" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mardi 25 octobre 2022

Sainte Marie, Mère de Dieu, "Theotokos"

Vers la fin de l’année 428, dans la magnifique église de Sainte-Sophie, les fidèles entendent prêcher un prêtre d’Antioche en présence du patriarche de Constantinople. Ils sont surpris de ses paroles qui les bouleversent. Ils se tournent alors vers leur patriarche et le pressent d’intervenir pour le désapprouver. Mais celui-ci le laisse poursuivre et comme le ton monte et que les chrétiens s’agitent, il leur promet une réponse pour Noël. Le jour venu, contre toute attente, il défend la doctrine du prêtre, et à son tour, il se met à prêcher le même discours, provoquant une véritable colère populaire. Puis, un jour, un rhéteur appelé Eusèbe finit par interrompre sa prédication et fort de l’appui populaire, il affiche sa contestation sur les portes de Sainte-Sophie. C’est ainsi que commence une histoire malheureuse qui provoquera la naissance d’une nouvelle hérésie, appelée nestorianisme du nom de son fondateur, Nestorius, patriarche de Constantinople.

L’affaire qui a secoué l’Église et l’a divise encore, où se mêlent des questions religieuses et politiques, est instructive pour notre étude sur le culte et la doctrine mariale. Bien que Sainte Marie ne soit pas directement au centre de cette crise, l’affaire illustre et explique son rôle et son importance en tant que Mère de Dieu. C’est pourquoi nous allons nous y attarder sans néanmoins la décrire sous tous ses aspects …

La remise en cause du titre de « Theotokos »

Que se passe-t-il dans la cité impériale pour provoquer tant de remous ? Dans sa prédication, le prêtre d’Antioche, Anastase, s’en prend aux chrétiens qui utilisent une expression pour vénérer Sainte Marie, celle de «Theotokos », que nous traduisons communément par « mère de Dieu », expression qu’il juge erronée et qui pourtant est très chère à la population.

Dans son explication, Nestorius réfute aussi le titre de « Theotokos », acceptant plutôt celui de « Theotokos », « celle qui a reçu de Dieu ». Son explication est simple. Écoutons-là : « Plusieurs d’entre vous souhaitent apprendre de moi-même s’il faut donner à la Vierge Marie le titre de Mère de Dieu ou celui de Mère de l’homme. Qu’ils écoutent ma réponse : dire que le Verbe divin, seconde personne de la Sainte Trinité, a une mère, n’est-ce pas justifier la folie des païens qui donnent des mères à leurs dieux ? Dieu, pur esprit, ne peut avoir été engendré par une femme ; la créature n’a pu engendrer le créateur. Non, Marie n’a point engendré Dieu par qui est venue la rédemption des hommes ; elle a enfanté l’homme dans lequel le Verbe s’est incarné, car le Verbe a pris chair dans un homme mortel ; lui-même n’est pas mort, il a ressuscité celui dans lequel Jésus s’est incarné. Jésus est cependant un Dieu pour moi car il renferme Dieu. J’adore le vase en raison de son contenu, le vêtement en raison de ce qu’il recouvre ; j’adore ce qui m’apparaît extérieurement, à cause du Dieu caché que je n’en sépare pas. »[1]

L’ancienneté du titre « Theotokos »

Papyrus du manuscrit grec
de la prière
‘sub tuum praesidium
’.

Pourtant, et c’est une des leçons que nous devons retenir, le titre de « Theotokos » est très antique. Contrairement à certains discours que nous pouvons entendre, il ne date pas du Ve siècle ou du concile d’Éphèse (431), qui le défend plutôt et le proclame solennellement. Nous pouvons déjà la trouver dans l’antienne mariale grecque Sub tuum praesidium, la plus ancienne que nous connaissons, et qui remonterait au IIIe siècle[2]. L’expression serait encore plus ancienne puisque Origène (v. 185- v.253) l’aurait utilisée comme nous l’apprend l’historien chrétien Socrate (380-450) : « Origène lui-même, dans le premier tome de ses commentaires sur l’Épître de l’Apôtre aux Romains, explique comment elle est appelée Mère de Dieu et examine cela largement. »[3]

D’autres sources plus sûres nous apprennent aussi qu’au IVe siècle, il était déjà en usage. Dans sa lutte contre l’arianisme, Saint Alexandre d’Alexandrie (v. 250-326) puis Saint Athanase (v.296-373) défendent dans leurs écrits le titre de « Theotokos » qu’ils attribuent à Sainte Marie. Nous pouvons alors penser que Sainte Marie était déjà vénérée sous ce titre avant le IVe siècle. D’autres Pères de l’Église l’ont aussi employée au point que Julien l’Apostat (v. 331-363) remarquait que « les chrétiens ne cessent pas d’appeler Marie Theotokos. »[4]

Finalement, comme l’affirme déjà au IVe siècle Sainte Grégoire de Nazianze (329-390), « si quelqu’un pense que Sainte Marie n’est pas Mère de Dieu, il est en-dehors de la divinité »[5]. Il écrit sans-doute contre Apollinaire (v.310-v.390), évêque de Laodicée et condamné pour hérésie. Ce dernier s’est approprié du titre et l’a interprété d’une manière à défendre sa doctrine erronée, nous montrant indirectement par là son usage ancien. Finalement, Jean, patriarche d’Antioche (429-442), peut naturellement affirmer à Nestorius que ce mot a été « composé, écrit, prononcé par de nombreux pères. »

Compte tenu de l’ancienneté du l’usage du titre de « Theotokos », nous pouvons comprendre l’agitation populaire quand le patriarche de Constantinople le remet en cause. Il attaque une dévotion ancienne, ancrée dans la piété chrétienne

Alors qu’Apollinaire utilise le titre de « Theotokos » comme argument pour défendre et justifier des idées condamnées, Nestorius le refuse en raison même de sa doctrine. Les deux hérésiarques sont en fait confrontés au même problème, celui du mystère de l’unité de Notre Seigneur Jésus-Christ ou tout simplement du mystère de l’Incarnation.

Le Verbe fait chair selon Apollinaire d’Antioche

Commençons par Apollinaire. Celui-ci veut défendre l’unité de Notre Seigneur Jésus-Christ, non au plan de la personne, mais au plan de la nature. Par sa nature, l’homme est composé d’un corps et d’une âme, cette dernière étant principe d’activité. De même, dans le Christ, il n’y a qu’un seul principe d’activité, le Verbe. Or, celui-ci ne peut être l’unique principe s’il y a déjà dans le Christ une âme raisonnable. Apollinaire en déduit alors que le Verbe lui-même est l’âme de la chair pour s’unir à elle en un seul être concret, une seule nature, « le même étant tout entier Dieu et tout entier homme ». Notre Seigneur Jésus-Christ est donc un, grâce à l’union naturelle du Verbe éternel et de la chair. « En enfantant la chair, c’est le Verbe que la Vierge enfanta depuis le début, et elle était mère de Dieu. »[6]

Or, selon son argumentation, ceux qui admettent les deux natures en Notre Seigneur Jésus-Christ, ils n’ont pas d’autre choix que d’affirmer deux fils, Fils de Dieu pour celui qui est descendu du ciel, et fils de l’homme pour celui qui est né de Sainte Marie. Par conséquent, il n’est plus possible pour eux d’affirmer que Sainte Marie est Mère de Dieu, ce qui est contraire à l’usage courant et à la piété populaire

La doctrine d’Apollinaire n’est guère satisfaisante puisqu’elle compromet le mystère de la Rédemption. En effet, en niant l’âme humaine de Notre Seigneur Jésus-Christ, il remet en cause le salut même de l’homme. Car « cela seul est sauvé qui est assumé »[7]. C’est justement parce qu’Il a sur lui toute notre humanité qu’Il peut la sauver et la diviniser. « Ce n’est pas le corps seul, mais l’âme aussi qui a été sauvée dans le Verbe »[8], nous rappelle Saint Athanase. Enfin, Apollinaire nie une réalité, celle de la nature humaine du Christ. « C’est méconnaître tout le réalisme concret de l’Évangile, oublier tout ce qu’il nous révèle de l’âme sainte, et du cœur humain de Jésus. »[9] Dans la Sainte Écriture, le terme « chair » désigne l’homme tout entier, corps et âme.

Soulignons, et c’est un fait permanent dans l’histoire de l’Église, les deux mystères que sont ceux de l’Incarnation et de la Rédemption sont intimement liés. La compromission de l’un conduit à celle de l’autre.

D’où vient alors l’erreur d’Apollinaire ? Il confond en fait deux concepts, celui de la nature et celui de la personne. Cherchant l’unité de personne, il en vient à vouloir l’unité de nature.

Les dangers d’une unité mal comprise

Nombreux sont ceux qui s’insurgent contre les erreurs d’Apollinaire et sa négation de l’âme du Christ, notamment Théodore (v. 350-428), évêque de Mopsueste en Cilicie. Celui-ci défend fermement la nature humaine de Notre Seigneur Jésus-Christ et la distingue nettement de sa nature divine. Mais à force de les distinguer et de les séparer, on risque de diviser et de séparer Notre Seigneur Jésus-Christ. À force aussi de souligner la réalité de sa nature humaine, on finit par la considérer comme une personne, revenant ainsi encore à une confusion entre les concepts de nature et de personne.

Si Théodore défend l’unité de Notre Seigneur Jésus-Christ, évitant toute confusion de nature et toute division de personne, il éprouve des difficultés pour l’expliquer, laissant entendre qu’elles se sont unies pour donner finalement le Christ, c’est-à-dire que celui-ci n’est pas identiquement l’unique Fils de Dieu. Il parle en effet de « conjonction ». « Unique est le Fils, à cause de la conjonction exacte des deux natures opérées par la volonté divine »[10]. C’est pourquoi Mopsueste refuse de dire clairement que Marie est Mère de Dieu : « quand on nous demande si Marie est mère d’un homme ou mère de Dieu, disons que pour nous, elle est l’une et l’autre, l’une par la nature des choses, l’autre par relation. Mère d’un homme, elle l’est pas nature, puisque c’est un homme qui en est sorti ; mère d’un Dieu, elle l’est, puisque Dieu était dans l’homme qu’elle a enfanté… »[11] Finalement, son discours reste clair : « c’est une folie de dire que Dieu est né d’une vierge… ce qui est né de Marie, c’est l’homme. »[12] Prêtre d’Antioche, Nestorius ne fait que finalement reprendre la doctrine de son maître poussée à l’extrême

Notre Seigneur Jésus-Christ, la conjonction de deux natures selon Nestorius

De quelle unité parle en effet Nestorius à propos de Notre Seigneur Jésus-Christ ? « Nous appelons Dieu le Christ selon la chair, à cause de la conjonction qu’il a avec le Dieu Verbe, mais nous savons que ce qui apparaît est un homme […] Gardons donc sans les confondre la conjonction des deux natures, confessons Dieu dans l’homme, vénérons l’homme adoré avec le Dieu tout puissant à cause de la divine conjonction. »[13] Est-ce une union purement psychologique ?

Comme Apollinaire, Nestorius confond nature et personne. Puisqu’il distingue les natures en Notre Seigneur Jésus-Christ, nature humaine et nature divine, il en vient à distinguer en Lui les personnes, personne humaine et personne divine, deux sujets autonomes. Quand il entend que Marie est mère de Dieu ou que Dieu a souffert, il comprend que Marie est la mère de la divinité ou que la nature divine a subi la passion et la mort, ce qui peut évidemment ne pas accepter.

Pour expliquer l’unité de Notre Seigneur Jésus-Christ, Nestorius utilise le terme de « prosopion ». Il parle de « la distinction des natures, quant à l’humanité et à la divinité, et leur conjonction en un seul prosopion »[14]. Le « prosopion » ne serait-il en fait que le terme et le résultat de la conjonction des deux natures et de l’union de deux natures existant d’abord séparément ? Distinguant si nettement le réalisme des deux natures, Nestorius ne parviens pas à les ramener une seule personne clairement conçue, mettant ainsi en péril l’unité du Christ. Il en vient alors à d’habiles distinctions, à des « exercices d’équilibre »[15], à des subtilités qui dépassent et heurtent le sentiment chrétien, qui ne veut point séparer dans le Christ l’homme et le Dieu, que traduit finalement le titre de « Theotokos ». Notre Seigneur Jésus-Christ est Notre Seigneur et Notre Dieu tout simplement. Mais si ce n’est pas Dieu qui a souffert pour nous sur la Croix, comment cette même Croix peut-elle nous sauver ?...

Il est dangereux de se heurter au sentiment du peuple chrétien. Par ses discours et ses affirmations malencontreuses, Nestorius déclenche un véritable scandale qui provoque des troubles et des agitations. Les incidents se multiplient. Un tract finit par accuser le patriarche Nestorius d’hérésie…

Le Verbe fait chair

Devant Nestorius, Proclus, évêque de Cyzaque, lui rappelle le mystère de l’Incarnation et exalte les grandeurs de Marie, « la sainte Mère de Dieu » : « Dieu a habité du sein de la Vierge […] Dieu est né d’une femme […] Le Christ n’est pas devenu Dieu au terme d’un progrès, mais il s’est fait homme, par miséricorde, comme nous le croyons. Nous ne prêchons pas un homme divinisé, mais un Dieu fait chair. »[16]

Saint Cyrille, évêque d’Alexandrie, précise l’expression « le Verbe fait chair » qu’utilise Saint Jean dans son premier chapitre de son évangile, c’est-à-dire son humanité complète, douée d’une âme raisonnable. « De même que le Verbe de Dieu le Père est parfait quant à la divinité, ainsi est-il parfait quant à l’humanité : il n’a pas pris un corps sans âme, mais bien un corps animé d’une âme raisonnable. » L’incarnation n’implique ni changement ni confusion dans le Verbe ou dans chacune des deux natures. Plus fidèle à la tradition, Saint Cyrille d’Alexandrie refuse toute explication qui semble compromettre cette union « ineffable et inexprimable ». En Notre Seigneur Jésus-Christ, il n’y a qu’une seule Personne, celle du Verbe qui s’est fait chair. « Nous n’appelons pas Christ séparément le Verbe de Dieu, ni séparément aussi un autre Christ né de la femme, mais nous ne connaissons qu’un seul Christ, le Verbe du Dieu Père avec sa propre chair. »[17] S’il est alors le même que le Verbe de Dieu, en hypostase, Sainte Marie, mère de Notre Seigneur Jésus-Christ, est alors mère du Verbe et mère de Dieu, Theotokos.

Dans une précédente lettre, Saint Cyrille est encore plus clair pour justifier le titre de « Theotokos » que les chrétiens attribuent à Sainte Marie. « Ce n’est pas un homme ordinaire qui a d’abord été engendré de la sainte Vierge et sur lequel ensuite le Verbe serait descendu, mais c’est pour avoir été uni à son humanité dès le sein même qu’il est dit avoir subi la génération charnelle, en tant qu’il s’est approprié la génération de sa propre chair […]. C’est ainsi que [les saints Pères] se sont enhardis à nommer la sainte Vierge Mère de Dieu, non que la nature du Verbe ou sa divinité ait reçu le début de son existence à partir de la Sainte Vierge, mais parce qu’a été engendré d’elle son saint corps auquel le Verbe s’est uni selon l’hypostase et pour cette raison est dit avoir été engendré selon la chair. »[18]

La maternité divine défendue et enseignée par l’Église

En 431, le concile d’Éphèse condamne finalement la doctrine de Nestorius, défendant le titre de « Theotokos » que les chrétiens attribuent à Sainte Marie.

En 451, le concile de Chalcédoine définit clairement le symbole de foi que nous devons professer : « nous enseignons tous unanimement que nous confessons un seul et même Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité, et le même parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme, [composé] d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité, et même consubstantiel à nous selon l’humanité, en tout semblable à nous hors le péché, avant les siècles engendré du Père selon la divinité, et aux derniers jours le même (engendré) pour nous et notre salut de la Vierge Marie, Mère de Dieu selon l’humanité. »[19]

En 680-681, Le IIIe concile de Constantinople répète cette profession de foi tout en la renforçant en précisant que la Sainte Vierge « est de plein droit et véritablement Mère de Dieu, selon l’humanité »[20].

Sainte Marie a vraiment enfanté et, par conséquent, elle est véritablement Mère comme toutes les autres mères le sont par suite de la conception et de l’enfantement, et elle a, au sens propre, enfanté Dieu, le Verbe ou la seconde Personne de la Trinité et non une nature humaine sans subsistance et pas davantage une nature humaine subsistant en elle-même. Sainte Marie n’a pas en effet enfanté une nature abstraite mais bien une Personne concrète, Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle n’est pas la cause de l’union de cette divine Personne avec la nature humaine, mais l’humanité formée d’elle et non pas du néant fut, dès le premier moment de son existence, unie au Verbe, et le Verbe, en tant que possesseur de la nature humaine, est né d’elle. « Dieu est né d’elle, non pas comme si la divinité du Verbe avait pris d’elle le principe de son Être, mais parce que Dieu, le Verbe même, qui, en dehors du temps et avant tout le temps, est né du Père et qui existe sans commencement et éternellement, ainsi que le Père et le Saint-Esprit, a, dans les derniers jours, à cause de notre salut, séjournée dans son sein et, sans changer, a pris chair en elle et est né. Car ce n’est pas simplement un Homme qu’enfanta la Sainte Vierge, mais un Dieu véritable, non pas un Dieu sans chair, mais le Dieu devenu chair. »[21]

Conclusions

Bien avant le IIIe siècle, les chrétiens vénéraient Sainte Marie sous le titre de Mère de Dieu. La crise que déclenche Nestorius en rejetant cette dévotion bien ancrée dans l’âme du peuple chrétien ne résulte pas d’une querelle de mots, d’une piété qu’il juge mal éclairée ou encore d’un affrontement de forte personnalité. Elle est due à une erreur sur le mystère de l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ et par conséquent sur celui de la Rédemption. Elle touche donc le cœur de la doctrine chrétienne. « C’est bien de l’incarnation qu’il s’agit en fait […]. La vraie piété envers Marie suppose en effet une théologie de l’incarnation. »[22] De nos jours, si des chrétiens refusent de nouveau ce titre ou le gardent uniquement par respect tout en le vidant de son véritable sens, ils révèlent indubitablement des erreurs dans le mystère de l’Incarnation…

Pour répondre aux erreurs de Nestorius, le concile d’Éphèse a justifié le fondement théologique de la dévotion chrétienne à la « Theotokos », fondement qui réside dans le mystère du Verbe incarné. Les Pères du concile n’ont donc pas craint de l’appeler « Mère de Dieu » et ont enseigné explicitement la maternité divinité de Sainte Marie en sa liaison avec le mystère de l’union hypostatique. Comme le rappelle encore le pape Pie XI [23], le dogme de la maternité divine de la Sainte Vierge est une conséquence nécessaire du dogme de l’Incarnation tel qu’il a été défini par l’Église. « Toute cette dispute sur la foi n’a été engagée que parce que nous étions fermement convaincu que la Sainte Vierge est Mère de Dieu. »[24]

Croyons-nous alors que la maternité divine n’est pas sans conséquence pour Sainte Marie ? Par cette maternité, elle a acquis une telle dignité et contracté des relations si intimes avec le Verbe fait chair, comme avec la divinité d’une manière générale, qu’on doit faire dériver de cette maternité tous ses privilèges de grâce et d’honneur. « Tout ce que Marie est, elle l’est par son Fils ; tout ce qu’elle a reçu, elle l’a reçu à cause de son Fils. C’est pourquoi « Mère de Dieu » est son titre d’honneur dogmatique le plus élevé, un titre auquel nulle autre créature ne peut atteindre. »[25]



Notes et références

[1] Marie, Mère de Dieu, Christian-Philippe Chanut, revu Tu es Petrus, n°31, 1993, calves.org, 9 février 2022.

[2] L’antienne a été retrouvée sur un papyrus égyptien, découvert en 1917. Il repose à l’université de Manchester. « Sous la protection de ta miséricorde, nous nous réfugions, ô Mère de Dieu ». Voir L’antienne mariale grecque la plus ancienne, P. F. Mercenier.

[3] Socrate, Histoire ecclésiastique, VII, 32, PG 67, 812 A.

[4] Voir Contre Julien, Saint Cyrille d’Alexandrie, I, 9.

[5] Saint Cyrille de Nazianze, Épitre 101, 16, Sources chrétiennes, 208.

[6] Apollinaire, De fide et incarnatione, 6.

[7] Saint Grégoire de Nazianze, Épître 107.

[8] Saint Athanase dans Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, P.-TH. Camelot.

[9] P.-TH. Camelot, Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, Introduction, Tome II de l’Histoire des conciles œcuméniques, publiée sous la direction e Gervais Dumeige, s.j., 1962.

[10] Théodore de Mopsueste, Homélie catéchétique, m, 10.

[11] Théodore de Mopsueste, De I’Incarnation, XV.

[12] Théodore de Mopsueste, Contre Apollinaire.

[13] Nestorius dans Socrate, Histoire ecclésiastique, VIII, 29, 32.

[14] Nestorius, deuxième lettre à Saint Cyrille d’Alexandrie dans Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, P.-TH. Camelot.

[15] Aman, Dictionnaire de théologie catholique, 11, 1, Paris, 1903.

[16] Proclus, PG65, 680.

[17] Saint Cyrille d’Alexandrie, Troisième lettre de Cyrille à Nestorius, novembre 430, PG 77,105-112, dans Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, P.-Th. Camelot, texte III.

[18] Saint Cyrille d’Alexandrie, Deuxième lettre de Cyrille à Nestorius, 22 juin 431, lue au concile d’Éphèse (431), et approuvé par lui, Denzinger 251.

[19] Concile de Chalcédoine, Profession de foi de Chalcédoine, 5ème session, 22 octobre 451, Denzinger 301.

[20] IIIe concile de Constantinople, 18e session, 16 septembre 681, Denzinger 555.

[21] Saint Jean Chrysostome, De la foi orthodoxe, III, 12.

[22] P.-TH. Camelot, Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, chapitre II.

[23] Voir encyclique Lux veritatis, Pie XI, 25 décembre 1931.

[24] Saint Cyrille, PG 77, 172-181.

[25] Mgr Bernard Bartmann, Précis de théologie dogmatique, Tome I, Appendice, §110, 5ème édition, éditions Salvator, 1944.

dimanche 2 octobre 2022

Sainte Marie dans la Sainte Écriture

Les différents mouvements protestants s’opposent au culte marial et à la doctrine qu’enseigne l’Église sur Sainte Marie au point que leur opposition les distingue des catholiques et les identifie clairement. Avec force et une rare unanimité, ils refusent la place qu’elle occupe dans l’Église et sa doctrine, place qu’ils jugent excessive, inutile et dangereuse[1]. Pour justifier leur position, ils s’appuient notamment sur la Sainte Écriture et sur leur principe qui leur est cher[2]. C’est pourquoi nous allons justement nous pencher sur les textes sacrés pour entendre ce qu’elle nous révèle sur Sainte Marie.


L’Annonciation

Ouvrons donc les Évangiles pour y chercher la sainte Vierge. La première image qui s’impose, celle que tant d’artistes ont immortalisée, est celle d’une jeune fille « pleine de grâce » que l’ange salue et qui va murmurer les mots de son acceptation. La rencontre se déroule à Nazareth dans la Galilée. Seul Saint Luc nous décrit la scène de l’annonciation et nous rapporte le dialogue où la Vierge s’étonne des paroles d’un ange, si contraire à la loi de la nature, puis prononce dans une grande foi et une profonde humilité, son célèbre fiat. « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole. »  (Luc, I,  38)

Comme nous l’avons déjà évoqué dans un de nos articles[3], la salutation nous renvoie à la promesse messianique d’Isaïe : « Et le prophète dit : Écoutez donc, maison de David : est-ce peu pour vous d’être fâcheux aux hommes, puisque vous êtes fâcheux même à mon Dieu ? À cause de cela le Seigneur Lui-même vous donnera un signe. Voilà que la vierge concevra et enfantera un fils, et son nom sera appelé Emmanuel. Il mangera du beurre et du miel, en sorte qu’il sache réprouver le mal, et choisir le bien. » (Isaïe, VII, 13-15) En effet, l’ange annonce à Sainte Marie qu’elle concevra un enfant. « Vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. » (Luc, I, 21) Or, elle s’étonne d’une telle annonce puisqu’elle ne connait point d’homme, c’est-à-dire qu’elle est vierge. L’ange lui révèle alors le mystère de l’Incarnation. « L’Esprit Saint surviendra  en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C’est pourquoi la chose sainte qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu. » (Luc, I, 35) Une juive ne peut ignorer le sens de ces paroles. La réponse de l’ange nous renvoie au Messie tant attendu. Elle nous révèle également que sa virginité sera préservée. Nous pouvons alors nous demander pourquoi elle est sujette à un si grand bienfait ? L’ange nous donne encore une  réponse : elle a « trouvé grâce devant Dieu » (Luc, I, 30).

Saint Matthieu évoque brièvement le mystère de l’Incarnation. « Il se trouve qu’elle avait conçu de l’Esprit Saint. » (Matthieu, I, 28). Il nous le précise pour nous raconter les réactions de Saint Joseph. Sainte Marie était déjà fiancée à Saint Joseph de la maison de David comme nous l’apprend encore Saint Luc. Les fiançailles juives ont un sens très proche de celui du mariage religieux. Ils en  confèrent tous les avantages, exception faite de la cohabitation. Pendant un an pour les vierges, un mois pour les veuves, la fiancée était placée sous la loi de celui à qui était promise. Les relations conjugales étaient en principe interdites. La fidélité était une obligation stricte dans cet état prénuptiale. L’infidélité était tenue pour adultère. Si elle était dénoncée par le fiancé, elle était alors condamnée à la suprême sentence, c’est-à-dire à la lapidation comme nous l’enseigne le Deutéronome (cf. XXII). Par conséquent, la grossesse de Sainte Marie durant ses fiançailles ne parait pas fautive ou scandaleux tant que Saint Joseph ne la dénonce pas.

Or Saint Joseph est un homme juste, c’est-à-dire fidèle aux commandements de Dieu. Constatant la grossesse de Sainte Marie et selon la loi divine, il devrait « la renvoyer » (Matthieu, I, 19) mais comme il ne veut point la diffamer, il veut « la renvoyer secrètement ». Mais, dans son sommeil, la voix d’un ange intervient pour le rassurer et lui révéler à son tour le mystère de l’Incarnation.  « Joseph, fils de David, ne crains point de prendre avec toi Marie, ta femme, car ce qui a été engendré en elle est du Saint Esprit ;  elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » (Matthieu, I, 20-21) C’est encore l’annonce du Messie, du Rédempteur… Ainsi « il ne l’avait point rencontrée, quand elle enfanta son fils premier-né, à qui elle donna le nom de Jésus. » (Matthieu, I, 25)

La Sainte Écriture nous révèle donc que Sainte Marie est bien celle annoncée par les promesses messianiques, notamment la prophétie d’Isaïe qui révèle qu’une Vierge doit donner naissance au Messie. Elle nous apprend aussi la raison qui explique son élection. Reprenons encore les mots qu’emploie l’ange quand il vient la saluer. Elle est « pleine de grâces » et « bénie entre toutes les femmes » (Luc, I, 8). Sa réaction aux révélations de l’ange manifeste aussi en elle une profonde douceur et une véritable humilité.

La Visitation

Saint Luc nous raconte ensuite la scène de la Visitation, c’est-à-dire la visite de Sainte Marie à sa cousine Sainte Elisabeth. Lors de  son apparition, l’ange lui avait en effet annoncé que sa parente avait conçu dans sa vieillesse, elle qu’on disait stérile. Dès cette annonce, elle part en hâte vers le pays des montagnes, vers une ville de Juda pour aider Élisabeth, alors enceinte de six mois. Elle n’hésite pas à venir l’aider.

Au moment même où elle salut Sainte Élisabeth, l’enfant qui repose dans ses entrailles, le futur Saint Jean-Baptiste, tressaillie dans son sein. « Remplie de l’Esprit-Saint », Sainte Élisabeth « s’écria d’une voix forte : vous êtes bénie entre les femmes et le fruit de vos entrailles est béni. » (Luc, I, 42). Elle loue ensuite sa foi. « Bienheureuse vous qui avez cru » » (Luc, I, 45). Sainte Marie lui répond alors par de magnifiques paroles, que nous nommons couramment le Magnificat, qui rappellent d’éminents versets bibliques « Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit tressaillit d’allégresse en Dieu mon Seigneur. » (Luc, I, 46-47) La Sainte Vierge connait parfaitement les Saintes Écritures. Elle en est complètement imprégnée. Il est vrai que la connaissance et l’usage des textes saints sont des traits caractéristiques des juifs de cette époque.

L’Annonciation et la  Visitation sont les deux grandes scènes qui nous mettent en présence de Sainte Marie. Nous l’apercevons ensuite à Bethléem où elle donne naissance à Notre Seigneur Jésus-Christ mais sa présence reste discrète. Nous sommes surtout en présence de la Sainte Famille qui accueille les bergers et les mages, et fuie ensuite en Égypte pour éviter le massacre des innocents.

La présentation au Temple

Comme le veut la loi mosaïque, quarante jours après la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, Saint Joseph et Sainte Marie montent à Jérusalem et se présentent au Temple, l’une pour se soumettre au rite de purification, l’autre pour offrir deux colombes ou tourterelles, offrandes des peu fortunés. En souvenir de la nuit où l’ange exterminateur avait frappé tous les nouveau-nés d’Égypte et épargné tous les premiers-nés des Hébreux, les premiers-nés, hors de la tribu de Lévi, étaient en effet offerts à Dieu puis rachetés aussitôt par une offrande. « Tout mâle couvrant un sein sera consacré au Seigneur. » (Luc, II, 23)

Conduit par le Saint Esprit, un vieillard nommé Siméon, qui attend « la consolation d’Israël » ou encore « la rédemption d’Israël », c’est-à-dire le salut messianique, rencontre Sainte Marie dans le parvis des femmes, une des cours du Temple. C’est là où se déroule la cérémonie de purification, devant la porte Nicanor, celle qui communique le parvis des femmes avec celui d’Israël. Au moment où il la voie, il chante et bénit Dieu d’avoir répondu à ses attentes. « Mes yeux n’ont plus rien à voir maintenant, puisqu’ils ont vu le salut, ce salut que vous avez préparé à la face de tous les peuples : lumière qui fer les nations de leur ténèbres, et gloire de votre peuple d’Israël. » (Luc, II, 29-31) Siméon proclame ainsi la venue du Messie en cet enfant, le sauveur de tous, juifs et gentils. Saint Joseph et Saint Marie sont dans l’admiration des paroles de ce vieillard. S’ils ne sont pas étonnés de l’annonce, ils sont néanmoins surpris qu’elle soit connue par d’autres.

Le cantique de Siméon ne s’arrête pas là. Le ton devient plus grave. Il s’adresse directement à Sainte Marie. Reprenant encore une prophétie d’Isaïe, il la prévient que son enfant est marqué et prédestiné pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, partageant le monde en deux clans, ceux qui refusent la lumière et ceux qui la reçoivent. Il sera un signe de contradiction, élevé très haut,  au regard de tous. La contradiction qu’il rencontrera et la souffrance qu’elle suppose auront leur contrecoup dans l’âme de Sainte Marie : « et vous-même, votre âme sera transpercée d’un glaive à deux tranchants. » (Luc, II, 35)

Anne, appelée la prophétesse, veuve et très avancée en âge, servant Dieu dans les jeûnes et les continuelles prières, survint et bénit à son tour le Seigneur. Elle « parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la rédemption d’Israël. » (Luc, II, 37)

Le recouvrement de Jésus

Toujours fidèles aux prescriptions de la Loi, Saint Joseph et Sainte Marie se rendent avec Notre Seigneur Jésus-Christ au pèlerinage à Jérusalem pour la fête pascale. La fête terminée, les parents quittent la Ville Sainte, chacun dans un groupe différent de la caravane qui les ramène à Bethleem, chacun pensant que leur enfant accompagne l’autre. Or, celui-ci se trouve encore dans le Temple, interrogeant les sages. Mais, le soir venu, ne le voyant pas, ils le cherchent et ne Le trouvent pas. Le lendemain, ils rebroussent chemin et au troisième, ils Le retrouvent au Temple, assis par terre dans l’attitude d’un disciple, les sièges étant réservés aux docteurs. La Sainte Vierge s’étonne de l’apparente insouciance de leur enfant et exprime son inquiétude. « Mon fils, pourquoi avez-vous agi ainsi avec nous ? Voilà que votre père et moi, forts affligés, nous vous cherchons. » (Luc, II, 48).

Notre Seigneur leur répond avec simplicité par des paroles douces et affectueuses. « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ignoriez-vous qu’il  faut que je sois aux choses qui regardent mon Père ? » (Luc, II,  49) Il s’étonne en effet qu’ils puissent être anxieux alors que ce qu’ils savent de Lui devrait les rassurer. Sa réponse nous révèle qu’ils savent ce qu’Il est. Pourtant, selon la Sainte Écriture, ils « ne comprirent pas ce qu’Il leur disait. » (Luc, II, 50) Sans-doute, ils ne comprirent pas toute la réalité future, tout ce qu’Il allait accomplir…

Vingt ans après, la Sainte Vierge en est pleinement consciente. C’est elle qui Lui demande de faire son premier miracle public, inaugurant ainsi sa mission de Rédempteur. Et le Vendredi saint, jour ultime de la Passion, elle n’ignore plus rien des exigences effrayantes de son Père.

Les Noces de Cana

Aux noces de Cana, petite bourgade proche de Nazareth, Sainte Marie est la première à s’apercevoir de la détresse où vont se trouver ses hôtes. Le vin manque. Elle s’incline alors vers Notre Seigneur Jésus-Christ et lui dit simplement et tranquillement à voix basse : « ils n’ont plus de vin. » (Jean, II, 3). Cette formule montre combien elle connaît son Fils et Le respecte. Elle exprime surtout sa confiance et leur complicité. Notre Seigneur comprend en effet tout de suite les paroles de sa Mère. Si sa réponse nous semble à première vue dure et distante, alors qu’elle n’est ni un reproche, ni une réprimande, réels ou simulés[4], Il réalise ce qu’elle lui a demandé. Tout se passe en effet comme si le miracle était accordé. La Sainte Vierge n’a pourtant aucune hésitation. « Tout ce qu’Il vous dira, faites-le » (Jean, II, 5), dit-elle à ceux qui servent. C’est donc par une demande de la Sainte Vierge que Notre Seigneur réalise son premier miracle et entre dans son ministère public.

Au pied de la Croix

Les Noces de Cana sont le dernier récit évangélique dans lequel la Sainte Vierge apparaît jusqu’à la crucifixion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et à cet instant suprême, au pied de la Croix, elle assiste à la mort sanglante de son Fils avec sa sœur ou plutôt sa belle-sœur Salomé, puis Marie de Cléophas,  mère de Saint Jacques dit le Mineur, et enfin  Marie-Madeleine.

L’apercevant auprès de Saint Jean, Notre Seigneur Jésus-Christ dit à sa Mère : « Femme, voilà votre  fils » et à son apôtre : « Voilà ta mère. » (Jean, XIX, 17). Saint  Marie est ainsi confiée au plus aimé de ses disciples. Comme nous l’avons déjà indiqué dans un autre article, le terme « femme », terme français plutôt froid et distant, traduit en français un mot araméen plutôt déférent et nuancé de tendresse.

La Sainte Écriture nous apprend enfin que « depuis cette heure-là, le disciple la prit avec lui. », ce qui signifie que Sainte Marie le suit jusqu’à Éphèse en Asie Mineure.

Dans les Actes des Apôtres (I, 14), Saint Luc évoque Sainte Marie, réunie avec les apôtres dans le Cénacle, persévérant dans la prière avant que le Saint Esprit ne descende sur eux le jour de la Pentecôte.

Sainte Marie, un personnage discrète dans les Évangiles

La discrétion du personnage de Marie est en étroit rapport avec la discrétion des textes sacrés qui nous parlent d’elle comme nous venons de le voir. Alors que la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ est rapportée par les quatre évangélistes, seul Saint Luc nous rapporte dans une certaine continuité les faits se rapportant à la Sainte Vierge, que confirme notamment Saint Matthieu puis Saint Jean. Les points qu’évoquent aussi les auteurs sacrés sont que Sainte Marie, vierge, a conçu du Saint Esprit et que son époux est Saint Joseph.

Faut-il en être surpris ? Les évangélistes cherchent surtout à témoigner de Notre Seigneur Jésus-Christ, les faits qui se rapportent à lui ainsi que ses paroles selon une intention particulière. Seul Saint Luc écrit son récit à partir de témoignages et d’enquêtes. Il le tient très certainement de Sainte Marie elle-même, qui, comme il le note, « conservait toutes ces choses en son cœur. » (Luc, II, 51). Plus porté davantage dans son évangile sur la spiritualité contrairement aux trois autres, Saint Jean mentionne les Noces de Cana, qui, sans être fondamentales, présentent des traits caractéristiques qu’il ne peut que souligner. Ensuite, Saint Jean était auprès de Sainte Marie après la crucifixion. Ce disciple bien-aimé a eu la force d’âme de ne pas quitter Notre Seigneur Jésus-Christ lors de son supplice. Saint Jean rapporte aussi quelques faits dont il a été témoin. Alors qu’elle était lumineuse dans les premières pages de l’Évangile selon Saint-Luc, elle réapparaît douloureuse au pied de la Croix comme l’avait prédit Simon…

Conclusion

Durant la vie publique de Notre Seigneur Jésus-Christ, Sainte Marie reste particulièrement absente. Certes, nous la devinons non loin de Lui plus que nous la voyons, peut-être mêlée à la foule ou perdue au milieu des premiers fidèles. Aucun texte ne nous renseigne sur ses sentiments ou sur sa vie avant l’Annonciation. Cependant, ses vertus de foi, d’humilité, de fidélité et de pureté se manifestent à travers les lignes de Saint Luc. Elles culminent au fur et à mesure que nous la découvrons au travers de sa maternité. Totalement absorbée dans son rôle dans la joie comme dans la peine, elle incarne la vertu de Mère par excellence. Mais elle sait aussi s’effacer devant son Fils, parfaitement soumise à la volonté divine, tout en étant de plus en plus soudée à Lui. Et se tenant au pied de la Croix, elle est encore bien présente avec une force d’âme et de l’espérance extraordinaire. Elle est encore là pour servir son Fils…

Mais au-delà de ces vertus qui méritent amplement notre vénération, Sainte Marie reste au centre d’un mystère, celui de l’Incarnation. En cet instant suprême, dans son fameux Fiat et par sa réponse, l’histoire de l’humanité est bouleversée. La promesse tant attendue est enfin réalisée. Une nouvelle alliance se réalise par elle. Et pour cela, Dieu se sert d’une jeune femme qui collabore pleinement à l’œuvre du salut par son obéissance, sa foi, d’une manière toute spéciale. Elle est devenue la Mère de Dieu…

Faut-il alors s’étonner de la présence discrète de Sainte Marie et donc du rôle important qu’elle occupe dans l’Église ? Ils nous renvoient en fait au mystère de la maternité divine de la Sainte Vierge et donc à celui de la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui eux-aussi demeurent très discrets dans les Évangiles. Tout se déroule dans le silence d’une nuit, dans un village qui n’attire guère l’attention, sans bruit ni fanfare. Il est alors étonnant que ceux qui croient en sa maternité soient surpris du rôle de Sainte Marie en raison même de cette discrétion qui recouvre aussi bien la Sainte Vierge que le mystère de l’Incarnation ...

 

 

Notes et références

[1] Voir Émeraudeaoût 2021, article « Sainte Marie, point d''achoppement et signe de vérité ... Le protestantisme...».

[2] Voir Émeraude, février 2017, article « La doctrine de Luther ».

[3] Voir Émeraudeaoût 2015 article « La prophétie d'Isaïe : "la vierge concevra et enfantera un fils"».

[4] Voir Émeraude, août 2022, article « Sainte Marie, point d'achoppement et signe de vérité... Le protestantisme... »