" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mercredi 25 janvier 2012

Connaissance de l'islam : la doctrine...

Article précédent : Mahomet...



Dans l'islam, la doctrine apparaît simple et facilement compréhensible. Elle nécessite aucune notion intellectuelle élevée. Mais, être simple ne signifie pas être clair, cohérent ou rationnel. Cette simplicité n'exprime que l'un des aspects les plus frappants de l'islam : une doctrine facilement accessible par tous. Attention : elle n'est pas non plus simpliste... Cette simplicité est plutôt l'expression d'une difficulté : l'absence de formulation systématique et précise des dogmes, qui se retrouvent dispersés dans le Coran. Elle s'explique aussi par l'absence de mystères et de paraboles. 

La doctrine s'exprime généralement par une courte profession de foi : la chahada. « Il n 'y a que Dieu qu'Allah et Mahomet est son prophète » (Coran, verset VI, 157). Elle affirme l'unicité de Dieu et la mission divine du prophète, telles sont les deux articles de foi de tout musulman. Mais, l'islam comprend d'autres articles aussi fondamentaux : 
  • croire en un Dieu tout-puissant sous une triple unicité ; 
  • croire aux anges, aux djinns et à Satan ; 
  • croire aux Livres saints, dont l'ultime est le Coran ; 
  • croire aux prophètes et aux messagers dont le sceau est Mahomet ; 
  • croire au jugement dernier, au paradis, à l'enfer et à la résurrection ; 
  • croire au destin, c'est-à-dire à la science de Dieu. 

Croire en Allah, le dieu unique

L'article fondamental de l'islam est l'unicité de Dieu. L'islam prêche la nécessité de croire en un Dieu unique sous la désignation arabe d'Allah. Cela consiste à reconnaître que : 
  • Dieu est le seigneur de toute chose et qu'il n'existe pas un autre seigneur en dehors de lui. Il est le créateur, le souverain de tous les êtres qu'il gouverne et qu'il n'est de créateur et de souverain sinon lui (unicité dans la seigneurie); 
  • Dieu est le seul qui mérite un culte exclusif et toute forme d'adoration (unicité dans la divinité) ; 
  • Dieu est le seul qui possède des attributs et des noms parfaits, sous la forme de 99 épithètes considérés comme révélés par Dieu et donc parfaits (unicité dans les noms et les attributs). C'est pourquoi le musulman doit invoquer Allah sous ces noms-là. 
Ce monothéisme se réclame directement de l'héritage d'Abraham. Le Coran identifie les arabes comme les descendants d'Ismaël. L'islam est donc un retour à un monothéisme primitif, qui a été considéré falsifié et pollué par les Juifs et les Chrétiens. L'islam a donc pour mission de l'épurer et de le communiquer au monde arabe.


Les anges, les djinns et Satan 

Les anges et les djinns sont des créatures de Dieu, les premiers venant de la lumière, les seconds du feu. Ils sont mortels. Le Coran et les hadiths donnent des indications précises sur leurs traits physiques, leurs capacités, leurs lieux d'habitation, leurs caractéristiques morales, etc. 

Le point le plus important concernant les anges est leur infaillibilité au sens où ils ne peuvent qu'obéir à Dieu et exécuter toujours ses ordres. Parmi les anges les plus importants, nous pouvons citer : Djabra'il (Gabiel), le messager, Mikha'il (Michel), qui veille sur la nature, Izraf'il (Raphaël) qui sonnera à la trompette au Jugement dernier, Malik, le gardien de l'enfer, Ridhwane, le gardien du paradis... 

Les anges glorifient Dieu et sont ses émissaires à ses messagers et à ses envoyés. Ils ont aussi pour mission de protéger les hommes dès leur conception, d'éveiller leurs bons sentiments et d'ôter les âmes des serviteurs à la fin de leur vie. Chaque homme dispose de deux anges gardiens qui mettent par écrit ses bonnes et mauvaises œuvres. Il dispose aussi d'un djinn. 

Les djinns ressemblent aux hommes (reproduction, alimentation) mais ont des capacités plus élevées. Ils ont pour mission d'exécuter les ordres et d'éviter les interdits. Ceux qui obéissent vont aux paradis, les autres en enfer. Satan ou Iblis est un djinn qui, pour avoir refuser de se prosterner devant Adam, fut chassé du paradis. Il a droit jusqu'au jugement dernier d'égarer les hommes. Son objectif est simple : peupler au maximum l'enfer. Pour cela, il commande à toute une armée de djinns qui se plaisent à les tourmenter. 

Croire aux Livres saints dont le Coran est l'ultime... 


L'islam reconnaît l'origine divine de certains livres de la Bible tout en considérant qu'ils ont été falsifiés. Le Coran est le livre sacré par excellence, le seul incorruptible, préservé de toute altération. Il est considéré comme incréé, une manifestation de la puissance de Dieu. Ce dogme a pour conséquence le refus de toute critique du Coran. Il demeure par conséquence immuable, et cela dans la seule version arabe. Enfin, le Coran est toujours selon les musulmans le dernier des livres révélés. 

Tout ce qui avait été retranscrit des révélations de Mahomet et tout ce que les compagnons avaient retenus de ses paroles ont été rassemblés en un livre, le Coran. Après de nombreuses rédactions, le calife Othman (644-656) en établit une « vulgate ». L'édition standard de 1923 d'El-Azhar tend à devenir la norme universelle sunnite. Le Coran se divise en 114 chapitres, appelés sourates, constitués de versets au nombre variable. L'ordre des versets et des sourates est purement arbitraire, sans ordre chronologique de la révélation. Les sourates sont classées des plus longues aux plus courtes. 

Dans la version arabe, le Coran est une œuvre poétique inimitable dont la beauté est considérée comme signe de son caractère sacré et de son authenticité. L'islam présente ce dogme de l'inimitabilité comme le miracle suprême. 

Le Coran est un mélange indissociable constitué de règles de droit privé, de conseils de moral et un recueil religieux qui contient une cosmologie et qui énonce les devoirs religieux du croyant. Il passe, côte à côte, et sur le même plan, les affirmations religieuses et mystiques, des règles précises et sommaires de politique et d'éthique, les préoccupations de Mahomet dans sa vie publique et ses discours, des invectives contre ses adversaires, des exhortations à la guerre sainte ou à la patience, des tableaux saisissants de la fin du monde, du paradis et de l'enfer. Comme nous l'avons vu dans la vie de Mahomet, le Coran reflète les préoccupations d'un chef religieux, politique et militaire qui tente d'organiser une nouvelle communauté. 


Les hadiths 


Outre le Coran, l'islam se réfère à des transmissions de paroles, actes et approbations de Mahomet et de ses compagnons. Ces récits sont appelés hadiths. Il y eut de nombreuses compilations de hadith, dont certaines ne sont pas reconnues comme authentiques par les différentes branches de l'islam. On compte plus d'un millions et demi de hadiths. 

Ces hadiths sont souvent utilisés pour répondre aux besoins du moment et compléter le Coran, qui ne peut répondre à toutes les questions que se pose la communauté musulmane. Certains hadiths peuvent ainsi être opportunément découverts par des imams pour imposer une nouvelle loi, ce qui explique aussi les critiques portées sur leur authenticité. 

A chaque hadith est associé une chaîne des témoins, garants de leur authenticité. Cette chaîne a fait l'objet de critiques pour déterminer le degré de confiance, critiques qui ont suscité de vices controverses. 

La Sunna 

Pour compléter le Coran et les hadiths, les musulmans ont recours à la tradition, au récit des faits, gestes, actes et paroles du Prophète. C'est un résumé des coutumes et des conceptions de la plus ancienne communauté. Le livre des hadiths est contenu dans l'ensemble de la Sunna. La Sunna peut se passer du Coran mais le Coran a besoin d'être expliqué par la Sunna. La Sunna est donc indissociable au Coran. Les jurisconsultes ont introduit des éléments nouveaux par la Sunna. Les musulmans respectant cette tradition se nomment les sunnites, gens de la Sunna


Croire en ses prophètes et en ses messagers 


Allah a élu certains hommes, les prophètes et les messagers, pour révéler progressivement aux hommes la vérité et appeler les peuples choisis à une obéissance que leur aveuglement leur a fait parfois oublier. Le prophète est chargé de rappeler et d'appuyer des prescriptions d'origine divine déjà révélées avant lui. Le messager révèle de nouvelles prescriptions ou rappelle celles déjà révélées par un autre messager. Tous sont envoyés par Dieu pour son adoration, l'établissement de sa religion et la confirmation de sa triple unicité. L'islam demande une obéissance à tous les prophètes et messagers, sans exception. 

Mahomet n'est pas seulement le dernier des envoyés. Il en est le sceau, celui qui rétablit dans son intégrité la révélation divine, déjà reçue partiellement par les Juifs et les Chrétiens, mais déformée par eux. Alors que les autres ont été envoyés pour un peuple particulier, seul Mahomet adresse son message à toute l'humanité. 


Le Jugement dernier 


L'histoire du monde doit s'achever par la résurrection et le Jugement dernier. La fin des temps sera marquée par des bouleversements effrayants. Le madhi, le bien dirigé d'Allah, restaurera la pratique de la vertu. L'Antéchrist, le faux messie, sèmera la ruine et le deuil. Il sera finalement tué par Jésus, à nouveau sauveur de l'humanité. Au jour du Jugement, tous les hommes mourront et ressusciteront. Chacun comparaîtra devant Allah, muni du livre contenant tous ses bonnes et mauvaises actions. 

L'homme est responsable de ses actes et sera jugé au Jugement dernier. Il n'y a pas dans l'islam de péché originel, ni déchéance de la nature humaine, mais aveuglement temporel. Seuls les envoyés et les martyrs ont accès directement au paradis. 

Il existe un enfer,divisé en sept étage dont l'étage supérieur comprendra les musulmans coupables et dans les autres les différentes catégories d'infidèles. 


La foi au destin 


Croire au destin revient à reconnaître la science éternelle de Dieu, sa volonté agissante et sa toute puissance. La foi dans le destin comprend deux degrés : 
  • Dieu connaît ses créatures, leurs états, leurs destinées ; 
  • ce que Dieu veut se produit, et inversement, ce qu'il ne veut pas ne se produit pas. 
Tout musulman doit croire au destin imparti en bien comme en mal. Le mal n'est qu'une mauvaise perception du bien car rien de mal ne sort de Dieu. Par conséquent, l'islam demande une parfaite soumission à la sagesse et au vouloir divin. 

La doctrine de l'islam ainsi décrite est celle la plus couramment admise. Trois points sont importants à noter : 

  • il s'est développé dans l'islam une science de la foi, le fiqh, qui a conduit à la naissance de nombreuses écoles, hérésies et sectes dans l'islam ; 
  • une réflexion théologique s'est développée surtout à partir du Xème siècle en prenant notamment comme référence la philosophie grecque, effort qui a été stoppé
  • les doctrines musulmanes sont inséparables à des pratiques strictes et à une morale simplifiées, à une sorte de contrat qui garantit les meilleures conditions d'existence dans la vie présente et la récompense éternelle dans la vie future. 




lundi 23 janvier 2012

Qu'est-ce qu'un miracle ? Exemple de Lourdes...

Article tiré d'une conférence avec l'aimable autorisation des auteurs 


Le miracle demeure un élément permanent de toutes les religions ou croyances. Dans l'antiquité ou dans des peuplades primitifs, on attribuait aux héros mythologiques ou à des objets inanimés des pouvoirs miraculeux. Seuls l'islam et le bouddhisme prétendent peu au miracle. Les protestants ne croient guère qu'aux miracles bibliques ou à la rigueur de ceux du Christ. L'Église tient le miracle pour indiscutable et pour soutien de la foi. Il fait partie intégrante des Saintes Écritures et du christianisme. 


Les chrétiens oscillent actuellement entre deux attitudes radicales devant le miracle : certains le tiennent pour indigne de Dieu et inacceptable pour l'esprit scientifique, d'autres voient dans le miracle une rencontre sensible, directe et transparente avec Dieu. 

Différentes perceptions du miracle 

Dans le Nouveau Testament, le miracle est perçu comme un signe qui exprime Dieu ou un prodige qui défit les lois de la nature, deux aspects d'un même terme que le christianisme n'oppose pas. Comme signe, il est un langage de Dieu et du Christ. Il se différencie de la magie, plutôt axée sur le prodige. Le caractère prodigieux et exceptionnel, qui manifeste la transcendance de Dieu et sa gratuité, n'est cependant pas oublié. Comme prodige, le miracle est une attestation de la puissance de Dieu et de l'intérêt qu'Il porte aux hommes. Ainsi, est-il pris par les chrétiens comme argument apologétique. Origène distingue les miracles du Christ des prestiges magiques par leur but religieux. Les miracles « sont donnés pour le salut des âmes, la réforme des mœurs, l'éclat du culte ». 

Le mot miracle vient du verbe « mirari » qui signifie étonner. Le miracle est perçu comme une merveille. La Sainte Ecriture souligne l'admiration et l'étonnement de la foule devant les œuvres du Christ ou de Dieu. 

Saint Augustin voit dans le caractère insolite le critère d'une intervention spéciale de Dieu. Il distingue deux catégories de miracles : les miracles quotidiens, perceptibles dans le cours naturel des événements, et dans un sens plus restreint, les prodiges. Saint Grégoire insiste sur la première catégorie des miracles : les naissances naturelles, la moisson, … mais leur caractère habituel a fait pâlir ces merveilles quotidiennes. 

Selon Saint Anselme, en le situant sur les types de causes (naturelle, humaine, divine), le miracle relève de la volonté de Dieu et donc de son intervention. Ainsi, Guillaume d'Auxerre définit le miracle comme surnaturelle en opposition aux faits naturels qui sont selon la nature. 

Saint Thomas d'Aquin discerne trois aspects du miracle. Il est insolite et remplit d'étonnement, il est d'ordre surnaturel, et ne peut être réalisé que par Dieu. Il spécifie le miracle ce qui est exception à l'ordre naturel de la création sans le considérer comme contre la nature. 

De manière classique, on distingue trois catégories de miracles : 
  •  les faits qui excèdent les possibilités de la nature quant à l'essence même de la réalité produite (don d'ubiquité, gloire du corps humain, ..) ; 
  •  les faits qui excèdent les possibilités de la nature quant au sujet dans lequel il se produit ( résurrection des corps, guérison des malades ou d'infirmités rigoureusement incurables, ...) ; 
  •  les faits qui n'excèdent pas les possibilités de la nature mais qui l'excède seulement quant au processus ( pluie imprévisible, guérisons instantanées, …). 

Critique moderne du miracle 

Le miracle s'oppose à la science qui s'appuie sur deux exigences. D'une part, elle se fonde sur le postulat du déterminisme qui conçoit l'univers comme un enchaînement sans faille de faits explicables où il n'y a pas de place pour des interférences surnaturelles. Ce postulat est néanmoins remis en cause. Des théologiens adhèrent généralement à ce postulat, prenant comme principe que Dieu ne saurait transgresser l'ordre qu'il a établi. D'autre part, la science est expérimentale, n'affirmant rien que sur l'expérience, réitérable et vérifiable.

Le miracle n'est pas un objet normal d'expérience, échappant ainsi à l'expérimentation. Mais, prenant les exigences de la science expérimentale et à partir des constats de miracles, le futur Benoît XIV a établi des normes pour leur vérification en vue des procès de canonisation. La constatation des miracles a ainsi pris progressivement de l'importance au point d'éclipser au début du XXème siècle le miracle lui-même. Face au rationalisme qui niait la possibilité de tout miracle, des chrétiens ont ainsi prouvé qu'il existait des miracles strictement inapplicables par les lois de la nature. 

En 1905, sur le conseil de Saint Pie X, est né le bureau des constatations médicales de Lourdes, à la fois pour écarter les illusions et pour présenter aux chrétiens des cas sérieux et dûment reconnus afin de réfuter les adversaires anticléricaux. Entre 1907 et 1913, ont été ainsi reconnues 33 guérisons miraculeuses. En 1946, ont été fondés, à Lourdes, un bureau médical, chargé d'instruire les dossiers, et un comité médical international, composé de sommités médicales, chargé de juger en dernier ressort au plan scientifique. 

Aux médecins de la commission, l'Eglise pose trois questions : 
  • y avait-il maladie et quelle maladie ? 
  • y a-t-il guérison, complète, instantanée, etc. ? 
  • la guérison est-elle inexplicable par la science ? 

Les médecins répondent aux deux premières questions. La troisième question les embarrasse puisque le propre de la médecine, comme toute science, est de refuser l'inexplicable. C'est pourquoi les médecins répondent ordinairement en ajoutant la clause : « inexplicable dans l'état actuel de la science ». Une telle restriction pose difficulté car elle rend caduque leur témoignage. 

Pour éviter toute suspicion, sont exclues toutes guérisons de maladies purement fonctionnelles, sans lésions anatomiques, maladies qui pourraient n'avoir qu'une origine psychologique. Cette exclusion est illusoire car en médecine ordinaire, le « nerveux » n'est en rien un faux malade non organique. Une perturbation nerveuse peut conduire à des troubles fonctionnels lesquels aboutissent à des lésions qu'un rééquilibre nerveux peut guérir. La suggestion chez certains sujets est capable de faire disparaître en quelques heures des tumeurs infectieuses comme des verrues. Dieu pourrait-il alors se servir des ressources du système nerveux pour la guérison ? On ne saurait nier que la confiance guérit ou contribue à la guérison, encore plus la foi religieuse dans l'ambiance des cérémonies collectives. 

L'Eglise ne demande jamais à la médecine de constater les miracles. Seule l'Eglise est en effet compétente pour affirmer de toute son autorité qu'il s'agit bien d'un miracle. Elle lui demande uniquement un avis technique et scientifique sur le fait de la guérison. Le constat revient à l'évêque du diocèse auquel appartient le malade guéri. Sur la base du constat médical, qui constitue un préalable, une commission ecclésiastique étudie le contexte religieux de la guérison, ses fruits moraux et spirituels, personnels et communautaire, pour le malade et son entourage. 


Mais, si embarrassés par les faits merveilleux, les évêques les ont parfois étouffés pour éviter la difficulté de se prononcer. A Lourdes, il n'y a pas eu ainsi de constats de miracles de 1965 à 1977. Les pèlerinages recevaient la consigne formelle de faire silence, jusqu'à ce que les guérisons soient dûment constatées. En outre, on a donné une telle importance au constat médical que les ecclésiastiques y voyaient le seul critère et s'y enlisaient au lieu de faire leur travail propre : le discernement des circonstances morales et spirituelles, ou bien ils le réalisaient selon des critères purement administratifs et juridiques. Actuellement, à Lourdes, les ecclésiastiques commencent à dépasser le rationalisme des années 1965-1975. Deux miracles ont été reconnus en 1977 et 1978. 

Au XXème siècle, le miracle a apparu donc comme un défi à la science mais l'Eglise semble revenir vers la doctrine du Concile de Vatican I qui anathématise ceux qui déclarent les miracles impossibles et les relèguent parmi les fables et les mythes. En outre, aujourd'hui, plus pénétrés de la complexité du réel et conscients de ne pouvoir conclure qu'en termes de relativité, de probabilité, de statistique, etc., les scientifiques sont moins sûrs d'eux-mêmes. Le scientisme et l'anti-scientisme sont dépassés par ce nouveau stade de la science. 

Sources de la conférence : 
René Laurentin, Sens de Lourdes (1955), Lourdes et la science (1958). 
Docteur Paul Chauchard, Président de « Laissez les vivre », la Foi du savant chrétien (1957). 
Docteur Olivieri et Dom Billet, Y a-t-il encore des miracles à Lourdes ? (1972). 
Historia spécial Les miracles, n°294 bis

vendredi 20 janvier 2012

La guerre sémantique. Un exemple : la théorie du genre

Les principes


Antonin Artaud renie le langage articulé, c'est-à-dire la parole et le texte, d'autres savent parfaitement le manipuler pour aboutir au même résultat : le renversement de l'esprit ou encore une réévaluation des valeurs. Deux philosophies actuellement dominantes dans les milieux académiques, intellectuels et artistiques ont pour objet le langage. La théorie du genre les emploie pour s'imposer dans notre société. Il est donc particulièrement intéressant d'en connaître les grands principes avant de voir une application concrète. 

« La conception que tout individu a du monde est et reste toujours une construction de son esprit et on ne peut jamais prouver qu'elle ait une quelconque autre existence » (Erwin Schrödinger, L'Esprit et la Matière). 


Selon le constructivisme, la réalité est une construction de l'esprit. Cette représentation de la réalité ne se révèle que par le langage. Cette réalité se construit selon la puissance immanente à la société qui s'exprime par des normes et des valeurs. Le sens des mots tout comme l'individu se crée donc dans le social. 


« Le problème à la fois politique, éthique, social et philosophique qui se pose à nous aujourd'hui n'est pas d'essayer de libérer l'individu de l'Etat et de ses institutions, mais de nous libérer, nous, de l’État et du type d'individualisation qui s'y rattache. Il nous faut promouvoir de nouvelles formes de subjectivité » (Michel Foucault dans son cours au Collège de France, Du Gouvernement des vivants). Pour rendre ainsi normal l'homosexualité, il prône « de créer des formes culturelles ». 


En conséquence, pour connaître la réalité, il faut « déconstruire » ou encore « démolir » le langage, c'est-à-dire décomposer la structure du langage pour retrouver les sens véritables qu'il exprime. Il faut « désassembler » les notions philosophiques. C'est le déconstructivisme. Cela conduit à une réorientation du discours, de l'histoire et de la tradition. Au lieu de cloisonner un terme à un sens, cette philosophie ouvre divers sens, une incertitude infinie, une indétermination de sens. Cela nécessite de désorganiser les systèmes et de renverser l'ordre conceptuel. 

Ces deux philosophies, le constructivisme et le déconstructivisme, ont d'abord conquis les mouvements contestataires en France et dans le monde anglo-saxon dès les années 70 avant d'influencer aujourd'hui le monde artistique et le monde académique. Ce sont les courants philosophiques dominant de notre époque... 




Un cas pratique : l'identité sexuelle... 

L'identité sexuelle révèle deux aspects : la réalité biologique et la représentation construite de cette réalité, c'est-à-dire le fait social. Ainsi, devons-nous distinguer le « sexe » qui comprend les propriétés biologiques et permet de caractériser le corps féminin et le corps masculin, et le « genre » qui couvre cette réalité construite, les identités masculine ou féminine, en tant qu'elles sont une construction sociale. Dans ce cadre conceptuel, le sexe est donc d'ordre biologique et le genre d'ordre social. On a ainsi déconstruit l'identité sexuelle. Nous pouvons aussi distinguer les pratiques ou les orientations sexuelles sous le terme de « sexualité ». L'homosexualité ou l'hétérosexualité relèvent de la sexualité. Que se passe-t-il si nous parvenons à donner une réalité à ces concepts et à les disjoindre à des fins idéologiques ? 

Ces concepts ont été mis en place pour étudier un domaine de réalité sociologique. Mais, l'étude n'était pas neutre. Car derrière cette étude se trouve un présupposé marxiste selon lequel toute différence recouvre une structure de domination, et dans notre cas d'étude, de domination d'un sexe par rapport à un autre. Il s'agit de mettre en évidence la hiérarchie entre les sexes et de montrer une discrimination jugée injuste car source d'oppression à l'égard des femmes. Il faut donc établir l'égalité et dépasser cette hiérarchie. L'égalitarisme est le deuxième présupposé... 
Les mouvements féministes demandent ainsi que l'être humain ne se définisse plus selon son sexe, mais selon son genre. L'identité sexuelle n'est donc pas une réalité mais un produit de la société et de l'histoire. Elle est donc changeante. Pour progresser vers la justice, et par conséquent vers l'égalité des sexes, il faut déconstruire le genre et gommer les différences entre homme et femme... 

Toujours selon cette théorie, l'identité ne peut pas se fonder sur une réalité biologique. Cela reviendrait à refuser de se construire soi-même, à refuser sa propre liberté. En outre, l'être humain doit aussi s'échapper de l'oppression sociale pour être libre et se construire selon son propre vouloir, selon son désir. Le désir est finalement le seul fondement de cette identité. Il suffit de « vouloir être » pour être ce que l'on veut. Ainsi, l'orientation sexuelle prime sur le genre et sur le sexe. La sexualité est donc la seule valeur à inculquer. 


Il y a désormais distinction entre le sexe et le genre, considérés non plus comme des concepts, mais comme des réalités. Ce qui était objet d'étude devient réalité ! Il y a plus qu'une distinction ! Il y a véritablement séparation, « déconnexion ». La représentation de la réalité est sciemment déconnectée de la réalité. Ce qui est objet d'étude devient réalité ! Tel est le prodige réalisé. Le langage modifie la manière de penser et la façon de vivre. Ainsi, l'être humain ne s'identifie plus par des propriétés biologiques mais par sa propre identité sexuelle, qu'il est libre de construire par lui-même. Ainsi, souhaite-on se marier avec une personne sans se préoccuper de savoir s'il s'agit d'un homme ou d'une femme ! 

Prenons deux autres exemples... 

En introduisant le terme d'hétérosexualité, implicitement, on introduit la notion d'homosexualité. L'hétérosexualité est « cependant une fiction, car ce n'est pas la sexualité des individus qui a jamais fondé le mariage, ni la parenté, mais d'abord le sexe, c'est-à-dire la distinction anthropologique des hommes et des femmes » (philosophe Sylviane Agacinski, tribune du Monde du 26 juin 2007). En inventant une classe illusoire de sujet, on introduit automatiquement l'autre classe opposée, l'homosexualité. Deux catégories sont ainsi opposées. On retrouve la question de l'égalité et de la discrimination entre ces deux classes. Puis, on présente cette inégalité comme injustifiée. L'hétérosexualité est montrée comme une « production spécifique de l'Occident moderne et même bourgeois » (Michel Foucault, Histoire de la sexualité). L'homosexualité apparaît alors comme un choix possible, légitime. Cette méthode de construction permet « d'introduire du neuf dans notre conscience culturelle, politique et personnelle ; c'est découvrir une nouvelle façon de nous voir et c'est créer, peut-être, de nouvelles façons d'être dans notre peau » (Michel Foucault, Deux points de vue sur l'Amour grec). Une nouvelle forme culturelle est née! 

Prenons comme dernier exemple le terme de filiation. On le déconstruit en deux termes : on parle de parents pour traduire la filiation biologique et de parentalité pour révéler la composante sociale de la filiation. On déconnecte progressivement les deux termes. La fonction de parentalité n'est donc plus liée à la nature et donc aux sexes mais à un fait social, à une construction sociale qui est possible de modifier dans le sens du progrès. Ainsi, quel que soit son sexe, on peut prétendre à la parentalité. « Un parent n'est pas nécessairement celui qui donne la vie, il est celui qui s'engage par un acte volontaire et irrévocable à être le parent » (association des parents gays et lesbiens). Cela ouvre la voie à l'adoption des enfants par des homosexualités. 

« L'étude de la théorie du gender est inscrite dans le programme de la plupart des disciplines dans toutes les universités ; ainsi se diffusent ses notions au nom de la volonté de construire un monde plus égalitaire et sans discriminations. Derrière des propos apparemment généreux, se cache une véritable entreprise de sape qui s'en prend délibérément à tout ce qui pourrait rappeler et signifier la différence sexuelle. Le christianisme est le premier visé. » (Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse). 


Il faut être conscient qu'actuellement une véritable entreprise de démolition est menée pour changer les valeurs de la société et notre propre façon de penser. Cette entreprise inavouable utilise deux philosophies : le constructivisme et le déconstructivisme. Le langage est le support de cette manipulation intellectuelle et sociale dont le but est de parvenir à un changement profond de la société... 

lundi 16 janvier 2012

Antonin ARTAUD : le théâtre de la cruauté


Précédent article : porter un regard de foi... 



Les articles précédents indiquaient le danger que pouvaient présenter la pièce intitulée Sur le Concept du visage du Fils de Dieu de Roméo Castellucci. Ils étaient le fruit d'une profonde réflexion, fortement inspirée de critiques, d'entretiens et d'extraits que nous pouvions découvrir sur Internet. Ces réflexions sont désormais, et hélas, réconfortées au sens où elles peuvent maintenant s'appuyer sur une doctrine claire, celle d'un artiste aujourd'hui disparu, un des maîtres à penser de Roméo Castellucci et de ses compères, et de tout un mouvement qui influence actuellement le théâtre moderne. Ce maître est Antonin Artaud (1896-1948). Sa théorie a pour nom théâtre de la cruauté . Elle est tirée de l'essai intitulé Le Théâtre et son double (1935). 


« Sans un élément de cruauté à la base de tout spectacle, le théâtre n'est possible. Dans l'état de dégénérescence où nous sommes, c'est par la peau qu'on fera rentrer la métaphysique dans les esprits » (Antonin Artaud). 

Tout est résumé dans cette phrase. Selon Antonin Artaud, la société est décadente et nécessite une régénération. La première guerre mondiale manifeste pour lui la faillite de cette société. C'est par les sens qu'il veut introduire sa révolution, sa « métaphysique ». Il comprend que par l'art, il peut arriver à changer l'homme. 

Antonin Artaud a fait parti du mouvement surréaliste du début du XXème siècle avant de le quitter rapidement pour deux raisons. André Breton, l'auteur du Manifeste du surréalisme, cherche la beauté et l'émerveillement dans la vie. Antonin Artaud la méprise. Le deuxième point d'achoppement est le mode d'action pour parvenir à la révolution. Antonin Artaud refuse en effet l'adhésion du mouvement au parti communiste français. La révolution doit être spirituelle et non politique. Constatant la « dégénérescence » de la société, il veut atteindre les hommes au fond de leur conscience ou de leur âme. Et pour cela, il passera par l'art … 

 « Si nous faisons du théâtre, ce n'est pas pour jouer des pièces mais pour arriver à ce que tout ce qu'il y a d'obscur dans l'esprit, d'enfoui, d'irrévélé se manifeste en une sorte de projection matérielle » (Antonin Artaud). 

Antonin Artaud cherche à rendre saisissable ce qu'il croît être le fond de l'homme. Et pour saisir l'insaisissable, il n'est pas besoin de parole. Elle est inutile et fausse même la pensée. Il veut pénétrer directement dans le subconscient par l'image, le sens, l'odeur, par une mise en scène qui devient le véritable langage du théâtre. Il rejette aussi le texte écrit, c'est-à-dire tout langage articulée. Car il voit une distorsion entre la réalité telle qu'elle est et la réalité telle qu'elle exprimée par le langage. Il refuse aussi toute manière de penser qu'il veut dépasser car elle méprise la pensée elle-même. Antonin Artaud veut donc s'adresser aux sens du spectateur et plus seulement aux esprits. « La foule pense d'abord par ses sens … Il est absurde de s'adresser d'abord à son entendement » (Antonin Artaud). 

Le metteur en scène propose aux spectateurs une série de tableaux qui sont autant de paraboles, d'énigmes offertes aux sens. Il ne s'agit plus pour eux de regarder et de suivre le déroulement d'une histoire, mais d'accepter de se laisser traverser par des sons, des images, des cris qui l'interpellent. « L'art pose des problèmes et ne les résout pas, c'est une question et non une clé. Bien sûr, le rapport avec la vérité ne cesse d'être présent, mais caché, voilé, masqué » (Antonin Artaud). 

Il donne à son « art » la mission de rendre aux hommes la vie et le corps que les religions veulent le déposséder. C'est ce qu'il appelle « le désenvoûtement poétique ». La poésie doit permettre de sortir de tous les « délires de la masse », dont la religion. Il veut lutter contre l'empoisonnement généralisé de l'humanité par la religion et les croyances sociales. Elle a donc un rôle politique. Il est à noter qu'Antonin Artaud a, par son éducation religieuse chez les pères maristes, une forte connaissance de la théologie catholique que l'on retrouve dans ses œuvres. 

Il veut aussi rendre la cruauté saisissable, et d'une manière très vive, pour faire réagir le public. Il refuse sa passivité. Il le baigne ainsi dans un « bain constant de lumière, d'images, de mouvements et de bruits » et cherche à créer chez le spectateur un état de peur. L'auteur attend de la mise en scène qu'elle produise un choc d'ordre traumatique. Le théâtre doit « agir sur les nerfs ». Il ne prend pas le terme de « cruauté » uniquement dans le sens de souffrance, de froideur extrême ou de plaisirs morbides. Cette cruauté évoque la violence et l'atrocité homicide sanglante et épouvantable. C'est aussi le sang qui coule dans les veines, qui fait vivre, émouvoir, bouleverser, assommer. La cruauté désigne tout le monde intérieur de l'homme... Le théâtre, par son extrême violence, peut révéler le fond de l'inconscient individuel et collectif rempli de cruauté. 

Antonin Artaud veut donc rendre corps le mal et le néant qu'il voit dans chacun des hommes. Mais, il semble qu'il ne fait finalement que projeter ses propres souffrances. Il est en en effet profondément habité par le mal, un mal autant moral que physique. « Je méprise plus encore le bien que le mal ». Jeune, il dira que l'écriture est une lutte contre la pensée qui l'abandonne, le néant qui l'envahit. Ses dernières paroles, retrouvées dans un cahier, sont claires : « de continuer à / faire de moi/ cet envoûté éternel / etc. »... 

Dès son enfance, Antonin Artaud est perturbée par des troubles nerveux et devra suivre vingt ans de traitement à base d'arsenic, de bismuth et de mercure. Plus tard, en 1937, jugé violent, dangereux pour lui-même et les autres, il est interné dans des hôpitaux psychiatriques. Il suit un traitement à l'électrochoc. Il finit cependant par sortir de l'asile en 1947. Il mourra d'une surdose accidentelle d'hydrate de chloral l'année suivante. 


Contrairement à ce que nous pourrions croire, la pièce Sur le Concept du Visage du Fils de Dieu n'est pas sans importance et pourrait être plus sérieuse que nous le pensions encore. Il est la continuité d'un mouvement qui tend à imposer une révolution spirituelle pour parvenir à une autre société. Mais, nous ignorons tout de cette nouvelle société. Nous savons uniquement, au stade de nos recherches, que cette révolution naît probablement d'un mal profond autant moral que physique, qu'elle s'oppose à la religion et aux croyances sociales. Pourtant, l'aspect le plus inquiétant n'est pas cette pièce en elle-même mais le soutien qu'elle bénéficie dans le monde artistique, économique et politique. Est-ce simplement du mécénat et de la mondanité, un effet de mode, un investissement efficace ? Probablement. Ou encore un soutien à cette révolution « métaphysique » qui veut régénérer la société ?...

vendredi 13 janvier 2012

Ne pas rester indifférent dans le combat spirituel et intellectuel ...


En 2011, la théorie du genre s'est introduite dans les écoles publiques. Selon cette idéologie, l'identité masculine ou féminine serait une affaire personnelle, indépendante de la nature physique, et serait construite selon le seul désir de l'individu. L'année 2011 a été aussi marquée par des spectacles odieux et dangereux pour la foi et le salut des âmes. Leurs auteurs suivent une théorie érigée au début du XXème siècle, celle du théâtre de la cruauté

Ces deux théories présentent trois similitudes. Elles se fondent d'abord sur un même principe : la réalité n'est ni accessible à l'homme, ni connue de l'homme. Elle encore moins exprimable par la parole ou le texte. Puis, elles emploient le même mode d'action : atteindre l'intelligence de l'homme en déstructurant ses pensées, soit par le langage, soit par la mise en scène. Elles cherchent à le désorienter profondément en lui ôtant ses repères traditionnels pour imposer une autre manière de penser et finalement de vivre. Elles ont enfin le point commun d'être soutenues par une élite et semblent ne rencontrer aucun obstacle sérieux pour s'imposer dans une société cruellement indifférente. Ainsi peuvent-elles tranquillement prospérer et convertir les esprits... 

Quelles différences avec le christianisme qui a su convertir autrement des peuples ! La conversion à la foi n'est pas une affaire de manipulation, de démolition, de destruction. Les Pères apologistes du IIème siècle ont par exemple montré une autre façon de combattre, employant avec courage un langage de vérité, plein de sens et de sincérité. Dieu use aussi d'autres moyens pour que la vérité triomphe. Il se révèle et se manifeste, notamment par les miracles... 

Face à ces dangers, le chrétien ne peut rester indifférent. Il doit manifester sa réprobation, réveiller les âmes insouciantes et donner aux hommes les moyens d'y résister tant sur le plan intellectuel que spirituel. Car c'est bien un combat intellectuel et spirituel qui est engagé dans notre société. Voilà certainement le combat que nous devons mener et ne pas perdre pour la gloire et l'amour de Dieu, et si nous ne voulons pas voir la civilisation de la haine et de la mort dominer ici-bas et dans le cœur de nos enfants...