" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 23 novembre 2018

Université de Paris [1] : un acteur dans la chrétienté médiévale (XIIIe-XVe siècle), le pouvoir du savoir



Collège de la Sorbonne en 1550

Le concile de Constance publie deux décrets importants Haec sancta synodus et Frequens. Ils mettent fin à la primauté du pape. Qu’ils édictent des règles circonstanciées ou absolues, réservées à des cas extraordinaires ou applicables en tout temps, de nature doctrinale ou non, ces décrets atteignent et abîment réellement la monarchie absolue de l’Église. Il ne s’agit pas de savoir si cette blessure est profonde ou superficielle. Le coup est là, irrécusable. Au XXe siècle et encore aujourd’hui, elle n’a pas disparu. Il a rejailli lors du second concile du Vatican. Certes, lorsque ces deux décrets sont rappelés, on n’évoque guère le contexte dans lequel ils ont été élaborés, encore moins les raisons qui ont conduit à les écrire. Mais parmi le grand public et même parmi les fidèles, qui se soucie encore du Grand Schisme ? Et pourtant ses conséquences nous touchent encore…

Comme nous l’avons rapidement évoqué dans nos précédents articles[1], les décrets du concile de Constance sont les fruits d’un double développement spéculatif, commencé au XIe siècle et surtout au XIVe siècle. D’une part, des doctrines se sont développées dans le cadre des conflits qui ont opposé le pape et les rois. Elles tentent d’apporter des éléments de réponses à l’épineux problème que soulèvent les relations entre les pouvoirs religieux et temporel. Ce sont avant tout l’œuvre de philosophes et de théologiens. D’autre part, à partir du décret de Gratien, des canonistes apportent des éléments de réflexion sur l’autorité pontificale en elle-même. Des juristes utilisent leurs interprétations et leurs gloses pour soutenir les princes dans leur opposition aux pouvoirs pontificaux.

Lorsque le Grand Schisme manifeste clairement l’impuissance des papes à résoudre la crise et finalement soulignent les limites de leurs pouvoirs, ces différentes doctrines, pensées et études prennent corps et s’imposent au concile de Constance. Mais la victoire d’une certaine forme de conciliarisme n’est pas venue comme par enchantement. Les idées ont besoin d’appui et de support pour gagner les esprits et vaincre les résistances. Un de ses moteurs est incontestablement l’Université de Paris…

L’Université, une corporation avant tout

Enseignement de la géométrie

Enluminure du XIVe siècle (1309-1316)




Il faut se rappeler que l’Université est, à l’origine, une corporation qui regroupe des maîtres et des étudiants, « universitas masgistrorum atque scholarium », sous l’autorité de l’Église[2]. Les universitaires sont considérés comme membres d’un groupe en tant que constituant un corps par opposition au fait de les considérer comme des individualités, seul à seul. Ils reproduisent une tendance de l’époque avec la naissance et le développement des corporations de métier.

L’appartenance à une corporation donne des avantages à ses membres : assistance en cas de maladie, voire de décès, meilleures conditions de vie, protection contre l’hostilité des populations et des autorités locales. Les statuts de l’Université de Paris de 1215 soulignent l’entraide mutuelle entre les membres. Enfin, comme dans une corporation, des examens ponctuent la vie de l’étudiant jusqu’à son intronisation parmi les docteurs. Les membres étant soumis à des règles communes, regroupés sous un même statut, avec des maîtres qui n’enseignent plus séparément, l’Université forme un corps conscient de lui-même.

L’Université de Paris, une des plus célèbres Universités du Moyen-âge

L’Université de Paris est l’une des plus anciennes universités. La bulle Parens Scientarum de 1231 lui confirme ses statuts, son autonomie et fixe les degrés de la hiérarchie universitaire. Elle relève désormais du pape.

Remarquons deux traits caractéristiques en apparence contradictoire. D’une part, contrairement à d’autres Universités aussi prestigieuses, comme celle de Bologne[3], l’Université de Paris est marquée par l’autorité des maîtres. Ces derniers dominent les assemblées universitaires. Ils sont aussi responsables de leurs étudiants qui les choisissent. D’autre part, comme une survivance de son passé turbulent, elle revendique une certaine indépendance.

L’Université de Paris est dotée de privilèges qui consistent dans le droit de posséder en mainmorte, le droit de ses membres d’être soumis exclusivement à la juridiction universitaire et l’exemption des impôts individuels.

L’Université est divisée en nations, qui sont à la fois des associations, des confréries religieuses et des petites corporations, s’administrant elle-même. Elles portent les noms des provinces voisines de l’Université et ceux des États étrangers qui envoient à l’Université le plus grand nombre d’étudiants.

À la fin du XIIIe siècle, l’Université de Paris est réputée. Elle compte quatre mille étudiants contre 1700 à Oxford et 1300 à Cambridge en 1450[4]. Saint Albert le Grand, Saint Thomas d’Aquin, Saint Bonaventure en sont certainement ses plus célèbres représentants. Sa réputation vient ainsi de ses maîtres et de sa bibliothèque, l’une des plus prestigieuses de l’époque. Elle influence en outre le droit canon et la théologie. Elle est ainsi considérée comme une autorité en matière doctrinale…

Comme toute université, celle de Paris forme des clercs capables d’exercer des fonctions de fonctionnaires et de conseillers auprès des princes, des rois et des autorités religieuses. Ils peuplent les tribunaux, les chancelleries, dans divers bureaux et à la cour. Ils restent à l’écart des métiers d’armes, de domestiques et de finances. Ils deviennent ainsi de plus en plus nombreux dans les organes du pouvoir au service d’un prince ou d’un royaume. Ils participent ainsi à l’ordre établi. Les nombreuses productions universitaires, que forment les lectures, les disputes, les semons, les traités, etc., sont rarement subversives. Elles cherchent à soutenir l’autorité du prince.

L’Université de Paris, un modèle de gouvernement

Comment l’Université est-elle organisée ? Il est en effet intéressant d’avoir quelques notions de son organisation. Elle peut même nous éclairer sur le conciliarisme.

Le recteur de l’Université est au-dessus de tous les membres mais il est le mandataire de l’Université, qui détient véritablement la souveraineté. Ainsi doit-il lui rendre des comptes. Il est nommé pour une durée de six mois par une assemblée composée d’abord de maîtres[5] et de délégués d’étudiants, puis uniquement de maîtres. Le recteur gouverne avec un conseil, élu par les « nations ». Seuls les maîtres ont droit d’y prendre part. Le conseil rédige les statuts auxquels tous les étudiants doivent prêter serment solennel d’obéissance. Le chancelier préside aux examens, confère les grades et exerce la juridiction dans toutes les affaires du ressort des tribunaux ecclésiastiques. Il représente l’Université à l’extérieur, auprès des autorités religieuses et politiques.

Ce modèle de gouvernement est celui que vont chercher à appliquer des conciliaristes dits modérés dans l’Église. Le pape serait une sorte de recteur quand le concile jouera le rôle de conseil, que constitueraient les délégués des différentes nations. Les analogies sont très frappantes. Remarquons que le concile s’est aussi divisé en nations, rompant ainsi avec les usages ancestraux...

Un rôle politique accru

Par ses compétences et son influence, l’Université de Paris a donc acquis une certaine notoriété auprès des pouvoirs religieux et temporels. Les universitaires forment une certaine élite et arment les appareils d’État. Le roi Philippe le Bel est sans-doute le premier roi à la consulter pour soutenir sa politique dans ses différents avec le pape Boniface VIII. Elle est même considérée comme une source d’autorité pour les questions relatives à la fiscalité pontificale. Charles V fait aussi souvent appel aux universitaires pour discuter des affaires du royaume. Les rois attendent de l’Université aide et conseil. Ils gagnent ainsi en autorité. Mais ne deviennent-ils pas non plus leurs courtisans ?

Le roi lui-même tient au rayonnement de l’Université. Le prestige de son autorité renforce le sien et assoit davantage sa souveraineté et la légitimité de sa politique. Pourtant, elle relève du pape. Et les rois ne l’oublient pas. Mais lorsqu’il évoque ce lien, il mentionne de plus en plus l’Université comme celle de son royaume. Depuis Charles V, elle est désignée sous le titre de « fille » ou de « fille aînée » du roi. Cela est aussi vrai en Angleterre. Nous aurions ainsi tendance à oublier le rôle du pape ou la vocation chrétienne de l’institution. Le rôle de l’Université tend en fait à se renforcer pour répondre à l’ascension de l’État moderne. Le développement de la législation, de l’administration, de la fiscalité, etc. nécessite des « maîtres » en savoir.

Jean Gerson, un défenseur de l’Université de Paris

Jean Charlier (1363-1429), dit Gerson, est un ardent défenseur du rôle politique de l’Université, dont il devient chancelier en 1395. Il la définit comme «la fille du Roy, la fontaine de science, la lumière de nostrefoy, la beaute, le parement, l’honnestete de la France, voir de tout le monde »[6]. Il étend son autorité sur le gouvernement de l’Église, le droit canon, et l’art. Il appartient à elle, écrit-il, « selon doctrine jugier du gouvernement de saincte Eglise, particluierement quant a la Faculte de theologie, et quant aux autres en diverses matieres : aux arts, selon philosophie morale qui est conforme atheologie ; aux decrets selon se que leur fondement est principalement en la sainte escripture et canon. »[7]

En 1405, dans son discours Vivat rex, à titre de chancelier de l’Université, Gerson expose des propositions de l’Université concernant une réforme de la cour et du royaume en présence des rois de Navarre et de Sicile, des ducs de Berry, d’Orléans, de Bourbon et de Bourgogne, des conseillers royaux et de hauts dignitaires ecclésiastiques dans l’hôtel de la reine. Il est très conscient de la fonction politique et sociale de l’Université, et de sa puissance par la sagesse du savoir qu’elle représente.  Il la voit comme la gardienne des relations entre l’Église et l’État. Il considère le docteur en théologie comme le meilleur conseiller du prince, au-dessus même du juriste : « nul ne peut estre parfait legiste ou canonique s’il ne scettheologie. »[8] Il revendique ainsi la supériorité de la théologie et de son influence sur les autorités temporelles. Nous pouvons sentir dans ses paroles un certain mépris à l’égard du droit et des juristes. Remarquons en passant que les papes sont de plus en plus des canonistes.

L’Université de Paris, l’ascension des maîtres-ès-arts émancipés des théologiens


Un maître et ses étudiants au Moyen Âge 
Gravure de Lara, dessin de Mettais, 1880
À l’intérieure de l’Université, nous pouvons noter une évolution considérable. Pour donner aux étudiants des fonctions sociales importantes, la faculté des arts améliore leur enseignement et élargit la compétence de ses élèves. Les maîtres-ès-arts, plus laïcs et destinés davantage à l’enseignement, acquiert une grande liberté au sein de l’Université et occupent une place aussi importante que celle des théologiens. La philosophie n’est même plus l’apanage des théologiens. Elle est aussi étudiée dans la faculté des arts sans que leur enseignement ne soit contrôlé par les théologiens. Son enseignement est alors marqué par l’originalité, surtout avec le développement de l’aristotélisme. Elle fait alors l’objet de censures de la part des autorités religieuses. Mais ces censures soulignent davantage l’autorité des maîtres et docteurs universitaires. « C’est parce que les philosophes et les théologiens jouissent d’une réputation extraordinaire qu’ils sont soumis à un contrôle ecclésiastique particulièrement strict. Les censures ont ainsi aidé l’élite scolastique à prendre conscience de son excellence intellectuelle et à comprendre que la liberté est une des conditions nécessaires de son travail. »[9]

Les censures soulèvent en fait de nombreuses questions. Au XIIIe et XIVe siècle, ce ne sont pas des condamnations doctrinales, ce sont plutôt des interdictions d’enseigner ou de soutenir telle thèse. Les censeurs, que sont les papes, les évêques ou autres autorités religieuses, voire l’Université elle-même, sont conseillers et assistés de docteurs théologiens ou ès-arts choisis parmi leurs pairs. Les accusés peuvent alors contester leur légitimité et leurs compétences nécessaires pour prononcer leurs sentences. Ils font alors appel à une autorité supérieure en déplorant les abus dont ils font l’objet.

Une élite toute-puissante, un contre-pouvoir ?

Pour bien comprendre la notoriété d’un maître universitaire et son autorité au sein de la société médiévale, prenons un exemple. Prenons Pierre d’Ailly. Nous l’avons déjà étudié dans un article récent[10]. Par ses compétences qu’il a acquises au sein des facultés des arts et de la théologie, il est l’un des hommes les plus écoutés de son temps auprès des rois et princes. Homme prudent, il défend des principes traditionnels ou modérés sans jamais paraître comme un contestataire mais plutôt comme un défenseur de l’ordre établi. Il sait aussi s’appuyer sur les personnes les plus influentes comme il n’hésite pas à les abandonner quand elles perdent en crédibilité. Il sait aussi s’effacer quand il le faut. Ainsi fort de son ascension, il réussit à imposer ses propositions. Son cas n’est pas unique.

Pierre d’Ailly fait partie d’une élite qui ne cesse de prendre de l’importance. Et « comme toute élite, elle est capable de se fondre dans tous les jeux de pouvoirs et de se faire l’interlocuteur, à des échelles variables, de partenaires multiples. Comme toute élite, elle est une force menaçante pour les autorités en place et constitue un contre-pouvoir dans les crises qui la menacent de destruction. »[11] En outre, cette élite a un avantage par rapport aux autres, celle de détenir le savoir et de pouvoir se fragmenter en personnalités diverses et exceptionnelles.

Mais une Université contestée


Cours de théologie à la Sorbonne. 
Enluminure, fin du XVe siècle. Bibliothèque de Troyes.
Néanmoins, en dépit de leur notoriété, les princes n’hésitent pas à encadrer les maîtres et docteurs. Le duc Louis d’Orléans est l’un d’entre eux. « Dans une question de foi, vous ne prendriez sans doute point conseil d’une assemblée de chevaliers ; de même, dans une question de guerre, ce n’est pas vous qu’il est à propos de consulter. Retournez donc à vos écoles, et renfermez-vous dans les limites de votre ministère. Bien que l’Université soit appelée la fille du roi, il ne lui appartient pas d’intervenir dans le gouvernement du royaume. »[12] Remarquons aussi que les universitaires eux-mêmes hésitent à se mettre sous le service des princes. Ils craignent d’être compromis ou de compromettre leur liberté. L’Université cherche aussi à préserver son autonomie et son identité.

Conscient de leur importance grandissante, Benoît Gaetani, futur Boniface VIII, critique leur arrogance dans l’affaire qui oppose les réguliers et les séculiers. « Maîtres de Paris, vous avez rendu ridicule, et vous continuez encore à le faire, toute votre science et votre doctrine […] Vous croyez peut-être jouir chez nous d’une grande réputation ; mais votre gloire, nous ne l’estimons que sottise et fumée […] La cour de Rome, plutôt que de révoquer le privilège, briserait l’Université de Paris. Nous n’avons pas été appelés par Dieu pour acquérir la science ou briller aux regards des hommes, mais pour sauver nos âmes. Et parce que la conduite et la doctrine des frères sauvent beaucoup d’âmes, le privilège qui leur a été confié leur sera toujours conservé. »[13]

Enfin, n’oublions pas que l’Université est aussi remise en cause dans son enseignement. L’averroïsme qu’elle défend a été condamné par l’Église comme le sera la doctrine de Marsile de Padou, un de ses maîtres. Elle n’est plus le représentant de l’orthodoxie…

Conclusions

Depuis sa création au XIIIe siècle, l’Université de Paris n’a cessé de gagne en importance. Son savoir et la réputation de ses maîtres la rendent célèbres dans tout l’Occident. Les plus grands docteurs de théologie y enseignent. En outre, elle est écoutée par les rois et les princes. Elle les conseille, elle les défend. Détentrice du savoir et fière de son autonomie, conseillère écoutée au plus haut niveau, elle a aussi tendance à vouloir jouer un véritable rôle religieux et politique au-delà de son rôle d’enseignement. Ces prétentions engendrent une nette évolution. Les chanceliers Pierre d’Ailly et Jean Gerson sont bien différents d’un Saint Thomas d’Aquin ou d’un Saint Bonaventure. Mais son autorité est contestée par les autorités religieuses et temporelles.

Ainsi le Grand Schisme apparaît comme l’occasion pour elle de jouer les premiers rôles et de vouloir imposer ses conceptions. Les décrets du concile de Constance montrent sans aucun doute son influence et le succès de sa politique. Son modèle de gouvernement inspire sans contestation les décisions. Que serait devenu le conciliarisme sans l’Université ? Mais l’Église doit-elle être gouvernée par des « experts » ?







Notes et références

[1] Voir Émeraude, octobre 2018, article "Le concile de Constance, un événement, une révolution ?".
[2] Dates de fondations des Universités : Bologne en 1190, Oxford en 1214, Paris en 1215.
[3] L’Université de Bologne est à l’origine un regroupement d’étudiant pour assurer eux-mêmes leur défense et recruter des maîtres. Les étudiants ont dominé longtemps sur les maîtres au contraire de l’Université de Paris.
[4] Chiffre fournie par Kareen Healy, étudiante en histoire à l’Université du Québec à Montréal, Naissance et organisation des universités au Moyen-âge.
[5] Le grade de maître indique un membre titulaire de l’Universitaire en tant que corporation, qu’il soit enseignant ou non. Il s’obtient six mois après l’obtention de la licence. Le doctorat est le grade suprême. Les docteurs forment le personnel dirigeant de l’Université.
[6] Gerson, Quomodo stabit dans La Théologie dans l’Université médiévale, Lieux et renaissances de la reine des sciences, Isabel Iribarren, Faculté de Théologie catholique, Université de Strasbourg, Revue des sciences religieuses 87 n°4, 2013.
[7] Gerson, Quomodo stabit dans La Théologie dans l’Université médiévale, Lieux et renaissances de la reine des sciences, Isabel Iribarren.
[8] Gerson, Discours contre Guillaume de Tignonville(1408) dans La Théologie dans l’Université médiévale, Lieux et renaissances de la reine des sciences, Isabel Iribarren.
[9] Alice Lamy, La représentation des élites des maîtres scolastiques à l’Université de Paris de Thomas d’Aquin à Pierre d’Ailly (1200-1420), Camenae, n°10, juin 2011, article 5.
[10] Voir Émeraude, octobre 2018, article "Conciliarisme : le cardinal d'Ailly et le concile de Constance".
[11] Alice Lamy, La représentation des élites des maîtres scolastiques à l’Université de Paris de Thomas d’Aquin à Pierre d’Ailly (1200-1420), Camenae, n°10, juin 2011, article 5.
[12]Chronique du Religieux de Saint-Denys, éd. et trad. M. L. Bellaguet, t. III, Paris, 1841, réimpr. Paris, 1994 dans, Regnum et studium : l’université comme auxiliaire, Jacques Verger, Université IV Sorbonne, https://books.openedition.org dans Le pouvoir au Moyen-âge : Idéologies, pratiques, représentations, Claude Carozzi, Presses Universitaires de Provence, 2007.
[13]Benoît Gaetani, Discours au concile de Paris (1290), trad. par J. Le Goff, dans Les Intellectuels au Moyen âge, Paris, édition du seuil, 1985.

samedi 17 novembre 2018

Le Concile de Bâle, de folles prétentions, les abîmes d'une révolution

Concile de Bâle
Fresque de Pinturicchio

Le 23 juillet 1431, un nouveau concile s’ouvre à Bâle. C’est le troisième depuis celui de Constance. À Pavie et à Sienne, il a brillé par son impuissance et son inanité. Il est réuni à Bâle, ville impériale. Décevant et inefficace, le concile de Sienne annonce le péril qui menace l’Église. Pour la première fois, deux partis s’y sont clairement confrontés : les partisans d’un conciliarisme absolu, réclamant la supériorité du concile sur le pape, et les défenseurs de la monarchie pontificale. Leur dispute a empêché tout débat sérieux et a hâté la fin des discussions sans apporter de véritables réformes. L’orage ne risque-t-il d’exploser à Bâle et de diviser encore davantage l’Église ? Il faudrait bien éclaircir le délicat problème qu’ont posé le Grand Schisme puis le concile de Constance. Pourtant rien ne semble annoncer la tempête qui va de nouveau secouer l’Église…



Un concile peu attractif, voué à l’échec ?

Le concile devrait s’ouvrir en mars 1431, sept ans après la clôture du concile de Sienne conformément au décret Frequens. Le légat pontifical qui doit le présider est le cardinal Julien Cesarini. Dans la bulle pontificale qui le désigne, il reçoit le pouvoir de proroger le concile, de le dissoudre ou de le transférer dans une autre ville pourvu qu’une cause légitime le présente. Les droits du pape sont ainsi bien affirmés et demeurent conformes aux usages. Mais plusieurs événements retardent l’ouverture. D’abord, le 20 février, la mort du pape Martin V puis l’élection de son successeur, Gabriel Condolmerio, le 3 mars sous le nom d’Eugène IV. En outre, au mois de mars, seul l’abbé de Vézelay est présent à Bâle. En avril, le premier évêque est accueilli. Il est accompagné de trois députés de l’Université de Paris et de l’abbé de Cîteaux. Cela fait peu pour un concile œcuménique. Le concile de Bâle va-t-il connaître le même sort que les précédents ?

En effet, le concile ne semble guère intéresser le clergé et les chefs d’État. Peut-être, pense-t-on qu’il va être aussi infructueux que les deux précédents, que rien ne se passera, qu’il sera rapidement clos, laissant ainsi l’institution conciliaire et le conciliarisme mourir d’une belle mort. Tout semble ainsi annoncer la fin d’une doctrine qui paraissait si active et puissante au concile de Constance.

Départ du cardinal  Piccolominie
pour le concile de Bâle
Fresque de Pinturicchio
Il est vrai que le contexte n’est guère favorable à un concile. La guerre[1] sévit dans les régions avoisinantes de Bâle. Elle empêche de nombreux prélats d’arriver, ou moins les ralentit. Mais les esprits sont surtout ailleurs. Depuis la mort de Jean Hus, condamné pour hérésie, les armées impériales font face en Bohême à la révolte de ses disciples, les hussites. Des croisades sont lancées pour les combattre mais elles échouent, la révolte s’étend, se radicalise. Désigné par Martin V, le cardinal Julien Cesarini doit prendre la tête d’une nouvelle croisade. Confirmé par Eugène IV, il parcourt les terres germaniques pour prêcher la guerre sainte et y engager les princes allemands. C’est sa principale préoccupation. Or, il est aussi désigné pour présider le concile de Bâle. Mais qu’importe puisque peu de prélats sont arrivés à Bâle. Le concile attendra. Deux représentants du légat y sont néanmoins envoyés le 3 juillet 1431 à titre de vice-présidents.

Le royaume de France connaît aussi la guerre, cette guerre qu’on appellera plus tard la guerre de cent ans. Mais après de multiples défaites et de nombreuses années d’agonies, une lumière vient de se lever sur ce royaume bien abîmé. Cette lumière est apportée par une femme, Saint Jeanne d’Arc. Cependant au mois de mai 1431, elle s’est éteinte dans la douleur et l’injustice. Son heure est sonnée. Défendant Compiègne assiégée, lors d’une sortie contre l’ennemi, Saint Jeanne d’Arc est faite prisonnière. Le 30 mai, elle meurt sur un bûcher.

Vers la fin du concile ?

Le 23 juillet 1431, dans la cathédrale de Bâle, on lit le décret Frequens puis celui relatif au choix de Bâle, et enfin la bulle conférant au légat Julien Cesarini la présidence du concile ainsi que l’attribution de ses pouvoirs. Les deux vice-présidents déclarent prêts à procéder à la célébration du concile. Le 27 juillet, une procession se déroule dans la cathédrale, annonçant ainsi solennellement l’ouverture du concile. Le légat arrive enfin le 9 septembre. Il n’est glorieux. La croisade a été un échec, une véritable débâcle. Les hussites ont de nouveau défait l’armée impériale. L’assemblée reste peu nombreuse. Des démarches sont menées à plusieurs reprises pour hâter les retardataires et attirer plus de monde. En vain…

Le légat pontifical demande alors au chanoine Jean Beaupère[2] d’en informer le pape et de lui demander de venir lui-même à Bâle. Il conseille aussi Eugène IV d’y appeler tous les prélats. L’émissaire arrive à Rome en septembre. Mais il s’acquitte plutôt mal de sa mission. Ses propos auprès d’Eugène IV noircissent la situation[3]. Le pape est attentif aux paroles du chanoine. Beaucoup d’indices montrent en effet l’inutilité du concile. Certes, comme son prédécesseur, il n’est guère favorable à ce concile puis il vient à peine de se rétablir d’une maladie sérieuse qui l’empêche de s’y rendre, mais d’autres indices ne l’incitent guère à répondre favorablement aux demandes du légat. Peu de prélats y sont présents. La guerre fait rage. En outre, l’Empire byzantin, fortement menacé par les forces turques, est pressé de rétablir l’union des Chrétiens, Grecs et Latins, divisés le XIe siècle. L’empereur et le patriarche de Byzance souhaitent participer à un concile pour faire cesser le schisme d’Orient. Le pape souhaite le convoquer à Bologne en 1433. Il est alors peu pertinent d’organiser deux conciles simultanément. Ainsi, le 12 novembre, dans la bulle pontificale Quoniam alto, Eugène IV invite son légat à dissoudre le concile et à annoncer la convocation d’un nouveau concile à Bologne dans un an et demi afin de traiter de l’union de l’Église avec les Grecs. « En conséquence, de l’avis des cardinaux, nous vous communiquons le plein pouvoir de dissoudre le concile de Bâle s’il est toujours flottant, si la mesure vous paraît opportune. »[4] Mais, l’initiative est laissée au légat. Il agira selon sa sagesse. La bulle parvient au légat le 23 décembre.

Mais, ignorant encore la réponse du pape, Julien Cesarini célèbre solennellement la première session du concile le 14 décembre. Les buts du concile y sont rappelés : l’extirpation de l’hérésie, l’établissement de la paix parmi les chrétiens et la réforme de l’Église. Cependant, l’inquiétude est grande parmi les pères conciliaires. Selon une rumeur, Rome aurait déjà décidé de le dissoudre. Ils commencent à s’agiter. Avant de recevoir la réponse du pape, le légat demande au pape de laisser le concile poursuivre car le besoin est grand pour résoudre l’hérésie hussite. Soucieux de mettre fin à la révolte hussite, l’empereur Sigismond encourage les participants à refuser de laisser dissoudre le concile. Lui-aussi, il considère le concile comme le moyen de sauver son empire de l’hérésie après l’échec de la solution armée.

La révolte du concile

La situation se gâte rapidement. Le 18 décembre, une nouvelle version de la bulle Quoniam alto est publiée. Eugène IV se montre plus radical. Il veut désormais la fin du concile. Il n’est guère satisfait de ce qu’il se passe à Bâle toujours en activité. Il vient en effet d’apprendre que les pères conciliaires ont invité les hussites à y exposer librement leurs opinions pourtant déjà condamnées à plusieurs reprises. Or, avec leurs victoires sur les champs de bataille, les hussites sont en position de force pour négocier. Ils sont devenus plus présomptueux. Le risque de remettre en cause les décisions des précédents conciles ne sont donc pas négligeables. Eugène IV le pressent sans-doute. Il n’apprécie guère non plus cette invitation parce qu’il la considère aussi comme une offense à l’égard de l’autorité pontificale et un manque de respect des conciles précédents. Il annonce alors qu’il transfère le concile à Bologne.

Quand cet ordre parvient au légat pontifical, le concile est encore peu représentatif. Il rassemblerait trois à huit évêques, quatorze abbés et de nombreux docteurs. Lorsqu’ils apprennent la décision du pape, ils sont indignés. Se considérant comme l’Église, ils menacent de désobéir. Mieux encore. Ils menacent d’entraîner la chrétienté dans leur désobéissance ! En parlant au nom des États, ils agitent la menace de soustraction d’obédience si le pape ne se rétracte pas.

Certes, ils sont très peu nombreux, mais le danger est ailleurs, la menace n’est pas vaine. Leur indignation est en effet relevée par l’empereur, les rois de France et d’Espagne, par quelques princes et par des Universités. Rome est même atteint. Des cardinaux abandonnent le pape. Le légat resté à Bâle le désapprouve aussi et lui expose les inconvénients d’une telle dissolution. Ce serait un scandale, dit-il, au moment même où les hérétiques gagnent du terrain. Il finit par démissionner de la présidence du concile. Le pape est ainsi bien seul…

Un abus de pouvoir des pères conciliaires

Les pères conciliaires adressent une encyclique à tous les fidèles. Contre l’ordre du pape, ils déclarent qu’ils demeureront à Bâle pour accomplir l’œuvre de la réforme. La révolte devient publique. La situation se radicalise rapidement. Lors de la deuxième session, ils proclament que « le concile général tient son autorité immédiatement de Jésus-Christ et que tout le monde, même le pape, est tenu de lui obéir »[5]. Le décret Haec Sancta Synodus est désormais érigé en principe. Ils rajoutent que le concile ne peut être « ni dissous ni transféré ni ajourné par personne » et que « nul ne peut quitter le concile avant qu’il soit terminé, sans avoir obtenu le consentement ». Le conciliarisme absolu[6] est ainsi clairement affirmé. 

Or, rappelons que le décret concernait des hommes qui se disaient papes et avait pour but de mettre fin au Grand Schisme en voulant déposer les « papes douteux ». Les pères conciliaires l’appliquent désormais à un pape dont il reconnaît pourtant la légitimité. En outre, leur interprétation du décret est peu défendable. Ont-ils oublié qu’il ne s’appliquait qu’à l’extirpation de l’hérésie et à la cessation du schisme, et non à la réforme ? Leur attitude est même contraire à celle du décret Frequens. Le pape fait appliquer les droits qui sont les siens, droits qui sont par ailleurs rappelés par la bulle de désignation du légat pontifical et lors de l’ouverture du concile. L’abus de pouvoir de la part du concile est incontestable. « En admettant que le pape fût tenu de s'incliner devant tout décret de réforme émané du synode […], il ne s'ensuivait pas qu'il eût les mains liées au point de ne pouvoir interrompre ou suspendre un moment les travaux de l'assemblée. »[7]

Les principales puissances appuient les revendications du concile. À titre du roi de Rome, Sigismond le prend sous sa protection alors que le roi de France Charles VII se prononce aussi en sa faveur sur avis d’un concile national tenu à Bourges sans remettre en question la légitimité du pape. Forts de cet appui, les pères conciliaires peuvent donc poursuivre leur résistance. Des princes et des Universités demandent aux prélats de se rendre à Bâle en grand nombre. À ce moment, on compte une trentaine de mitres au concile, dont une dizaine d’évêques.

Le véritable enjeu du conflit

Concile de Bâle
Gravure sur acier, 1845
Le 20 juin 1432, après de nombreuses menaces, le « concile de Bâle » édicte des règles censées contraindre le pape à poursuivre le concile. Il déclare que nul ne peut empêcher personne de se rendre à Bâle et que le pape ne peut nommer des cardinaux hors du concile. Il publie de nouveau le décret Haec Sancta Synodus du concile de Constance.

Mais rapidement, le concile dévoile ses prétentions. Il n’hésite pas à s’immiscer dans l’administration de l’Église, c’est-à-dire dans un domaine qui ne relève pas de ses compétences. Dans une affaire de népotisme, il nomme un cardinal, de manière provisoire il est vrai, comme gouverneur pour Avignon et le Comtat Venaissin, se substituant ainsi à l’autorité du pape. Le concile ne cessera pas en fait d’agir de plus en plus comme autorité suprême de l’Église.


Les prétentions excessives du « concile de Bâle » commencent à déplaire à Sigismond. Il intervient pour faire cesser la crise. Sur sa demande, Eugène IV accepte la continuité du concile sous condition de soumettre ses décisions à la confirmation du pape, ou, en cas de désaccord, de laisser la solution du litige à un futur concile général présidé par le pape. Il rappelle néanmoins que les pères conciliaires doivent s’occuper de l’hérésie hussite et de la réforme de l’Église en vertu de l’autorité qu’il a bien voulu leur déléguer. Le 27 juillet 1432, Sigismond envoie au « concile de Bâle » les propositions du pape et lui demande de ne plus s’opposer à lui.

En outre, des plénipotentiaires du pape sont envoyés à Bâle afin de faire cesser la querelle. Ils y sont reçus le 22 août 1432. L’un d’entre eux, l’archevêque Jean de Tarente, défend la monarchie apostolique devant l’assemblée. Face à lui, les pères conciliaires défendent la supériorité du concile sur le pape ainsi que l’infaillibilité du concile général. Ils déclarent en effet que dès qu'un concile général est réuni, il exerce l'autorité de l'Église universelle, il s'élève donc au-dessus même du souverain pontife. Le véritable sujet du conflit est ainsi clairement posé. Les négociations sont rompues.

La victoire du concile

À la dixième session, Eugène IV n’ayant pas retiré son décret de dissolution, le « concile de Bâle » met en place les dispositions pour le juger et le déposer. De nouveaux décrets sont promulgués pour restreindre encore son pouvoir. Jugé incorrigible, il risque d’être suspendu de ses fonctions et d’être déposé. Il réaffirme ainsi de nouveau sa supériorité sur le pape.

Seul et blâmé par tous, abandonné par ses propres cardinaux et même par des employés de la curie pontificale, qui rejoignent le concile, le pape finit par faire des concessions. Le 1er août 1433, il publie la bulle Dudum Sacrum dans laquelle il se rétracte et adhère au concile à condition que ses légats assurent sa présidence et qu’il révoque tout ce qui a été fait contre lui et ses cardinaux. Le concile de Bâle est aussi reconnu : Eugène IV « consente et accepte volontiers » (« volumus et contentamur »). C’est donc une adhésion sous réserve.

Pour mieux exprimer sa pensée, Eugène IV déclare à plusieurs reprises, devant les représentants de l’empereur Sigismond et en présence des cardinaux, qu’il adhère au concile avec des restrictions et qu’il préfère perdre sa charge et la vie plutôt que d’accepter la subordination du pape au concile. Il est bien conscient qu’il a fait plus qu’il ne devait faire. Sa décision est donc un consentement résigné, tel est le sens de l’expression « volumus et contentamur ». Il n’est pas non plus tenu de ratifier tout ce qu’a promulgué le concile. Mais, bien conscient de ces réserves, le « concile de Bâle » refuse les propositions du pape. Il ne veut point que sa légitimité dépende du pape.

De nouveau pressé de toute part, notamment de l’empereur et des princes, à bout de force, Eugène IV finit par capituler. Le 15 décembre 1433, il reconnaît le concile de Bâle depuis son ouverture pour traiter de l’extirpation des hérésies, la pacification de la chrétienté et la réforme de l’Église. Pour mieux signifier sa soumission, il emploie désormais l’expression « decernimus et declaramus ». Il déclare ensuite nulle et sans valeur la bulle de dissolution du concile. Néanmoins, devant ses cardinaux, il rappelle que la reconnaissance de sa légitimité n’implique pas l’approbation de ses actes. À ses légats, il donne cette consigne : « de même que ses prédécesseurs ont honoré les conciles généraux, il reconnaît lui-aussi, et il honore les conciles généraux de Constance et de Bâle, ce dernier depuis son ouverture jusqu’à sa translation, sauf en tout ce qui est préjudiciable au droit, à la dignité et à la prééminence du Saint Siège. »[8] Il reste ferme dans le principe de la primauté pontificale. Il préserve l’essentiel.

Le concile, un nouvel organe de gouvernement ?

En 1434, le concile de Bâle réunit trois patriarches, une cinquantaine d’évêques ou d’archevêques, autant d’abbés, et un nombre important de docteurs, de licenciés, de bacheliers, de chanoines, de clercs de toute catégorie, de religieux et de frères mendiants, sans oublier les représentants de l’Empereur, des rois et des princes. Les membres du bas clergé, très nombreux, dominent clairement l’assemblée peu représentée par de hauts prélats.

Au « concile de Bâle », les membres sont répartis entre quatre députations, pris entre les quatre nations, chaque députation ayant en charge un sujet particulier : les questions de foi, l’œuvre de la paix, la réforme et les affaires d’intérêt général. Quelle que soit leur dignité, les membres sont considérés comme égaux et ont le même droit de suffrage, qu’ils soient archevêques, évêques, docteurs, curés, chanoines, etc. Par le nombre, les évêques et les abbés n’ont plus le poids qu’ils avaient dans les conciles précédents. Le « bas clergé » domine le concile. Lorsqu’une proposition est acceptée par une commission mise en place par une députation puis par la députation elle-même, elle est renvoyée aux autres. Si trois d’entre elles l’acceptent, elle est introduite en session générale pour vote.

Certes des précautions sont prises pour maintenir l’ordre et la cohérence mais l’influence du bas clergé demeure écrasante. Parmi les mesures, notons que toute déclaration contraire à l’esprit du concile, c’est-à-dire à la majorité des membres, peut faire l’objet de poursuite. De nombreuse fois, ceux qui émettent des doutes sur l’interprétation des décrets de Constance sont ainsi obligés de se taire sous la menace d’accusation de part du procureur de la foi. Il est clair que les défenseurs de la monarchie pontificale ne peuvent guère faire entendre leur voix. Le conciliarisme absolu domine sans contestation possible sur le concile.

En outre, depuis son ouverture, le concile s’est doté d’un lourd appareil administratif et judiciaire afin de se doter de pouvoirs exécutifs et juger des affaires mineures. Dès la cinquième session, le 9 août 1432, il a créé des institutions judiciaires, en particulier un tribunal de la foi et un tribunal des contentieux. Celui-ci traite des causes épiscopales, compétence pourtant réservée au pape. On n’hésite pas non plus à faire appel au concile pour annuler un jugement donné par la cour romaine. Ainsi, le concile de Bâle développe une juridiction concurrente à celle du pape. Il se comporte comme le véritable chef de l’Église. Une seconde papauté se crée lentement. Mais un tel rôle exige des ressources financières. Pour faire nourrir tout ce petit monde et cette nouvelle administration, le concile décide de lever une demi-décime sur tout le clergé de la chrétienté et plus tard il se réserve le cinquième de tout revenu des bénéfices vacants.

Un pape aux abois

Eugène IV remet à Ranuccio 
le commandement en chef
 des troupes papales

Fresque (détail), 1553
Francesco Salviati 
Or, au même moment, le pape connaît une situation périlleuse à Rome. Ses ennemis, les fameux condottieri, en particulier le duc de Milan, envahissent ses terres et s’emparent de ses villes. Rome est en danger. Rome se révolte. Nous sommes au mois de mai 1434. Le pape est fait prisonnier. Pas pour longtemps. Il s’évade le 4 ou 5 juin et fuit la ville comme un vulgaire fugitif, vêtu d’un froc de bénédictin. Reconnus, lui et ses compagnons sont accablés d’injures, de pierres et de traits ! Le 22 juin, il est accueilli triomphalement dans la ville de Florence, son alliée précieuse. Cette dernière est parvenue à un haut degré de puissance et de splendeur.

Ces événements se déroulent dans l’indifférence du concile, voire avec sa complicité. L’Empereur se fâche et menace de venir au secours du pape. Et grande surprise, on découvre que le duc de Milan abuse étrangement d’une bulle conciliaire comme une sorte de blanc-seing pour mener ses exactions. Une bulle conciliaire signée en 1432 demande en effet son intervention pour protéger le concile contre les menées du pape. En juillet 1434, une commission conciliaire est enfin envoyée en Italie pour réclamer la libération des cardinaux emprisonnés et pour pacifier la péninsule. Les Romains se défendent auprès du concile et se mettent sous sa protection. En outre, les pères conciliaires acceptent les explications du duc de Milan qui peut ainsi poursuivre ses exactions et battre les troupes pontificales et florentines en toute impunité. Mais en octobre, livrée à l’anarchie et à des rivalités entre les grandes familles, Rome se soumet de nouveau au pape

Un concile de plus en plus ambitieux

La trêve entre le pape et le concile ne dure pas. Les légats du pape ne sont admis au concile qu’avec des conditions qui réduisent leur autorité au profit de la sienne. Après de multiples négociations et sous la contrainte, ils doivent même signer en leur nom particulier, et non à titre de représentant du pape, un serment déclarant la subordination du pape au concile. Fort de son succès, le concile de Bâle mène des réformes comme s’il était à la tête de l’Église. Il veut réorganiser la cour pontificale pour la réduire à l’impuissance. Il décide d’imposer au pape un serment de respect à l’égard des décisions conciliaires, le jour de son couronnement. Il interdit enfin tout appel de leur sentence au pape.

Or, au même moment, le pape réclame au concile les curialistes romains qu’il a incorporés dans son administration pour faire fonctionner la curie romaine. Le concile s’en offusque, accusant le pape de vouloir le désorganiser. Il est vrai qu’à force de vouloir plaider en dernier recours et connaître indistinctement toutes les causes, les tribunaux du concile sont encombrés. Le concile s’occupe même des canonisations et de la nomination des docteurs. Leurs prétentions n’ont point de bornes. Quand les Grimaldi, dans un procès qu’ils soutiennent contre l’évêque de Grasse, en appellent au pape, le concile s’indigne de leur audace qui remet en cause son autorité et demande leur arrestation.

Mais, la cour romaine feint d’ignorer les décisions du concile qui empiètent sur sa juridiction, ne le jugeant pas compétente. Le pape émet aussi des observations aux pères conciliaires ou aux plaideurs sur les abus constatés. Le ton monte quand le concile vient à excommunier des collecteurs qui lui refusent de lui rendre leurs comptes, se substituant ainsi à la chambre apostolique. Eugène IV leur demande se concentrer sur les objectifs du concile : la pacification de la chrétienté, l’union et la réforme. Mais là réside justement le malentendu.

Le conflit inéluctable entre le pape et le concile

En quoi consiste la réforme selon le concile ? La question est primordiale. Elle révèle l’esprit du concile. Il est en effet essentiellement tourné vers la limitation des prérogatives du Saint Siège car il y voit le fondement de toute réforme. Pour lui, la cause de tous les maux réside dans l’abondance des revenus entre les mains du pape. Absorbé par des préoccupations financières, il ne trouverait pas le temps de mettre en place des réformes. Tel est en particulier l’avis ou plutôt la satire que développe une commission du concile devant l’assemblée, le 3 juin 1435. En dépit de protestations de certains membres, le concile supprime des taxes et des impôts dévolus au pape, comme les annates et la collation de bénéfice sans lui avoir assuré de dédommagement ou de moyens de subsistance. Il lui retire ainsi ses principales sources de revenus. Or, expulsé de ses états et face à ses adversaires coalisés, Eugène IV est dans une situation critique. Ses finances sont ruinées. Précisons que cette mesure est aussi destinée à beaucoup de prélats. Mais comme dans d’autres mesures prises, la décision du concile n’est pas exécutée, y compris par ceux qui l’ont votée !

Quand la papauté mène de réels efforts dans les négociations de paix entre les royaumes de France et d’Angleterre, le concile y envoie un représentant avec le titre et les pouvoirs de « légat a latere »[9]. Quelle audace ! Non seulement cette ambassade est contraire aux usages mais elle est surtout un manque de respect à l’égard du pape qui, évidemment, n’a pas été prévenu de cette initiative. Le légat reçoit en outre du concile le pouvoir d’accorder des bénéfices, droit exclusivement réservé au pape. Mais cette mésaventure n’est pas unique. Alors qu’Eugène IV défend le nouvel évêque de Lausanne choisi par le chapitre, le concile nomme son rival, contrecarrant ainsi ouvertement les lois canoniques. Les conflits ne cessent ainsi de croître. Nous sommes loin de l’esprit d’une véritable réforme. Aux yeux du concile, la réforme ne serait-il qu’un prétexte pour gouverner l’Église à la place du pape ?

La guerre entre le concile et le pape est donc inévitable. Dans un mémoire, intitulé Liber apologeticus, qu’il adresse aux princes et aux rois, Eugène IV remet en cause le concile. Il récuse notamment le mode de délibération et de vote du concile. Il rappelle l’origine divine de son autorité. Il conseille alors aux princes et aux rois de rappeler leurs évêques et délégués en vue d’un autre concile animé d’un meilleur esprit. Le concile accuse alors le pape de faire obstacle à la réforme et de refuser d’approuver des décrets salutaires !

Un concile divisé

Or, la position du concile ne cesse aussi de s’affaiblir. Les décisions sur la suppression des revenus du pape ont déjà soulevé de sincères protestations de la part de certains pères conciliaires. Il est vrai que les membres sont beaucoup plus nombreux depuis que le pape a demandé au clergé d’y participer plus abondamment. Le 11 juin 1433, on peut compter sept cardinaux, deux patriarches, quarante-deux évêques, trente abbés et trois cent onze docteurs, ecclésiastiques de second ordre, etc. Les ambassadeurs des rois et des princes sont aussi présents. Il est donc plus difficile de garder une certaine unité sur des sujets graves. Et certains de ses membres sont des partisans du pape. Le conciliarisme absolu ne domine plus aussi fortement l’assemblée. La minorité se renforce.

Julien Cesarini (1398-1444)


Le concile se divise surtout sur l’union entre les Latins et les Grecs. Depuis Martin V, des négociations sont menées pour mettre fin au schisme d’Orient. Contrairement au pape, le cardinal Julien Cesarini, le maître d’œuvre du concile, ne croit guère à cette union. Le concile s’en désintéresse. Eugène IV souhaite à son tour mettre en place un concile d’union ou de mener des négociations à Byzance sous forme de conférences. Cependant, constatant les activités pontificales et le progrès des négociations, le concile de Bâle se rappelle que l’union demeure aussi un de ses objectifs. Alors s’empresse-t-il à s’imposer dans les négociations. Il demande aux Orientaux de venir à Bâle. Or les Grecs sont clairs : ils expliquent que la présence du pape ou de ses représentants sont indispensables pour que le futur concile soit reconnu œcuménique. Néanmoins après d’âpres discussions, les Grecs finissent par accepter de le rejoindre. Or, selon leurs promesses des pères conciliaires, le concile doit subvenir à leurs frais. Pour financer leur voyage et leur séjour, le concile s’octroie de nouveau le droit d’octroyer des indulgences, ce qui provoque une nouvelle protestation d’une partie de l’assemblée qui y voit un abus d’autorité. Le concile s’avise et en appelle au pape. Il lui réclame aussi la suspension des effets des indulgences déjà concédées.

Un autre conflit s’ouvre dans le choix de la ville qui doit recevoir le concile d’union. Le pape comme les Grecs, ainsi que la majorité des évêques, refusent le choix de Bâle. L’opposition est violente au concile. On se bat dans l’hémicycle ! Le désordre est à son comble quand deux décrets sortent du concile, l’un par la minorité en faveur du choix agréé par le pape et les Grecs, l’autre par la majorité qui s’obstine dans le choix de Bâle !

La résistance du pape

Le pape refuse la demande du concile. Il n’approuve pas non plus le décret qui supprime les taxes, dont les annates, sans être sûr d’une compensation suffisante et durable. Il s’élève aussi contre l’habitude des pères conciliaires de s’occuper de tâches qui ne relèvent pas de leurs compétences. Mais, le concile lui demande de se plier à ses décisions, étant l’organe lui-même du Saint-Esprit. La guerre est désormais ouverte.

Au fur et à mesure des débats, nombreux pères conciliaires tentent de défende la cause du pape, y compris ceux qui initialement s’opposaient à Eugène IV. Le pape est moins abandonné. Ses défenseurs se font plus entendre dans l’hémicycle.

Le 31 juillet 1437, le concile cite le pape à comparaître devant ses membres pour répondre à l’accusation d’avoir désobéi aux décrets de la réforme qu’il défend. Eugène IV répond le 18 septembre en dénonçant l’attitude des pères conciliaires. Il les menace de transférer le concile dans la ville de Ferrare. Finalement, le légat pontifical et les partisans du pape quittent le concile. C’est la rupture. Le 30 décembre, le pape met en exécution sa menace. Le concile est officiellement transféré à Ferrare.

Une Église à deux têtes d’importance inégale

Antipape Amédée VII
Le 8 janvier 1348, deux conciles généraux se tiennent simultanément, l’un à Bâle, l’autre à Ferrare, l’un en rupture avec le Saint Siège, l’autre présidé par le pape en personne ou par ses légats. Le premier n’est qu’un conciliabule, l’autre un concile légitime et donc œcuménique. De nouveau, la Chrétienté est divisée. L’Église est divisée entre deux têtes qui chacune prétendent la gouverner. Les rois d’Angleterre, de Castille et d’Aragon, et les princes de l’Europe appuient le pape et s’opposent au « concile de Bâle ». À l’assemblée de Bourges, le royaume de France approuve les décrets de réforme de Bâle tout en les modifiant à son profit et offre sa médiation aux deux partis pour faire cesser la division. Tout en déclarant leur neutralité, les princes allemands approuvent aussi les décrets réformateurs de Bâle avec quelques modifications dans une diète tenue à Francfort. Mais, le royaume de France et le Saint Empire germanique adhèrent à la doctrine de la supériorité des conciles généraux en matière de foi et de discipline.

À Bâle, le « concile » suspend le pape et affirme exercer l’autorité pontificale.  Le 16 mai 1439, présidé par le cardinal-archevêque d’Arles, il déclare la supériorité du concile général sur le pape, l’interdiction au pape de le dissoudre, de l’ajourner ou de le transférer, et accuse d’hérétiques tous ceux qui s’opposent aux deux précédents articles. Ils considèrent donc la supériorité du concile sur le pape comme un dogme.

Le 25 juin, le « concile de Bâle » déclare Eugène IV hérétique et le dépose de sa dignité pontificale. Il compte vingt prélats, dont sept évêques, et trois cents prêtres et docteurs. Ils procèdent alors à l’élection d’un nouveau pape. Le conclave comprend un cardinal, onze évêques, sept abbés, cinq théologiens, neuf juristes et canonistes. Amédée VII, ancien duc de Savoie et ermite depuis la mort de sa femme, est alors choisi. Il prend le nom de Félix V. Un nouveau schisme est né…

Le prestige pontifical retrouvé

Eugène IV revient sur la source de la querelle, l’interprétation du décret Haec Sancta Synodus. Il accuse les membres du « concile de Bâle » de mal l’interpréter et de vouloir ériger leur opinion en dogme. Il excommunie ses membres et annule leur décision. Il condamne ainsi le conciliarisme absolu comme le sens radical du décret Haec Sancta Synodus.

L’élection d’un antipape soulève une plus grande irritation de la part des princes et des rois d’Europe, y compris chez ceux qui les soutenaient, en particulier le roi de France, Charles VII. Celui-ci oblige ses sujets à reconnaître Eugène IV comme seul pape. Le Saint Empire Germanique reste dans la neutralité.


Le Cardinal Bessarion de Trébizonde
patriarche de Constantinople
 Juste de GAND, Musée du Louvre 
Deux événements vont encore ternir la crédibilité du « concile de Bâle ». Pendant que le « concile » sème la division dans l’Église, Eugène IV travaille à mettre fin à au vieux schisme de l’Orient. Il reçoit le patriarche de Constantinople puis l’empereur Jean VIII Paléologue (1423-1448). Après quelques concessions sur le protocole, une commission est mise en place pour examiner les points de désaccord et les moyens de prononcer l’union. Après de nombreuses discussions fertiles, le 6 juillet 1439, un décret d’union est solennellement publié. Les Arméniens, les Jacobites, les Monophysites de Mésopotamie, les Maronites et les Chaldéens adhèrent à leur tour au décret de l’union. Certes, en raison de la protestation de leurs populations, l’union ne se réalisera pas dans toutes les églises orientales, dont la plus importante, celle de Byzance, mais l’effort est louable, les négociations fructueuses, les véritables dissensions dogmatiques éteintes. Les uns diront que la haine entre l’Orient et l’Occident était trop forte pour espérer la fin d’un schisme, les autres insisteront sur une union fondée sur de vagues formules, sur l’opportunisme d’un empire aux abois. Retenons néanmoins que le schisme ne relève plus d’une question de foi mais d’une question de charité…

Ce succès retentissant - il en est bien un en 1442 - permet de relever le prestige du pape. Il devient désormais garant de l’unité de l’Église. Alors que le pape est porteur d’unité, le « concile de Bâle » est marqué par la division. Une question de répartition des décimes sur les bénéfices ecclésiastiques provoque un grave conflit entre les membres. L’antipape Félix V finit aussi par se lasser de son rôle. Après avoir dépensé toute sa fortune pour le concile, il finit par quitter Bâle en décembre 1442. Les membres du « concile de Bâle » continuent de dépenser leur temps à se quereller sur les bénéfices et les taxes. Le « concile » n’est véritablement plus qu’un conciliabule. Il a perdu tout crédit, sa cause est définitivement perdue. Il n’intéresse finalement plus guère de monde. Plus tard, le pape Nicolas V, successeur d’Eugène IV, réussit habilement à mettre fin au schisme.

Ainsi, avant de mourir, Eugène IV voit ses efforts couronnés. Nous pouvons souligner son courage et sa persévérance. Il était à la hauteur de sa charge. Grâce à lui, l’autorité pontificale est en bonne voie de restauration. Le prestige du pape sort donc grandi de ce combat. Certes, il n’a pas mené de réformes mais comment aurait-il pu en mener dans un tel contexte ? En outre, la réforme ne passait-elle pas d’abord par un affermissement de l’autorité pontificale, bien abîmée au lendemain du Grand-Schisme, comme le montrera le concile de Trente[10] ?

Conclusions

Concile de Trente
Le conciliarisme absolu a été le grand perdant du conflit qui a opposé le « concile de Bâle » et le pape. Mais les idées sont claires désormais. Les prétentions ahurissantes du concile ont montré tout le danger, voire l’absurdité, qu’il représente et toute la pertinence de la monarchie pontificale. La cause de tous ces conflits, le Grand Schisme et le conciliarisme, réside dans la remise en cause de l’autorité pontificale au sein de l’Église. Ils sont en quelques sortes le fruit amer des conflits qui ont opposé les papes aux empereurs germaniques puis aux rois.

Mais les idées conciliaires ont-elles disparu avec le « concile de Bâle » ? Certains partisans y restent fidèles, d’autres les abandonnent. Les principes de la monarchie pontificale sont de nouveau défendus. En 1460, dans la bulle Execrabilis, le pape Pie II interdit d’appeler d’une décision pontificale à un concile. Tout appelant est considéré comme hérétique et menacé d’excommunication. Annonce-t-il la fin du conciliarisme ? Non, puisque le même pape constate qu’à la cour romaine, « quiconque s’est frotté de savoir, se dit conciliariste. »…

Si elles ne sont plus incarnées, les doctrines conciliaristes ont néanmoins perduré dans les écrits, dans les influences. Elles sommeillent dans les consciences. Quand il devient évident que Rome ne se soucie guère de la réforme de l’Église, elles ne tarderont pas à se réveiller et à diviser de nouveau les esprits.

Après la triste expérience du concile de Bâle, l’idée même du concile peut faire frémir un pape. Et ses adversaires le savent bien. Il use de l’appel à un concile comme une arme qui doit le plier lorsqu’il s’oppose à leur politique. Lorsqu’il devient nécessaire, le pape veille alors à le surveiller, voir à le maîtriser, comme Jules II avec le Ve concile de Latran. Tout cela ne permet guère la mise en place d’une réforme sérieuse dont l’Église a tant besoin. Ainsi quand en 1518, Luther remet en cause l’autorité du pape et en appelle à un concile « libre » pour défendre sa doctrine, il éveille bien des souvenirs à ceux qui savent l’entendre. Les vieux démons se réveilleront à son appel. Le semeur de division est de nouveau prêt à agir



Notes et références
[1] Guerre entre Frédéric d’Autriche, allié du royaume de France, et Philippe le Bon allié du royaume d’Angleterre. Elle se déroule notamment en Alsace. Sigismond, l’empereur, intervient pour mettre en place une trêve pour faciliter le concile mais cette trêve est à plusieurs reprises violée.
[2] Le chanoine est connu pour avoir interrogé Saint Jeanne d’Arc lors de son procès. Il a été recteur de l’université de Paris.
[3] Le chanoine Beaupère exagère en effet la situation : la guerre et les hussites empêcheraient les prélats de venir et menacent le concile, les bourgeois bâlois serait hérétiques et infligerait aux membres du concile de mauvais traitements.
[4] Eugène IV, bulle pontificale, Mansi, Concil. Ampliss. coll., 1, XXIX, dans Histoire des conciles d’après les documents originaux, Charles-Joseph Hefelé, trad. Dom H. Leclercq, tome VII, 2ème partie,
[5] Dans Histoire générale de l’Église, Tome II, Le Moyen-âge, Volume VI, De Clément V à la Réforme 1305-1517, chap. V, II, n°78, Abbé A. Boulenger, Emmanuel Vitte, 1936.
[6] Le conciliarisme est un mouvement de pensée qui défend l’idée que l’autorité du concile est supérieure à celle du pape. On distingue le conciliarisme absolu du conciliarisme contextuel. Le premier défend le conciliarisme de manière absolue quand le second ne le défend que pour répondre à une crise extraordinaire comme celle du Grand Schisme d’Occident. Voir Émeraude, octobre 2018, article "Le conciliarisme absolu ou contextuel, développement jusqu'au concile de Constance [2]".
[7] Noël Valois, La crise religieuse du Ve siècle, Le Pape et le concile (1418, 1450), Tome II, V.
[8] Dans Histoire générale de l’Église, Tome II, Le Moyen-âge, Volume VI, De Clément V à la Réforme 1305-1517, chap. V, II, n°85, Abbé A. Boulenger.
[10] Voir Émeraude, juillet 2017 articles concernant le concile de Trente.