jouets sous forme de grenades, se révoltant peut-être contre cette misère ou contre le Christ impuissant, au retour de l'école (après avoir reçu les « lumières » de la connaissance ?), l'auteur veut montrer une nouvelle passion du Christ par une autre injustice. Selon un critique, il s'agirait de la révolte des enfants de l'Humanité contre leur Créateur. La scène sera supprimée après les premières manifestations ; 
  • la fin s'achève avec le visage lacéré, des rayons lumineux le traversant. Comme le signale l'auteur, il s'agit de passer à travers le Christ, qui est un passage ; 
  • comme conclusion, la phrase « tu es mon berger » , le« not » qui clignote. Est-il ou non le berger ? 

Dans ce spectacle, l'homme a deux visages : soit il dispose des attributs du Christ, il est en quelque sorte divinisé, soit il est abominable, devant un Christ impuissant, qui ne fait que regarder. Tout cela dans une misère exécrable. Dieu y est cruellement absent. Tout est révolte dans cette pièce, devant un visage qui voit non seulement la pièce mais aussi les spectateurs, et les hommes. Ce visage interroge aussi le spectateur. La phrase qui achève la pièce est révélatrice. Il est ou il n'est pas le berger. Au spectateur de répondre à cette question … 

Le public est devant un spectacle déstructurant. Tous les sens sont en éveil et dans une parfaite disharmonie. S'agit-il encore de l'art ? Comment une âme peut-elle sortir indemne de ces coups répétés d'une violence inouïe ?... Et les enfants qui jouent un rôle de révoltés injustes, pourront-ils sortir indemnes de cette expérience ? 

La pièce est donc profondément religieuse et philosophique dans laquelle apparaissent des conceptions dangereuses pour la foi et le salut. Pièces déstructurante, sans aucune harmonie, confondant les genres, nous ne sommes pas devant une œuvre d'art, mais plutôt un manifeste à portée philosophique. Ce questionnement ne se veut pas blasphématoire selon l'auteur mais ne saurait légitimer les moyens disproportionnés utilisés. Dès lors, le questionnement devient une agression violente où tout le monde est pris en otage, où tout le monde est forcé à prendre position. Des interview de spectateurs montrent en effet que les spectateurs finissent par douter et par perdre leur foi... 

Que répondre ? Qu'il existe une autre manière de comprendre et de traiter la souffrance ! Manière parfaitement illustrée par Notre Seigneur et par ses saints. Qu'il existe une autre cité, celle de Dieu, qui ne se confond avec la cité terrestre! Le problème de la souffrance a été brillamment traité par Saint Augustin dans la Cité de Dieu. 

Et aux scènes insultantes, choquantes pour notre foi, au-delà de nos manifestations, il reste nos prières et nos sacrifices en réparation ! Prions aussi pour les spectateurs et pour tous ceux qui participent à cette pièce avant que le châtiment divin ne les frappe...


Prochain article : porter un regard de foi...

Nous sommes tous des "apologètes"

Tout chrétien est un « apologète » 

comme il demeure à jamais un apôtre...

Notre religion a toujours fait l'objet de critiques de la part de ses adversaires. Notre foi n'a pas cessé d'être attaquée, notre charité décriée et notre espérance raillée. Certains n'ont pas hésité à diffuser des mensonges éhontés et des calomnies injurieuses. 

Ces critiques ont toujours fait l'objet de réponses, souvent courageuses et efficaces, de la part des chrétiens. L'Eglise a ainsi pu se répandre en dépit de leurs attaques. Ce combat pour la foi et la vérité a aussi donné lieu à un meilleur approfondissement de la doctrine et de la vie chrétienne. 

Tout chrétien ne peut en effet se taire quand on attaque ce qu'il croît et ce qu'il aime comme il ne peut rester indiffèrent aux calomnies et aux diffamations. L'apostolat passe inévitablement par la dénonciation des erreurs et des mensonges qui atteignent son âme et l'Eglise. 

Mais nous ne pouvons dénoncer que ce que nous connaissons. Le combat passe donc d'abord par la connaissance de l'adversaire. En dévoilant l'ennemi, nous l'avons déjà presque vaincu. 

Les condamnations et les calomnies multiples à travers l'histoire ne sont guère nouvelles. Elles ne changent que dans la forme et dans les moyens utilisés. Les réponses, nous les avons déjà dans le trésor de l'Eglise. Le combat ne varie donc guère dans le fond mais doit évoluer et se renouveler sans cesse pour répondre efficacement aux attaques. 

Ce combat est dangereux pour le chrétien. Plusieurs dangers le menacent en effet. A force de voir son adversaire comme la personnification de l'erreur, il oublie qu'il est aussi son prochain à aimer et à convertir. Il ne s'agit pas de l'abattre et de le mépriser mais bien de condamner une erreur et d'éclairer les intelligences. La charité guide l'action. 

Il ne s'agit pas non plus d'attaquer pour le plaisir d'attaquer. L'action serait inutile si elle ne s'appuie pas sur Notre Seigneur Jésus-Christ. Il doit demeurer la source, le guide et la fin de toute action. 

Enfin, nous ne combattons pas seuls. Nous sommes enrôlés dans l'armée du Christ. Loyales et fidèles, sous les ordres d'un seul chef, nous luttons toujours dans les rangs de l'Eglise, fidèle à son enseignement. 










Émeraude, une oeuvre apologétique chrétienne

« L'erreur, en effet, n'a garde de se montrer telle qu'elle est, de peur que, ainsi mise à nu, elle ne soit reconnue ; mais s'ornant frauduleusement d'un vêtement de vraisemblance, elle fait en sorte de paraître – chose ridicule à dire – plus vraie que la vérité même, grâce à cette apparence extérieure, aux yeux des ignorants. Comme le disait, à propos de ces gens-là, un homme supérieur à nous : '' la pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? »
(Saint Irénée, Contre les Hérésies, Préface 2, Cerf, 2001) 


Des évènements récents montrent qu'en absence de réflexions et d'informations, des actions perdent de leur efficacité et peuvent paraître peu appropriées. Nous risquons aussi de participer à un combat qui peut ne pas être le nôtre. Ce journal a donc pour vocation d'essayer de donner quelques éléments de réponses aux erreurs et mensonges constatés afin de participer aux œuvres d'apostolat et à la conversion des âmes. Il suivra généralement trois axes d'étude :

- l'apologétique classique afin d'en puiser toutes ses richesses ;
- l'islam afin de mieux le combattre ;
- le nationalisme afin d'en déceler les erreurs et les dangers.

Sans oublier l'art blasphématoire et dangereux, et les soi-disant vérités scientifiques.



Qu'est-ce que l'apologétique?...


L'apologétique est la justification de la foi catholique et la défense savante du christianisme par l'exposé des raisons qui l'appuient.

Elle a un double objet : 

- la justification de la foi catholique (apologétique démonstrative) : elle démontre que la foi catholique est la seule vraie, qu'elle est objectivement vraie ; 

- la défense de la foi catholique (apologétique négative) : elle fait face à ses adversaires en répondant aux attaquants qu'elle rencontre.

En tant que démonstrative, elle vise le croyant pour le soutenir dans ses convictions. Elle atteint aussi l'indifférent et l'athée, le premier pour montrer que son indifférence, en matière aussi grave, est déraisonnable, le second pour le tirer de son incrédulité. L'apologétique veut les amener tous les deux à réfléchir, à étudier et à se convertir.

En tant que défensive, elle ne vise que ceux qui se dressent contre la religion catholique pour réfuter leurs préjugés et leurs objections. 

Source : Manuel de l'Apologétique de l'abbé Boulanger (1928).


Prochain article : Les méthodes apologétiques...