" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


lundi 29 février 2016

Émeraude, un essai apologétique chrétien



« Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme ; mon Dieu, en vous je me confie, je n’en rougirai pas. » (Psaume XXIV, 1-2)

Depuis Novembre 2011, nous avons publié dans notre blog de nombreux articles sur des thèmes divers, se rapportant au christianisme, à la Sainte Écriture, à l’évolutionnisme, à l’eugénisme, à la science, à des pensées philosophiques, à l’islam, … dans le but d’apporter des arguments pour la défense de la foi contre les attaques et les objections contemporaines de ses adversaires. Selon le principe de Saint Irénée, nous avons essayé de les décrire et de les comprendre pour pouvoir les réfuter ou du moins montrer leurs failles et leurs erreurs. 

Au cours de notre étude, nous avons souvent constaté que leurs argumentations ne sont guère nouvelles. La plupart d’entre elles proviennent déjà des auteurs païens du début de l’ère chrétienne. Certes, elles s’enrichissent de nouvelles connaissances et se voilent, parfois de manière scandaleuse, de l’autorité de la science mais au fond, elle présente les mêmes erreurs, les mêmes fautes qu’ont alors décrites, dénoncées, réfutées les défenseurs de la foi, notamment les Pères et les Docteurs de l’Église. C’est pourquoi la reprise de leur réfutation, avec l’adaptation nécessaire, suffit pour répondre à leurs objections. Mais faut-il encore puiser ce savoir dans le trésor de l’Église et de la culture chrétienne. Le but de notre blog est aussi de présenter cette richesse extraordinaire que nous connaissons malheureusement si peu et si mal, notre regard se bornant généralement à un savoir très restreint, voire simpliste et inadapté ... donc inefficace. 

Mais il est vrai aussi que notre foi fait l’objet de nouvelles objections ou rencontre de nouveaux obstacles. Les progrès de la connaissance et de la science soulèvent parfois des questions que les anciens défenseurs de la foi n’ont pas connues ou insuffisamment approfondies. Nous devons donc mener de nouvelles réflexions tout en demeurant fidèles à l’enseignement de l’Église. Le combat pour la foi n’est en effet jamais fini. S’il est indispensable, l’héritage chrétien ne suffit pas. À notre tour, nous devons l’enrichir selon nos capacités et le temps dont nous disposons. Les livres apologétiques du début du XXe siècle, intéressants et toujours utiles, demeurent aujourd’hui incomplets et insuffisants. De nos jours, peu de livres publiés sont satisfaisants. 

Nos intentions sont peut-être ambitieuses, voire prétentieuses, vaines ou chimériques. Mais un chrétien n’est-il pas un apôtre ? Ne devons-nous pas, selon les paroles de saint Paul, être capables de justifier notre foi ? Quels chrétiens serions-nous si nous étions incapables de répondre aux objections et aux questions des adversaires du christianisme ? Notre foi et notre charité auraient bien peu de valeur si nous restions silencieux et indifférents. Et quels que soient nos intentions et les effets concrets de nos articles, qu’ils soient lus ou non, nous constatons avec joie que notre travail nous a déjà porté beaucoup de fruits dans notre vie de chrétien, dans nos prières. Cela justifie déjà amplement notre travail.

Notre blog s’adresse donc à ceux qui veulent connaître et comprendre les erreurs et les objections des adversaires du christianisme afin qu’ils les combattent de leur mieux et qu’ils participent ainsi à la défense de la foi. Ils trouveront probablement des arguments dans nos articles. Ils pourront les approfondir. Notre blog s’adresse aussi ceux qui sont en quête de Dieu et de vérité, à ceux qui se posent des questions. Certes, nous ne proposons pas de présenter la doctrine chrétienne ou l’enseignement de l’Église, même si nous nous y référons, même si des articles les précisent sur certains points, mais nous proposons de répondre à certaines interrogations qui peuvent faire obstacle à leur cheminement. 

Pour aider nos lecteurs à approfondir nos articles et pour appuyer nos réflexions, nous nous efforçons de fournir les références de nos citations et des ouvrages que nous utilisons. Notre étude s’appuie sur la Sainte Écriture, sur des ouvrages incontournables, religieux, philosophiques, historiques, scientifiques, etc., sur des œuvres des Pères de l’Église, des documents officiels de l’Église catholique (encycliques, décrets, etc.), sur des documents universitaires, des mémoires, des thèses, sur des livres de qualité moindre, sur des articles de tout genre (revues spécialisées, journaux, etc.) et sur des sites Web. Nous essayons toujours de recouper nos informations afin d’être précis et exacts. Nos sources viennent aussi bien des défenseurs de la foi que de ses adversaires. Nous n’hésitons pas en effet à lire et à étudier les ouvrages de ceux qui attaquent le christianisme ou la religion en général. Nous essayons, dans la mesure du possible, de travailler directement sur ces livres, même si nous nous aidons souvent de commentaires et de critiques.

Cependant, nous savons que nos articles présentent de nombreux défauts que nous regrettons. Les erreurs d’orthographe, de grammaire sont nombreuses en dépit de nos efforts. Nous les corrigeons quand le temps nous le permet. Mais le temps, notre véritable ennemi, nous manque souvent pour  corriger tous les articles de manière satisfaisante. Notre effort est surtout porté sur les articles (au format pdf) qui sont téléchargeables via le blog. Nous savons aussi que notre blog n’est pas non plus satisfaisant, les services qu’il propose étant largement perfectibles. Quand le temps nous le permettra, nous développerons un site plus adapté. En attendant, nos efforts sont portés sur les articles eux-mêmes. Nous comptons donc énormément sur la compréhension et la bienveillance de nos lecteurs.

« Soyez donc les imitateurs de Dieu comme enfants bien-aimés ; et marchez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous en oblation à Dieu et en hostie de suave odeur […] Marchez comme des enfants de la lumière. Or le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité, examinant ce qui est agréable à Dieu. » (Épître aux Éphésiens, V, 1-10)

vendredi 19 février 2016

Le pluralisme religieux

Depuis les premières heures, le christianisme s’est développé dans un monde où se côtoyaient de nombreux cultes religieux différents.  Après sa victoire contre le paganisme, il a dominé une grande partie du monde, progressant dans toutes les directions. Au fil des siècles, il a planté la croix sur toutes les terres du globe, semant la bonne parole à tous les hommes sans distinction. À partir de Jérusalem, le peuple de Dieu s’est répandu sur toute la terre. Les prophètes l’ont prophétisé. Notre Seigneur Jésus-Christ l’a annoncé. Mais le christianisme ne s’est pas implanté dans une terre vierge. Au cours de son expansion, il a rencontré et découvert de nombreuses religions. Ces rencontres n’ont pas été sans heurt et sans difficulté. Il a été l’objet de nombreuses persécutions. Certains chrétiens ont à leur tour pu se transformer en persécuteurs, pensant imposer leur foi par les armes. Le christianisme vit dans un monde marqué par le pluralisme religieux.

Cette réalité religieuse, passée comme présente, a soulevé et soulève encore de graves questions dont certaines réponses ont pu affaiblir la foi de nombreux chrétiens et éloigner de l’autel des âmes autrefois croyantes. La coexistence de religions aussi variées pose nécessairement problème. Comment le christianisme peut-il prétendre être la véritable religion quand d’autres, parfois plus anciennes, défendent aussi le même privilège ? Des adversaires du christianisme ont insisté sur l’existence du multi confessionnalisme pour relativiser notre foi et donc pour la remettre en doute tout en élargissant leurs attaques sur l’idée même de religion.

Dans un passé encore récent, l’attitude des autorités de l’Église à l’égard du pluralisme religieux étaient plutôt claire. Elles défendaient fermement la position du christianisme avec des arguments souvent efficaces. Mais depuis plus de cinquante ans, elles sont plus difficiles à entendre, leurs attitudes complexes et incohérentes, voire intenables, explosives. Certaines d’entre elles, y compris les plus hautes, ont prêché et continuent de prêché le dialogue entre les religions, n’hésitant pas à abandonner les anciennes prétentions. Dans la société multiconfessionnelle, le Chrétien devait s’ouvrir à l’autre, affermir les points de rapprochement et oublier les différences. L’heure était et reste au dialogue et à l’ouverture, aux abandons…

Pendant que les portes des églises se sont ouvertes au dialogue et à la « tolérance », notre société a poursuivi allègrement son chemin vers des voies périlleuses : une société de consommation, où tout est bon à monnayer, y compris la chair et la vie ; une société de libres pensées, où l’idéologie dominante impose finalement ses directives ; un État tout-puissant et omniprésent, qui impose un laïcisme outrancier. Nous sommes aussi témoins aux pires sentiments et à un hédonisme exacerbé. École, famille, enfants, que de coups reçus depuis cinquante ans ! Parallèlement, délivrées de toute obstacle, sans entrave ni résistance, libres de se répandre, des religions se sont implantées dans les terres anciennement chrétiennes, des temples bouddhistes et des mosquées se sont ouverts. Le christianisme est devenu une parmi tant d’autres…

Depuis plus de cinquante ans, nous avons aussi connu une autre transformation plus profonde encore. Nous nous sommes véritablement ouverts à la diversité culturelle et à la rencontre des civilisations. Nous ne connaissons plus de véritables frontières. Notre regard n’a en effet plus de limite, les distances n’entravent plus nos mouvements. Tout est presque à notre portée. Un véritable cosmopolitisme a gagné les esprits et les cœurs. La planète est devenue un village où les religions, les sectes, les mouvements religieux se côtoient allégrement, certains étant plus prosélytes que d’autres, moins ouvertes également. N’oublions pas enfin l’Internet, extraordinaire invention, qui rend le virtuel plus vivant et attrayant que le réel, qui nous rend accessible une masse d’informations de tout genre, vraies ou fausses, utiles ou vaines, véritables chaires pour toutes organisations religieuses. En un mot, le pluralisme religieux n’a jamais été aussi plus visible et concret qu’aujourd’hui. La question qu’il soulève est donc encore plus virulente.

Or dans une telle situation, qu’est devenu le christianisme, notamment en France ? La situation est accablante. Lorsque certaines voix de l’Église prêchent un angélisme scandaleux et niais, ouvrant les portes aux autres religions et la livrant aux innovations les plus scandaleuses, les églises se vident. Elles ouvrent même ses portes à ceux qui veulent l’abandonner ! Que de paroles creuses et mièvres ! Que de ruptures, d’indignations et de colères ! Comment les fidèles peuvent-ils résister aux transformations que nous vivons depuis plus de cinquante ans ? Le christianisme est devenu inintelligible et inaudible dans un monde où les religions abondent et se font entendre, parfois avec violence…

Lorsque une religion est dominante dans une société, il est aisé pour elle de se maintenir au moins par conditionnement social et par éducation. Sa domination et sa prégnance peuvent facilement écarter les autres religions, notamment en les reléguant aux mensonges de l’histoire et à la perversion de la vérité. La situation est encore plus simple quand l’État la protège et la défende. Faute de place et de visibilité, le pluralisme religieux n’est donc pas un problème. Il a plutôt tendance à réconforter la religion dominante et a consolidé l’identité religieuse des croyants. Né dans une religion et ne connaissant qu’elle, le croyant n’a aucune raison pour la quitter et la remettre en question. La situation change lorsque la religion perd son influence et quand elle-même légitime les autres religions, notamment par des attitudes ambigües, voire scandaleuses. En se mettant à l’égal des autres religions tout en refusant la confrontation, elle livre sans défense les âmes en quête de Dieu ou doutant de leur foi au problème douloureux que soulève le pluralisme religieux …

Le pluralisme religieux a été et demeure encore une belle arme aux mains de certains adversaires du christianisme. En le comparant aux autres religions, en les confrontant, ils ont cherché à le relativiser et à le remettre en cause avant de dénigrer finalement la religion en elle-même. En soulignant le pluralisme des formes et des sentiments religieux, ils n’ont donc cessé de remettre en question la véracité de notre religion. L’œcuménisme déroutant que nous subissons depuis des années ne peut qu’accentuer cette idée de relativisme religieux. Seules les religions à la voix forte et vigoureuse peuvent y échapper. Selon les adversaires du christianisme, le pluralisme religieux n’est que la marque de l’erreur, du mensonge, de l’imagination …

Pendant des siècles, le christianisme a connu une situation de prédilection. La situation a probablement changé au XIXe siècle. Alors qu’il perdait lentement son influence, combattu par les États et les idéologies, la société s’est véritablement ouverte au pluralisme religieux. Ce n’est pas un hasard si au même moment s’est véritablement développée une nouvelle branche historique particulière, « l’histoire des religions » ou dit encore « la science des religions », la religion devenant véritablement un objet de science.

Toute religion est alors devenue objet de science et donc de diverses théories, chacune cherchant à lui appliquer les principes de la science afin notamment d’expliquer son origine et son développement.  On lui a trouvé des raisons historiques, sociales, psychologiques, psychiques, ... Ainsi a-t-on cherché à justifier le pluralisme religieux de manière naturelle. Considéré comme une religion parmi tant d’autres, le christianisme a également été justifié sans faire appel à aucune intervention divine.

Aujourd’hui, ces diverses théories, dont certaines ont perdu toute créance chez les spécialistes en dépit de sa prégnance encore forte dans l’opinion, sont redoutables pour notre foi. Elles nourrissent aussi l’œcuménisme déroutant que nous connaissons aujourd’hui comme elles minent les « dialogues religieux ». Mais surtout, elles favorisent et consolident l’idée que le christianisme n’est qu’une religion parmi tant d’autres, certes avec ses particularités, ses forces et ses faiblesses, mais une religion et non la religion.

Dans certains articles, nous avons déjà évoqué certaines de ces théories. Nous allons désormais approfondir cette « science » et nous attaquer au difficile problème du pluralisme religieux…

vendredi 12 février 2016

Les théories reniant la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ

Régulièrement, à la messe et dans nos prières, nous professons la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ. Après ses souffrances et sa crucifixion sous Ponce Pilate, après sa mort et son ensevelissement dans son sépulcre, le troisième jour, Il est ressuscité. Cet article de foi est essentiel, fondamental pour le christianisme. Il est omniprésent dans sa liturgie, sa spiritualité, son art. Tout nous rappelle cette vérité. Il est la base de notre foi. C’est pourquoi la fête de Pâques, jour où la Résurrection est solennellement célébrée, est au centre de l’année chrétienne. Sans la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, tout serait vain. Il est le véritable point discriminant entre le christianisme et toute autre religion. Ce n’est donc pas étonnant que ses adversaires ont toujours cherché à nier ce mystère ou à le relativiser. Après avoir décrit rapidement cette vérité de foi dans l’article précédent, nous allons désormais énumérer les arguments de ses adversaires.

Rappelons que la réalité historique de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ s’appuie sur deux faits : un tombeau vide et de nombreuses apparitions. Elle a été ensuite l’objet de la prédication constante de ses disciples et de l’Église. Évidemment, il ne peut y avoir de Résurrection s’Il n’a pas connu auparavant la mort et le tombeau. Enfin, il n’y a pas véritablement de Résurrection si le Ressuscité ne recouvre pas son corps. Tous ces aspects ont donc été l’objet de nombreuses attaques.

Une mort apparente

Selon la position commune de l’islam, Notre Seigneur Jésus-Christ n’a été ni crucifié ni tué [13] Au dernier moment, Dieu aurait utilisé un subterfuge pour déjouer le plan des Juifs. « [Nous les avons maudits] […] à cause de leur parole : Nous avons vraiment tué le Christ, Jésus, fils de Marie, le Messager d’Allah… Or, ils ne l’ont pas tué ni crucifié ; mais ce n’était qu’un faux semblant ! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l’incertitude : ils n’en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l’ont certainement pas tué »[1] Selon les interprétations, soit Notre Seigneur Jésus-Christ a demandé à l’un de ses disciples de Le remplacer, soit Dieu a fait en sorte qu’un sosie Lui a été substitué. La dernière hypothèse représente la thèse commune. 

Ces interprétations sont incohérentes et intolérables. Elles sont contraires à la personnalité de Notre Seigneur Jésus-Christ telle qu’elle est décrite dans l’islam lui-même. Elles semblent en effet entendre une duplicité de la part de Notre Seigneur Jésus-Christ. Comment en effet un « un prophète d’Allah » pourrait-il user d’un tel stratagème et mentir à ce point, n’hésitant pas à sacrifier un innocent à sa place ? De même, quel serait ce Dieu qui emploierait une telle ruse ? Nous sommes en pleine contradiction…

Il existe aussi une autre interprétation. « Les exégètes les plus anciens, depuis Hallâj jusqu’à Ghazali, n’ont jamais songé à nier la crucifixion du Christ, attestée par le témoignage concordant des juifs et des chrétiens »[2]. Selon la traduction que nous utilisons[3], le Coran semble seulement nier la certitude de sa mort et s’opposerait à tous ceux qui la professent. Mais, notons encore que « la plupart des commentateurs du [Coran] déduisent que ce n’est pas Jésus qui a été crucifié et qui est mort mais un sosie qui lui aurait été substitué. »[4]

Sans aller jusqu’à l’hypothèse d’une ruse de Dieu, au XIXe siècle, Gottlob Paulus émet à son tour l’idée que Notre Seigneur Jésus-Christ ne serait pas mort sur la Croix. Il aurait eu une syncope et Il se serait réveillé quelques jours plus tard avant de mourir définitivement. Cette idée sera combattue, y compris par les critiques les plus radicaux.



Le corps de Notre Seigneur aurait été enlevé

Les premières attaques contre la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ proviennent naturellement des Juifs. Selon Saint Matthieu, le Sanhédrin a corrompu les gardes du sépulcre pour faire croire que le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ a été volé par ses disciples. Les princes des prêtres, « s’étant réunis avec les anciens, et ayant tenu conseil, donnèrent une grosse somme d’argent aux soldats, disant : dites : ses disciples sont venus de nuit et l’ont enlevé, pendant que nous dormions. Et si le gouvernement l’apprend, nous le persuaderont, nous vous mettrons en sûreté. » (Matth., XXVIII, 12-14) Mais comme le dira Saint Augustin, si les gardes veillaient, comment l’ont-ils permis et s’ils dormaient, comment l’ont-ils su ? Les Juifs accusent les Chrétiens d'avoir volé le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ.

L’idée du vol du corps de Notre Seigneur Jésus-Christ est reprise dans l’argumentation juive. Au IIe siècle, Saint Justin en parle dans son œuvre Dialogue avec Tryphon. « Or, non seulement vous ne vous êtes pas repentis, après avoir appris qu'il était ressuscité des morts, mais, comme je l'ai déjà dit, vous avez choisi, en les élisant, des hommes qui furent envoyés par toute la terre habitée. Ils proclamaient qu'une hérésie qui détourne de Dieu et de la Loi avait été suscitée par la séduction d'un certain Jésus, Galiléen ; quand nous l'eûmes crucifié, disaient-ils, ses disciples le dérobèrent, pendant la nuit, du tombeau dans lequel il avait été placé après avoir été décloué de la Croix : et ils égarent les hommes en affirmant qu'il est réveillé des morts et monté au ciel. »[5]

L’idée d’un enlèvement du corps de Notre Seigneur Jésus-Christ par ses disciples expliquerait ainsi sa disparition au saint sépulcre. Cela signifie surtout que les Juifs ont aussi constaté le tombeau vide le troisième jour après sa mort. Leur témoignage, surtout provenant de farouches adversaires, attestent de sa réalité historique. Mais en accusant les disciples d’une telle fourberie, les Juifs décrivent la Résurrection comme n’étant qu’un pur mensonge destiné à accréditer l’enseignement de leur maître. Par conséquent, ils considèrent les apparitions comme étant aussi des mensonges. Tout ne serait que finalement supercherie.

Cette idée réapparait au XVIIIème siècle. Reimarius accuse en effet des chrétiens d’avoir volé le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ et d’avoir inventé les apparitions. Enfin, au XXème siècle, Albert Réville, O. Holtzmann et Baldensperger affirment à leur tour que son corps a été enlevé, soit par les Juifs eux-mêmes, soit par ses disciples, soit encore par Joseph d’Arimathie.

Ainsi on cherche à expliquer par des raisons naturelles le fait que le tombeau ait été trouvé vide. Si une explication « raisonnable » parvient en effet à justifier ce fait, le reste devient alors explicable. Les apparitions ne seraient en effet soit des inventions, soit des illusions.

Les apparitions, des visions

L’idée d’un enlèvement du corps de Notre Seigneur Jésus-Christ est aussi reprise par les païens. Comme nous l’apprend Origène, Celse la reprend tout en la prolongeant afin de justifier les apparitions. Il veut « mettre les apparitions de Jésus au rang des visions, et ceux qui l'ont vu ressuscité au rang des visionnaires. »[6] Ce ne serait que pures fictions et illusions. Celse souligne notamment le fait que ce soit des femmes les premières à avoir annoncé sa résurrection. Or qui pourrait croire aux paroles des femmes ? Il ironise sur la qualité des témoins qui discrédite leur témoignage. « Vous dites qu'il ressuscita après sa mort, lui qui n'avait pu se garantir durant sa vie ; qu'il montra sur son corps les marques de son supplice, et dans ses mains les traces des clous. Mais qui les a vues ? C'est, si l'on vous en croit, une femme fanatique; je ne sais qui encore ; quelque autre de la même cabale ; soit qu'il ait pris ses songes pour des vérités, soit qu'ayant l'imagination prévenue, il ait formé lui-même l'objet de son illusion sur le plan de ses désirs, comme il est arrivé à une infini de personnes, soit enfin, ce qui est le plus probable qu'il ait voulu étonner les hommes par ce miracle supposé, et faire ainsi la planche à d'autres fourbes comme lui. » [7] Fanatiques, imaginatifs ou crapuleux, les témoins de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ ne méritent pas créance. Au XIXe siècle, on expliquera les apparitions en évoquant des phénomènes pathologiques.

Un mythe

David Frédéric Strauss affirme que la Résurrection n’est qu’un mythe élaboré sous l’influence des prophéties de l’Ancien Testament. À force d’attendre le Messie, des Juifs l’auraient finalement imaginé. Or, les Juifs n’attendaient pas la mort et la Résurrection de l'Envoyé de Dieu[8]. Le Messie est plutôt attendu comme un Seigneur écrasant les nations impies. Le malheur des Juifs est justement de ne pas avoir reconnu le Messie dans ses souffrances, dans sa mort et sa Résurrection. La thèse de Paulus est rapidement indéfendable.

D’autres évoqueront plutôt l’influence de l’Orient. Ils justifient leur thèse en comparant les mystères d’Osiris, d’Attis et d’Adonis avec le mystère de la Résurrection. Voltaire[9] avait déjà examiné les récits mythiques d’un dieu ressuscité. Mais cette thèse abuse des comparaisons historico-religieuses et ne sont que de pures affirmations sans fondement.

Les récits évangéliques et mythiques ne sont pas en effet comparables[10] lorsqu’ils sont étudiés avec sérieux et sans idées préconçues. Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas un dieu qui doit affronter d’autres dieux et qui parvient, après des déboires, à réintégrer le monde des dieux. Les événements que décrivent les Évangiles sont bien inscrits dans le temps et dans le monde des hommes. Ils sont en outre l’objet de témoignages historiques et circonstanciés. Le sens même des récits évangéliques et mythiques est radicalement différent. « L’idée que le dieu meurt pour conduire ses fidèles à la vie éternelle n’existe dans aucune religion hellénique à mystères. […] La mort du dieu n’est pas un sacrifice expiatoire. Ce n’est pas elle qui procure le salut. » En outre, « la carrière des demi-dieux « morts et ressuscités » ne comporte […] ni passion, ni résurrection, au sens reçu des mots. Brisée par un accident tragique et involontaire, elle est suivie d’un redressement durable : là s’arrête l’analogie ; dès que l’on veut en presser l’un ou l’autre terme, tout se dérobe. »[11] Enfin, n’oublions pas que les Évangiles sont écrits et diffusés moins de cinquante ans après les événements qu’ils relatent, temps nettement insuffisant pour créer un mythe.

Comment pouvons-nous alors expliquer l’attitude de véritables païens comme Celse et Porphyre ? Ils refusent en fait catégoriquement le christianisme car les récits évangéliques présentent une conception de Dieu radicalement différente de leur propre conception. S’ils veulent une Résurrection, ils la veulent grandiose, extraordinaire, éclatante devant les grands de ce monde. Ils veulent une apothéose.

Toutes ces thèses qui expliquent l’origine du récit par l’influence des religions orientales ou par l’imagination populaire ont toute la particularité de lire les Évangiles de manière superficielle ou de très haut. Leur lecture est guidée, orientée, biaisée par leurs thèses elles-mêmes. Nous sommes loin des exigences scientifiques et mêmes des exigences d’honnêteté que réclame la recherche de la vérité. En un mot, ce ne sont que des supercheries. Et pourtant, elles resurgissent régulièrement dans les nombreuses publications.

Un symbole

D’autres commentateurs voient dans le récit de la Résurrection non pas le fait historique mais le sens qui est possible d’y extraire. Certains renient la réalité historique, d’autres s’en moquent. Nous avons longuement décrit une de ces thèses dans nos articles relatives à Bultmann[12].

Les thèses insistant sur le symbolisme sont aussi reprises par certains catholiques afin de souligner davantage la vie immortelle de Notre Seigneur Jésus-Christ auprès de Dieu. Selon leurs discours, la Résurrection ne serait plus un fait historique incontestable mais une expression d’une réalité supérieure.

Pour justifier leur thèse, les auteurs insistent sur le fait en lui-même, sur la foi en la Résurrection, indépendamment de toute réalité historique au point de les vider de tout contenu. Or la nature a horreur du vide. Un concept vide n’est guère fiable. Ainsi faut-il nécessairement le remplir, au moins par nos pensées et notre imagination. Les témoignages historiques permettent justement de ne pas livrer notre foi à ce que nous voulons croire mais à ce que nous devons croire. L’important n’est pas en effet de croire mais de croire selon la volonté de Dieu, c’est-à-dire de saisir la connaissance de la volonté de Dieu. La foi doit se reposer sur la volonté de Dieu et non sur la nôtre. Elle vient justement de Dieu. Ce n’est pas un hasard si ces thèses proviennent du protestantisme où la notion de foi est si malmenée et tend à se confondre avec la confiance.

Le rejet de l’historicité de la Résurrection

Certains experts confirment la réalité historique du tombeau vide et des apparitions de Notre Seigneur Jésus-Christ, rejetant ainsi toutes les thèses de fraude, de mort apparente, de mythes mais pour affirmer aussitôt que la raison est incapable de confirmer ou non l’hypothèse de la Résurrection. Devant l’échec des rationalistes à la justifier, ils en viennent en effet à rejeter toute rationalité, toute possibilité de preuves conformes aux normes de la recherche juridique et scientifique. Par conséquent, toujours selon leurs thèses, l’historien ne serait pas capable de déterminer si Notre Seigneur Jésus-Christ est réellement ressuscité. Il ne peut traiter que sur les causes de l’origine du christianisme et sur son évolution. Ce qui l’intéresse n’est donc pas le « Jésus de l’histoire » mais le « Jésus de la foi ». Nous sommes donc essentiellement et uniquement dans le domaine de l’irrationnel ou de la psychologie, c’est-à-dire sur l’expérience de la foi ou mystique. Prenons quelques exemples…

Selon la thèse de Geza Vermes, les Apôtres auraient reçu une telle expérience mystique de la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ, le jour de la Pentecôte, qu’ils ont été convaincus de sa Résurrection. Saint Paul a ensuite amplifié cette conviction.

Selon Michael Goulder, Saint Pierre aurait éprouvé un tel sentiment de culpabilité après sa trahison qu’il aurait eu une hallucination. En la faisant partager aux autres disciples, ces derniers ont fini à leur tour par avoir des expériences de Jésus ressuscité. Avec le temps, les Chrétiens auraient embelli les récits. Nous retrouverions cette « hallucination collective » dans la croyance aux objets volants non identifiés. En faisant référence davantage à la psychanalyse, Gerd Lüdemann développe aussi cette thèse.

Selon John Dominic Crossan, la « Résurrection » ne serait qu’une manière d’exprimer la présence du Royaume de Dieu ici-bas au cours de l’existence de Notre Seigneur Jésus-Christ ainsi qu’après sa mort. Seul Saint Paul aurait eu une hallucination. L’auteur refuse d’interpréter littéralement le récit évangélique.

Selon Pieter Craffert, la réalité de la Résurrection n’est pas la même que la nôtre. L’auteur se fonde sur deux idées : la multiplicité du réel et les influences de la culture dans notre perception du réel. Il existe une réalité objective au sens qu’elle est indépendante de son observateur, c’est-à-dire une réalité physique, déterminable et descriptible au sens scientifique, et une réalité subjective au sens où elle est dépendante de son observateur et de sa culture. La réalité subjective ne serait qu’un état de conscience. La Résurrection appartiendrait à la réalité subjective. C’est une réalité qui s’inscrit dans une vision et non dans un monde physique. Nous sentons dans cette thèse l’influence d’une interprétation de la physique quantique.

Des hypothèses biaisées et partielles

En conclusion, les hypothèses ne manquent pas pour expliquer la Résurrection. Elles sont toutes marquées par le rejet de son aspect surnaturel ou dit autrement par le refus d’y voir un miracle. Dieu ne pourrait en être la cause ou n’existe pas. C’est un principe qui pousse leurs auteurs à trouver des raisons justifiant une réalité, c’est-à-dire le fait que les Chrétiens croient en la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ.  

Ces hypothèses ont aussi la particularité d’expliquer certains aspects du récit évangélique sans cependant englober l’ensemble du récit. Les uns justifient le tombeau vide par une fraude mais demeurent impuissants à expliquer les apparitions, la théorie de la fraude étant bien faible pour expliquer la multitude des témoignages. Les autres insistent sur les hallucinations et les illusions pour justifier les apparitions mais une telle thèse ne permet pas d’expliquer le fait bien réel du tombeau vide. Il est aussi bien difficile de réunir dans une même cause la fraude et les hallucinations.

Des hypothèses qui ne mènent à rien

De manière systématique, ces hypothèses dénigrent la qualité des témoignages. Elles leur refusent leur objectivité ou encore toute crédibilité. Les témoins sont soit médiocres et fourbes, indignes de toute créance, soit l’objet d’une expérience de la foi et de désirs si intenses qu’ils auraient finis par croire réels ce que leur conscience ou subconscience leur aurait présenté.

Mais de telles affirmations sont faciles. Comment peuvent-ils en effet affirmer de telles choses ? S’il est vrai que des témoins peuvent mentir ou se tromper comme l’atteste notre propre expérience, il n’est guère honnête d’appliquer cette possibilité bien humaine au récit évangélique sans apporter des éléments de preuves historiques. En un mot, nous devons toujours rester sur le terrain de l’histoire. Sans preuve historique, tout cela n’est que pure hypothèse ou raisonnement subtil. Nous avons donc besoin de témoignages. Or ces thèses refusent ou relativisent la valeur de tout témoignage historique. Nous arrivons donc à une impasse. Leur hypothèse n’est donc pas acceptable.

Des hypothèses, de pures spéculations intellectuelles

Une dernière catégorie d’hypothèses consiste à ne plus traiter l’aspect historique de la Résurrection pour n’y voir qu’un mythe ou un symbole afin d’en extraire des concepts et des idées propres à nous aider dans notre existence concrète. Mais si la Résurrection se vide de tout contenu concret et justifié, qui nous garantit de la véracité de nos interprétations ? Qui peut nous assurer qu’elles correspondent à une réalité ? Elles pourraient être à leur tour le fruit d’une expérience de la foi, un moyen de réduire nos scrupules, une fraude ou un mensonge, ou enfin l’heureux résultat d’une manipulation ? Nous revenons alors aux critiques précédentes. Nouvelle impasse…

Impossibilité d’un développement du mythe

Comme le conviennent les experts, l’hypothèse du mythe n’est guère envisageable compte tenu de l’âge des documents découverts attestant la croyance de la Résurrection. Un mythe exige du temps pour se développer afin que les témoins directs ne puissent plus jouer leur rôle. Or ce temps manque cruellement dans le cas du christianisme. Et la forte structure de l’Église, très tôt mise en place, permet d’encadrer la transmission et l’enseignement du récit. Les conditions ne sont donc pas requises pour qu’un mythe se développe.

Des hypothèses hors sujet

La thèse symbolique butte sur un problème. Elle ne répond pas à une question fondamentale : la Résurrection a-t-elle eu lieu ? Refusant toute dimension historique, elle ne veut pas traiter de cette question. Mais ne pas vouloir apporter une réponse ne fait pas disparaître la question. Elle est encore bien actuelle et fondamentale. Car de notre réponse notre vie actuelle sera profondément impactée. N’oublions pas en effet les conséquences et les effets de la Résurrection.

Conclusions

En dépit de leur multitude et de leur apparente diversité, les attaques contre la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ sont plutôt faibles. Ce sont généralement de beaux discours qui abusent de notre ignorance et profitent de notre silence comme de la faiblesse de notre foi. Elles buttent rapidement sur des impasses et sur des contradictions. Malheureusement, à force d’être répétées sans échos contraires, elles conduisent aussi certaines âmes à douter de leur foi, voire à la rejeter.

Pour combattre ces erreurs, il est impératif de revenir à une double réalité, celle de l’histoire et celle de l’Église. Nous devons en effet refuser de nous engager sur des terrains qui manquent de fondement et de solidité. On nous entraîne facilement dans un monde spéculatif ou virtuel, où tout semble possible même l’absurde, un monde fait de concepts et de mots étourdissants, un monde poétique parfois qui nous enchante et nous ensorcelle. Or notre foi repose sur des faits bien concrets, ancrés dans le passé, enracinés dans le réel. Certes, nous n’oublions pas que la foi ne vient pas de nous et qu’elle porte sur des faits surnaturels. Le mystère de la Résurrection reste une vérité de foi donc indémontrable tout en étant raisonnable. Mais nous pouvons apporter des motifs de crédibilité la justifiant avec sérieux et rigueur. Faut-il au moins les connaître et les présenter afin que des âmes ne soient pas privées de lumières et ne tombent pas dans l’obscurité…



Notes et références
[1] Le noble Coran et la traduction en langue française de ses sens, Sourate IV, 155-157, trad. Hamidallah.
[2] Frère Bruno Bonnet-Eymard, article Le Coran, traduction et commentaire systématique, T. III : Sourate IV et Sourate V, édition de la CRC, 1997, dans Études théologiques et religieuses, Abbé Bernard Lucien, t. 71, 8.3.1.2, fasc., 1996, dans Apologétique, La crédibilité de la Révélation divine transmise aux hommes par Jésus-Christ, abbé B. Lucien.
[3] Le noble Coran et la traduction en langue française de ses sens, note 2, Sourate IV, 157, trad. Hamidallah.
[4] Maurice Glouton, Jésus, le Fils de Marie dans le Coran selon l’enseignement d’Ibn Arabî, Albouraq, 2006, dans Études théologiques et religieuses, Abbé Bernard Lucien, t. 71, 8.3.1.2
[5] Saint Justin, Dialogue avec Tryphon, 108, 1, vol. I, Philippe Bodichon.
[6] Origène, Contre Celse, livre premier.
[7] Origène, Contre Celse, livre premier.
[8] Voir Émeraude, avril 2015, article « L'idée du Messie au temps de Notre Jésus-Christ ». Les débats entre les Juifs et les Chrétiens, qui transparaissent dans le Dialogue avec Tryphon de Saint Justin, en sont aussi une confirmation. Voir les articles d’Émeraude, juillet 2015.
[9] Voir Voltaire, Dictionnaire philosophique.
[10] Voir Émeraude, janvier 2016, article « Les failles de la théorie mythique ».
[11] Léonce de Grandmaison, Jésus-Christ, sa personne, son message, ses preuves, II, 9èdition, Beauchesne, 1929, dans Apologétique, La crédibilité de la Révélation divine transmise aux hommes par Jésus-Christ, abbé B. Lucien.
[12] Voir Émeraude, décembre 2015, articles « Bultmann et la démythologisation » et « Contre Bultmann ».
[13] La croyance en la mort apparente de Notre Seigneur Jésus-Christ provient d'hérésies chrétiennes de tendance docétiste.

vendredi 5 février 2016

La Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ

Les prophéties et les miracles sont des arguments apologétiques incontestables. Les œuvres accomplies par Notre Seigneur Jésus-Christ prouvent la vérité de son témoignage. Ce sont des signes de la manifestation de la volonté divine ou encore de la réalisation d’un plan divin. Ils nous renvoient à un ordre surnaturel. Certes, notre foi ne prend pas sa source dans les prophéties et les miracles mais ce sont des motifs de crédibilité indéniables que nous ne pouvons pas négliger, notamment lorsque nous devons défendre la foi.

Nous attacher à la réalité historique

Cependant, comme nous l’avons constaté, ces arguments apologétiques sont souvent négligés, voire méprisés. La crainte d’être l’objet de dédain ou de sarcasme de la part du monde explique probablement cette attitude. Les pensées philosophiques contraires au christianisme n’y sont pas non plus étrangères. Les prophéties et les miracles sont ainsi considérés de manière générale comme anachroniques, dépassés, inutiles. Les oubliant consciemment ou non, les discours et les sermons n’insistent finalement que sur l’enseignement moral de Notre Seigneur Jésus-Christ ou sur le fait même de son événement, présenté le plus souvent sous un aspect symbolique ou psychologique. Ils ne cherchent même plus à prouver sa réalité historique. Ils ne songent qu’à montrer l’importance du message évangélique dans notre vie présente.

Or les prophéties et les miracles ont une importance essentielle pour le christianisme. Ce sont d’abord des faits historiques qui ont lieu dans un environnement précis et concret, indépendant de notre volonté. Le Chrétien ne vit pas dans un monde virtuel, fait de symboles ou de mythes, d’où il pourrait extraire des idées et des valeurs pour éclairer son chemin. On cherche plus aujourd’hui à donner du sens aux faits qu’à leur réalité même. Par les prophéties et les miracles, nous sommes bien ancrés dans la réalité, certes une réalité passée mais qui a bien existé et que nous ne pouvons pas effacer de l’Histoire. Ils sont indéniables et indépendants de nos pensées, de nos systèmes comme de nos rêveries. Nous ne pouvons pas dire ou agir comme s’ils n’avaient pas existé.

Séparer le vrai du faux

Et ces faits historiques, prophéties et miracles, présentent une caractéristique remarquable : ils séparent le christianisme de toute autre religion. Ils sont fondamentalement discriminants. Ils témoignent de la véracité du christianisme et par conséquent dénoncent la fausseté du paganisme, du judaïsme, de l’islam et de toutes formes de religiosité. Nous comprenons alors qu’ils sont bien inopportuns pour ceux qui prônent le « dialogue interreligieux » ou l’« œcuménisme » tel qu’il est présenté aujourd’hui. Ce n’est pas un hasard si la prédication des Apôtres ne cesse de revenir à ces faits. Les premiers défenseurs de la foi ont aussi insisté sur les événements miraculeux et prophétiques de Notre Seigneur Jésus-Christ. Car ce sont des signes qui ne trompent pas. Ils ont pour vocation de séparer le vrai du faux. Ils montrent de façon claire la présence de Dieu. Ainsi par les miracles et les prophéties, nous pouvons voir ce qui est de Dieu et ce qui est de l’homme.

Parmi les prophéties et les miracles, l’un se démarque nettement par sa force de discrimination. Il est même si essentiel que sans lui, notre foi serait vaine. Il s’agit de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Et si le Christ n’est point ressuscité, notre prédication est donc vaine et vaine est aussi votre foi ; nous nous trouvons même être de faux témoins à l’égard de Dieu, puisque nous rendons ce témoignage contre Dieu qu’il a ressuscité le Christ » (I. Cor., XV, 14-15). Notre foi s’appuie sur un témoignage et ce témoignage porte sur un fait passé et concret qui s’est bien réalisé à une époque précise. Notre foi s’appuie sur une réalité et non sur des concepts, des idées, des symboles. Nous croyons en Notre Seigneur Jésus-Christ qui est né, a souffert et est mort et ressuscité le troisième jour sous Ponce Pilate. D’ordre surnaturel, la Résurrection est un fait historique.

La Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, l’objet de nombreuses attaques

Depuis l’origine du christianisme, depuis que les premiers Apôtres ont témoigné de ce prodige, la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ a été et continue d’être la cible d’innombrables attaques. Aujourd’hui, le danger est peut-être plus subtil et dangereux en un temps où notre ignorance est grande, les confusions multiples.

De beaux penseurs parlent plus de la signification de la Résurrection que de sa réalité. Ils insistent plus sur le mystère proprement dit que sur l’événement, plus encore sur son action dans notre présent que sur sa réalité historique. Il n’est pas rare d’entendre que le récit évangélique qui témoigne de la Résurrection ne serait que l’expression de l’expérience de la foi des premières communautés chrétiennes. Selon cette thèse si en vogue de nos jours, les apparitions de Notre Seigneur Jésus-Christ ressuscité n’auraient eu lieu qu’en un sens subjectif et non en un sens objectif, portant sur un corps bien physique.

Ce sont ces attaques, anciennes et récentes, que nous devons identifier puis dénoncer et réfuter. Elles reprennent certaines thèses que nous avons déjà rencontrées lorsque nous avons étudié les prophéties et les miracles. Nous serons peut-être parfois dans l’obligation soit de nous répéter, soit de nous reporter à des articles anciens. Mais avant toute chose, rappelons le récit évangélique et l’enseignement de l’Église.

Notre Seigneur Jésus-Christ est mort sur la Croix et a été enseveli

Sous Ponce Pilate, Notre Seigneur Jésus-Christ est arrêté et condamné à mort. Après de multiples souffrances et abandonné par ses disciples, Il meurt sur la Croix. Un certain Joseph d’Arimathie demande à Pilate son corps. La demande est acceptée. « Ayant donc reçu le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul blanc ; et il le mit dans son sépulcre neuf qu’il avait fait tailler dans le roc. Ensuite, il roula une grande pierre à l’entrée du sépulcre, et s’en alla. » (Matth., XXVII, 59-60)

Sur demande du prince des prêtres et des pharisiens, Ponce Pilate leur commande de mettre des gardes auprès du sépulcre de peur que les disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ ne viennent dérober son corps pour dire ensuite qu’Il est ressuscité d’entre les morts car « ce séducteur a dit, lorsqu’il vivait encore : après trois jours je ressusciterai. » (Matth., XXVII, 63) Le sépulcre est donc scellé et gardé.

Notre Seigneur a prédit sa Résurrection

Effectivement, comme le rappellent le prince des prêtres et les pharisiens, Notre Seigneur Jésus-Christ a prédit sa résurrection à plusieurs reprises. Après avoir chassé les vendeurs du Temple, les Juifs Lui demandent quel signe Il donne de son autorité pour agir ainsi. « Par quel signe nous montres-tu que tu peux faire ces choses ? Jésus répondit et leur dit : Détruisez ce temple et je le relèverai en trois jours. » (Jean, II, 18-19) Les Juifs qui l’entendent pensent qu’Il parle du Temple de Jérusalem. Mais après la Résurrection, les disciples ont bien compris le sens de ses paroles. « Jésus parlait du temple de son corps. » (Jean, II, 21) Ces paroles seront reprises au cours de son procès. Des témoins les rapporteront pour L’accuser. « Nous l’avons entendu disant : je détruirai ce temple fait de main d’homme, et en trois jours, j’en rebâtirai un autre non fait de main d’homme. » (Marc, XIV, 58) Et plus tard sur la Croix, des passants se moquent de Notre Seigneur Jésus-Christ en Lui rappelant ce qu’Il a dit : « Ah ! Toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même ! » (Matth., XXVII, 40) Ses adversaires sont probablement les meilleurs garants de ses prophéties…

Dans un autre épisode, les scribes et les pharisiens demandent à Notre Seigneur Jésus-Christ de leur montrer un prodige. « Une génération méchante et adultère demande un miracle, et il ne lui sera donné que celui du prophète Jonas. Car comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. » (Matth., XII, 39-40)

Notre Seigneur Jésus-Christ annonce aussi à plusieurs reprises à des disciples qu’Il doit ressusciter. « Il commença en même temps à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffrit beaucoup ; qu’il fût rejeté des anciens, par le prince des prêtres et par les scribes ; qu’il fut mis à mort, et qu’après trois jours il ressuscitât. Et il en parlait ouvertement. » (Matt., VIII, 31-32)

Un tombeau vide…

Or le troisième jour, en allant voir le sépulcre, des femmes, Marie-Madeleine et une autre Marie, courent « avec crainte et avec une grande joie » (Matth., XXVIII, 8). Elles apprennent d’un ange que Notre Seigneur Jésus-Christ est ressuscité. Et en sortant du sépulcre, Il se présente à elle. Saint Luc et Saint Jean nous apprennent aussi que Saint Pierre, ne croyant pas aux femmes, court à son tour au sépulcre et le voit vide, des linges et le suaire posés à terre.

Des apparitions…

Notre Seigneur Jésus-Christ apparaît ensuite à plusieurs autres personnes et aux douze Apôtres avant d’être élevé dans le ciel. Les récits évangéliques comptent une douzaine d’apparitions faites à des individus ou à des groupes.

Dans ces apparitions, Notre Seigneur Jésus-Christ montre qu’Il est bien le même, en chair et en os. L’Église nous enseigne qu’Il « est ressuscité le troisième jour avec la chair avec laquelle Il était né, avait souffert et est mort »[1]. Les disciples ont en effet une expérience visible et palpable, fréquente du Seigneur, vivant d’une nouvelle vie, comme du même homme exactement qui, avant sa mort, avait conversé et vécu avec eux. Il n’apparaît pas en esprit. Sa Résurrection est bien réelle. À Saint Thomas l’incrédule, Notre Seigneur Jésus-Christ veut lui montrer la réalité de sa résurrection : « Mets ton doigt là, vois mes mains ; approche ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois pas incrédule, mais croyant » (Jean, XX, 27).

L’enseignement de l’Église

L’Église nous enseigne que Notre Seigneur Jésus-Christ est ressuscité par ses propres forces. « Relevé par sa puissance, Il a surgi du tombeau. »[2]. Son âme, « Il l’a reprise bientôt en vertu de sa force singulière et de sa puissance admirable. »[3] La Résurrection est accomplie par sa toute-puissance.

Toujours selon l’enseignement de l’Église, en s’appuyant sur les paroles de Saint Paul, le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ a changé d’état. Il est doué de qualités nouvelles. C’est un corps glorieux. Il possède quatre nouvelles qualités : l’incorruptibilité, l’agilité, la subtilité et la clarté. Il est désormais incapable de souffrir et de mourir. Il a la faculté de se déplacer avec la rapidité des esprits. Il a le pouvoir de pénétrer les corps les plus durs. Enfin, il est resplendissant comme le soleil.

Un témoignage évident

Lors de ses apparitions, Notre Seigneur Jésus-Christ présente sa Résurrection comme signe de sa mission et de son témoignage. Les prédictions de ce mystère ne sont donc pas accidentelles dans les Évangiles. « Voilà ce que je vous ai dit, lorsque j’étais encore avec vous ; qu’il fallait que fût accompli tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes. Alors il leur ouvrit l’esprit, pour qu’ils comprissent les Écritures ; et il leur dit : Il est ainsi écrit, et c’est ainsi qu’il fallait que le Christ souffrit, et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour » (Luc, XXIV, 45-46).

L’objet de la prédication apostolique

« Et les apôtres rendaient témoignage avec une grande force de la résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, et une grande grâce était en eux tous. » (Ac. Ap., IV, 33) La Résurrection est en effet l’objet de la prédication de tous les Apôtres. « Hommes d’Israël, écoutez ces paroles : Jésus de Nazareth, homme que Dieu a autorisé parmi vous par les miracles, les prodiges et les merveilles que Dieu a faits par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-même, cet homme qui, suivant le conseil arrêté et la prescience de Dieu, a été livré, vous l’avez fait mourir, le tourmentant par les mains des méchants, Dieu l’a ressuscité le délivrant des douleurs de l’enfer ; car il était impossible qu’il y fût retenu. »(Act. Ap., II, 22-24)

Ancien adversaire des Chrétiens, Saint Paul témoignera aussi de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, en particulier dans son Épître aux Corinthiens. Les Corinthiens se disputaient sur la question de la résurrection des morts. Pour démontrer ce dogme, Saint Paul le rapproche de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ pour montrer leur connexion. Nous aussi nous devons ressusciter des morts car notre chef, Notre Sauveur, a Lui-même montré la voie. La Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ est l’exemple et la garantie de la résurrection des morts. Saint Paul affirme qu’il a appris des Apôtres la mort, la sépulture, la résurrection et les apparitions de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il témoignera dans les Synagogues. « Dieu l’a ressuscité des morts le troisième jour, et pendant un grand nombre de jours il  a été vu de ceux qui étaient montés avec lui de Galilée à Jérusalem, et qui sont maintenant ses témoins de devant le peuple. » (Act. Ap., XIII, 30-31). Il le proclamera aussi au milieu des païens à l’Aréopage.

Une vérité incontestée

La Sainte Écriture est si claire sur la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ que les Pères de l’Église n’ont fait que transmettre cette vérité. Certains ont cependant cherché à en expliquer la raison, l’importance ou la cause. Ils ont aussi combattu ceux qui l’ont remise en question directement ou non.

La Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ est aussi clairement affirmée dans les professions de foi des premières communautés chrétienne avant qu’elle ne soit insérée dans le Symbole de foi défini par les Conciles. Le Credo de nos messes le souligne enfin. « Il fut crucifié pour nous sous Ponce Pilate : il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour suivant les Écritures. »

Très tôt, la piété chrétienne a exprimé cette vérité de foi sous forme de symbole comme celui du soleil qui après avoir vaincu les ténèbres de la nuit se lève le matin.

Enfin, contre les erreurs des modernistes[4], Saint Pie X a dû rappeler que la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ est un vrai fait historique.

Conséquences et effets de la Résurrection

La profession et la défense de la foi ne consistent pas uniquement à enseigner cet article fondamental de notre Credo. Il s’agit aussi de défendre ce que ce mystère représente et signifie. Il faut en effet expliquer ses conséquences ou ses effets. Car la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas un fait historique vain, sans impact sur l’homme et sur sa vie. Une mauvaise compréhension du mystère de la Résurrection implique inévitablement des erreurs graves et une mauvaise conduite. C’est pourquoi l’Église n’enseigne pas seulement le fait même de la Résurrection mais également sa réalité historique, ses raisons, son contenu et ses effets.

La Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ est d’abord un argument indéniable de sa divinité et par conséquent de la vérité absolue de son enseignement. Qui d’autre que Dieu est capable de prédire un tel prodige puis de l’accomplir ?

Comme nous le rappelle Saint Paul, la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ est aussi la cause de notre résurrection future, autre article de notre foi.

Enfin, comme Notre Seigneur Jésus-Christ est mort puis est ressuscité, nous devons être ensevelis pour renaître en Lui. Sans ce mystère, point de baptême et de vie nouvelle. Renier la Résurrection revient en fait à refuser d’y voir appliquer ses effets, c’est-à-dire rejeter la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ comme notre Sauveur. Elle entre pleinement dans le plan de la Rédemption.

Conclusion

La Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ et sa prédiction sont clairement contenues dans la Sainte Écriture et proposées par l’enseignement de l’Église comme vérité de foi depuis le début du christianisme et de manière continue. « Le troisième jour, il est ressuscité des morts », comme nous le confessons en récitant le Credo. C’est un article fondamental de notre foi. Les Apôtres et leurs successeurs, comme tous les Pères de l’Église et les fidèles, ont donc professé et professent clairement la Mort et la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ comme une vérité de foi indiscutable, fortement enracinée dans une réalité historique, sans lesquelles l’œuvre de la Rédemption n’aurait aucun sens, ni efficacité.



Notes et références

[1] Formule de foi, appelée « Fides Damasi », née probablement au Ve siècle, Denzinger  72.
[2] Canon 58, 2e Concile de Tolède, 675, Denzinger  539.
[3] Canon 13, Lettre du Pape Hormisdas à l’empereur Justin, 26 mars 521, Denzinger 369.
[4] Saint Pie X, décret Lamentabili et encyclique Pascendi.