" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 23 février 2019

Le gallicanisme, une spécificité du royaume de France

Dans l’histoire de l’Église, la primauté pontificale a soulevé de nombreuses oppositions de la part de puissances temporelles et religieuses. Les papes se sont en effet confrontés aux empereurs romains puis germaniques, aux patriarches de Constantinople, ou encore aux tenants des différentes thèses conciliaristes avant même les protestants. Les papes ont aussi défendu fermement leurs droits contre de nombreuses thèses provenant de théologiens ou de canonistes qui ont inventé de nouveaux modes de gouvernement de l’Église ou de fondement de la souveraineté au sein de l’Église. Certaines d’entre elles subsistent encore. Les conflits qui ont opposé les papes et les empereurs ou les rois ont aussi abouti à une remise en question de la primauté pontificale. La question de la primauté pontificale est ainsi au cœur de nombreux conflits. En 1870, elle a fini par donner lieu à la constitution dogmatique Pastor aeternus. Pourtant, aujourd’hui encore, au sein de l’Église, elle demeure au centre de nombreuses questions, voire de la crise que nous connaissons.

Après avoir affronté la puissance impériale avec succès, les papes ont dû faire face aux nouveaux États européens et à leur affermissement sur la scène internationale. La France n’a pas été le moindre de ses adversaires. La « fille aînée de l’Église » s’est parfois montrée virulente dans son opposition à l’autorité pontificale. Cette opposition semble même être une constante dans son histoire. Certes, elle a pu être violente et extraordinaire dans l’attentat d’Anagni ou dans l’affaire de Saisset mais elle n’est pas circonscrite à un règne. Ce mouvement, plus ou moins fort, en est même une particularité. Il porte un nom : le gallicanisme

Qu’est-ce que le gallicanisme ?

Le terme est employé pour désigner un mouvement à la fois religieux et politique qui cherche à assurer l’indépendance du Royaume de France contre ce qui apparaît comme des empiétements de la papauté. Certains historiens le voient apparaître au XIVe siècle lors du grand schisme d’Occident, d’autres le font commencer sous le règne de Louis XIV au XVIIe siècle. Pourtant, le terme est plutôt récent. Il daterait du XIXe siècle[1], c’est-à-dire à une époque où le pape doit défendre son autorité et l’affirmer, notamment lors du premier concile de Vatican. Les événements et les débats qui ont lieu sont sans-doute l’occasion de mieux percevoir les mouvements d’idées qui animent le passé et qui demeurent imperceptibles pour ceux qui en étaient les acteurs. C’est peut-être aussi un moyen bien commode pour identifier des attitudes et des faits. Le terme de « gallicanisme » est donc appliqué à un passé par ceux qui ne l’ont pas connu au risque de le travestir. Il pourrait encore traduire un idéal du XIXe siècle ou encore une conception de l’histoire peut-être bien étrangère à la réalité historique.

Cependant, le terme de « gallicanisme » traduit aussi un fait qui ne peut être ignoré, la volonté du royaume de France de défendre ce qui étaient appelées les libertés gallicanes ou encore les privilèges de l’Église gallicane

En effet, avant le XIXe siècle, seul le terme de « gallicane » était vraiment utilisé. Il semble que ce terme lui-même a évolué. Avant le XIVe siècle, il ne désignait qu’un certain particularisme, faits d’usages et de coutumes, en relation avec Rome, qu’on cherchait à défendre contre les seigneurs et contre les rois. Le pape apparaissait aux yeux des évêques et des abbés comme la seule autorité capable de les défendre contre leurs interventions et leurs abus. Après le XIVe siècle, le terme est plutôt utilisé pour désigner l'opposition française à Rome et sa volonté de préserver ce qu’elle nomme un droit sous la direction du roi. 

Le « gallicanisme » n’est donc pas vraiment une doctrine en dépit du terme qui le définit, même si elle défend quelques thèses, notamment le conciliarisme ou l’indépendance du temporel. Il est  surtout marqué par une volonté de préserver ce qui apparaît comme des droits contre ceux qui veulent les réduire au sein de l’Église gallicane, c’est-à-dire de l’Église de France. L’objet de la défense est soit des coutumes, des privilèges ou des droits. Le terme de « maximes » est aussi utilisé. 

Il s’agit donc avant tout de préserver le particularisme de l’Église dite gallicane contre tout empiétement, soit du pouvoir religieux comme le pape, soit du pouvoir temporel comme le roi ou les seigneurs.

Quelques caractéristiques du « gallicanisme »

Le terme de « gallicanisme  est marqué par une certaine longévité.  Pour certains historiens, elle est perceptible dès le IXe siècle sous les traits d’Hincmar, l’archevêque de Reims. Elle est nettement visible dès le XIVe siècle sous le règne de Philippe le Bel et lors du Grand Schisme. Elle s’affirme surtout au XVII et XVIIIe siècle. Bossuet en est presque l’incarnation. Le gallicanisme demeure fortement dépendant des événements historiques, de la personnalité d’un roi ou de celle d’un pape. Les relations entre le roi Philippe le Bel et le pape Boniface VIII, l’arrivée d’un protestant sur le trône royal, l’affermissement du pouvoir royal, surtout sous le règle de Louis XIV, ou encore le jansénisme influencent de manière inéluctable le « gallicanisme ».  

Cependant, le « gallicanisme » est restreint au temps du « royaume de France », c’est-à-dire à la royauté. Si le terme apparaît au XIXe siècle, il porte en lui un certain anachronisme. Pouvons-nous en effet parler de « gallicanisme » au temps de la troisième république ? Il est donc fortement lié à un régime politique. Il est vrai que certains historiens entendent commencer le « gallicanisme » au temps de la Gaule, voire l’inscrire dans l’histoire de l’Église gallo-romaine depuis ses origines.

Le « gallicanisme » est aussi localisé dans un espace, dans un État. Il ne concerne que le royaume de France. Le terme de « gallican » est assez clair. C’est pourquoi il est parfois présenté comme une défense du nationalisme religieux. Il est ainsi parfois vu comme le précurseur de ce qu’il est considéré aujourd’hui comme le particularisme religieux de la France. Il est sans-doute lié au rôle que la France entend jouer dans le christianisme.

Le « gallicanisme », un mouvement anti-romain ?

Le « gallicanisme » est surtout connu pour son opposition au pape. Cette opposition n’est pas l’apanage du royaume de France. Pendant de longs siècles, l’empereur germanique a combattu le pape et a voulu limiter son autorité, y compris dans l’Église. Une forte opposition s’est aussi exprimée dans le « fébronisme » au XVIIIe siècle, dans le « joséphisme » en Autriche au siècle suivant. L’« anglicanisme » à ses premières heures dans le royaume d’Angleterre est aussi apparu comme une ferme contestation contre l’autorité pontificale afin de préserver les intérêts du roi.

Contrairement à ces différentes formes « nationales » de contestation, le « gallicanisme » restreint son combat au royaume de France. Il ne cherche pas à s’imposer hors du royaume et à s’étendre hors de ses frontières. De manière générale, il ne cherche pas non plus à imposer une révolution, à créer une nouvelle conception de l’Église ou à édifier de nouvelles doctrines comme celle de Marsile de Padoue ou de Guillaume d’Ockham, même si une certaine forme de « gallicanisme » tente de le faire. Il est néanmoins vrai que le « gallicanisme » défend et développe une forme de conciliarisme au temps du Grand Schisme d’Occident. C’est un des points qu’il partage avec les autres adversaires du pape.

Mais l’autre point fondamental qui diffère le « gallicanisme » des mouvements anti-romains est sa volonté de refuser toute séparation avec Rome pouvant entraîner un schisme. Il affirme en effet sa fidélité à l’égard de l’Église catholique et sa volonté d’y rester uni. « Ce qui est gallican, c'est la fidélité gardée à ces doctrines, plus tard, quand les autres pays les auront abandonnées. »[2] Ainsi, il n’a jamais cherché à créer des « antipapes ». Il faut attendre la constitution civile du clergé pour que se réalise finalement la rupture. Mais est-ce encore du « gallicanisme » ?

Ainsi, le « gallicanisme » est donc une spécificité du royaume de France, mêlant opposition et fidélité à l’égard de Rome.

Les différents gallicanismes

N’imaginons pas qu’il n’y a qu’un seul gallicanisme. Il prend en fait plusieurs formes selon les protagonistes et les motivations.

Nous entendons souvent parler d’un « gallicanisme » ecclésiastique, universitaire, politique, parlementaire ou encore royal. Cette diversité révèle des conceptions différentes de ce que sont l’Église gallicane et les libertés gallicanes. Selon les époques, l’un d’entre eux s’affirme au détriment des autres.

Le « gallicanisme ecclésiastique » tend à préserver les pouvoirs d’une autorité locale, des évêques ou des prêtres. Il contient ainsi deux formes de « gallicanisme ». Il peut être épiscopal ou presbytérien. Il adhère plus ou moins à des idées conciliaristes. Il considère en effet que l’autorité des conciles œcuméniques est supérieure à celle du pape. Il conteste donc la primauté pontificale absolue. Les évêques gallicans limitent son pouvoir par les coutumes des Églises locales et l’associent à celui du corps épiscopal. Bossuet, évêque de Meaux, en est un des plus beaux représentants. Le « gallicanisme presbytérien » est plus radical. Il fonde la souveraineté dans l’ensemble des pasteurs, les simples prêtres y compris. Parmi les tenants de ce gallicanisme, nous pouvons citer Edmond Richer. Enfin, le « gallicanisme ecclésiastique » porte sur des questions religieuses, liées à la primauté pontificale et à l’infaillibilité du pape, et à des questions disciplinaires. Il n’est guère spéculatif.

Le « gallicanisme universitaire » est propre à l’Université de Paris. Il défend son autorité en matière religieuse contre ceux qui veulent la restreindre ou intervenir dans son enseignement. Son prestige est grand en matière de foi et de discipline religieuse. Mais il ne se réduit pas à cela. Il est aussi très spéculatif. Le conciliarisme en est le point marquant. L’Université de Paris prône en effet la supériorité de l’autorité conciliaire sur celle du pape. Il daterait du Grand Schisme de l’Occident au cours duquel elle défend des thèses conciliaristes, notamment aux conciles de Pise et de Bâle. Parfois, il est regroupé dans le « gallicanisme ecclésiastique » lorsque l’Université et le clergé se regroupent dans une même opposition. Cette confusion est la conséquence d’un affaiblissement de son rôle et de son autorité.

Le « gallicanisme politique » tend à restreindre les pouvoirs de l’Église au profit de ceux de l’État. Il défend deux idées : celle de l’indépendance totale du temporel et celle de la toute-puissance souveraine de l’État sur l’Église gallicane. Comme le pouvoir dans le royaume de France est réparti entre le roi et le Parlement de Paris, le « gallicanisme » est dit soit royal, soit parlementaire. Le roi entend exercer son autorité sur les clercs et sur l’ensemble de ses sujets puisqu’il est maître de son royaume. Le « gallicanisme politique » date probablement des conflits qui ont opposé le roi Philippe le Bel au pape Boniface VIII. Il est érigé en une force grâce notamment aux efforts des légistes. Cependant, le « gallicanisme royal » n’hésite pas à faire des compromis avec le pape pour préserver ses intérêts, en particulier par des concordats, contrairement au « gallicanisme parlementaire ». Ce dernier est aussi une forme d’opposition contre l’autorité royale.

Les différents « gallicanismes » forment une étrange opposition contre les prétentions romaines, chacun défendant les « libertés de l’Église gallicane ». Attitudes ou doctrines, ils sont divers, aux multiples nuances, n’échappant pas aux incohérences. Ils sont au cœur de nombreux conflits entre la papauté et le clergé, l’Université et le Parlement de Paris, et le roi. Et dans ces conflits qui ponctuent l’histoire de France sous l’ancien régime, ils ne se concordent guère. Ils s’opposent ou s’accordent selon les circonstances et les intérêts de chacun. « Les libertés de l'Église gallicane, équivoques et vagues à souhait, peuvent être interprétées différemment en raison de la formation, des intérêts et des préoccupations de ceux qui font profession de les défendre. »[3]

Laissons enfin parler l’abbé Martimont qui a si bien défini ce qu’était les « gallicanismes » dans sa thèse solide et unanimement appréciée. « Il n'y a pas un gallicanisme, mais des gallicanismes, tant sont différentes les traditions des docteurs, des évêques, des magistrats, des rois. Les doctrines elles-mêmes ne constituent que l'une des composantes du gallicanisme, dans lequel entre une part prépondérante d'irrationnel : l'opposition entre le tempérament religieux des Français et des Italiens. Beaucoup plus d'ailleurs que de théories et d'opinions, le gallicanisme est fait d'attitudes concrètes, de démarches à l'égard du Saint-Siège ou de ceux qui le représentent ; son évolution est extraordinairement sensible à la conjoncture internationale, aux guerres, aux alliances, à la diplomatie, aux situations de personnes. »[4]

Conclusion

Comment pouvons-nous finalement définir le « gallicanisme » ? Le terme semble désigner un ensemble d’attitudes, d’opinions et de doctrines religieuses et politiques spécifiques au royaume de France, qui s’opposent à toute intervention abusive soit du roi et des seigneurs à l’égard du clergé, soit du pape dans les affaires religieuses ou temporelles du royaume, sans pourtant aller au schisme. Ainsi le « gallicanisme »  est une réponse du royaume de France aux problèmes que soulèvent les rapports entre les puissances religieuses et temporelles ainsi que la primauté pontificale.

Le « gallicanisme » a nettement marqué l’histoire du royaume de France. Si le terme est plutôt un anachronisme, il évoque néanmoins le périmètre restrictif d’un ensemble de mouvements complexes, qui parfois se rejoignent dans son opposition contre tous ceux qui peuvent enfreindre ou limiter les coutumes et les privilèges de l’Église gallicane, notamment le pape. Si le « gallicanisme » est surtout connu pour sa résistance aux empiètements de Rome, il ne peut être englobé dans tous les mouvements anti-romains. Car contrairement aux orthodoxes, aux anglicans ou aux protestants, son opposition connaît une limite. Le « gallicanisme » ne va pas jusqu’à la rupture, jusqu’au schisme ou à l’hérésie. Il demeure fortement attaché à l’Église catholique.

Ce n'est donc pas un hasard que le terme de « gallicanisme » apparaît au XIXe siècle. On cherche à déterminer les responsabilités dans l’origine de la Révolution de 1789 et plus spécialement dans la constitution civile du clergé. La défense des libertés gallicanes contre Rome fait en effet l’objet d’accusation de la part des « ultramontains », c’est-à-dire de ceux qui sont fortement attachés au Saint-Siège. On cherche alors soit à l’accuser, soit à l’innocenter des événements qui ont conduit au régime révolutionnaire. Le terme est alors porté d’une mémoire et d’une idéologie bien étrangère à ce qu’il est censé désigner. On voit qu’il n’a plus lieu d’être dans la nouvelle société qui s’est développée depuis 1789. Mais surtout, le « gallicanisme » ou ce qu’il représente n’a finalement plus de raison d’être après le premier concile de Vatican. Car désormais, celui qui conteste la primauté pontificale devient hérétique. Les équivoques, le difficile équilibre entre l’opposition et l’attachement au Saint-Siège ainsi que les demi-mesures ne sont désormais plus tenables.





Notes et références
[1] Selon Bruno, il daterait de 1809 au temps où le pape était le prisonnier de Napoléon. La Mennais l’utilise dans son ouvrage De la Religion. Le baron  Ferdinand Eckstein le reprend en juin 1827. En 1830, il est devenu d’usage classique.
[2] Victor Martin, Les origines du gallicanisme.
[3] Claude Sutto, Étienne Pasquier et les libertés de l’Église gallicane, dans Revue d’histoire de l’Amérique française, Volume 23, numéro 2, septembre 1969,  id.erudit.org.
[4] Aimé-Georges Martimort, Le Gallicanisme de Bossuet, Paris, Éditions du Cerf, 1953.

samedi 16 février 2019

Luther et la dispute de Leipzig : la primauté pontificale au cœur de la révolte ?

Il y a cinq cents ans, au mois de juin de l’année 1519, une étrange rencontre a eu lieu à Leipzig dans la région allemande de Saxe. Cette rencontre est un combat d’ordre théologique. Il oppose deux hommes célèbres : Martin Luther (1483-1546) [8], le moine en rébellion contre l’Église, et Jean Von Eck (1486-1543) un éminent docteur en théologie. Elle donnera certainement cette année à quelques événements pour célébrer cet anniversaire. Sans-doute, dira-t-on que Luther a vaincu l’obscurantisme ou que Von Eck n’était que « rempli d'une haute idée de lui-même, fier de ses talents, de la popularité »[1], t l’exemple même de la vanité scolastique ? Allons-nous encore nous présenter Luther comme l’homme courageux qui a osé braver le sophisme de Von Eck ? Espérons que la vérité aura sa place dans les débats…


Les protagonistes…

Martin Luther est déjà célèbre pour ses 95 thèses qu’il a affichées le 31 octobre 1517. Depuis, il a fait l’objet d’une enquête ecclésiastique qui a débouché sur une inculpation pour hérésie. En dépit de nombreuses rencontres avec des théologiens, Luther s’obstine dans ses erreurs. Il reste sur ses positions et refuse de se rétracter. Face aux résistances qu’il rencontre, il développe peu à peu une nouvelle doctrine et au fur et à mesure, il édifie une nouvelle conception de l’Église, allant d’audace en audace. Face à l’opposition qu’il fait naître, il radicalise ses pensées, y voyant en elles une incontestable vérité. Dans une lettre du 18 décembre 1518, il évoque l’Antéchrist qui règne dans la curie romaine. Mais sur le chemin de Luther, se dresse un théologien, Jean Von Eck…

Von Eck
Johann Maier Von Eck enseigne la théologie à l’université d’Ingolstadt depuis 1510. Il en est le vice-chancelier. Chanoine et curé d’une paroisse, il est considéré comme un excellent rhétoricien qui brille non seulement par son verbe mais aussi par ses connaissances et sa vaste culture. Il connaît notamment les langues grecque et hébreu, ce qui n’est guère courant à son époque. Il est aussi connu pour sa modernité. En 1514, à la demande des Fugger, il défend la légitimité du prêt à intérêt mais le limitant à 5%. Ainsi, aujourd’hui, est-il considéré comme « le champion de ces théologiens humanistes »[2] du XVIe siècle.

Luther et Von Eck se connaissent déjà. En 1517, ils se sont échangés des lettres amicales. Lorsque les fameuses thèses sont publiées, Von Eck critique ses idées sur les indulgences dans un ouvrage intitulé les Obelisci en février 1518. En mai, Luther lui répond par des Asterici. Eck s’oppose aussi à Karlstadt, un des professeurs de la faculté de théologie de Wittenberg acquis aux idées de Luther. Ces échanges sont d’abord privés et discrets. En les rendant publiques, Karlstadt provoque une dispute théologique.

Qu’est-ce qu’une dispute théologique au XVIe siècle ?

S’agit-il d’une dispute comme elle est pratiquée dans les universités ou d’un joug oratoire et savant ? Au Moyen-âge, la dispute universitaire, dit encore « disputation », est « un exercice formel qui consiste à traiter un sujet en exposant d’abord les arguments favorables à la thèse puis les arguments défavorables avant de proposer une détermination »[3]. Elle n’est pas uniquement dédiée à des sujets théologiques. Toutes les matières universitaires utilisent cette méthode sous forme d’exercice orale. Par ses objectifs et sa finalité, la dispute de Leipzig est bien différente d’une disputation.

Se réduit-elle alors à un joug oratoire comme si la dispute n’était que le lieu d’une rhétorique élaborée ? Effectivement, la dispute théologique paraît d’emblée comme une confrontation intellectuelle entre des positions contraires. Mais si la rhétorique est un élément important de la dispute, elle ne peut se réduire à cela. Elle n’est pas seulement un exercice où la forme emporte sur le fond. Cela signifierait que le vainqueur, lorsqu’il y a vainqueur, ne doit sa victoire qu’à ses qualités oratoires. Elle est surtout le lieu où s’opposent des thèses contraires et où chaque champion tente de convaincre de la véracité de sa thèse. Comme dans le cas de la dispute de Leipzig, elle se termine par un jugement, une sentence. La dispute se déroule devant un jury. Au XVIe siècle, surtout dans les années 1520, de nombreuses disputes se déroulent dans les États germaniques à l’issue desquelles le prince décide de choisir quelle foi il adoptera ainsi que ses sujets. Il s’agit donc de convaincre et d’emporter la décision. Il ne s’agit donc pas de chercher un compromis ou une réconciliation. Sans conséquence politique, des disputes sont aussi organisées dans le royaume de France. La dispute, comme celle de Leipzig, n’est donc nullement une conférence ou un débat. Les allemands utilisent plutôt le terme de « Religionsgesparäch » qui pourrait être traduit par « colloque religieux » …

Remarquons que l’autorité temporelle est présente dans les disputes. Par son rôle, elle peut ainsi intervenir dans les affaires ecclésiastiques. Elle devient parfois l’arbitre de l’affrontement. Pour cette raison, la dispute de Leipzig est une première. L’université de Leipzig ayant refusé d’organiser la rencontre, c’est le duc de Saxe qui intervient pour qu’elle ait lieu. L’évêque de Mersebourg aurait interdit toute espèce de dispute sur des matières religieuses. Mais le duc maintient le débat et menace tous ceux qui s’y opposeraient. Or l’affaire est purement théologique. Elle ne concerne nullement le pouvoir temporel. Son implication dans la dispute induit donc une reconnaissance politique de l’affaire. Finalement, la dispute théologique apparaît comme un lieu de controverse entre des catholiques et des hérétiques sous la responsabilité d’une autorité temporelle.

Certains auteurs voient pourtant dans la dispute théologique un avatar de la dispute universitaire. Comme nous l’avons évoqué, elles se diffèrent sur plusieurs points importants. D’autres voient dans la rencontre entre catholiques et hérétiques une remise en cause de la primauté pontificale, qui seule peut définir la doctrine chrétienne. Quant à nous, cette méthode nous ramène plutôt au temps antique où Saint Augustin engageait des débats avec les donatistes. La dispute apparaît alors comme un moyen de combat pour confondre les hérétiques et les schismatiques.

Un Luther confiant…

Avant de rejoindre Leipzig, Luther a une piètre opinion de son adversaire. Ce n’est qu’ « un bouffi d’orgueil, de ce petit dieu de l’Olympe qui se croît sûr de sa victoire…Vous savez que j’ai affaire à un sophiste frauduleux, superbe, braillard, à double peau, qui veut me commettre en public, et me vouer aux fureurs du pape. »[4] Il est convaincu de sa victoire comme il est certain des idées qu’il défend.

Luther ne vient pas seul à Leipzig. Il est accompagné de deux cents étudiants et d’un grand nombre de professeurs dont des théologiens et des docteurs en droit. Von Eck arrive à la ville ducale avec un seul serviteur.

La mise en place de la dispute

La dispute entre Luther et Von Eck se déroule à l’Université de Leipzig sous la présidence du duc de Saxe, du 27 juin au 16 juillet, devant une très nombreuse assistance. Andréas Karlstadt et Philip Melanchthon, deux disciples de Luther, y participent aussi. Quatre greffiers sont désignés pour relever les arguments de chacun dans un texte intitulé Les actes de la dispute. Celui-ci sera soumis à un jury et devra être publié après son autorisation.

Le choix de la composition du jury donne lieu à de nombreuses discussions. Il a été décidé qu’ils seront choisis parmi les professeurs de plusieurs universités. Karlstadt déclare se contenter de celle d’Erfurt. Luther fait aussi appel à cette université, où il a fait ses études, et aussi à celle de Paris qu’il estime fort. Mais contrairement à l’usage, il demande que le texte soit soumis à tous les professeurs, y compris à ceux des Facultés de droit, de médecine et des arts. Or Von Eck s’y oppose en raison de leur incompétence en matière de théologie. Il exige que seuls les théologiens et les canonistes soient membres du jury. Le duc de Saxe refuse la proposition de Luther. Comme les augustiniens et les dominicains sont rejetés, les premiers par Von Eck et les seconds par Luther, ils ne feront pas partie du jury.

Le combat commence…

Deux chaires sont élevées face à face dans une vaste salle dans le château de Pleissenbourg. Des soldats le gardent afin de protéger les acteurs du débat. Après une première messe à l’église de Saint-Thomas, Pierre Mosellanus, professeur de littérature grecque, ouvre la séance en demandant à chacun la modération dans le langage, la probité dans les citations des textes, et la charité dans la discussion. Dans la salle, trône le duc entouré du vieux Hochstraet et d’Emser, canoniste célèbre. Le public est nombreux, comprenant quelques centaines d’écoliers de diverses facultés, surtout de celle de Wittemberg. Nous pouvons y distinguer des prêtres de Bohême, disciples de Jean Huss. De grands érudits assistent aussi au débat comme Adrien Suesionius, canoniste, philologue et jurisconsulte, Jean Cellerius, professeur d’hébreu ou encore Regerus Rescius, professeur de grec. De nombreux humanistes aux noms latinisés sont en effet présents. Certains demeureront catholiques, d’autres rejoindront Luther…

C’est Karlstadt qui commence la dispute, le 27 juin, avec Von Eck. Le premier sujet abordé est la justification. Luther n’intervient que le 4 juillet. La discussion porte rapidement sur la primauté romaine et sur l’autorité des conciles. Elle dure quatre jours. La querelle se poursuit ensuite jusqu’au 5 juillet sur d’autres sujets : le purgatoire, les indulgences, la pénitence et le pouvoir des clés.

La primauté pontificale au centre de la dispute

Von Eck et Luther s’opposent rapidement sur la primauté pontificale. Von Eck affirme qu’elle est de droit divin alors que Luther soutient qu’elle n’existe que par droit humain. Il veut bien lui reconnaître tout au plus une primauté d’honneur. Ce point est essentiel dans le débat. Par conséquent, continue Luther, le salut n’est pas conditionné par l’obéissance au pape. Le point d’achoppement repose donc sur l’origine de la primauté pontificale.

Von Eck s’appuie sur des arguments classiques tirés de la Sainte Écriture. Luther s’oppose à son interprétation. Les paroles divines « Tu es Pierre » ne s’adressent qu’à Saint Pierre et non à ses successeurs. Le roc sur laquelle est bâtie l’Église n’est point l’apôtre mais le Christ. Enfin, le pouvoir des clés n’est pas remis à Saint Pierre et aux Apôtres mais à tous les chrétiens. Il n’oublie pas de préciser que la primauté pontificale n’est pas un article de foi. « Oui, je confesse et défends la primauté du pape, mais primauté de droit humain. De la primauté divine, aucun Père de l’ancienne Église n’a voulu faire un dogme de foi. » Or si l’Église n’a pas de chef extérieur, il n’y a point de hiérarchie et donc pas d’Église visible. D’où vient sa doctrine, s’interroge Eck ? De Jean Huss. En effet, Eck cite la proposition de Jean Huss qu’a condamnée le concile de Constance. Elle ressemble à celle de Luther. Que va-t-il lui répondre ? Le public attend une réponse.

Luther affirme alors que parmi les propositions condamnées par le Concile de Constance, certaines sont véritablement évangéliques. Ses propos soulèvent aussitôt un vent de colère dans l’assemblée, Eck lui demande alors s’il condamne le concile œcuménique. « Comment me prouverez-vous qu’un concile ne puisse pas se tromper ? », lui répond-il. Ainsi, pour défendre son opinion, Luther remet en cause l’autorité des conciles.

Un Luther fuyant et en colère…

Puis, avant que la dispute ne soit terminée, Luther et Karlstadt quittent la ville de Leipzig. Jean Ruber, plus connus sous le nom de Rubens, est atterré quand il les voit s’éloigner si hâtivement. Eck semble donc remporter la victoire par abandon. Mais Luther part en colère contre Von Eck. La dispute l’a mis en fureur. Depuis cette dispute, les insultes pleuvent sur ses adversaires. Il s’emporte contre le pape qu’il considère comme l’Antéchrist. La révolte contre Rome est encore plus virulente. Luther publie notamment un ouvrage intitulé Resolutio... de potestate papae dans lequel il combat la papauté à partir de la Sainte Écriture. Mais Eck n’abandonne pas le combat. Il élabore De primatu Petri ...

Et les Actes de la dispute ?

En octobre 1519, le duc de Saxe envoie les Actes de la dispute au recteur et aux professeurs de l’Université de Paris[5]. Une commission de vingt-quatre personnalités de toutes les facultés est constituée pour étudier cette affaire à partir de ce document. En 1521, l’Université condamne à l’unanimité la doctrine de Luther et fait l’objet d’une longue Determinatio.

Curieusement, cette condamnation ne mentionne pas la remise en cause de la primauté pontificale, pourtant sujet essentiel de la dispute. Une des sections du document défend néanmoins l’autorité des conciles généraux. Elle proteste aussi en faveur de la conception hiérarchique de l’Église. Elle s’oppose à celle de Luther qui voit tous les fidèles égaux et nie le sacrement de l’ordre. Son idée de sacerdoce universel est aussi condamnée. La Determinatio défend l’autorité ecclésiastique et le devoir d’obéissance envers elles sans évoquer la primauté du pape. Il faut noter que le texte ne s’appuie pas uniquement sur les Actes de la dispute mais aussi sur un des ouvrages de Luther, intitulé Prélude sur la captivité babylonienne de l’Église.

Le silence sur la primauté pontificale peut s’expliquer par la position de l’Université de Paris, encore influencée par le Grand Schisme d’Occident et le conciliarisme[6]. Elle insiste donc sur l’autorité ecclésiastique sans mentionner le pape. Mais cela revient alors à occulter une partie majeure de la doctrine de Luther, qui veut retirer toute autorité au pape dans l’Église. Cependant, comme nous le voyons, l’Université de Paris comprend très bien les implications de sa doctrine sur l’ecclésiologie. Car Luther remet en question le rôle de l’autorité ecclésiastique dans l’économie de salut. En effet, « le problème ne fut plus seulement celui de la primauté du pape ou du concile dans l’Église, mais la teneur même du pouvoir spirituel. »[7]

Conclusions

La dispute de Leipzig a eu l’avantage de cerner le point central de la doctrine de Luther et aussi sa faiblesse. Il s’oppose clairement à l’autorité du pape. Il ne la supporte pas.  Elle demeure une des principales objections à ses pensées. Sa « réforme » est bien une révolte religieuse qui se radicalisera pour devenir finalement une révolution.

Aujourd’hui, ses critiques nous font bien sourire. Mais contre ce roc qui lui résiste et refuse ses erreurs, Luther se crispe, s’énerve et s’emporte dans une haine redoutable. Car que veut-il finalement être si ce n’est d’être un pape de sa propre église ? Il en finit par renier l’autorité du concile, remettant finalement en cause plus de quinze siècles d’histoire chrétienne. Mais comme tout séditieux, il doit renier ce passé s’il veut imposer sa conception toute nouvelle de l’Église. Dans un monde changeant, rien ne peut demeurer s’il n’est pas bâti sur un fondement durable. Sans primauté pontificale, que serait devenue l’Église ?


Notes et références
[1] Merlé d’Aubigné, Histoire de la Réformation du XVIe siècle, tome II, livre 5, chapitre 2.
[2] De la réforme à la Réformation (1450-1530), sous la responsabilité de M. Venard, tome 7, Histoire du Christianisme, sous la direction de J.-M. Mayeur, Ch. et L. Piétri, A. Vauchez, M. Venard, Desclée, 1994.
[3] Béatrice Périgot, Dialectique et littérature : les avatars de la dispute à la Renaissance, dans L’information littéraire, 2001/3, vol. 53, www.cain.infos.
[4] Luther, lettre à Spalatin, dans Histoire de la vie, des écrits et des doctrines de Martin Luther, Jean Marie Vincent Audin, tome 1, 5 édition, libraire-éditeur L. Maison, 1845.
[5] Voir Conférences de Mme Veyrin-Forrer dans Histoire et civilisation du livre dans École pratique des hautes études, Martin Henri-Jean, Sauvy-Wilkinson Anne, Veyrin-Forrer Jeanne, 4e section, sciences historiques et philologiques, livret 2, Rapports sur les conférences des années 1981-1982 et 1982-1983, 1985, https://www.persee.fr.
[6] Voir Les thèses gallicanes sur le pouvoir pontifical, Benoît Schmitz dans Hétérodoxies croisées. Catholicismes pluriels entre France et Italie, XVIe-XVIIe siècles, Gigliola Fragnito, Alain Tallon, Publications de l’École française de Rome, 2015, https://books.openedition.or.g
[7] André Martignoni, sur la thèse Le pouvoir des clefs. La suprématie pontificale et son exercice face aux contestations religieuses et politiques (XVIe siècle), thèse tenue par Benoît Schmitz, 18 avril 2014, https://humanisme.hypotheses.org.
[8] Voir Émeraude, articles  de décembre 2016 et janvier 2017.

samedi 9 février 2019

Le geste de rupture de Michel Cérulaire



Qui a commis la faute irréparable ? Il est bien inutile parfois de chercher des coupables, surtout lorsque depuis plusieurs siècles, ils reposent en terre. Il est bien plus utile de comprendre ce qu’il s’est passé pour la réparer et en tirer une leçon pour le présent. L’enchaînement des événements au cours du passé était aussi tel que la faute devenait irréparable. Il suffisait d’une étincelle pour que ce qui était réel ou sous-jacent devînt visible à tous. Le schisme d’Orient en est un bel exemple.


Nous ne cherchons pas à identifier les responsables de la rupture, encore moins à les juger. Le schisme d’Orient est plutôt intéressant pour d’autres raisons. Il montre que la primauté pontificale est non seulement reconnue depuis de longs siècles mais qu'elle aussi combattue par ceux qui veulent imposer un autre mode de gouvernement pour des raisons bien humaines. Il démontre aussi les motifs sur lesquels repose la primauté pontificale ainsi que les raisons qui poussent les uns à la rejeter. Ainsi, pour ces deux raisons, il entre parfaitement dans le cadre de notre sujet. Il est aussi intéressant pour mieux comprendre ce qu’est véritablement l’œcuménisme. L’effort d’unité des chrétiens serait vain sans identifier, avec impartialité, les raisons des déchirures, et non les coupables. Il révèle aussi le poids terrible du passé et les rancœurs accumulés au cours des siècles.

Enfin, Luther et les autres chefs du protestantisme se sont souvent appuyés sur le schisme d’Orient pour justifier leur position contre la primauté pontificale. Pour répondre à leur argumentation, faut-il aussi connaître ce qu’il s’est réellement passé…

Michel Cérulaire (v. 1000-1059)

En 1042, Michel Keroularios, dit Michel Cérulaire, « le plus ambitieux de l’histoire byzantine »[1], accède au patriarcat de Constantinople. De caractère énergique, il veut soumettre toute l’Église d’Orient à son autorité. Il ne supporte guère toute idée de sujétion à l’égard du Souverain Pontife. Laissons à un byzantiniste le soin de le décrire : « La conscience, dont il était pénétré, de la sublimité de sa fonction ne le cédait en rien à celle de son antagoniste romain, et cette conscience s’alliait chez lui à une volonté de puissance qui n’hésitait pas à renverser tous les obstacles. »[2] Cet avis semble être unanime.

Michel Cérulaire se pose donc d’emblée comme l’égal du pape. Sur son sceau, nous pouvons ainsi lire : « par la grâce de Dieu, archevêque de Constantinople, la nouvelle Rome, et patriarche œcuménique. »[3] Si le titre a déjà été porté par d’autres patriarches, provoquant par ailleurs une grave crise avec les papes[4], le fait de l’inscrire sur un sceau est néanmoins innovant[5].

Notons enfin la forte implication de Michel Cérulaire dans la vie politique. Il est notamment impliqué dans complot sous Michel IV, se montre hostile envers l’impératrice Théodora, apporte un soutien décisif à Isaac Comnène… Ses ambitions ne se limitent pas en effet à la sphère religieuse. C’est pourquoi les historiens byzantins du XIe et XII siècle[6] ne parlent guère des démêlés religieux et insistent essentiellement sur son rôle et sur sa forte influence politique, ce qui est originale dans cet empire si accoutumé au césaropapisme.

Finalement, Michel Cérulaire apprécie l’état d’ignorance et d’indifférence qui séparent l’Église d’Orient et l’Église d’Occident. Soucieux de son indépendance, il souhaite donc le perpétuer. Or cette situation risque d’être compromise. En effet, pour se défendre contre les Normands qui ravagent les possessions byzantines ainsi que les terres pontificales dans la péninsule italienne, le pape et l’empereur prévoient de s’allier pour unir leurs forces contre leur ennemi commun. Cette alliance devrait alors aboutir à un rétablissement de liens religieux entre ces deux pôles de la chrétienté.

De vieilles accusations portées contre Rome

Au moment où le pape et l’empereur parviennent à s’unir, Michel Cérulaire s’élève contre un usage de l’Église latine. Il s’oppose fermement à l’usage du pain azyme dans le rite latin de la sainte messe. En effet, les Byzantins et la plupart des Orientaux consacrent du pain fermenté. À Constantinople, de sa propre autorité, il fait fermer les églises latines de la ville, et demande à tous les prêtres qui vivent dans les monastères latins de se conformer au rite grec. S’ils refusent, il les anathématisera.


Puis, Léon, évêque d’Achrida en Bulgarie, envoie une lettre à l’évêque grec de la ville italienne Trani, Jean. En fait, elle est destinée à tous les évêques, au clergé et aux moines francs ainsi qu’« au révérendissime pape lui-même »[7]. Dans cette lettre, l’Église romaine est accusée de se judaïser en raison d’utilisation de pain azyme dans la célébration de la Sainte Eucharistie et de l’observance du sabbat tous les samedis de Carême[8]. Il s’attaque aussi à d’autres usages disciplinaires qu’il considère comme des énormités. « Comment en êtes-vous arrivés à pareilles aberration ? Comment ne voyez-vous, ne comprenez-vous pas ? Comment ne vous vous corrigez-vous pas et ne remettez-vous pas vos fidèles dans le droit chemin ? »[9] Nous retrouvons les mêmes accusations que celles prononcées par le patriarche Photius contre les catholiques romains[10].

Le vrai motif de la querelle

Léon XI
La situation n’est guère brillante en Italie. Les troupes pontificales et byzantines sont défaites par les Normands avant leur jonction. Le pape Léon IX est même prisonnier. Puis dans une sorte de semi-captivité, il est retenu au Bénévent. C’est durant son séjour qu’il prend connaissance de la lettre de l’évêque d’Achrida, et des événements qui se déroulent à Constantinople. Léon IX écrit aussitôt au patriarche de Constantinople et s’attaque directement à la question principale, laissant de côtés les « énormités » qu’on dénonce pour aller au cœur du sujet, c’est-à-dire à la primauté pontificale. Il rappelle au patriarche qu’il ne lui convient pas de faire la leçon à l’Église romaine, qui a toujours été indéfectible dans sa foi contrairement aux patriarches de Constantinople, et dont les usages ont droit au respect de tous, d’autant plus qu’elle se montre tolérant pour les usages des monastères grecs établis à Rome et en Italie.

Comme la situation est de plus en plus critique dans la péninsule italienne, le gouverneur des possessions byzantines réclament la fin de la controverse afin d’arrêter les progrès de la conquête normande et de mener une action commun avec les forces pontificales. Sous la pression de l’empereur, Michel Cérulaire envoie au pape une lettre conciliante, sans toutefois évoquer les griefs ni admettre la primauté pontificale. Il se déclare totalement étranger de la lettre de l’évêque d’Achrida et des manifestes contre les Latins. Il propose un compromis qui met Rome et Constantinople sur le même pied d’égalité.

Les légats romains vs Michel Cérulaire

Mais face à Michel Cérulaire, se dresse le cardinal Humbert (1015-1061). Celui-ci n’est guère porté à un tel oubli. Il rédige au nom du pape une lettre, à l’adresse du patriarche byzantin, dans laquelle il présente le patriarche de Constantinople comme un personnage suspect sur lequel courent de graves accusations et dont il doit s’amender devant des légats pontificaux pour éviter une condamnation. Il s’attaque à son tour à des griefs qui sont forts anciens. Il défend enfin fermement la primauté pontificale. « Nous espérons, dit le pape en terminant, que nos légat trouveront innocent, ou corrigé, ou prêt à céder à leurs admonitions et à t’amender. »[11] Puis, dans une lettre adressée à l’empereur, le pape signale la conduite intolérable de Michel Cérulaire qui persécute les fidèles de l’Église Latine en raison du rite romain. Le pape envoie trois légats à Constantinople, dont le cardinal Humbert.

Michel Cérulaire recevant les légats
Miniature du XIe siècle
Si l’empereur accueille les légats romains avec tout le respect dû au pape, Michel Cérulaire n’a point cette attention. Selon une lettre adressée au patriarche d’Antioche[12], les légats n’acceptent pas de prendre place après les métropolitains lorsqu’ils sont reçus dans la salle de la chancellerie. Ils protestent de l’offense faite au pape, s’abstiennent d’adresser au patriarche les salutations et les marques de respect d’usage, remettent la lettre du pape et se retirent aussitôt. La réaction de Michel Cérulaire varie selon deux versions. Pour l’une, Michel Cérulaire ne considère pas cette lettre comme authentique en raison d’un examen minutieux du document, du sceau et du contenu. Pour l’autre, il conteste la légitimité de ces légats, le pape étant mort après leur départ. Il est vrai que le pape étant mort, les légats romains ne peuvent plus guère le représenter. Finalement, Michel Cérulaire refuse de les recevoir ou de comparaître devant eux. Selon une lettre qu’il envoie à Pierre d’Antioche, il donne une autre raison de sa conduite. Il trouve intolérable l’arrogance des légats, qui affirment être venus non pour recevoir des leçons mais pour en donner, non pour s’amender d’eux-mêmes pour remettre les autres dans le droit chemin. Le fossé est gigantesque entre les légats romains qui défendent la primauté apostolique et le patriarche de Constantinople qui agit en toute indépendance. Toute entente s’avère impossible.

La rupture…

Devant l’obstination de Michel Cérulaire à refuser toute entrevue avec les légats, ces derniers décident de lancer contre lui et ses partisans une sentence d’excommunication. Le 16 juillet 1054, au moment où les fidèles viennent s’assembler pour la messe et le clergé se prépare à commencer la sainte liturgie, les légats s’avancent vers le maître-autel et y déposent la sentence d’excommunication. Le geste est public. Les fidèles s’insurgent. Une émeute gronde à Constantinople contre l’attitude des légats. Michel Cérulaire, en est-il l’investigateur ? Il la laisse se développer…

Quatre jours plus tard, à Sainte Sophie, le synode permanent[13], qui réunit une vingtaine de métropolites et d’évêques, prononce à son tour l’excommunication des légats. Il veut amener toutes les Églises à la rupture avec Rome. Michel Cérulaire envoie ensuite des lettres aux patriarches d’Orient justifiant son attitude et traitant l’évêque de Rome en brebis perdue. Il énumère aussi une liste de nombreux griefs[14] qui « révèle, mieux que tout le reste, toute l’étroitesse d’esprit de celui qui l’a dressée et son aversion profonde pour les Occidentaux. »[15] Certes, des griefs sont puérils et ne devraient pas impressionner les esprits cultivés mais ils peuvent impressionner la masse des fidèles orientaux et renforcer le mépris qu’ils éprouvent à l’égard des Latins, considérés comme séparés de l’Église catholique.

Il est étrange que ces sentences prononcées par les deux parties soient restées dans les mémoires. Que vaut en effet la sentence d’excommunication des légats romains qui ont agi de leur propre gré, voire sans mandat en raison de la mort du pape Léon IX ? En outre, elle présente de graves erreurs et d’anachronisme. Michel Cérulaire est accusé d’avoir supprimé le filioque du Crédo de Nicée-Constantinople, ce qui est faux. Les légats romains ont excommunié Michel Cérulaire et ses partisans tout en faisant l’éloge de l’empereur. Le patriarche de Constantinople a seulement excommunié les légats. Eux-seuls sont donc concernés par la sentence. Mais, n’oublions pas, il s’est adressé aux autres patriarches pour dénoncer la discipline, les coutumes et la foi des Latins. Il a aussi rayé le nom du pape dans les diptyques[16], manifestant ainsi le refus de communion.

L’effacement du nom du pape dans les diptyques

diptyque d'Anastasius
(ivoire)
Un diptyque était une double tablette liturgique sur laquelle étaient inscrits les noms des papes, des patriarches, des évêques, des martyrs ainsi que des empereurs et des rois, et tout bienfaiteur de l’Église dont il devait être fait mention à la messe et dans les prières[17]. Lorsqu’un patriarche était élu, il envoyait aux autres patriarches une lettre dite synoptique contenant l’avis de sa consécration et sa profession de foi. Son nom figurait alors dans les diptyques de leurs Églises. L’absence de nom signifiait la rupture entre deux Églises.

L’effacement du nom est donc révélateur. C’est en fait l’absence du nom du pape au diptyque qui consacre véritablement le schisme[18]. En 1089, le pape Urbain II s’étonne que son nom ne soit pas invoqué dans la liturgie byzantine. Le nom des papes n’est donc plus inscrit dans les diptyques. Il interroge alors Constantinople. Pour lui répondre, un synode est tenu en Orient la même année. Le clergé admet que le pape n’a pas été exclu de la communion par un jugement synodal et qu’il sera admis dans les diptyques lorsqu’il leur enverra sa profession de foi. Mais aucune lettre contenant sa profession de foi ne sera naturellement reçue. En effet, est-il raisonnable de demander au pape de justifier sa foi quand il en est le garant ? La commémoraison du pape n’a donc pas été réintroduite. Le synode rejette en outre la demande du pape sur la levée de l’interdiction des azymes pour la communion faite aux Latins. Mais comme le signale l’empereur, les Latins peuvent célébrer leur messe en toute tranquillité dans la ville de Constantinople. Enfin, le synode propose au pape de l’inviter à un concile pour traiter de l’union. Il paraît donc évident qu’en 1089, l’Église d’Orient est bien consciente de sa séparation avec l’Église d’Occident.

Un schisme silencieux

Après la mort de Michel Cérulaire, les excommunications réciproques ne semblent pas avoir d’effet dans les relations entre les chrétiens occidentaux et orientaux. « Rares furent ceux qui mesurèrent l’ampleur du désastre. »[19] En 1055, le pape Victor II n’y fait pas allusion dans la lettre qu’adresse à l’impératrice Théodora pour proposer une alliance contre les Normands. L’empereur Alexis Ier entretient des relations avec les abbés du Mont-Cassin et se préoccupe du sort du pape Pascal II retenu par l’empereur Henri V. Sur sa proposition, une ambassade romaine se rend à Constantinople pour débattre de l’union. Nombreuses sont ses tentatives. Les débats portent sur des griefs sérieux, dont le principal demeure au XIIe siècle la primauté pontificale. Nous revenons en fait au point de départ : « l’empire universel et sans fin de la Nouvelle Rome état à l’évidence symétrique de la primauté non moins universel de l’Église romaine »[20].

Le pape défend la primauté romaine quand le patriarche de Constantinople une certaine collégialité. Byzance développe l’idée d’une Église une dans sa diversité, n’ayant qu’un chef, Notre Seigneur Jésus-Christ. Tel est le sujet des lettres que s’échangent le pape Adrien IV et le patriarche Georges Tornikès en 1156, puis entre le pape Innocent III et le patriarche Jean Kamatêros avant 1204.

Finalement, selon la thèse de Steven Runciman[21] (1903-2000), souvent reprise, le schisme serait consommé en 1204 quand les croisés latins saccagent et pillent la ville de Byzance.

En outre, Michel Cérulaire n’est guère apprécié par ses interventions dans les affaires politiques, notamment  son affrontement avec l’empereur Isaac Comnène. Son esprit d’indépendance à l’égard du pouvoir impériale et ses ambitions ne plaisent guère dans l’Empire byzantin, plus habitué à voir un patriarche docile aux empereurs. Cela expliquerait sans-doute le silence des chroniqueurs sur le schisme. Il sort de l’état de grâce quand les adversaires à l’accord d’union entre l’Église byzantine et l’Église romaine au concile de Florence s’opposent à l’empereur. Enfin, au XIe et XIIe siècle, des négociations entre les Byzantins et les Latins obligent les premiers à ne pas rappeler l’incident de 1054.

L’opposition contre les « erreurs » de l’Église romaine du XIe au XIIe siècle

Concile de Florence
Bulle de l'union Laetentur coeli
Des traités consacrés aux erreurs des Latins se développent surtout au début du XIIe siècle au temps du règne d’Alexis Comnène. Ils colportent de nombreux stéréotypes. Ils se réfèrent essentiellement à Photius, ce qui confère à leurs arguments le poids de la tradition et les renvoient à un lointain passé. Michel Cérulaire n’est pas cité dans les principaux documents. Ce n’est qu’à partir du XIIIe siècle qu’il prend un rôle central dans les textes antilatins. En effet, au concile de Lyon, en 1274, un accord d’union est conclu entre le pape, l’empereur, le patriarche de Constantinople et d’autres personnalités, ce qui provoque une hostilité farouche des adversaires à tout rapprochement avec l’Église romaine. Les différents traités ou opuscules puisent ainsi leurs arguments de la lettre de Photius aux patriarches orientaux, de celle de Michel Cérulaire à Pierre, patriarche d’Antioche, et enfin du fameux Contre les Francs. « Tous ceux qui sont avec le pape se trouvent depuis des années hors de l’Église universelle, étrangers à la tradition des Évangiles, des Apôtres et des Pères en raison de leurs usages illicites et barbares. »[22]

La primauté de Constantinople à la place de celle du pape…

Finissons par le droit byzantin. Il est surtout marqué par le patriarche d’Antioche et canoniste Théodore Balsamon (v. 1130, v. 1195), qui traitent les Latins de schismatiques. Selon ses propos, comme l’Églises de Rome est dans l’erreur et que l’Églises de Constantinople partage les mêmes privilèges, c’est à elle désormais d’assurer seule la primauté sur l’Église. La primauté provient de la donation de Constantin. Par conséquent, sa dignité lui vient aussi de l’empereur. Le transfert vers la nouvelle Rome opéré par Constantin fait du patriarche de Constantinople le véritable héritier de la donation. « Une telle interprétation annule en outre la préséance de la fondation apostolique, au profit exclusif de l’origine constantinienne. »[23] Cependant, il prône aussi l’égalité entre les cinq patriarches, tous oints et vicaires du Christ, ce qui peut surprendre. Il défend notamment la primauté universelle du patriarche de Constantinople dans ses Commentaires au Nomocanon en quatorze titres[24], rédigé vers 1170. Vers 1335, dans ses Syntagma kata stoichéion, le canoniste Matthieu Blastarès défend à son tour la primauté du patriarche de Constantinople en s’appuyant sur les commentaires de Théodore Balsamon[25].

Conclusions

La plupart des commentateurs voit dans la rupture de 1054 la manifestation d’une incompréhension entre deux mondes de cultures différentes, que l’incompréhension a finis par séparer. Les différences liturgiques, linguistiques, disciplinaires ne cessent en effet de croître entre eux. Une opposition séculaire latente a conduit à une séparation progressive. Il ne faut pas non plus oublier tous ceux qui ont développé, voire exalté, le mépris populaire à l’égard de l’autre Église, éloignant de manière irréparable les uns des autres pour de viles ambitions au point que le schisme est devenu « une donnée identitaire pour l’Église byzantine. »[26]

Au centre du schisme, se trouve donc la primauté pontificale. Les principaux erreurs ou griefs qu’on reproche à Rome ne sont guère sérieux ou ont déjà été justifiées. Au commencement du schisme, nul ne conteste vraiment cette primauté en soi. Michel Cérulaire refuse celle d’un pape en raison des prétendues hérésies de l’Église romaine. Les canonistes ne la rejettent pas non plus mais la reportent sur celle du patriarche de Constantinople toujours en prétextant la même raison. Il est étrange que ce prétexte soit aussi celle des princes opposés aux papes et des conciliaristes. Or, aujourd’hui, nul n’ignore que les accusations portées contre l’Église de Rome ne valent ni une excommunication ni une condamnation pour hérésie. Aujourd’hui, les masques étant tombés, le véritable motif apparaît clairement…




Notes et références
[1] Georges Ostrogorsky, Histoire de l’État byzantin, chap. V.
[2] Georges Ostrogorsky, Histoire de l’État byzantin, chap. V.
[3] Voir Le monde byzantin. Tome 2 : L’Empire byzantin (641-1204), Jean-Claude Cheynet, Presses Universitaires de France, 2006.
[4] Voir Émeraude, janvier 2019, article « Tension entre Rome et Constantinople jusqu'au XIe siècle avant Photius et le schisme  ».
[5] Voir Grumel Venance, Le titre de patriarche œcuménique sur les sceaux byzantins dans Revue des Études Grecques, tome 58, fascicule 274-278,1945, https://doi.org, www.persee.fr.
[6] Les historiens byzantins : Michel Psallos, Jean Skylitzès, Tia Kolbaba, Zônaras, Michel Attaleiatès.
[7] P. G., tome CXX, col. 836.
[8] Les samedis du Carême, les Catholiques jeunent comme le font les Juifs mais pour des raisons bien différentes.
[9] Léon, évêque d’Achrida, à Jean, évêque de Trani, P. G., tome CXX, col. 841.
[10] Voir Émeraude, février 2019, article « L'ambition au cœur de la rupture entre l'Occident et l'Orient ».
[11] Léon IX, lettre à Michel Cérulaire, patriarche de Constantinople, P. G. tome CXLIII, col. 777.
[12] Voir Epist. Cerularii ad Petrum Antiochenum, 6, P. G., tome CXX, col. 785-788.
[13] Le synode est une assemblée permanente qui aide le patriarche à gouverner son église. L’armature du synode comprend douze métropolites dont la plupart ont leur siège à proximité de Constantinople. S’ajoutent les évêques qui sont présents dans la capitale. Généralement, lorsqu’il est convoqué pour traiter des questions importantes, il comprend un nombre nettement plus important de participants. En 1030, contre une hérésie, il est constitué de trente-deux métropolites, onze archevêques, une foule d’autorités politiques. Cela montrerait une convocation improvisée de Michel Cérulaire, qui n’aurait pas prévu un tel dénuement. Voir Le schisme de 1054 : un non-événement ?, Jean-Claude Cheynet, Paris-Sorbonne IV, Centre d’histoire et de civilisation de Byzance, presses universitaires, 2007, Faire l’événement au Moyen-âge, https//books.openedition.org.
[14] Le nombre de griefs est de vingt-huit. Ils comprennent toutes les différences de croyances, d’usages ou de coutumes, entre Rome et Byzance, même les plus puériles. Ils sont parvenus jusqu’à nous dans un opuscule appelé Contre les Francs ou Sur les Frances et les autres Latins. Cf. P. G., tome CXL, 541 et suivant.
[15] Martin Jugie, Le Schisme de Michel Cérulaire, dans Échos d’Orient, tome 36, n°188, 1937, https//doi.org.
[16]Le geste de Michel Cérulaire est rappelé au XIIe siècle.
[17] Dictionnaire de culture religieuse et catéchistique, chanoine L. E. Marcel, imprimerie Jacques et Démontrond, 1938.
[18] Le patriarche d’Antioche Pierre nous informe en effet que Michel Cérulaire a rayé le nom de Léon XI sur les diptyques alors qu’en 1009, les noms des papes étaient encore inscrits.
[19] Daniel-Rops, Ces chrétiens, nos frères, chap. IV, Fayard, 1965.
[20] Evelyne Patlagean, Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274), chap.VI, Histoire du Christianisme, tome V, Desclée, 1993.
[21] Voir La Papauté et les Églises d’Orient, XI-XIIe siècle, Steven Runciman.
[22] Opusculum contra Francos, édition J. Hergenröther, Monumenta graeca ad Photium eiusque historiam pertinentia, Ratisbonne, dans Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274), Evelyne Patlagean, chap.VI
[23] Evelyne Patlagean, Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274), chap.VI.
[24] Le Nomocanon aux quatorze titres est un recueil de canons apostoliques, de canons de conciles et de lois impériales aux matières ecclésiastiques. L’auteur serait Photius selon Théodore Balsamon.  Cependant, des canonistes n’acceptent pas tous cette attribution.
[25] Voir La réception du Syntagma de Matthieu Blastarès en Serbie, Jivko Panev, dans Études balkaniques, 2003, n°10, http//etudesbalkaniques.revues.org.
[26] Jean-Claude Cheynet, Le schisme de 1054 : un non-événement ?