" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 28 juillet 2018

Canonistes et légistes, XIIe-XIVe siècle, l'autorité pontificale vs l'autorité des princes


Les relations entre les pouvoirs spirituel et temporel sont au centre des rivalités qui opposent les Papes et les Empereurs germaniques, ou encore le Pape Boniface VIII et le roi de France Philippe le Bel. Chacun des protagonistes défend fermement leur pouvoir, voire cherche à soumettre l’autre. Cette lutte ne se réduit pas à d furieux combats ou à des intrigues. Elle se déroule aussi sur le plan juridique. Chacun tente de justifier sa suprématie par le droit. À côté des Papes, des Empereurs et des rois, se trouvent en effet de nombreux canonistes et légistes qui conseillent leur maître, travaillent et élaborent des thèses qui évoluent au cours u temps. 

Avant tout, rappelons que le canoniste est le spécialiste du droit canon, c'est-à-dire de la loi de l'Église catholique ou encore du droit appliqué par l'Église. Le légiste est le conseiller juridique du roi.

La vision des canonistes au XII et XIIIe siècle

Pour régler les rapports entre l’Église et l’Empire, les canonistes s’appuient principalement sur quatre canons[1]. 

Deux canons sont tirés du texte de Saint Gélase Ier que nous avons déjà présenté dans un de nos articles[2]. Le Pape réaffirme clairement l’existence et la distinction de deux pouvoirs qui régissent le monde ainsi que leur autonomie dans leur domaine propre tout en insistant sur leur complémentarité. Néanmoins, Saint Gélase note une inégalité entre ces deux pouvoirs et défend l’idée de la prééminence de l’autorité spirituelle sur le pouvoir royal ou impérial par l’objet de leur pouvoir. Comme tout chrétien, l’Empereur et tout prince chrétien doivent se soumette à l’autorité spirituelle lorsqu’il s’agit de la religion et du salut. Elle peut aussi sanctionner le prince lorsque dans l’exercice de son pouvoir, il n’agit pas selon l’ordre religieux.

Déposition de Childéric II et
couronnement de Pépin le Bref
Les deux autres canons proviennent de la lettre de Saint Grégoire VII à Hermann, évêque de Metz. Le Pape prend l’exemple du Pape Zacharie qui a déposé le roi des Francs Childéric III « non pas tant à cause de ses iniquités qu’en raison de son insuffisance »[3] et délié le serment de fidélité des Francs au profit de Pépin le Bref, destituant ainsi la dynastie des Mérovingiens pour instaurer sur le trône celle des Carolingiens. Il prend aussi l’exemple de la déposition de l’Empereur Henri IV au cours de la Querelle de l’Investiture. Ces faits historiques sont longuement étudiés par les canonistes. C’est à partir de ces exemples que Romand Bandinelli, future Pape Alexandre II, justifie le droit des Papes à déposer un prince dans la somme intitulée la Stroma (achevé en 1148).

Ainsi, les canonistes reconnaissent la distinction des deux pouvoirs, religieux et temporel, mais ils se demandent comment s’exercent en réalité ces deux pouvoirs. Cette question intéresse aussi bien les spécialistes de Bologne mais aussi ceux des autres villes de droit. Deux partis s’affirment dans ses discussions : les dualistes et les monistes[4].

La position des dualistes

Les dualistes distinguent les deux pouvoirs, pontifical et impérial, sans admettre un empiétement du premier sur le second. L’un des plus célèbres est le canoniste Uguccio de Pise (1140-1210), évêque de Ferrare, théologien, grammairien et lexicographe. Il est l’auteur de Summa super decreto, achevé vers 1188. Il est aussi le maître du Pape Innocent III lorsqu’il était étudiant en droit.

L’argumentation des dualistes s’appuie sur l’antiquité de l’Empire. Comme sa fondation est antérieure à celle de la Papauté, il ne dépend pas d’elle. Le pouvoir impérial émane directement de Dieu. Le sacre romain ne confère en fait à l’Empereur que le titre impérial et le confirme dans sa dignité mais il ne le crée pas. L’Empereur ne tient son pouvoir que de l’élection des princes comme autrefois de l’acclamation du peuple romain. Les canonistes dualistes attachent donc directement le Saint Empire Germanique à l’Empire romain. Le premier est la continuité du second.

L’Empire est en outre destiné à soumettre tous les peuples sous sa loi. Tous les princes doivent obéissance à l’Empereur. Il porte donc la marque de l’unicité et de l’universalité. Comme l’affirme Uguccio de Pise, le seul Empire qui puisse exister est alors celui qui siège à Rome. Il dénigre ainsi l’Empire byzantin dont le chef porte abusivement et par usurpation le titre d’Empereur.

Néanmoins, si les dualistes affirment que l’Empereur ne reçoit pas le pouvoir de la main du Pape, ils défendent l’idée selon laquelle le Pape détient une puissance suprême. Il peut en effet intervenir dans des cas difficiles, par exemple en cas d’impuissance de l’autorité temporelle. Le Pape peut aussi déposer les rois déférés à son tribunal, ou encore contraindre les princes à réparer le mal qu’ils ont pu causer.

Mais la plupart des canonistes dualistes s’opposent à un droit direct et absolu des Papes de déposer l’Empereur. Ils voient la déposition comme un effet de son pouvoir indirect lorsqu’il est sollicité. Ainsi pour l’auteur de la somme Et est sciendum, le Pape a déposé l’Empereur dans le cadre de son magistère spirituel, comme la conséquence normale de l’excommunication qu’il a prononcée. Commentant la déposition de Childéric au profit de Pépin le Bref par le Pape Zacchaire, Uguccio montre qu’on parle de déposition par le Pape au sens où le Pape a conseillé les princes de le déposer ou a consenti à sa déposition. En effet, selon des canonistes, le maire du Palais aurait demandé au Pape de dire celui qui est plus digne de la couronne, celui qui vit dans l’inaction ou celui qui combat pour le bien commun. Le Pape Zacharie s’est prononcé en faveur de celui qui vit pour le bien commun. Ce sont bien les princes qui destituent Childéric avec le consentement du Pape. Reprenant avec vigueur les propos d’Uguccio, le canoniste Alain l’Anglais est plus affirmatif : le Pape n’a aucune compétence pour le destituer directement. Il reçoit le pouvoir de Dieu. L’Empereur n’est soumis au Pape que dans le domaine spirituel. Seule la nécessité impose sa déposition.

La position des monistes

Contrairement aux canonistes dualistes, les monistes considèrent que le sacre romain, à l’image du sacre épiscopal, confie les pouvoirs à l’Empereur. L’Empire ressemble donc à une institution purement ecclésiastique. Il relève donc de l’autorité pontificale puisqu’il est le chef de l’Église. Il n’existe finalement qu’un seul pouvoir, celui du Pape.

Les monistes sont aussi partisans de la « théorie des deux glaives » au sens général, le terme de « glaive » désignant en effet, non le pouvoir de juger et de sanctionner, mais le pouvoir en lui-même. Selon la Summa Banbergensis (vers 1206-1210), le Pape possède le glaive spirituel par droit d’autorité et droit d’exécution, et le glaive temporel par droit d’autorité uniquement mais il en délègue l’exécution, c’est-à-dire le pouvoir exécutif, aux princes. Ou dit autrement, le Pape possède le pouvoir dans sa plénitude, c’est-à-dire le pouvoir religieux et le pouvoir temporel. Il exerce le premier de manière directe et délègue le second aux autorités temporelles pour qu’il défende et protège l’Église. Ainsi le Pape exerce le pouvoir temporel de manière indirecte. « Le seigneur apostolique transfère le royaume[5] et dépose l’empereur », nous dit la Stroma [6].

Pour les dualistes, les princes et le Pape détiennent donc directement de Dieu chacun un pouvoir de nature différent, les premiers temporel, le second spirituel, qu’ils s’exercent chacun dans leur domaine propre. Pour les monistes, seul le Pape détient les deux pouvoirs, le pouvoir spirituel de manière direct, le pouvoir temporel de manière indirecte.

L’origine de la légitimité de l’autorité impériale

Innocent III (1160-1216), élu Pape en 1198, est un ancien canoniste. Il défend la doctrine pontificale notamment à partir du droit. La double élection de Philippe de Souabe et d’Otton de Brunswick sur le trône impérial lui permet d’intervenir dans les débats sur les relations entre la Papauté et l’Empire. En janvier 1201, il soumet sa délibération lors d’un consistoire. « La question de l'Empire regardait particulièrement le Siège apostolique, d'une part en raison des origines – principaliter - puisque c'est par le pape et à cause de lui que l'Empire fut transféré [d'Est en Ouest] pour trouver en lui un meilleur défenseur, d'autre part en raison de l'accomplissement - finaliter - parce que, pendant son sacre, l'empereur reçoit la dernière imposition des mains du pontife qui le bénit, le couronne et l'investit de l'Empire. »[7]

Selon Innocent III, deux raisons expliquent la suprématie pontificale sur l’Empereur. Comment peut-on expliquer le transfert de l’autorité impériale de l’Empereur Grec à l’Empereur par le Pape si celui-ci ne détient pas un pouvoir supérieur à celui des Empereurs ? Sans ce pouvoir suprême, comment peut-on dire que le basileus est un usurpateur ? Selon Innocent III, ce transfert de pouvoir et d'autorité s’est en effet réalisé par l’autorité du Pape, ce qui démontre sa supériorité. La deuxième raison demeure le sacre que reçoit l’Empereur des mains du Pape. Il fonde sa légitimité. Par conséquent, il y a un lien de subordination de l’autorité impériale à l’égard de l’autorité pontificale.

Le débat porte alors sur le rôle du sacre ou plutôt sur l’origine de la légitimité de l’autorité impériale.  Tient-elle du sacre ou de l'élection ? Lorsque le légat pontifical proclame Othon IV à la cathédrale de Cologne, les électeurs de Philippe de Souabe protestent violemment contre l’ingérence du Pape dans une affaire dont il n’a aucune compétence. Selon les droits de l’Empire, l’élection est de la compétence unique et exclusive des électeurs. Ils rappellent aussi que dès son élection, l’élu peut exercer immédiatement ses droits impériaux. En clair, seule l’élection fait l’Empereur. Ils tiennent ainsi la position des dualistes.

Innocent III publie la décrétale Venerabilem, qui sera inclus dans le droit canonique. Il reconnaît formellement aux princes allemands le droit et le pouvoir d’élire le roi promouvable à l’Empire et affirme qu’ils « reçurent ce privilège du Siège apostolique lorsqu’il opéra la translation de l’Empire de l’Est à l’Ouest en la personne de Charlemagne. » Innocent III justifie de nouveau la légitimité du transfert de l’autorité impériale par l’autorité supérieure qu’est celle du Pape. Néanmoins, il accorde aux électeurs le privilège de choisir celui qui pourrait être Empereur mais en contrepartie, ils doivent reconnaître au Pape le droit d’examiner leur élu puisque c’est par ses mains qu’il est consacré et couronné. Innocent III reste néanmoins ambigu dans ses termes. Le sacre ne confirme ni n’approuve l’élection. Il ne demande que le droit d’examiner l’élu, considérant l’examen comme un préalable au couronnement.

Pour qu’un Pape puisse destituer un prince, il peut aussi transférer son autorité vers un autre. Le droit de transférer une autorité est fortement lié à celui de déposer le détenteur de cette même autorité. Les constitutions Excommunicamus (1215) et Vergentis (1199) traitent plus clairement deux cas où les princes peuvent être déposés par le Pape. Dans le premier texte, il s’agit des princes et des rois hérétiques après excommunication. Dans le second, peuvent être déposés ceux qui négligent de combattre les hérésies, et donc sont suspects de leur être favorables.

Une évolution des dualistes : vers la supériorité pontificale

Pendant le premier quart du XIIIe siècle, les canonistes s’activent énormément, sans-doute en raison des travaux d’Innocent III et du prestige qu’il a donné à la Papauté. La position dualiste tend à se rapprocher de celle des monistes quand ces derniers raidissent encore leur point de vue.

La position des dualistes devient en effet plus nuancée au XIIIe siècle, se rapprochant peu à peu de celle des monistes. En se référant à la décrétale Per Vénérable, l’auteur de la Glossa Palatina montre que l’Empereur l’est véritablement par l’élection des princes mais qu’il ne peut exercer son autorité qu’après avoir été confirmé par le Pape au moment du sacre. Contrairement à Innocent III, il définit clairement le rôle du sacre comme une confirmation. Il s’appuie aussi sur l’exemple de Saül et de David qui ont eu besoin de la confirmation sacerdotale pour régner sur le peuple de Dieu. D’autres canonistes comme Laurent l’Espagnol défendent l’idée d’Innocent III selon laquelle le Pape a transféré l’autorité impériale des Empereurs Grecs aux Empereurs germaniques. Or, « comment l'Église romaine pourrait-elle transférer l'Empire d'une personne à l'autre et déposer un roi »[8] si le Pape n’exerce pas une autorité supérieure à celle de l’Empereur ? L’argumentation est imparable.

Cependant, l’auteur de la Glossa Palatina défend toujours l’idée d’Uguccio : le Pape ne peut pas déposer l’Empereur, hors cas d’hérésie, sans le consentement des princes germaniques. Ce n’est que par leur autorité qu’il peut le défaire de son trône. Le canoniste Alain n’est pas de cet avis. Le Pape peut destituer tous les princes si on prouve son incapacité à gouverner, pourvu que l’Église ne souffre d’aucune perturbation. Il s’appuie sur l’exemple de Zacharie déposant Childéric. Plus tard, il étend les cas de destitution. S’il persévère dans la simonie, l’hérésie et la discorde permanente, causant ainsi un scandale pour l’Église, le Pape peut aussi le déposer. Enfin, il défend la théorie des deux glaives. La tendance moniste se renforce encore par le canoniste Tancrède.

Soulignons que des canonistes commencent à remettre en cause l’universalisme de l’Empire. Selon Laurent l’Espagnol, les royaumes peuvent se donner la loi selon qu’ils vivront. Or si l’Empire n’est plus universel, ce ne sert plus à rien d’argumenter sur le transfert d’autorité impériale des Grecs aux Germains pour justifier la supériorité de l’autorité pontificale. Une des justifications d’Innocent III perd toute sa pertinence.

Concile de Lyon
Le cas de la déposition de l’Empereur Frédéric II

La déposition de l’Empereur Frédéric II par le Pape Innocent IV au concile de Lyon permet aux canonistes de développer encore davantage le droit des Papes à déposer des princes.

Au concile de Lyon (1245), Innocent IV (v.1180-1254), élu Pape en 1243, demande aux évêques présents s’ils veulent condamner l’Empereur Frédéric II après avoir constaté ses fautes manifestes. Un des canonistes, Henri de Suse, répond à sa demande. Il reprend la glose de Jean le Teutonique selon laquelle le Pape peut déposer l’Empereur pour n’importe quel péché grave s’il demeure incorrigible et s’il cause du scandale dans l’Église. C’est clairement le cas pour Frédéric II. En outre, le roi Childéric III a été déposé par Zacharie en raison de son incompétence. Il est donc encore plus légitime pour le Pape de destituer Frédéric II en raison de ses iniquités.

Dans le texte qui destitue l’Empereur Frédéric II, Innocent IV rappelle d’abord l’obstination de Frédéric II et son orgueil qui ont fait échouer toutes les démarches de paix qu’il a menées puis il précise les motifs de sa condamnation. Alors par son pouvoir des clés, considérant ses fautes graves, Innocent IV le destitue. « Nous qui en dépit de notre indignité sommes sur terre le vicaire du Christ et à qui en la personne du bienheureux Pierre a été dit « ce que tu lieras sur terre sera lié dans les cieux », nous déclarons ce prince dépouillé par Dieu de tout honneur et de toute dignité et de surcroît, de notre côté, nous le déposons par notre sentence » Le Pape agit en vicaire de Christ en raison des fautes que l’Empereur a commises. Il précisera plus tard qu’il a agi par nécessité et pour assurer la paix aux fidèles.

Les canonistes pontificaux face aux légistes du roi de France

Livre de l'information 
des roys et des princes
Gilles de Rome
Le conflit qui oppose le roi de France et le Pape au XIVe siècle apparaît comme une nouvelle phase dans l’étude canonique des relations entre l’Église et l’État. L’autorité pontificale n’est plus menacée par l’autorité impériale. L’idée d’universalisme impériale comme l’idée même de l’Empire sont remises en cause. Alors que l'autorité de l'Empereur décline, de nouvelles puissances émergent. Les jeunes royaumes défendent leur légitimité et leur indépendance à l’égard de l’Empire. Et comme l’Empereur, les rois veulent affirmer leur autorité face à celle du Pape. Les deux camps s’affrontent aussi sur le plan juridique. Ainsi les légistes du roi, soutenus par des libelles, et les canonistes du Pape s’affrontent, développant chacun des arguments pour contrer l’autre. Dans une lutte, certains se radicalisent dans les deux camps.

Gilles de Rome (1247-1316), ermite de Saint Augustin et disciple de Saint Thomas d’Aquin, apparaît comme le défenseur le plus résolu de la supériorité pontificale. Il est sans aucun doute un auteur important de la fin du XIIIe siècle. Il appartient à l’ordre des ermites de Saint Augustin dont il est nommé général en 1292. Il est le précepteur de Philippe le Bel pour lequel il a écrit un traité intitulé De regimine principum[9]. Le principal ouvrage qu’il a écrit pour défendre la suprématie du Pape est De ecclesiastica potestate, composé en 1302. Il s’appuie sur les exemples de l’Ancien Testament, sur le transfert de l’autorité impériale des Grecs aux Germains et enfin sur le rôle des sacres. 

Remarquons qu’il met en évidence l’antiquité du pouvoir religieux dans l’Histoire Sainte, qui est antérieur au pouvoir royal. Il se justifie enfin sur la nécessité d’une hiérarchie dans les choses. Comme le corps doit être soumis à l’âme, le temporel doit l’être à l’égard du spirituel : « puisque le corps est toujours soumis à l’âme (…) alors nécessairement le pouvoir temporel, qui ne s’occupe que de choses matérielles, doit se soumettre au pouvoir spirituel. »[10] Néanmoins, il respecte l’autonomie des pouvoirs. Le Pape laisse au prince l’exercice de son pouvoir. Il n’intervient dans le temporel que pour deux motifs : quand il y a péché ou lorsque l’autorité se montre négligente, incapable. Gilles de Rome reprend ainsi les discours des canonistes des siècles précédents mais en y ajoutant une certaine spéculation philosophique.

Influencé par Saint Thomas d’Aquin et Gilles de Rome, Jacques Capocci (v.1255 - v.1308), dit Jacques de Viterbe, est plus nuancé et modéré. De l’ordre des ermites de Saint-Augustin, il devient évêque de Bénévent en 1302, puis de Naples. Il prend parti pour le pouvoir temporel et spirituel du Pape et rejette les prétentions des rois sur l’institution ecclésiale[11]. Pour justifier la politique de Boniface VIII, Viterbe rédige l’ouvrage intitulé De Regimine Christano entre 1301-1302. Il définit le statut du Pape dans un traité sur l’Église. Héritier de la juridiction du Christ, le Pape est juge suprême

Bienheureux Jacques de Viterbe
Jacques de Viterbe présente les deux conceptions qui s'imposent à son époque : l'une s'appuie sur le droit naturel de l'État pour justifier son indépendance à l'égard de l'autorité pontificale, l'autre privilégie la justice surnaturelle comme justification de la suprématie pontificale. Ainsi, ces thèses opposent la nature et les grâce ou absorbe l'une dans l'autre. Il propose alors une voie intermédiaire« Entre ces deux voies opposées (2), on peut trouver une voie moyenne, plus raisonnable, et dire que le pouvoir temporel a son origine dans l'inclination naturelle des hommes et par suite en Dieu lui-même, en tant qu'une œuvre de la nature est une œuvre de Dieu. Mais formellement et dans sa perfection, il existe par le pouvoir spirituel... car la grâce ne détruit pas la nature mais la perfectionne et l'informe ». En s’appuyant sur Saint Augustin et sur Saint Thomas d’Aquin, il reconnaît l’origine naturelle de l’État tout en défendant l’idée selon laquelle seule l’Église peut lui donner sa perfection. Le pouvoir temporel ne prend son sens que s’il est soumis au spirituel parce que l’Église, gardienne des vérités, détient la plénitude des pouvoirs, y compris sur le pouvoir temporel. 

Augustin Trionfo d’Ancône (1243 ? - 1328) reprend l’ensemble des arguments de ses prédécesseurs pour élaborer une véritable thèse à la gloire pontificale dans la Summa de potestate ecclesiastica, écrite probablement en 1302. Il défend la suprématie pontificale sur le spirituel et sur le temporel. En tant que Vicaire du Christ et chef suprême de l’Église, il détient en plénitude leur puissance. Ainsi a-t-il toute autorité sur le spirituel comme sur le temporel. La seule distinction consiste en l’exercice de cette autorité : il exerce pleinement l’autorité spirituelle et délègue l’autorité temporelle aux princes. Il défend la théorie des deux glaives dans un sens large, le « glaive » désignant désormais toute autorité. Comme les canonistes qui l’ont précédé, il s’appuie sur l’Ancien Testament, sur la théologie et sur des précédents historiques. En matière de temporel, le Pape peut intervenir lorsqu’il y a péché, irrégularité dans la procédure séculière ou encore dans des affaires douteuses et difficile. Il est l’autorité suprême en matière morale. Il ne voit pas le pouvoir temporel subordonné au pouvoir spirituel mais plutôt une compénétration des deux pouvoirs avec l’inclusion du premier dans le secondAinsi l’Empereur est ainsi au service du Pape pour le gouvernement de l’Univers ou dit autrement il est « le vicaire du Pape dans le temporel. »[12] Le Pape peut donc le déposer et transférer son pouvoir à un autre. Il ne s’agit pas d’attenter à son autorité mais d’en réprimer un abus. 

Augustin Trionfo traite aussi des rois qu’il considère comme des usurpateurs mais auxquels l’Église a abandonné le pouvoir qu’ils détiennent de fait pour le bien de la paix. Il oublie que les Papes ont aussi favorisé leur émergence pour s’opposer aux Empereurs. Les rois doivent aussi se soumettre au Pape et le reconnaître comme la source de leur autorité. « Au total, qu'il s'agisse de pouvoir doctrinal, législatif, administratif ou coercitif, Augustin n'ajoute ni ne retranche rien d'important à la théologie du XIIIe siècle : il ne fait guère qu'approprier au pape les droits que tout le monde alors reconnaissait à l'Église. […] Jamais encore pareil effort n'avait été accompli pour expliciter la signification que portaient en eux les titres traditionnels de chef de l'Église et de vicaire du Christ. » Ces droits ne doivent onc pas être regardés comme une volonté de dominer mais plutôt d’affirmer la prééminence du spirituel sur le temporel.

Dans son De planctu ecclesiae en 1330, le franciscain Alvarez Pelayo est encore plus catégorique : « Le Pape gouverne tout, règle tout, dispose de tout, tranche de tout à son grès. […] Toutes les choses temporelles, comme les spirituelles, sont sous la domination de l’Église. »[13]

Les libellistes dans le Royaume de France

Face à l'affirmation de la suprématie pontificale, se dresse de plus en plus l'affirmation de l'autorité royale dans le royaume de France. Aux environs de 1280, un ouvrage théologique, Question in utramque partem, affirme que le roi de France ne dépend en rien de la Papauté. Dans certains ouvrages, reprenant des thèses impériales, on s'appuie sur l'antiquité de l'autorité royale pour justifier son indépendance. On prétend que le roi de France existait avant même les clercs. Il défendait le royaume et faisait les lois. 


Selon le dominicain Jean Quidort (v. 1225-1306), l’État est fondé sur le droit naturel et qu’il peut atteindre sa fin sans direction chrétienne ; il lui suffit d’appliquer les règles de la raison et de la morale naturelle. Il défend même l’idée que la souveraineté populaire est le fondement de tout pouvoir, y compris dans l’Église. L’auteur anonyme de Dialogue entre un clerc et un chevalier, écrit en 1302, reprend tous ces arguments « Le roi est au-dessus des lois, coutumes et libertés ; il ne relève que de Dieu. »[14] Il en vient donc à limiter l’autorité du Pape aux choses uniquement spirituelles. Le Pape ne peut intervenir que pour assurer le salut des fidèles. Certes il peut agir dans le temporel pour rappeler le devoir d’obéissance des fidèles à l’égard du roi et pour punir des crimes publics mais l’État doit contrôler l’Église, par exemple dans ses fondations et les reprendre lorsqu’elle les gère mal. Les immunités ecclésiastiques ne sont dues qu’à la bienveillance des princes. Bref, « l'assujettissement de l'Église à l'État, avec le droit, pour celui-ci, d'utiliser, de contrôler, de réglementer la force morale et sociale qu'elle représente. »[15] 

Pierre Dubois (1255-1312), légiste royal au temps de Philippe le Bel et avocat royal à Coutances, défend aussi l’idée que l’État doit contrôler l’Église. Mais il va très loin. Il propose même la sécularisation des biens de l’Église et la suppression du célibat des clercs ! Nous ne sommes pas très éloignés des doctrines de Marsile de Padoue. Il est vrai que Le Défenseur de la Paix est publié en 1324. Il regroupe tous les arguments antipontificaux. Guillaume d’Ockham est aussi très proche.

Les légistes du Roi de France

Des libelles défendant la pleine et entière souveraineté du roi dans son royaume suprématie, y compre dans l'Église, circulent dans le royaume de France au XIVe siècle. Les légistes défendent aussi cette doctrine en s’appuyant sur le droit romain renaissant. Ils siègent au conseil du roi, au Parlement ou appartiennent à l’administration royale. Comme Pierre Flot, mort en 1302, et Guillaume de Nogaret (v. 1260-1313), ancien professeur de droit romain, ils peuvent devenir ministre et chancelier.

Les légistes développent une doctrine du pouvoir absolu du roi. Ils soulignent que le pouvoir provient directement de Dieu sans passer par le Pape et que l’État est suffisant par lui-même, détenant une autorité absolue. Ils nient toute dépendance en droit et en pratique envers le Pape et donc rejettent toute intervention pontificale dans les affaires politique du royaume. Le roi est, à leurs yeux, le chef véritable de son Église, Dieu l’en ayant institué le protecteur naturel.

Jean de Paris, un précurseur imprudent d’idées nouvelles

Le dominicain Jean Quidort (v.1255-1306), dit aussi Jean de Paris, est l’un des plus célèbres. Maître en théologie, il défend Philippe le Bel contre Boniface VIII. En 1395, il est exclu de l’université à cause de sa doctrine sur l’Eucharistie. Dans le De potestate regali et papali [16], il s’oppose à Gilles de Rome, reprenant chacun de ses arguments.

Gilles de Rome écrivant
D’abord, Jean de Paris considère que le « regnum », par opposition à l’« imperium », est la forme idéale de la vie politique, que le gouvernement royal est d’institution divine et confirmé par le droit naturel de telle sorte qu’il ne peut être institué et confirmé par le Pape. Sa fin est d’assurer le bien commun des sujets et de faire qu’ils puissent vivre selon la vertu. Concernant l’Empire, il le considère comme un fait historique à prendre en compte.

Toujours selon Jean de Paris, la royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ n’est qu’une royauté spirituelle et sacerdotale. Reprenant son enseignement, il rappelle la nécessité des deux pouvoirs, spirituel et temporel, et leur distinction, ainsi que leur origine divine. « La puissance spirituelle et la puissance temporelle sont chacune souveraine dans leur domaine. Elles sont distinctes de telle sorte que l’une ne puisse être subordonnée à l’autre. »[17] Ils viennent bien du Christ mais toujours selon Jean de Paris, le pouvoir temporel en tant que Dieu, le pouvoir spirituel en tant que Médiateur et Rédempteur. Ainsi les deux souverainetés prolongent celle du Christ. Lorsque le roi est oint, il ne reçoit pas le pouvoir temporel ; il n’y ajoute qu’une signification sublime en faisant du prince l’image du Christ, le roi suprême.

Si les deux pouvoirs sont distincts, ils doivent néanmoins collaborer, nous précise Jean de Paris, chacun dans son domaine propre, les deux se complétant pour conduire les hommes à Dieu, à une même fin dernière. Chaque pouvoir a sa hiérarchie propre qui agit sur deux plans différents. Il est donc faux de parler de subordination ou de supériorité de l’un par rapport à l’autre.

Jean de Paris admet néanmoins le principe selon lequel le pouvoir spirituel est supérieur en dignité sur le pouvoir temporel mais sans que ce principe implique une subordination dans l’ordre de l’exercice du pouvoir. « En fait, il substitue à la hiérarchie simple Dieu-Pape-Roi à une double hiérarchie, Dieu-Pape et Dieu-Roi. Le pouvoir vient ainsi directement de Dieu, et est plus digne de celui des rois puisqu’il relève du domaine spirituel, mais le pouvoir du roi vient lui aussi directement de Dieu, et non du pape. »[18]

Le pouvoir spirituel peut agir sur le pouvoir temporel par influence. Il peut aussi intervenir dans l’ordre de la sanction ecclésiastique, c’est-à-dire dans l’ordre du péché. Si le péché est réel, la sanction inopérante et le prince récalcitrant, il peut en effet intervenir dans le domaine temporel mais indirectement, par l’intermédiaire du peuple ou sur demande des barons selon la nature de ses fautes. C’est bien le peuple qui le dépose sous l’instigation du Pape. Car « la volonté du peuple est plus forte que celle du pape. »[19] De même, le roi peut intervenir sur demande des cardinaux pour déposer le Pape s’il faute dans le domaine spirituel ou directement sur lui si la faute est d’ordre temporel. Il peut le déposer, voire le tuer, si le Pape agit en tant qu’adversaire politique. « Si le pape peut excommunier un roi hérétique, le roi peut pour sa part dénoncer un pape criminel »[20].

Conclusions

Du XII au XIVe siècle, des canonistes ont progressivement développé une série d’arguments pour montrer la suprématie pontificale, non dans un sens de domination mais de prééminence du spirituel sur le temporel. Leur thèse s’appuie sur la Sainte Écriture, la théologie et les faits historiques. La source de sa plénitude de puissance s’explique de plus en plus clairement sur sa fonction de « vicaire du Christ ». La théorie des glaives se précise de plus en plus. Les arguments ne leur manquent pas pour s’opposer aux prétentions des Empereurs. Ils tournent autour de la légitimité du pouvoir impériale : transfert de l’autorité de l’Empire romain oriental vers l’Empire germanique et le sacre. Des faits historiques font aussi acte de jurisprudence. Enfin, les canonistes s’appuient sur la Sainte Écriture qui révèle la primauté de l’autorité sacerdotale sur celle des rois. Au XIVe siècle, les arguments sont maîtrisés. Mais après avoir lutté contre les Empereurs, affaiblis par la désuétude de l’idée impériale, les canonistes doivent désormais s’opposer aux prétentions des rois, notamment de celles du roi de France.

Les légistes royaux défendent en effet la souveraineté toute puissante du roi, s’appuyant surtout sur le droit romain. Après avoir réussi à être « l’Empereur dans son royaume », le roi a désormais la prétention d’être « le Pape dans son royaume ». Il recherche donc la plénitude de puissance que défend le Pape depuis des siècles. « Ce qui est commis contre Dieu, contre la foi ou contre l’Église romaine, le roi le considère commis contre lui », nous dit Nogaret. Philippe le Bel est ainsi « ministre de Dieu », « l’ange de Dieu » ou encore « le zélateur de la loi divine ». Le roi ne doit-il pas rendre compte qu’à Dieu ? Bientôt, ne sera-t-il pas appelé à son tour « Vicaire du Christ » ? Les légistes s’approprient en effet des arguments des canonistes et les retournent contre eux au moment même où la Papauté est affaiblie et va connaître une de ses plus douloureuses épreuves. Ainsi au XIVe siècle, l’universalisme spirituel est à son tour malmené. C’est la fin de la chrétienté…
.







Notes et références

[1] D96c10 Duo sunt, C15q.6c3 Alius, D10c8 Quoniam et D96c6 Cum ad verum.
[2] Voir Émeraude, avril 2018, article « Églises et État au temps de l’empire romain chrétien avant la chute de Rome ».
[3] C15q.6c3 Alius dans Deus qui mutat tempora, Alfons Becker, 1987, www.mg-bibliotek.de.
[4] Les monistes sont aussi appelés « hiérocratiques ».
[5] Il faut entendre par transfert du royaume le transfert de pouvoir dans un royaume.
[6] Roland Bandinelli, futur pape Alexandre III, Stroma. La citation serait la glose du canon D96c6 Cum ad Verum.
[7]Regestum super negotio Imperii, ed. F. KEMPF, Miscellanea Historiae Pontificiae 12, 1947..
[8] Glose sur C12qlc8 attribuée à Laurent par Gui de Baisio, texte dans Miscellanea Historiae Pontificiae, Kemp, n°1 dans
[9] Traité sur le gouvernement des Princes.
[10] Gilles de Rome, De ecclesiastica potestate, II, 4-6, Le pape et l’empereur, Didier Ottaviani, Erytheis, 3, septembre 2008, http://idt.uab.es/erytheis/numero3/ottaviani.html.
[11] Voir Dictionnaire des philosophes médiévaux, Benoît Patar, 2006, Les éditions Fides. Cet ouvrage nous a aussi servi pour mieux connaître certains canonistes et légistes.
[12] Rivière Jean, Une première « Somme » du pouvoir pontifical. Le Pape chez Augustin d'Ancône dans Revue des Sciences Religieuses, tome 18, fascicule 2, 1938, www.persee.fr.
[13] Alvarez Pelayo, De planctu ecclesiae, 133O dans L’Église de la Cathédrale et de la Croisade, Daniel-Rops, XIV.
[14] Dialogue entre un clerc et un chevalier, dans L’Église de la Cathédrale et de la Croisade, Daniel-Rops, XIV, Fayard, 1952.
[15]J. Rivière, Le problème de l’Église et de l’État au temps de Philippe le Bel, Étude de théologie positive. Louvain, Bureaux du Spicilegium Sacrum Lovaniense, et Paris, H. Champion, 1926.
[16]Traité sur la puissance du roi et du pape.
[17] Jean de Paris, De potestate regia et papali dans L’empire du roi, Jaques Krynen, Gallimard, 1993 dans Boniface VIII et Philippe le Bel, les protagonistes et leur argumentation, www.viveleroy.fr.
[18] Jean de Paris, De potestate regia et papali, II, 10, dans Le pape et l’empereur, Didier Ottaviani, Erytheis, 3, septembre 2008, http://idt.uab.es/erytheis/numero3/ottaviani.html.
[19] Jean de Paris, De potestate regia et papali dans 0. S. B. Jean de Paris et Ecclésiologie du
XIIIe siècle, Dom Jean Leclercq, Paris, librairie philosophique J. Vrin, 1942.
[20] Jean de Paris, De potestate regia et papali, II, 10 dans Le pape et l’empereur, Didier Ottaviani.

dimanche 22 juillet 2018

L'attentat d'Anagnie, un Pape humilié, une Église meurtrie


Selon ses habitudes, le Pape Boniface VIII (1230-1303) passe quelques mois d’hiver à Rome puis après Pâques, il séjourne dans le palais pontifical Traietto à Anagni jusqu’en automne. Anagni est une ville agréable et fortifiée de la région du Latium au centre de l’Italie, à une cinquantaine de kilomètre au sud-est de Rome. Elle comprend quelques palais comme celui de Segni, qui vit naître le Pape Grégoire IX (1227-1241). C’est aussi la ville de naissance de Boniface VIII, une ville qu’il n’a cessé d’enrichir. C’est donc dans sa demeure que se déroule une des scènes les plus célèbres du Moyen-âge, connue sous le nom d’attentat d’Anagni.

L’attentat d’Anagni : le Pape molesté et emprisonné

Que se passe-t-il en cette nuit du 7 septembre 1303 ? C’est la vigile d’une des fêtes de Saint Marie. Mais en ce jour, au moment des vêpres, les esprits sont sans-doute ailleurs. La population est en effet fortement agitée. Elle entend une troupe armée pénétrer dans la ville. Le gouverneur de la ville lui a ouvert les portes. Avec l’argent des banquiers florentins en lutte contre le Pape, les portes se sont ouvertes plus facilement. Et de cette troupe, nous pouvons entendre s’écrier : « Mort au Pape ! Vive le Roi de France ! ». À la tête de la troupe, se trouve en effet Guillaume Nogaret, l’émissaire du roi de France Philippe le Bel. Il n’est pas seul. À ses côtés, nous pouvons reconnaître Da Supino, capitaine de Ferentino, ville ennemie d’Anagni[1], et surtout Sciarra Colonna.

Sciarra Colonna est le neveu de deux cardinaux que Boniface VIII a condamnés et dépouillés de leurs biens. Les cardinaux Giacomo et Pietro Colonna sont les pires ennemis du Pape. Les Colonna sont traditionnellement des partisans de l’Empereur germanique. Ils s’opposent aux Orsini et aux Chatini. Et depuis l’accession au trône pontifical de Boniface VIII, ils ont perdu beaucoup de privilèges et d’influence. Dans plusieurs libelles, ils ont remis en cause la légitimité du Pape Boniface VII, n’hésitant pas à l’accuser d’avoir tué son prédécesseur Célestin V. Il semblerait même que les Colonna aient comploté contre lui. Le Pape a fini par les excommunier et par raser leur propriété familiale à Palestrina.

La population est tendue. Selon une rumeur, on veut s’emparer du Pape et le mettre à mort. Alors que la troupe assiège le palais, la cloche communale sonne. Pour assurer la sécurité de la ville, la population nomme Adinolfo di Mattia comme capitaine du peuple. C’est aussi un ennemi de Boniface VIII.

Arrivés au pied du palais, Sciarra et Nogaret veulent négocier avec le Pape. Ils lui demandent sa déposition et la remise du trésor pontifical. En vain. Puis après de longues heures, ils décident de l’investir. Rapidement, ils découvrent le moyen d’y entrer. Il existe un passage entre le palais et la vieille cathédrale qui le jouxte. Pour pénétrer dans la cathédrale, ils mettent le feu à la porte puis dans l’église, une porte barre de nouveau leur avancée, ils la brûlent. Le champ est désormais libre. La fin du Pape paraît éminente. Peu de cardinaux restent auprès de lui. Y restent fidèles, Niccolo Boccasini, le futur Benoît XI, et Pierre d’Espagne, cardinal-évêque de Sabine. Boniface VIII les attend dans sa chambre...

Alors que la troupe pille le trésor pontifical, Nogaret et Sciarra se précipitent dans la chambre du Pape. Il les attend. Il est là devant eux, assis et coiffé de la tiare, avec dans ses mains un crucifix taillé dans le bois de Golgotha. Rapidement, les insultes fusent sur le Pape. Certains diront qu’il a été frappé mais ce n’est sans-doute qu’une légende qui dénote néanmoins l’atmosphère de la scène. Nogaret lui notifie son arrestation pour le traduire devant un concile en vue de sa destitution. Ainsi comme le dira Dante, nous voyons « dans Anagni entrer la fleur de lis et le vicaire du Christ fait prisonnier. » La troupe continue de piller et entasse son butin. 

Le 9 septembre, apprenant qu’on veut mettre à mort le Pape, la population finit par se révolter. Les agresseurs doivent s’enfuir rapidement. Libéré, Boniface VIII est porté sur la place de la cathédrale. Il accorde le pardon aux habitants d’Anagni. Puis, il part à Rome sous bonne escorte, mais à peine est-il arrivé qu’il meurt, le 11 octobre, sans-doute d’humiliation.

La gifle d’Anagni

Selon une légende, Boniface VIII aurait été frappé. Elle semble apparaître pour la première fois dans la Chronique de Saint Denis. Ce serait Nicole Gilles, mort en 1503, notaire et secrétaire du roi Louis XI, qui l’aurait rajouté au chronique à la fin du XVe siècle. Un chevalier des Colonna « frappa de la main armée du gantelet sur le visage, jusqu’à grand’effusion de sang »[2]. Nous la retrouvons ensuite dans de nombreux ouvrages du XVIIIe siècle. Selon Jean Favier, elle aurait pris naissance au XIXe siècle[3]. Désormais, Sciara Colona en serait l’auteur de la gifle. Renan est l’un de ceux qui rappellent aussi cette légende. « Quoi qu’on en ait écrit cependant, il n’y eut pas, de la part de Nogaret, d’injures proprement dites ; de la part de Sciarra, il n’y eut pas de voies de fait. […] Une tradition forte acceptée veut que Sciarra ait frappé Boniface de son gantelet. »[4]


D’autres légendes entourent ce récit. Dans la chronique de Saint Alban[5], Nogaret et Sciarra affament le Pape, l’attachent à l’envers sur un cheval et le font tourner jusqu’à perde le souffle et l’équilibre. Boniface VIII est revêtu d’une peau d’âne dans l’Historia Anglicanae scriptores decem de 1652. Il est rué de coups, piétiné et frappé à mort dans les Annales Lubicenses (1264-1324)[6].

Un Pape humilié

Comme nous le voyons, l’attentat d’Anagni a très tôt été entouré de fables. Elles décrivent Boniface VIII humilié et souffrant sous les coups de ses adversaires. Elles reflètent probablement un fait véridique : l’impact qu’a produit ce coup de force dans l’opinion

Toutefois, le Pape Boniface VIII a fait l’objet d’insultes, voire d’une certaine agressivité physique. Dans un rapport écrit le 27 novembre 1303 à Rome par un témoin de la scène, William de Hundelby, « plusieurs assaillirent le pape avec des injures et le traitèrent violemment. »[7] La dignité pontificale a été outragée. Finalement, la gifle est plus que morale que physique. Pourtant, le prestige du Pape n’a pas totalement disparu. Selon Villani, nul n’ose en effet le toucher[8]. Il a sans-doute tempéré l’ardeur belliqueuse de ses adversaires.

Dante nous garde aussi un souvenir de cette épisode tragique de la papauté. « Dans son Vicaire je vois le Christ captif ; une seconde fois je le vois insulté ; je vous renouveler le vinaigre et le fiel ; entre deux larrons nouveaux je le vois supplicié ! » Les paroles de Dante sont douloureuses. Ce ne sont pas que des mots pour de beaux vers. La scène d’Anagni est comparée à celle de Passion. Pourtant, Dante n’a jamais été favorable envers Boniface VIII. Il ne l’aime guère. Il le voit même en enfer ! Mais dans ses vers, il oublie ses rancœurs à son égard. Il oublie ses douleurs. Il voit un Pape outragé et dans l’outrage, il n’y voit que la grandeur de la victime. Il ne se peut que se prosterner devant lui.

En juin 1304, sur la place de Pérouse, le Pape Benoît XI, successeur de Boniface VIII et témoin proche de la scène, compare, dans un discours, le sort Boniface VIII à celui du Christ entre les mains de Ponce Pilate et de ses soldats.

Les raisons de l’attentat d’Anagni : l’autorité du Pape vs l’autorité du roi

L’attentat d’Anagni conclut le conflit qui oppose Boniface VIII et Philippe le Bel. Dans notre précédent article, nous avons rapidement décrit les principaux événements qui ont marqué leurs « différends ». Ce sont bien deux conceptions du pouvoir qui sont en lutte : le premier défend la plénitude du pouvoir pontificale selon la doctrine que l’Église a fermement défendue au moins depuis Saint Grégoire VII, le second défend une monarchie de droit divin, indépendant de la Papauté et seule maître de l’Église de France.

Revenons à l'affaire de Bernard Saisset[13]. Au mépris du droit en vigueur, Philippe le Bel arrête l’évêque de Pamiers. Pour répondre à cet abus de pouvoir, le Pape Boniface VIII convoque tous les évêques, chapitres et docteurs du royaume de France à un concile qui se tiendrait à Rome au plus tard le 1er novembre 1302. Ce concile aurait pour objet de délibérer sur cette affaire et de lutter contre les abus ecclésiastiques. Le roi, ou un de ses représentants, y est invité. Deux bulles pontificales lui sont aussi envoyées. Dans la bulle Salvator Mundi, adressée au roi, le Pape révoque tous les privilèges qu’il lui a accordés, en temps de guerre, notamment les impôts prélevés sur le clergé, en raison des abus auxquels ils ont donné lieu. Dans la bulle Ausculta Fili, il rappelle au roi qu’en tant que Vicaire du Christ et seul chef de l’Église, le Pape est « établi par Dieu sur les rois et sur les royaumes, pour arracher et détruire, édifier et planter, affermir ce qui vacille, guérir ce qui est malade »[9]. Par conséquent, il supplie le roi de ne pas se laisser persuader par ses conseillers qu’il n’a pas de supérieur et qu’il ne doit pas se soumettre au Pape. Puis, il énumère une énumération de griefs que l’Église a contre lui. Enfin, il le prévient qu’il fera l’objet d’une sentence de punition s’il n’écoute pas ses conseils avant de l’informer de la convocation du concile de Rome. La bulle Ausculta Fili reprend ainsi la doctrine pontificale sur la suprématie du Pape. Notons que les griefs que mentionne Boniface VIII relèvent du droit ecclésiastique et des abus du pouvoir royal dans les affaires de l’Église.

Falsification et mensonge dans le camp de Philippe le Bel


Le roi Philippe le Bel ne peut guère accepter la bulle Ausculta Fili. C’est une remise en cause de son pouvoir dans l’Église de France. Son entourage fait alors diffuser une fausse bulle, Deum time, afin de soulever l’opinion contre lui. « Apprenez que vous nous êtes soumis pour le spirituel et pour le temporel »[10]. Devant les trois États du royaume, clergé, noblesse et tiers états, le chancelier Pierre Flotte annonce que dans une lettre remise au roi, le Pape prétend qu’ils lui sont soumis, même dans les affaires temporelles, et que c’est de lui qu’ils tiennent la couronne, et qu’il a convoqué les évêques pour corriger les excès commis par le roi et les ministres. Pierre Flotte s’efforce ensuite de prouver que c’est bien le Pape qui opprime l’Église et l’accuse de nombreux maux, notamment son népotisme. La noblesse envoie au Pape une lettre particulièrement offensante, énumérant les griefs du roi contre le Pape. Le clergé lui remet aussi une lettre suppliant de rétablir la concorde et d’annuler la convocation du concile. Enfin, la bulle pontificale Ausculta Fili est brûlée.

Alors que les cardinaux répondent aux nobles de prendre connaissance de la bulle Ausculta Fili, le Pape dénonce au clergé sa lâcheté en face du roi et l’intrigue que mène Pierre Flotte, leur rappelant enfin l’obligation de se rendre au concile de Rome. Dans un consistoire tenu en août 1302, aux ambassadeurs français, Matteo d’Acquasparta, évêque de Porto, récuse la bulle apocryphe Deum time et rappelle que le Pape détient la plénitude des pouvoirs dans les choses spirituelles. Puis le Pape condamne l’intriguer de Pierre Flotte, « totalement aveugle du cerveau, cet homme de vinaigre et de fiel […] cet hérétique ». « Nous sommes docteur en droit depuis quarante ans, et nous savons fort bien qu’il y a deux puissances ordonnées par Dieu : comment croire que nous ayons pris pareille chose sous notre bonnet ? … Nous ne voulons pas empiéter sur la juridiction du roi ; mais le roi ne peut nier qu’il nous est soumis ratione peccati. »[11]

Vers le dénouement

Pierre Flotte
Philippe le Bel n’est pas dans une situation favorable. Il vient d’être battu par les Flamands dans la bataille de Courtrai. Pierre Flotte est parmi les morts. Il veut donc se rapprocher de Boniface VIII. Le duc de Bourgogne demande alors à des cardinaux d’intervenir auprès du Pape pour qu’il se réconcilie avec le Pape et qu’il témoigne au roi plus de condescendance. Dans leur réponse, après lui avoir rappelé l’ingratitude du roi ainsi que le crime de la destruction et de la falsification de la bulle Ausculta Fili, les cardinaux déclarent que le Pape se montrera condescendant si le roi reconnaît qu’il a été trompé par de mauvais conseillers et répare ses fautes. Quoique hautaine, cette réponse est parfaitement juste. La tentative de réconciliation est un échec.

Le concile de Rome se réunit le 30 octobre 1302. C’est au cours de ce synode que sont publiées la bulle Unam Sanctam ainsi qu’une sentence générale d’excommunication contre tous ceux qui empêchent les fidèles de se rendre à Rome. Le roi de France n’y est pas nommé. Une tentative de rapprochement mené par le Pape échoue. Du fait qu’il a empêché des évêques d’aller au concile, Philippe le Bel est sous le coup de l’excommunication. Une bulle est envoyée au légat pontifical en avril 1303.

Guillaume de Nogaret
(1260-1313)


Mais tout est déjà joué. Un mois avant l’expédition de la bulle, le nouveau chancelier, Guillaume de Nogaret, dresse devant le roi un violent réquisitoire contre Boniface VIII. Il le traite d’usurpateur, de simoniaque, de blasphémateur, coupables de grands crimes… Il lui demande alors de convoquer un concile général pour le faire juger. En attendant sa réunion, il lui propose de s’emparer de Boniface VIII et de l’enfermer jusqu’à de nouvelles élections pontificales. Devant une nouvelle assemblée des États réunie au Louvre, Guillaume de Plaisans, le bras droit de Nogaret, renouvelle les accusations portées contre Boniface VIII, l’accusant d’hérésie et de vouloir détruire le royaume. Un mémoire de 29 articles leur est lu. L’assemblée, y compris les membres du clergé présents, acquiesce à toutes les requêtes du roi. Des commissaires du royaume sont envoyés dans tout le royaume, y compris à l’Université de Paris, dans les chapitres des églises cathédrales et collégiales, dans les principaux couvents et monastères. Des orateurs haranguent les foules dans les villes et les villages. Les religieux ou ecclésiastiques qui refusent d’adhérer aux décisions prises sont soit expulsés du royaume, soit emprisonnés, comme quelques chapitres, l’abbé de Cîteaux, les abbés de Cluny et de Prémontré, les Dominicains de Montpellier, les Franciscains de Nîmes, etc.

Réfugié à Anagni, Boniface VIII dénonce tous ces mensonges et ces calomnies. Il sanctionne ceux qui adhèrent à cette intrigue comme l’Université de Paris. Dans la bulle Nuper ad audientam, spécialement dirigée contre Philippe le Bel, le Pape reproche au roi de ne pas avoir tenu compte ses admonestations et de s’être vengé par des injures et la menace d’un concile général que seul le Pape a le droit de convoquer. Enfin, le 8 septembre, doit paraître une seconde bulle Super Petri solio, fulminant l’excommunication solennelle contre Philippe et déliant ses sujets du serment de fidélité, sans toutefois prononcer formellement une sentence de déposition.

Mais cette bulle n’a jamais pu être publiée. Le 7 septembre, l’attentat d’Anagni… À ses agresseurs, Boniface VIII leur aurait dit en les voyant pénétrer dans sa chambre : « Voici mon cou, voici ma tête ».

Vers la réconciliation après la mort de Boniface VIII

Benoît XI (1240-1304)
Pape en 1303, béatifié en 1736.
Succédant à Boniface VIII, le Pape Benoît XI cherche à rétablir la concorde avec le roi de France et à apaiser les Colonna. Mais Philippe le Bel persiste dans sa demande de convoquer un concile général pour juger Boniface VIII, qu’il accuse d’hérésie. Sans cela, il ne peut guère justifier son action à Anagni. Car le mécontentement gronde dans le royaume. En cas de succès, le roi apparaîtrait alors comme le défenseur de l’orthodoxie. À la demande d’émissaires du roi, Benoît XI révoque les sentences d’excommunication portées contre Philippe le Bel tout en lui demandant de se montrer désormais un fils soumis de l’Église. Cependant, la demande de convoquer un concile pour juger Boniface reste sans réponse…

En outre, alors que les décrets de son prédécesseur sont abrogés ainsi que les peines portées contre le royaume de France, en juin 1304, dans la bulle Flagitiosum scelus, Benoît XI excommunie les participants à l’attentat d’Anagni et les cite à comparaître le 29 juin auprès du Saint Siège alors en résident à Pérouse. Il désigne nommément Nogaret et Sciarra Colonna ainsi que treize nobles. La publication de la bulle provoque de fortes réactions dans les cours européennes. La politique de Benoît XI est habile. Il sépare la cause de Philippe le Bel de celle de Nogaret. 

Clément V et Philippe le Bel
au concile de Vienne
Mais le 7 juillet, jour prévu pour la proclamation solennelle de leur excommunication, Benoît XI meurt suite à une indigestion des figues. Selon une rumeur, il serait mort d’un empoisonnement. Mais une enquête diligentée par le Pape Jean XXII n’apportera aucune preuve de culpabilité.

En 1304, Clément V succède à Benoît XI. Le roi Philippe le Bel le rencontre et renouvelle sa demande. Il exige la convocation d’un concile afin de juger Boniface VIII. Ce sera le concile de Vienne (1311-1312). Lors d'un consistoire tenu à Poitiers, Clément V prend le parti de faire juger les actes du Pape défunt avant le concile, c’est-à-dire en février 1309. Le 13 septembre, il cite à son tribunal les accusateurs. Des défenseurs sont nommés. Le procès commence par une bataille de procédure. Il finit par s’arrêter. Au concile de Vienne, aucun procès ne sera tenu contre Boniface VIII...

Conclusions

Par la bulle Rex gloria, le 27 avril 1311, le Pape Clément V absout les participants de l’attentat d’Anagni. Philippe le Bel est disculpé de toute atteinte à l’honneur de l’Église. Au contraire, tout « ce que le roi a fait, il l’a fait pour la défense de l’Église, comme champion de la foi. »[12] Que dire de cette conclusion scandaleuse ?

Le conflit entre Boniface VIII et Philippe le Bel peut-il se réduire à une querelle de personne ? Certes, de manière unanime, les historiens soulignent la forte personnalité du Pape, un esprit dominateur, sans oublier son caractère altier, volontaire, passionné. Ses maladresses, son absence de ménagement, son manque de douceur ont certainement suscité de vives réactions chez ses adversaires. Mais très intelligent et d’une grande pureté de mœurs, il se montre juste et fidèle à l’enseignement de l’Église, soucieux de redresser l’autorité du Pape, affaiblie au cours des pontificats précédents. Philippe le Bel est lui-aussi animé d’une forte conscience de la dignité royale. Il se montre pieux et fort instruit. A-t-il été le jouet de ses conseillers comme le pensait Boniface VIII ? Le conflit qui les oppose marque plutôt la forte tension que suscite la montée en puissance d’une royauté sûre d’elle-même et soucieuse d’une souveraineté absolue. Une telle prétention ne peut accepter la suprématie pontificale…

Le 13 juillet 1308, le Pape Clément V annonce l’ouverture du procès de Boniface VIII, mais ce n’est qu’une déclaration qui n’aboutira pas. Philippe le Bel ne parvient pas en effet à faire juger son ennemi. Le concile de Vienne aurait dû être l’occasion de faire ce procès. Mais les pères conciliaires ont réfusé. Le Pape ne mentionne même pas ce motif dans sa convocation. Ce serait mettre à bas toute la doctrine pontificale que l’Église a enseignée depuis des siècles. Le Pape ne peut être jugé par personne. Mais cette doctrine, que vaut-elle après l’attentat d’Anagni et tous les événements qui l’ont précédé ? Que de mensonges et de crimes pour renier finalement l’autorité du Pape au profit d’une souveraineté abusive ! Le pouvoir temporel a vaincu le pouvoir spirituel par les armes du monde. Dans cette affaire, la Papauté a perdu de la crédibilité, une crédibilité qui ne cessera de se réduire. Que vaudra désormais l’autorité du Pape ? Bientôt, l'Église connaîtra de terribles épreuves...





Notes et références
[1] Voir Histoire de France, tome 3, Philippe le Bel, Charles VII, volume 3, Jules Michelet, 2015, éditions des Équateurs
[2] Nicole Gilles, Annale et Chroniques de France, XIVe siècle, tom 5, 1837, dans Guillaume de Nogaret. Un Languedocien au service de la monarchie capétienne, Bernard Moreau, 2012, Lucie éditions. Dans les Annales et chroniques de France, depuis la destruction de Troye jusques au temps du roy Louys onziesme jadis composées […], par maistre Nicolle Gilles, 1562, vol. 1, feuillet 134, gallica.bnf.fr, « […] par vn Cheualier de ceulx de la coulonne, fi ne fuft qu’on le deftourna : toutesfois il le frappa de la main armee du gantelet fur le vifage, iufques à grand’effufion de fang » Voir Philippe le Bel, Georges Minois, 2014, édition edi8.
[3] L’historien Henri Martin reprend le récit dans Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789, 1855.
[4] Ernest Renan, Guillaume de Nogaret, légiste, dans Histoire littéraire de la France, tome XXVII, 1877.
[5] Chronique anglo-saxonne d’une famille du XIVe et au XVe siècle.
[6] Voir Philippe le Bel, Georges Minois.
[7] Hundleby, dans Philippe le Bel, Georges Minois.
[8] Voir Cronica di Giovanni Villani, tome III, Firenzz, 1823.
[9] Voir Boniface VIII, dans Histoire générale de l’Église, Abbé A. Boulanger, tome II, Le Moyen-âge, volume V, de Grégoire VII à Clément V, 1073-1305, n°127, Librairie E. Vitte, 1935.
[10] Voir Boniface VIII, dans Histoire générale de l’Église, Abbé A. Boulanger, tome II, Le Moyen-âge, volume V, de Grégoire VII à Clément V, 1073-1305, n°127.
[11] Boniface VIII, dans Histoire générale de l’Église, Abbé A. Boulanger, tome II, Le Moyen-âge, volume V, de Grégoire VII à Clément V, 1073-1305, n°127.
[12]Clément V, Bulle Rex gloria, dans Le Régime du culte catholique antérieur à la loi de la séparation, Léon Duguit, collection XIX, 2016.
[13] Voir Émeraude, juillet 2018, article "Boniface VIII et Philippe le Bel, des démêlés révélateurs".  Le prochain article reviendra plus longuement sur cette affaire.