" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 24 novembre 2017

La Règle de Saint Benoît

À partir du IVe siècle, en Orient comme en Occident, des chrétiens veulent abandonner le monde pour vivre leur foi avec zèle et ferveur. Ils quittent leur ville, leur situation, leurs parents afin de répondre à l'appel de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens et suis-moi. » (Matthieu, XIX, 21) Depuis Saint Antoine dans le désert égyptien, le monachisme s'est développé sous les formes les plus variées, de l'érémitisme au cénobitisme, de la retraite au désert à la présence dans les villes.

Mais cette existence enfouie dans la solitude, loin de la société des hommes, n'est pas sans danger. Certains renoncent aux biens de ce monde mais finissent par se perdre dans l'amour de soi. Se renoncer d'abord, renoncer à sa volonté propre, afin que la volonté de Dieu emplisse l'âme, qu'elle puisse être seule avec Lui. C'est cette solitude que recherche finalement le moine, solitude indispensable pour cette unité d'amour, la véritable unité. La solitude extrême apparaît donc comme un moyen d'y parvenir. Mais elle est réservée aux âmes d'élites, donc à un petit nombre. Pour les autres, pour la plupart des affamés de Dieu, la vie en communauté, sous l'obéissance d'un maître et d'une règle, dans la charité et l'humilité, est la voie la plus sûre. Telle est la leçon que nous ont laissée les premiers moines en Orient comme en Occident.

Mais la vie communautaire ne peut demeurer sans organisation, donc sans règle. Chaque monastère se dote d'une Règle que leur fondateur lui a léguée. En Orient, Saint Pakhôme puis Saint Basile nous ont transmis la leur. En Occident, au VIe siècle, les règles prolifèrent. Aujourd'hui, trois grandes Règles dominent le monachisme occidental : celle de Saint Augustin, la plus ancienne, celle de Saint Benoît, la plus répandue, puis celle de Saint François d'Assise. Mais comment un texte ancien, censé organiser la vie monastique à un moment et à un lieu donné, peut-il encore demeurer valable de nos jours ? Au XVIe siècle, Érasme et bien d'autres soulèvent encore bien d'autres questions, non pour comprendre la vie monastique mais pour la remettre en cause. Pour y voir plus clair, cherchons d'abord à mieux comprendre ce qu'est la Règle. Examinons avec respect la Règle de Saint Benoît.

Saint Benoît de Nursie (v.480-v.547), le fondateur d'une nouvelle vie religieuse

Apprenons d’abord à connaître son auteur, Saint Benoît. Il est né d'une famille noble de Nursie, au centre de la péninsule italienne. Après avoir acquis les premières connaissances en science et en art, il se rend à Rome pour poursuivre ses études selon l'usage des bonnes familles provinciales et ainsi postuler à une brillante carrière à laquelle sa naissance lui prédestine. Mais rapidement, cette vie romaine lui apporte désillusion et désenchantement. Les mœurs romaines sont dissolues, le luxe pavoise dans la pauvreté générale, et les prêtres ne se montrent guère à la hauteur de leur vocation. Les intrigues, les calomnies, l'hérésie divisent en outre les Chrétiens. Triste Rome en ce début du VIe siècle ! Cherche-t-il à s'oublier dans les études, dans la grammaire, la rhétorique ou encore dans le droit ? Mais « la pompe grandiloquente régnait en maîtresse dans tout le haut enseignement, et les sciences juridiques d'alors n'en étaient pas entièrement dégagées. »[2]

Scandalisé et conscient des périls dans lequel il se trouve, Saint Benoît décide d'interrompre ses études et la voie brillante qui lui est destinée. Vers 500, il quitte Rome. Il rejoint d'abord une communauté d'hommes sages et instruits à la Sainte Écriture et aux textes des Pères de l’Église, peut-être des ascètes, dans la petite ville d'Enfide, aujourd'hui Afile. Mais appelé à une vie plus austère et voulant plaire à Dieu seul, il la quitte et se retire dans un lieu particulièrement sauvage, à Sublacum, aujourd'hui Subiaco, à 75 km à l'Est de Rome, près des ruines d'un ancien palais de l'empereur Néron. Il mène une vie d'ermite, de plus en plus stricte. Il finit par se retirer dans une grotte perdue dans une vallée déserte. 

Après une retraite de trois ans, Saint Benoît est rejoint par des moines qui lui demandent de diriger leur monastère selon ses principes, fruits de ses longues méditations d’ermite. Mais, c'est un échec. Les moines ne supportent pas la vie austère et rude qu'il veut leur appliquer. Saint Benoît finit par retourner dans la solitude de sa grotte. Des hommes viennent de nouveau le voir pour devenir ses disciples. Ils sont si nombreux que Saint Benoît finit par fonder douze monastères, chacun se composant de douze moines placés sous la direction d'un abbé. À côté de ces monastères est bâtie une école afin de former les jeunes gens qui se présentent à lui sur le service divin, les règles du chant et sur bien d’autres choses encore. Il leur enseigne aussi les connaissances religieuses rudimentaires. Les communautés de Subiaco deviennent célèbres au point que la noblesse romaine leur envoie ses fils. Et parmi les moines, nous trouvons aussi des Goths. Notre Seigneur Jésus-Christ ne fait pas de distinction entre les peuples et sait les unir dans la même foi.

Appelé de nouveau à la solitude vers 529, prenant quelques moines avec lui, Saint Benoît quitte Subiaco et fonde un nouveau monastère à Cassinum, le Mont-Cassin, dans un ancien temple païen. Sur ce point culminant, se dresse désormais l'autel de Dieu. Ce monastère deviendra le modèle de nombreux autres monastères. C'est dans ce monastère que vers la fin de sa vie, Saint Benoît écrira sa Règle pour son monastère...

Au service de Notre Seigneur Jésus-Christ

La Règle est constituée d'un prologue dans lequel Saint Benoît définit les principes de la vie monastique. Le monastère est une école du service de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ainsi est-Il est au centre de la vie monastique, au cœur de la Règle.

Dirigé par un père, c’est-à-dire un abbé, le moine s'exerce dans le monastère à la pratique des différentes vertus chrétiennes, principalement celles de l'obéissance et de l'humilité, dans le silence. Pour cela, il doit renoncer à sa volonté propre afin qu'il combatte pour Notre Seigneur Jésus-Christ. Être moine, c'est en effet d'abord obéir, se renoncer pour devenir son soldat discipliné. La vie au service de Notre Seigneur Jésus-Christ n’est donc pas une vie de repos. Dès le début de sa Règle, Saint Benoît parle en effet de combat, de lutte contre le démon. Et gare à celui qui n'emploie pas les biens qu'Il a mis en lui ou qui n'a pas voulu Le suivre jusqu'à la gloire comme un mauvais serviteur !


Notre Seigneur Jésus-Christ nous demande de réaliser de bonnes œuvres. Dans le chapitre IV de sa Règle, Saint Benoît énumère une série d’obligations et d’interdictions. « Il faut donc préparer nos cœurs et nos corps aux combats de la sainte obéissance à ses commandements. » (Prologue, 40) Mais comme l’indique l’intitulé du chapitre, cette série ne constitue pas des œuvres mais des instruments des bonnes œuvres.  En les usant, les moines parviendront aux bonnes œuvres que Dieu nous demande d’accomplir. Et s’ils sont suivis, « jour et nuit, sans relâche », dit-il, Dieu nous donnera la récompense qu’Il a promise lui-même. « Or l’atelier où nous devons travailler diligemment avec tous ces instruments, c’est le cloître du monastère avec la stabilité dans la communauté. » (IV, 78) [1]

Mais il n'y a pas de combat efficace sans stabilité, sans patience et persévérance. Le moine doit en effet rester dans son monastère. Ce n’est pas en changeant d’écuries selon son envie qu’il remportera la course. La stabilité est donc un des caractères essentiels de la vie monastique telle que définit Saint Benoît.


Saint Benoît remettant la Règle
à un de ses disciples
Mais, conscient des dangers de la vie religieuse, Saint Benoît refuse tout excès. Dans le monastère, les moines ne rencontreront donc pas de rigueur excessive, nous dit-il. Certes les débuts de la vie religieuse sont difficiles, mais «  à mesure que l'on progresse dans la vie religieuse et dans la foi, le cœur se dilate, et l'on court dans la voie des commandements de Dieu, avec la douceur ineffable de l'amour. » (Prologue, 49) La Règle est donc attentive à mettre de la tempérance et de la douceur dans tout ce qui forme la vie communautaire.

La vie monastique permet donc à chacun de ses membres de se sauver en usant des instruments que Notre Seigneur Jésus-Christ nous a donnés. Il lui donne les moyens appropriés pour y parvenir. De même, « bien formés par une longue épreuve dans le monastère », les anachorètes « ont appris, grâce au soutien de nombreux frères, à lutter contre le démon. Bien exercés, ils passent de cette armée fraternelle au combat solitaire du désert. » (I, 3-5) L’ermite n’est plus au premier temps où sa simple ferveur lui suffisait pour affronter les dangers de la vie solitude. C’est pourquoi Saint Benoît se détourne de cette voie pour privilégier le cénobitisme, plus adapté à la société chrétienne et plus approprié aux hommes pour servir Notre Seigneur Jésus-Christ.

L’abbé tient lieu de Notre Seigneur Jésus-Christ

Le moine est sous la direction d’un abbé. Ce dernier dirige le monastère. Il tient la place de Notre Seigneur Jésus-Christ. Son autorité est donc sans limite, au moins théoriquement. Saint Benoît décrit longuement comment il doit diriger les moines. Plusieurs fois, il insiste sur l’exigence de sa charge, sur « le fardeau qu’il a reçu » (LXIV, 7). « L’abbé doit toujours se rappeler qu’il est exigé davantage à qui a été confié davantage. » (II, 30) Il lui rappelle alors ses devoirs. « L’abbé ne doit donc rien enseigner, établir ou commander qui s’écarte des préceptes du Seigneur ; mais ses ordres et son enseignement doivent se répandre dans l’esprit de ses disciples, comme un levain de la divine justice » (II, 4).


Saint Benoît définit les qualités d’un bon abbé. « Il doit donc être docte dans la loi divine, afin de savoir et d’avoir où puiser les leçons anciennes et nouvelles. Qu’il soit chaste, sobre, miséricordieux ; que toujours il préfère la miséricorde à la justice, afin d’obtenir pour lui-même le traitement semblable. Qu’il haïsse les vices, mais qu’il aime les frères. » (LXIV, 8-11) Il doit se conduire avec discernement, modération et prévoyance. Il définit ensuite les défauts qu’il doit éviter : la turbulence, l’inquiétude, l’excessivité, l’opiniâtreté, la jalousie, « sinon, il n’y aura jamais de repos. » (LXIV, 16) Saint Benoît insiste suffisamment sur ces points pour quoi ce qu’il recherche. Reprenant les paroles de Jacob, il nous rappelle (LXIV, 19) que « si je fatigue mes troupeaux en le faisant trop marcher, ils périront tous en un jour. » (Gen., XXXIII, 13)

Saint Benoît rappelle souvent dans sa Règle que l’abbé devra rendre compte à Dieu de tous ses jugements et de tous ses actes.  « L’abbé, une fois établi, pensera sans-cesse […] à Celui à qui il devra rendre compte de son administration. » (LXIV, 7) Il doit donc exercer son autorité avec cette crainte de déplaire à Dieu. « Que l’abbé cependant songe qu’il doit rendre compte à Dieu de toutes ces décisions, de crainte que le feu de l’envie ou de la jalousie ne vienne à brûler son âme. » (LXV, 22)

Et comme tous les moines, l'abbé doit aussi se soumettre à la Règle. « En toutes choses, donc, tous suivront cette maîtresse qu’est la Règle, et personne ne se permettra de s’en écarter de son propre cœur. » (III, 7-8) Donc, si les moines doivent se soumettre à leur abbé, sans jamais oser contester son autorité, « l’abbé, toutefois, doit faire toutes choses dans la crainte de Dieu et selon la Règle, persuadé que, sans doute aucun, il aura à rendre compte de toutes ses décisions à Dieu, ce juge souverainement équitable » (III, 11) Ainsi l’autorité de l’abbé, théoriquement sans limite, est en fait très encadrée.

Mais l’abbé n’est pas simplement un chef ou un directeur de monastère. Il est un maître spirituel. Il doit donc enseigner. Et comme tout maître, il est un pédagogue. Son enseignement porte sur les commandements divins, plus par l’exemple que par les paroles, avec le souci de s’adapter à chacun de ses moines. « Aux disciples réceptifs, il enseignera par ses paroles […] ; aux cœurs durs et simples, il les fera voir par son exemple. C’est aussi par les actes qu’il apprendra à ses disciples » (II, 12-13). Souvent, Saint Benoît rappelle ce devoir d’adaptation et d’attention. Aucun des moines ne doit être oublié quelle que soient ses qualités et son caractère. L’abbé ne doit faire acception de personne puisque tous sont en uns en Notre Seigneur Jésus-Christ. Ainsi il « témoignera donc à tous une égale charité ; et il n’y aura pour tous qu’une même discipline, appliquée selon les mérites de chacun. » (III, 22) Belle leçon d’humanité et d’équité ! L’abbé a donc ce devoir d’aider le moine à progresser dans la voie de son salut.


Saint Benoît décrit ainsi ce que doit être l’abbé à l’égard des moines, c’est-à-dire l’art de les diriger. Il doit savoir mêler « douceurs et menaces, montrant tantôt la sévérité d’un maître, tantôt la tendresse d’un père. » (II, 24). Il doit refuser de laisser les vices se fortifier et plutôt les détruire « avec prudence et charité, en adaptant les moyens à chaque caractère » (LXIV, 14) Il doit se montrer attentif à chacun, exigeant à leur égard, sachant user des bons moyens de punition. « L’abbé doit donc se conformer et s’adapter aux dispositions et à l’intelligence de chacun, en sorte qu’il puisse, non seulement préserver de tout dommage le troupeau qui lui est confié, mais encore se réjouir de l’accroissement de ce bon troupeau. » (II, 32) L’abbé doit donc exercer son autorité de façon différente suivant les hommes et les circonstances, s’accommodant aux caractères de chacun.

Ainsi, l’autorité de l’abbé est imprégnée de la charité chrétienne. Elle en est tempérée, adoucie, éclairée. Il est comme le Bon Pasteur à l’égard de son troupeau ou comme un père envers ses enfants, évitant tout excès, toute naïveté aussi. Le titre même qu’il porte, « abba », résume à lui-seul ce qu’il doit être. Il est au service de chacun de ses moines comme Notre Seigneur Jésus-Christ nous a appris de le faire. Il cherche avant tout à aimer et à être aimé. Car le chemin que doit mener les moines à Dieu sous sa direction est celui de la charité.

L’abbé n’est ni un despote ni un oppresseur. « Toutes les fois qu’il y aura dans le monastère quelque affaire importante à décider, l’abbé convoquera toute la communauté et exposera lui-même ce dont il s’agit. » (III, 1) Il doit la réunir pour prendre une décision grave. Le chapitre désigne la réunion de l’ensemble des moines. Chaque moine, même le plus jeune, aura le « droit au chapitre ». Contrairement à nos assemblées bruyantes et agitées, où se déploient souvent la vanité et l’insolence, l’autorité de l’abbé doit être respectée au cours des discutions. Les moines « n’auront donc pas la hardiesse de soutenir effrontément leur manière de voir, mais il dépendra de l’abbé de décider ce qu’il jugera le mieux ; et tous alors devront lui obéir. » (III, 4) Ils devront « donner leur avis en toute humilité et soumission ». Puis après consultation, l’abbé décidera seul. Pour des affaires moins importantes, il peut se contenter de réunir le conseil des anciens, composé de quelques moines expérimentés et occupant des fonctions dans le monastère.

Saint Benoît définit les règles pour choisir l’abbé et pour son institution. Le choix se fait par élection de toute la communauté, soit d’un commun accord, soit d’une partie, même faible. Le critère du choix doit reposer sur les vertus et les qualités du candidat. « Dans cette élection, on aura égard au mérite de la vie et à la doctrine spirituelle du candidat, quand bien même il occuperait le dernier rang dans la communauté. » (LXIV, 2) Néanmoins, en cas de mauvais choix, consentis par la communauté, l’évêque diocésain, des abbés et des chrétiens peuvent empêcher l’élection. Ils ont le devoir d’y intervenir et de donner au monastère un digne abbé.

Le moine exercé aux vertus d’obéissance et d’humilité

C’est après avoir longuement rappelé les devoirs de l’abbé, les limites de son autorité et l’esprit dans lequel il doit l’exercer que Saint Benoît en vient à décrire les devoirs des moines à son égard, c’est-à-dire l’obéissance. « Dès que le supérieur a commandé quelque chose, ils ne peuvent souffrir d’en différer l’exécution, tout comme si Dieu lui-même en avait donné l’ordre. » (V, 4) Ils doivent renoncer à toute volonté propre et à leur propre intérêt. Ils se soumettent promptement « sans trouble, sans retard, sans tiédeur, sans murmure, sans parole de résistance » (V, 14), et de bon cœur. Car l’obéissance est d’abord rendue à Dieu. Elle doit donc être bien reçue de Dieu. Ainsi, Saint Benoît décrit l’esprit qui doit animer l’obéissance du moine, toujours tournée vers Notre Seigneur Jésus-Christ. 

L’obéissance ne s’exerce pas uniquement à l’égard de l’abbé ou de la Règle. « Tous les frères doivent rendre le bien de l’obéissance ; il faut encore qu’ils obéissent les uns aux autres. Ils sauront que c’est par cette voie de l’obéissance qu’ils iront à Dieu. » (LXXI, 1-2) Il y a néanmoins un ordre dans l’obéissance. Après l’abbé et les différents responsables qu’il a établis, le moine doit obéir aux anciens, « en toute charité et empressement. » (LXXXI, 5) Tout esprit de contestation doit être châtié.

La seconde vertu est celle de l’humilité. Elle doit être acquise par degré. Saint Benoît en définit ainsi les différentes marches. Pour grandir dans l’humilité, marche après marche, le moine usera des instruments des bonnes œuvres. Animé de la crainte de Dieu, remémorant les châtiments qu’Il réserve aux pécheurs et les récompenses qu’Il offre aux bonnes âmes, Lui qui du haut du ciel regarde et connaît tout, le moine montera la première marche. Il « estimera que Dieu, du haut du ciel, le regarde à tout moment, qu’en tout lieu le regard de la divinité voit ses actes et que les anges les lui rapportent à tout moment. »(VII, 13) La deuxième marche consiste à ne pas aimer sa volonté propre et à ne pas accomplir ses désirs. Les autres marches sont dans l’ordre : la soumission à la volonté de son supérieur, la patience dans les adversités et les injustices, à l’imitation de Notre Seigneur Jésus-Christ, la confession de ses fautes à l’abbé, l’aveu sincère de sa misère et de son indignité, la retenue dans ses paroles et le silence, la sobriété dans le langage. « Après avoir gravi tous ces degrés d’humilité, le moine parviendra bientôt à cet amour de Dieu, qui, devenu parfait, bannit la crainte. Grâce à cet amour, il accomplira sans peine, comme naturellement et par habitude, ce qu’auparavant il n’observait qu’avec frayeur. Il n’agira plus sous la menace de l’enfer, mais par amour du Christ, par l’accoutumance même du bien et par l’attrait des vertus. »(VII, 68-69)

L’organisation du monastère

Après avoir décrit l’esprit qui doit animer le moine et son comportement, Saint Benoît définit l’organisation et le déroulement des offices (VIII – XIX) et l’importance de la prière (XX), insistant sur sa brièveté et sa pureté, sur le maintien du moine. Puis, Saint Benoît énumère, sans véritable plan, différents points, dont le recrutement (LVIII), les outils et objets du monastère (XXXII), les frères malades (XXXVI), les vieillards et les enfants (XXXVII), la nourriture et la boisson (XXXIX-XLIV). Remarquons que certains sujets reviennent au cours du texte comme le code pénitentiel, c’est-à-dire les règles à suivre pour déterminer les fautes, les moyens de corriger les fautifs, dont l'excommunication (XXIII-XXX puis XLIV-XLVI), ou encore tout ce qui touche à la propriété (XXXIII, LIV, LV). Sont ainsi réglées les multiples activités de la journée, notamment l’hospitalité (LIII).

Enfin, Saint Benoît définit les différentes fonctions à tenir dans le monastère : le cellérier, le prieur, les portiers. Concernant le prieur, il montre le danger qu’il représente pour le monastère s’il s’attribue une autorité qui n’est pas la sienne, une autorité sans contrôle. Il s’agit d’éviter qu’il ne s’enorgueillisse et que par son attitude, il puisse causer des dissensions dans la communauté et les pires désordres. « Or, si l’abbé et le prieur sont opposés de sentiments, il est impossible que, dans une telle discorde, leurs âmes ne se trouvent pas en danger. » (LXV, 8) Ainsi, pour les éviter, « il faut que le gouvernement de son monastère dépende entièrement de l’abbé. » (LXV, 11) L’abbé peut être aidé par des doyens, dont le nombre permet d’éviter de concentrer une autorité sur un seul individu. La charge d’un prieur n’est donc pas obligatoire pour un monastère. Elle doit répondre à un besoin. Si elle s’avère désirable ou souhaitable, c’est bien l’abbé qui l’établira et choisira le prieur avec le conseil de la communauté. Et « le prieur exécutera avec respect tout ce que son abbé lui prescrira, sans jamais contrevenir à sa volonté et à ses ordres. Car plus il est élévé au-dessus des autres, plus il doit observer consciencieusement les préceptes de la Règle. » (LXV, 16-17)

Ainsi Saint Benoît cherche à préserver l’autorité de l’abbé sur laquelle repose la communauté. À de nombreuses reprises, il définit les moyens pour éviter les occasions de conflits et par conséquent toute occasion de présomption.

Prière et travail

La Règle contient de nombreuses citations de la Sainte Écriture au point que la Parole de Dieu occupe certainement plus de la moitié du document. L’office divin et la prière occupent aussi naturellement une grande partie de l’activité du moine. C’est même sa préoccupation principale. « On ne préfèrera donc rien à l’œuvre de Dieu. » (XLIII, 3) Chaque jour, le moine doit célébrer l’office divin. Huit fois par jour, la communauté se réunit pour prier ensemble et louer. Le monastère est donc une maison de prière dont le centre est l’oratoire. Saint Benoît insiste dans sa Règle sur l’attitude à avoir pendant la prière et les offices. Le moine consacre aussi de nombreuses heures à « Lectio divina », c’est-à-dire à la lecture de la Sainte Écriture.

Comme « l'oisiveté est l’ennemie de l’âme » (XLVIII, 1), il faut occuper les moines. En outre, le monastère doit vivre par ses propres moyens. Par conséquent, le moine doit consacrer certaines heures au travail manuel et à toutes sortes d’activités pour satisfaire les besoins de la vie en communauté. Saint Benoît nous rappelle qu’« ils seront vraiment moines, lorsqu’ils vivront du travail de leurs mains » (XLVIII, 8). Que le moine gagne son pain à la sueur de son front ! Le travail est même une autre façon de prier. Et les restrictions alimentaires comme le déroulement de la journée doivent prendre en compte les conditions de travail. Tout doit être fait avec modération, en fonction de la force des uns et des faiblesses des autres.

Le monastère est donc centré autour de deux pôles, la prière et le travail, dans un équilibre entre l’application spirituelle et l’effort physique. Afin de concilier la prière et le travail, Saint Benoît définit la chronologie de la journée, proposant des horaires pour chaque activité…

Conclusion

Simple et concise, la Règle est donc d’une grande souplesse. Mais elle contient suffisamment de formules percutantes pour frapper l’esprit et donner les idées essentielles qui doivent animer la vie monastique. Elle demeure logique, cohérente, équilibrée, d'une grande sagesse.

Notre Seigneur Jésus-Christ occupe aussi la place centrale. Tout est orienté vers Lui. Le moine exerce ses vertus pour L’imiter. Il doit se montrer obéissant et humble comme Il a été obéissant. Il est aussi présent partout, notamment dans les offices, dans l’abbé dont il tient la place, chez son frère et dans l’étranger que le moine doit accueillir. S’il doit garder le silence, c’est pour être attentif à sa parole, c’est pour demeurer à son écoute. Notre Seigneur Jésus-Christ est bien au cœur de la vie monastique. Le moine renonce à sa volonté propre pour se donner totalement à Lui.


Note et références

[1] Les citations de la Règle sont tirées de Règle de saint Benoît, traduction et concordance par Philibert Schmitz, 5ème édition, Brepols, 1987.
[2] Dom Léon Chaussin, Saint Benoît de Nursie, dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre, IV, éditions du Centurion, 1965. 

vendredi 17 novembre 2017

Les origines du monachisme en Occident



 
Le monachisme est probablement né de l’Orient. Fuyant le monde et son esprit, des hommes se sont retirés dans le désert d’Égypte ou de Syrie afin de suivre Notre Seigneur Jésus-Christ dans le renoncement et l'austérité la plus sévère, afin de répondre à son appel de perfection évangélique. Mais cette vie de solitude apporte aussi de périlleux dangers. L’ermite peut certes renoncer au monde mais se renoncera-t-il à lui-même ? Évitera-t-il en effet les dangers de la solitude, de cette vanité humaine qui peut aussi s’épanouir dans l’ascèse et la mortification ? Ne risque-t-il pas de fonder son salut dans l’accumulation d’exercices de mortification, c’est-à-dire dans sa propre volonté ? La vie en communauté est une réponse à ce danger. Elle apporte un cadre permettant à chacun de répondre à ce besoin de perfection sans se perdre ni dans l’orgueil ni dans l’illusion. Elle garantit le véritable renoncement.

L’idéal de perfection n’est pas l’apanage de l’Orient. En Occident, ce désir est aussi bien vivant. Pèlerins de la terre sainte ou enthousiasmé par les récits de Saint Antoine ou d’autres ermites, les premiers chrétiens occidentaux se réfugient dans les déserts de Palestine et d’Égypte. Mais d’autres veulent suivre la voie monastique sur leur propre terre. Les chemins sont alors diverses.

Des moines missionnaires et engagés dans le monde

Alors que Saint Basile se retire dans la solitude, vers 360, Saint Martin (316-397) fonde aux environs de Poitiers le premier monastère de tout l’Occident, à Ligugé. Comme Saint Antoine, il renonce à tout après avoir entendu le conseil de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il veut vivre lui-aussi dans la solitude comme les saints du Désert. Il se réfugie dans le silence et l’obscurité, vivant dans une misérable cabane. Impressionnés par son exemple, d’autres chrétiens le rejoignent. En 372, il est élu évêque de Tours. En dépit de sa nouvelle charge qu’il exerce saintement, Saint Martin est toujours animé d’un vif désir de solitude et de silence. Il finit par trouver un nouvel endroit solitaire, proche de sa ville épiscopale, dans lequel il peut se réfugier. C’est Marmoutier, qui deviendra l’un des plus puissants foyers monastiques de l’Occident.

Dans le monastère de Marmoutier, les moines ne possèdent rien, tout est mis en commun. Aucun commerce n’est toléré. Vivant seuls dans leur cellule, ils se retrouvent pour se rendre à l’oratoire et pour prendre le repas ensemble. Ils se consacrent à la prière. Seuls les plus jeunes pratiquent l’art du copiste. Contrairement à l’Orient, les moines peuvent être des prêtres. Formés, ils sont alors envoyés en mission, parcourant les chemins et les campagnes. Du monastère sortira alors de grands évêques comme Brice à Tours, Maurille à Angers, Victorius au Mans et bien d’autres encore. D’autres bâtiront des monastères comme Saint Maxime, abbé du monastère lyonnais de l’Ile-Barbe. Ce sont eux qui résisteront aux invasions barbares. Ainsi, le moine n’est pas reclus dans son monastère.

Vers 410, Saint Honorat est un de ses patriciens qui veulent renoncer à sa brillante carrière et à la richesse pour aimer Dieu. Il se réfugie dans une île déserte, à Lérins. Mais, comme à Ligugé, son exemple attire des hommes, eux-aussi avides de Dieu. Un nouveau monastère apparaît. L’île devient celle des solitaires. Les plus anciens vivent dans une cellule isolée, s’adonnant à l’ascèse et à la prière contemplative, ne rejoignant les autres que pour les offices et les conférences spirituelles. Contrairement à leurs aînés, les jeunes moines sont astreints à une vie communautaire. Comme Saint Martin, Saint Honorat et son successeur Saint Hilaire d’Arles sont appelés à l’épiscopat. Et bien d’autres moines sont réclamés pour devenir des évêques. L’un d’eux, Saint Loup à Troyes, arrête Attila aux portes de la ville. Saint Patrick, l’apôtre de l’Irlande, est aussi un ancien du monastère. Ainsi, des petites communautés se développent sans véritable organisation, autour d’une personnalité rayonnante, essaimant des monastères.

Une vie communautaire

Toujours au IVe siècle, une autre forme de vie religieuse apparaît loin de la Gaule, en Afrique du Nord. Un jeune converti, brillant, découvre l’héroïsme des moines orientaux à partir d’un récit, notamment celui de la Vie de Saint Antoine écrit par Saint Athanase. C’est Saint Augustin (354-430). Enthousiaste, revenu à Thagaste, il regroupe autour de lui des amis pour prier et jeûner ensemble, pour étudier la Sainte Écriture et les ouvrages des premiers Pères de l’Église. C’est bien le désir de vivre en communauté au service d’une même foi qui réunit ces Chrétiens, formant ainsi une retraite studieuse, rythmé par les hymnes et les psaumes. De cette communauté sortira un clergé formé, redoutablement efficace. Le moine est un pasteur d’âme, un prêtre, plus encore un missionnaire

Devenu évêque de Thagaste, Saint Augustin fonde près de sa cathédrale une maison où les futurs clercs se forment dans une vie fortement communautaire, marquée par la pauvreté, l’esprit fraternel, dans un but apostolique. De cette vie monastique, sortira une Règle, la Regula ad servos dei. Comme pour Marmoutier ou Lérins, de nombreux évêques sortiront de ces monastères.

Des moines, maîtres de vie intérieure

Saint Jean Cassien (v.360-v.435) est un autre fondateur de la vie monastique. Son histoire est différente. Au cours d’un séjour de dix ans en Orient, il visite les ermites du désert, moine lui-même, étudiant leur vie et leur règle. Arrivé à Marseille et ordonné prêtre, il fonde un monastère pour mettre en pratique la vie religieuse orientale qu’il a ainsi longuement étudiée. Le monastère de Saint-Victor devient vite célèbre, regroupant des milliers de moines. Saint Cassien rédige ses Institutions cénobitiques vers 415, description détaillée et précise des usages et des règles en vigueur dans les monastères de Palestine et d’Égypte. Il devient le maître incontesté de la vie spirituelle avec ses Conférences spirituelles. Ses ouvrages sont « admirés immédiatement, copiés avidement, propagés de monastère en monastère, lus au sein des communautés religieuses »[1]. Mais à la différence de Marmoutier et de Lérins, le moine de Saint-Victor est un solitaire, retiré du monde, vivant dans l’absolu, contemplant les choses saintes dans sa cellule.

Imitant aussi les Pères du désert, Saint Romain se livre à un rude ascétisme dans le Jura, en pleine forêt, lieu redouté et redoutable, vivant seul, dans la prière et le dénuement absolu, depuis l’an 430. Ce n’est pas un débutant. Il était moine d’un monastère fondé par l’évêque d’Eucher, disciple de Saint Honorat. D’autres ermites le rejoignent. Un nouveau monastère surgit, celui de Condat. Il ressemble à une colonie de solitaires à la vie austère, à l’exemple des moines égyptiens. Vers 490, la vie communautaire y est introduite. Un dortoir finit par remplacer les cellules isolées. Une école monastique est même ouverte. Saint Romain fonde aussi un autre monastère vers 450 en Suisse, à Romainmoûtier.

Des fondations royales

Vers 515, le roi Sigismond de Burgonde décide de faire construire une basilique et un monastère à Agaune, sanctuaire de Saint Maurice, qu’il vénère particulièrement. Les moines de Condat et de Lérins sont appelés pour peupler le monastère. Neuf cents moines y seront réunis selon une règle définie par Saint Avit, évêque de Vienne. Ils pratiquent notamment la « laus perennis », c’est-à-dire l’adoration perpétuelle, une prière qui ne tait jamais comme cela est aussi pratiqué en Orient, notamment en Palestine. Pour faire pénitence d’un crime qu’il a commis, Sigismond se retire dans le monastère. Il se mêle aux religieux sans pourtant faire partie de la communauté.

D’autres monastères voient le jour grâce aux rois, à leur épouse, ou à l’un de leur famille : Saint Vincent de Paris, la future abbaye de Saint-Germain-des-Prés, par le roi des Francs Childebert Ier, Saint-Pierre-le-Vif, à Sens, par une petite-fille de Clovis, ou encore Sainte-Croix, à Poitiers, par Radegonde. Les grandes familles royales et seigneuriales contribuent ainsi au développement du monachisme.

Le monachisme occidental, un acteur majeur de la vie religieuse occidental

Ainsi, dès le IVe siècle, imitant l’Orient, des hommes décident de renoncer à la vie du monde pour se réfugier dans la solitude, et comme en Égypte, en Syrie ou en Palestine, leur exemple attire des disciples qui, regroupés, forment alors des monastères. Mais très rapidement, les moines sont réclamés et deviennent des évêques, des missionnaires, des bâtisseurs, fondateurs de nouveaux monastères. Au début, ils sont même enlevés pour assumer la charge d’évêques tant ils sont réputés pour leur sainteté, comme Saint Martin à Tours ou Saint Honorat à Arles. Ils fondent d’autres monastères, instaurant des règles, créant des écoles monastiques, soutenant les activités ecclésiastiques. Les moines occidentaux peuvent être prêtres et relèvent souvent de l’évêché. Néanmoins, certains monastères se dédient à la prière, à la vie contemplative comme Saint Victor ou Saint Agaune. La vie monastique se caractérise ainsi rapidement par sa diversité et son activité.

À l’origine du monachisme occidental

abbaye du Mont-Cassin



La fondation de monastères en Occident a ainsi de multiples causes, qui, parfois, se combinent : 
- la volonté de suivre les conseils de Notre Seigneur Jésus-Christ, renonçant à tout pour mieux le suivre sur la voie de la perfection, désirant ainsi vivre pleinement l’amour de Dieu ; 
- le désir d’imiter la vie des Pères du désert, des premiers anachorètes ou cénobites de l’Orient,  que certains fondateurs ont expérimentée et appréciée ; 
- le souhait de s’unir dans la prière et l’étude afin de partager la foi avec la même exigence et de se sanctifier en communauté ; 
- le désir de former des apôtres et des clercs pour aider l’évêque dans ses tâches d’évangélisation et de sanctification ; 
- la volonté de faire pénitence des fautes commises.

Des moines quittent leur monastère pour en créer d’autres, essaimant ainsi leur spiritualité. Les seigneurs et les princes jouent aussi un rôle dans les fondations afin d’obtenir les grâces divines ou le pardon de leurs fautes.

La spécificité des monastères occidentaux

Au VIe siècle, la Gaule compte au moins deux cent quarante monastères. Certains regroupent des centaines de moines, d’autres, en majorité une dizaine. Ce ne sont pas comme en Orient des villes de moines qui regroupent des milliers de religieux.

Le monastère est un lieu de prière et de travail, de vie contemplative, ou une sorte de séminaire, formant des missionnaires, voire d’enseignement. Les moines peuvent ainsi demeurer laïcs ou bien devenir des prêtres, voire des évêques. En dépit de leur désir de solitude, ils sont plus impliqués dans la vie sociale.

Comme en Orient, les monastères naissent le plus souvent d’une initiative personnelle, d’un ermite, d’un saint qui, par son exemple, attire des disciples autour de lui, se regroupant dans une communauté qu’il faut ensuite organiser. Ce sont aussi des hommes extraordinaires appelés à une vie d’absolue, de renoncement. « Suivre nu le Christ nu »[2]. Mais n’oublions pas non plus qu’ils sont aussi le fruit d’une expérience patiemment accumulée au cours des années. Saint Cassien a longuement étudié et médité la vie des moines d’Orient avant de se réfugier à Saint Victor.

Abbaye des Lérins
Mais contrairement aux moines d’Orient, la vie monastique attire des patriciens et des nobles. Les pèlerins qui découvrent la vie monastique orientale et l’embrassent parfois viennent des grandes familles de l’empire. La patricienne Paula, issue directement de la famille de Paul-Émile et de Scipion, s’enferme avec sa fille dans le monastère de Bethléem. Saint Martin est fils d’officier impérial, officier lui-même. Saint Honorat est un gaulois d’une grande famille lorraine ou champenoise. Leurs disciples peuvent aussi être des patriciens. Remarquons enfin que les rois eux-mêmes et les membres de leur famille appellent à la fondation de monastères et parfois s’y enferment. Le monachisme occidental prend une part importante dans la christianisation de l’Occident.

Les monastères mêlent les hommes de toutes conditions sociales, de toutes races, de toutes origines, du barbare aux gallo-romains, du fils du roi à l’ancien esclave, du riche au pauvre. La société s’y retrouve sans aucune distinction.

Enfin, le lieu des fondations est multiple. Certains s’isolent dans des coins peu accessibles, dans des îles ou dans la forêt. Une barrière naturelle sépare ainsi le moine du monde. Il peut aussi s’installer aussi auprès d’un lieu vénérable, un sanctuaire ou une tombe d’un saint, c’est-à-dire d’un homme qui a renoncé à sa vie jusqu’à la mort pour demeurer fidèle à Dieu. Le temps des persécutions est achevé, non l’amour de Dieu. Saint Cassien se réfugie dans une grotte, sur le tombeau de Saint Victor, officier d’une légion romaine, martyr au temps des grandes persécutions. La vie religieuse qu’il embrasse est la continuité d’un même héroïsme

Les difficultés du monachisme occidental

De la terre occidentale, émergent ainsi de nombreux monastères qui en fécondent d’autres. Ce développement se fait selon un mouvement désordonné, sans véritable unité. La vie monastique varie de maison en maison aussi bien dans les horaires des offices que dans le régime alimentaire, dans la part accordée au travail et à la prière. Les règles peuvent même varier au sein d’un même monastère selon celui qui le dirige. Plusieurs règles peuvent y cohabiter, le religieux obéissant à l’une d’entre elles selon leurs inspirations. Selon Saint Grégoire de Tours, Saint Arède fonde « un monastère où l’on observait non seulement la règle de Cassien, mais celle de Basile et des autres abbés qui ont inspiré la vie monastique. »[3]

Abbaye de Ligugé
Le moine gaulois reste en outre gaulois. C’est un homme fervent et exalté. Il n’est guère stable. Il entre dans un monastère aussi facilement qu’il en sort. Il embrasse la vie contemplative telle qu’elle est vécue dans un monastère de Cassien puis change afin de goûter à une autre spiritualité, plus à son goût. La célébrité d’un saint l’attire jusqu’au jour où une autre célébrité le fait de nouveau courir sur les chemins de la Gaule. Saint Léobin change ainsi au moins sept fois de monastère.
Ainsi, certains moines choisissent un monastère selon leurs bons plaisirs, beaucoup selon des critères peu édifiants. Ils finissent par vagabonder, sans règle, en rupture perpétuelle. Saint Augustin dénonce déjà l’hypocrisie de ces moines qui « parcourent les provinces où personne ne les a envoyés, errant en tout sens, ne s’établissant, ne s’arrêtant nulle part. » Saint Benoît nous parle de ces « sarabaïtes », « forts détestables », qui « n’ont pas été éprouvés, comme l’or dans la fournaise, par une règle, maîtresse d’expérience ; mais restant mous comme le plomb » et qui « demeurent fidèles au monde dans leur conduite, et, visiblement, mentent à Dieu par leur tonsure. Ils vivent deux ou trois ensemble, ou même tout seuls, sans pasteur, renfermés dans leur propre bergerie, et non dans du Seigneur. La satisfaction de leurs désirs leur sert de loi : ils tiennent pour saint tout ce qui qu’ils pensent ou préfèrent, et regardent comme illicite ce qui leur déplaît. » Il s’oppose aussi aux « gyrovagues », qui « passent toute leur vie à courir de province en province, séjournant trois ou quatre jours dans les cellules des uns et des autres. Toujours en route, jamais stables, esclaves de leurs volontés propres et des plaisirs de la bouche, ils sont pires en tout que les sarabaïtes. Mieux vaut se taire que de parler de la misérable condition de tous ces gens »[4].

S’armer pour le véritable combat

En décrivant la conduite peu exemplaire des « sarabaïtes » et des « gyrovagues », Saint Benoît nous définit ce qu’est le véritable moine : un chrétien qui cherche à renoncer à sa propre volonté, à combattre contre lui-même. Mort au monde, il est surtout mort à lui-même. Nous retrouvons alors l’esprit de Saint Antoine et de Saint Basile. Il nous définit aussi des moyens : la vie en communauté, sous la direction d’un maître, et l’obéissance à une règle. La vie monastique nécessite donc la stabilité et la soumission. Mais pour devenir moine, il faut être éprouvé comme nous l’a déjà appris Saint Pakhôme. Tous ne peuvent pas prendre la tonsure…

Ainsi, constatant la faiblesse des hommes et les dangers de la vie monastique, les Pères du monachisme oriental et occidental ont mis en place des moyens pour que le véritable moine parvienne à suivre la voie qu’il a choisie, une voie qui nécessite le renoncement au monde et à soi. Il ne s’agit pas seulement de se retirer dans la solitude mais de combattre pour acquérir une parfaite liberté afin de se détacher de tout ce qui détourne l’âme de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ces moyens sont la vie communautaire, sous la direction d’un maître, la Règle, les vœux, la clôture, etc. Par l’expérience des premiers ermites et cénobites, le monachisme s’est progressivement organisé et s’est doté des armes dont il a eu besoin pour vaincre le véritable adversaire.

Conclusion

Lorsqu’on oublie l’histoire des origines du monachisme, que nous venons brièvement de décrire, et finalement quand on oublie la finalité de la vie monastique, on peut alors facilement rire et se moquer des religieux et de leur manière de vivre. La vie monastique est pourtant le fruit d’une longue expérience, provenant de la sagesse chrétienne, orientale et occidentale. Née d’une véritable ferveur, voulant suivre la voie parfaite que Notre Seigneur Jésus-Christ a indiquée pour Le suivre, elle s’est progressivement armée pour éviter les dangers d’une route qui s’avère périlleuse. La vie monastique n’est pas en effet sans risque. Seul face à lui-même, l’homme est tenté de suivre non la voie de Dieu mais sa propre voie, ou de s’échoir devant les assauts du diable. Supprimer la Règle, les vœux religieux ou encore la stabilité, et le moine se trouve finalement démuni et livré à lui-même. Ce n’est pas parce que des « hypocrites » sont dispersés « sous les traits de moines »[5] qu’il faut condamner le monachisme. Faut-il encore le comprendre…

Faut-il aussi ne pas voir que les mauvais exemples et oublier que face aux barbares envahissant les terres occidentales ou face aux épreuves du temps, les moines ont été des bâtisseurs et des combattants dans le monde afin de répondre aux besoins de l’Église. C’est même un des plus grands mystères de la vie monastique. Ils ont tellement fui le monde qu’ils l’ont finalement façonné !




Notes et références

[1] Mgr L. Cristiani, Cassien, Tome I, dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre, éd. du Centurion, 1965.
[2] Saint Jérôme, Lettres, LII, 5, 2 ; LVIII, 2, I ; CXX, 1, 12.
[3] Grégoire de Tours, Histoire des Francs, X, 29 dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre.
[4] Saint Benoît, Règle de Saint Benoît, 1, trad. par Philippe Schmitz,Brepols, 1957.
[5] Saint Augustin, De opere monachorum, 28 dans dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre.

samedi 11 novembre 2017

Les origines du monachisme en Orient

Vêtus d’une ample tunique blanche aux larges manches, serrée par la ceinture, les pieds chaussés de sandales, les moines marchent silencieusement en colonne, les uns derrière les autres, traversant le cloître, les mains jointes, la tête couverte d’un capuchon. Cette image reste encore gravée dans notre mémoire. Elle habite des lieux de pierres, autrefois vastes monastères au nom glorieux, aujourd’hui des ruines éparses, un reste de nef, d’un chœur, d’un cloître. Si hier, ils étaient les perles bien vivantes de la chrétienté, ils demeurent aujourd’hui des vestiges silencieux, voire perdue dans l’ignorance du monde contemporain. Perchés sur une colline ou isolés dans une vallée parfois inaccessible, ces restes du passé gardent parfois le souvenir apaisant d’une communauté millénaire, de nos jours disparue ou encore présente dans d’autres lieux. En dépit d’un silence qui le recouvre, le moine est sans-doute un des traits caractéristiques de notre histoire. Lérins, Marmoutier, Luxeuil, Cluny, Cîteaux, Fontenay, … Vaste et inlassable litanie de noms qui résonnent encore dans notre mémoire…

Mais, à côté de ces images sans âge, des pierres laissées par l’histoire et des monuments encore grandioses, se dressent des portraits peu flatteurs. Les livres et les films abondent de figures de moines débonnaires et dépravés, ripaillant et murmurant des mots inintelligibles. Une histoire du Moyen-âge peut-il être même convaincante sans ces religieux au ventre dodu et aux mœurs douteuses ? Érasme, Rabelais, et bien d’autres hantent aussi ces lieux de silence ou d’abandon.

Comme nous l’avons décrit dans l’article précédent, le moine est nécessairement associé à une Règle à laquelle il est soumis, que complète des Règlements et des Statuts, à des vœux définitifs, dont la profession est un acte sacré qui l’engage devant Dieu et devant la communauté, acte aussi solennel qui le lie à une communauté, et enfin à une autorité auquel il est soumis dans une parfaite obéissance. Le moine est aussi lié à un monastère dont l’élection est reconnue par l’Église, et qui relève d’un Ordre religieux. Mais, la vie monastique n’est-elle qu’un ensemble de moyens ? Que recherche l’homme en devenant moine ? Quelle est la finalité de la vie monastique ? Telles sont les questions que nous nous posons. Et pour y répondre, nous vous suggérons de revenir aux origines du monachisme, d’abord en Orient puis ensuite en Occident…

Saint Antoine (251-355), le père des anachorètes

Saint Paul l'ermite (230-340)
Au milieu du IIIe siècle, pour fuir la féroce persécution de Dèce, Paul de Thèbes se cache puis dénoncé, il finit par se réfugier seul dans le désert en Égypte puis dans une grotte. En dépit de la vie austère qu’il mène, il est heureux dans sa solitude jusqu’à sa mort. Tel est le commencement du monachisme...

Aux environ en l’an 270, en Égypte, près de Memphis, un jeune homme chrétien, âgé d’environ vingt ans, assiste à une messe dans une église de son village. Orphelin jeune, cet homme est un paysan aisé qui habite seul avec sa sœur. À la lecture de l’Évangile, il entend le conseil de Notre Seigneur Jésus-Christ : « si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, et donne-le aux pauvres, puis viens, suis-moi, tu auras un trésor dans le ciel. » (Luc, XVIII, 22) Après la messe, il distribue les biens qu’il a reçus de ses parents, vend tous ses meubles et distribue aux pauvres l’argent qu’il en reçoit. Puis vers 270, il se réfugie dans le désert de Nitrie, dans la vallée de Scitie, au sud de la grande ville d’Alexandrie. Pour se donner tout à Dieu, il décide de mener une vie austère et rigoureuse en compagnie d’un vieillard solitaire, puis, aspirant à une solitude plus grande, il quitte son refuge pour s’isoler davantage dans la montagne. Vers 290, il séjourne dans une de ces vastes chambres funéraires que les anciens Égyptiens ont creusées pour déposer leurs morts, lieu le plus adapté pour cet homme qui veut mourir au monde. Puis, après 35 ans de prières et de pénitence, il part vers les montagnes désolées du pays de Pispir, et s’établit dans un château désert, vivant « ainsi reclus près de vingt ans, ne sortant pas, ne se montrant pas »[1].

Saint Antoine (v.270-356)
En dépit de sa solitude, Saint Antoine (est un homme célèbre. Son aventure excite en effet la curiosité. De nombreux chrétiens accourent vers lui en quête de certitude et de perfection. Il attire aussi de nombreux curieux, avides de prodiges et de miracles. Sur les deux rives du Nil, une foule de solitaires se rassemblent ainsi autour de lui, écoutant son enseignement et cherchant à imiter son exemple. À ses disciples, il enseigne une sainteté simple, humble et douce, pénétrée de joie. « Ne soyons pas tristes comme si nous périssions ; ayons confiance et soyons toujours joyeux, car nous sommes sauvés ! » [2] Saint Athanase nous montre un Saint Antoine majestueux, simple et d’une grande quiétude. Une multitude d’ascètes vivent ainsi autour de Saint Antoine dans des ermitages. Mais, « se voyant dérangé par la foule, empêché de vivre dans la retraite à son idée et à son gré, redoutant de s’enorgueillir des œuvres que le Seigneur faisait par lui ou devenir l’objet de ses commentaires »[3], il finit par quitter la foule pour s’enfoncer davantage dans des lieux plus isolés encore, s’absorbant dans la prière.


Malgré sa solitude, Saint Antoine entend les douleurs du peuple chrétien persécuté. En 311, il rompt sa solitude pour soutenir les chrétiens enfermés dans la prison d’Alexandrie ou encore ceux qui travaillent dans les mines de Maximin. À la fin de sa vie, il se rend encore à Alexandrie pour mettre fin à la discorde que répandent les Ariens dans l’Église. Mais, « comme le poisson retourne à la mer »[4], il revient à la montagne pour ne pas oublier les choses intérieures. Enfin, entouré de deux ermites, dans une minuscule oasis de la haute Thébaïde, toujours « le visage joyeux »[5], Saint Antoine meurt en 356 à l’âge de cent cinq ans.

« Si tu veux être parfait… »

L’histoire de Saint Antoine telle qu’il nous est racontée par Saint Athanase, cinquante ans à peine après les faits, nous donne quelques enseignements sur la finalité de la vie monastique. Il est avant tout une recherche de perfection dans la sanctification telle qu’elle est définie par Notre Seigneur Jésus-Christ. « Si tu veux être parfait… » Pour l’atteindre, il veut renoncer à tout bien et se détacher de tout lien avec le monde comme l’a demandé son Maître. Au désert, l’inutile se dissipe, le superficiel fond au soleil. La renonciation est totale. « Le renoncement au monde est le principe du monachisme »[6]. Le moine est celui qui renonce au monde. Il est mort au monde. La vie de solitude et de total abandon est donc la voie parfaite pour atteindre Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme le montre la quiétude de Saint Antoine, une telle ascèse ne ternit pas l’âme ou ne la rend pas fermée à la joie. Bien au contraire. Elle attire les âmes en quête de Dieu…


Comme nous l’apprend la vie de Saint Antoine, de sa solitude rayonne une lumière attrayante. De nombreux disciples se regroupent autour de lui, brûlant d’imiter son exemple et l’implorant de les prendre sous sa direction spirituelle. Saint Antoine a beau fuir. Des hommes finissent par camper autour de sa retraite.

Saint Antoine n’est pas le seul solitaire à vouloir suivre le chemin de la perfection. « Fuis les hommes et tu seras sauvé ! », nous dit l’un des Pères du Désert. L’isolement absolu, tel est l’idéal des ermites. Néanmoins, l’exemple de Saint Antoine demeure exceptionnel. Son ascétisme est intégral, sa résolution totale, sans faille. Il veut être seul avec Dieu. Le terme de « moine » prend ainsi tout son sens. Tous les hommes n’en sont certainement pas capables.

Des villes de moines

Sainte Catherine du Sinaï
Quelques années après la mort de Saint Antoine, plusieurs milliers d’hommes se sont à leur tour réfugiés dans le désert de Nitrie, à 60 kilomètres au sud-est d’Alexandrie, ou dans la vallée de Scété, à 70 kilomètres au sud-sud-ouest de Nitrie. Ils habitent des huttes de roseaux ou dans de petites maisons de brique, certains réfugiés dans des cavernes de la montagne, d’autres à proximité des villes. Un siècle plus tard, nous raconte Palladius, « sur la montagne habite quelque cinq mille moines, ayant des genres de vie différents, chacun comme il peut et comme il veut »[7]. D’abord seul, un ermite se voit rejoindre par d’autres. Saint Paul de Thèbes et Saint Antoine ne sont pas en effet les seuls à s’aventurer dans cette vie solitaire. « Ces expériences individuelles et excentriques aboutirent paradoxalement à la constitution de véritables « centres » monastiques. »[8] Toujours selon Palladius, cette vie religieuse est bien organisée. C’est une véritable ville de moines avec des offices, des services de ravitaillement, sa fabrique de vêtements, son commerce de vin, son centre d’accueil pour pèlerins et touristes.… Et pour les guider dans leur voie d’ascèse et de la perfection, les ermites choisissent un père spirituel. Une sorte de parrainage s’installe…

Une vie de prière et de travail

Les ermites vivent d’ascèse. Ils renoncent à la vie du monde, et par conséquent à son confort. Ils ne mangent guère, prenant une fois par jour quelques légumes crus et de petites galettes de pain saupoudrées de sel, pesant ensemble environ trois cents grammes. Les plus robustes se contentent d’eau et de pain. Enfin, ils se contentent de peu de repos et d’heures de sommeil. « Mal vêtus, la faim aux entrailles, la gorge séchée par la soif, luttant contre la tentation lancinante du sommeil, les solitaires travaillent dur cependant. »[9] 

Les moines ne chôment pas. Ils travaillent dans la boulangerie, au pressoir, au tissage de la toile ou dans leur cellule, fabriquent des corbeilles, tressent des nattes ou des cordes. Enfin, ils se louent comme ouvriers agricoles. En échange de leur travail, ils ne demandent que le strict nécessaire pour survivre.

Dans leur cellule, l’ermite récite à des heures fixes du jour et de la nuit des versets de la Sainte Écriture, suivant ainsi le conseil de Notre Seigneur Jésus-Christ puis de Saint Paul. « Priez sans cesse », lui disent-ils. Il est homme de prière. Ainsi, les moines prient-ils en travaillant. La méditation ne cesse pas.

La solitude

La solitude demeure la voie la plus parfaite pour atteindre Notre Seigneur Jésus-Christ. Certains moines n’hésitent pas à s’emmurer dans une grotte pendant cinquante ans, recevant sa nourriture par une lucarne. Les plus vaillants ne s’arrêtent pas au désert de Nitrie. Ils s’éloignent de la ville pour se réfugier dans un silence extrême. Enfermés dans leur cellule, ces moines brillent par leur mortification. Saint Macaire d’Alexandrie est ainsi resté debout des jours et des nuits à la porte de sa grotte pour vaincre le sommeil.

Enfin, plus loin encore dans le renoncement, se trouvent des moines dont la vie est entièrement cachée en Dieu. Vers 410, Cassien rencontre dans la vallée de Scété un de ses ermites nommé Paphnuce. « Le désert l’appelait avec sa solitude. Il y courut, afin de rencontrer plus aisément l’union divine. »[10]

La tentation de l’orgueil

Néanmoins, la vie du désert et l’isolement absolu ne sont pas choses aisées. Le combat n’apporte pas toujours la victoire. Le diable est virulent contre de tels soldats surtout s’ils sont seuls dans leur cellule. Les tentations sont aussi grandes chez des hommes qui avant de se jeter dans cette aventure étaient coléreux, rebelles, farouches, sensuels, orgueilleux. Les vices sont longs à combattre. Ils ne disparaissent pas au désert. Au contraire, ils sont plus virulents, comme attisés par le renoncement. Le véritable combat à mener est donc un combat intérieur, contre soi-même, contre son corps si réticent à l’ascèse, contre son esprit, si prompt à s’enorgueillir, y compris dans la souffrance. La mortification n’est pas en effet une fin en soi. « Bonnes choses sont la pauvreté volontaire, le jeûne et les veilles, mais elles servent peu à ceux qui n’ont pas creusé en eux le fondement de l’humilité dont le Christ est le modèle. »[11] Le moine doit tout quitter pour qu’il soit « léger et libre de tout lien »[12], nous dit Saint Jérôme. Un tel combat ne se fait pas sans heurt ni danger.

Pour mener ce combat, des moines peuvent recourir à des méthodes plutôt radicales. Des exercices peuvent se révéler héroïques, trop héroïques c’est-à-dire ostentatoires ou encore trop excessifs, voire excentriques. Les moines peuvent en effet accumuler les supplices et les mortifications allant jusqu’à l’épreuve du fer rouge. Ils ne manquent pas d’imagination pour se torturer. Saint Macaire prend un cadavre pour oreiller. Certains nourrissent de feuilles de palmier, boivent une eau boueuse, s’astreignent à se tenir debout, les bras en croix, pendant des heures et des jours. Les stylites, qui restent des années sur une colonne, pour éviter la foule, est un de ses spectacles qui se multiplient en Orient. Ces épreuves manifestent un zèle et une fervente étonnante…

Certains moines rêvent surtout d’atteindre l’éternité dès ici-bas. Ils veulent se dépasser pour se rapprocher davantage aux anges. Ils veulent tout renoncer au point de vouloir détruire leur propre nature. Et cet héroïsme est justement, ô comble de contradiction, leur principale menace. C’est la tentation de l’orgueil. « Être le plus pauvre, veiller et jeûner plus que tous les autres, redoubler de mortifications, remporter sans cesse de nouvelles victoires sur soi-même, cette ascèse hardie, si elle n’était pas mesurée par un prudent amour, risquait de dégénérer en une véritable ivresse de la volonté. »[13] Le risque est en effet de vouloir étonner par la prouesse au point de briller par une excentricité inhumaine. Le moine doit-il alors renoncer au monde pour finalement se lier dans un esclavage encore plus terrible ?

Certes, les maîtres spirituels s’opposent à toute forme d’excès. Ils mettent en garde contre les jeûnes immodérés, qui ne sont parfois que des pièges diaboliques. « Ce n’est pas dans les combats de la pénitence, mais dans le calme de la vertu que réside le Seigneur. »[14] Ainsi, s’ils veulent suivre la voie du renoncement pour mieux suivre Notre Seigneur Jésus-Christ, cette recherche doit être faite de discrétion et d’équilibre. « On ne doit rien faire par ostentation »[15], nous rappelle Saint Antoine.

Mais que sont-ils ces maîtres ? Ils n’ont aucune véritable autorité si ce n’est au plus une autorité morale. Car finalement, les ermites sont livrés à eux-mêmes, chacun fixant sa propre loi, chacun déterminant le genre de vie qu’ils veulent mener. Dans leur cellule, ils sont parfaitement libres.

Or, plus la vie du désert est auréolée d’un immense prestige, plus elle attire des chrétiens, mêlant vrais croyants et aventuriers, plus ils sont avides d’eux-mêmes que de renoncement. Et le monastère devient aussi un refuge pour ceux qui veulent fuir les contraintes de la société, sa misère et ses exigences aussi.

La vie commune, le cénobitisme

La vie du désert n’est donc pas sans danger pour l’âme. Certes, la solitude est un beau moyen pour fuir le monde mais le moine a-t-il renoncé à sa propre volonté tant sa liberté est grande ? En se cachant dans une austérité excessive, livré seul à de nombreuses tentations, ne risque-t-il pas de sombrer, s’exaltant dans une fausse sécurité et finalement dans un orgueil indomptable ? Et seul, ne perd-il pas cet amour des hommes indissociable à l’amour de Dieu ? Certains ermites deviennent en effet « farouches au point d’avoir horreur de la société des hommes. »[16] Est-ce vraiment imité Notre Seigneur Jésus-Christ ?

La Thébaïde ou La Vie des saints pères
Paolo Uccello
Un contemporain de Saint Antoine, païen converti, Saint Pakhôme [17] (v.292 - v.346) est conscient des menaces qui pèsent sur ces hommes qui fuient le monde dans des solitudes de plus en plus retirées. Pour y faire face, il rassemble les ascètes dans une vie collective, instituant alors une première communauté, Tabennese, en 315. Tout en permettant aux moines de vivre seuls et de suffire à eux-mêmes, ils les regroupent derrière une clôture. La séparation avec le monde n’est pas totale. Les moines peuvent travailler contre salaire dans les fermes du village. Ils participent aussi à la messe avec la population. Les moines ont aussi une vie communautaire. Ils mettent en commun le fruit de leur travail, et œuvrent ensemble pour ouvrir l’hospitalité, tout cela dans une stricte obéissance et l’humilité. Généralement, le monastère est constitué de maisons qui regroupent des moines selon leurs activités professionnelles. Ainsi la vie communauté apparaît comme un remède au danger de la solitude.

Pour organiser cette vie communautaire, Packôme rédige une Règle en tenant compte de leur faiblesse. C'est la première Règle... Il ne s’agit pas d’en faire des héros de la mortification, des hommes exceptionnels dans l’ascèse mais d’en faire des saints. « La volonté de Dieu, c’est qu’on se mette au service des hommes pour les inciter à aller à Lui, c’est de travailler les âmes des hommes pour en faire des saints à présenter à Dieu… »[18]

C’est ainsi que des villages de moines apparaissent derrière de hauts murs d’enceintes. Et derrière cette barrière physique et morale, un monastère déploie une activité débordante selon une organisation rigoureuse et rationnelle. Fermé partiellement au monde, le moine est capable de vivre entièrement sur lui-même. Et entre deux travaux manuels, il s’applique à la prière, à la lecture de la Sainte Écriture et à la méditation dans sa cellule. Cette vie laborieuse et de prière ne permet pas des jeûnes excessifs. Certains moines peuvent certes en faire mais elle doit se faire sans ostentation, dans une très grande discrétion. Des conférences qui expliquent la Sainte Écriture viennent aussi ponctuer la vie des moines.

Saint Pakhôme, 
recevant sa Règle d'un ange, XVIe  



L’obéissance est le principe fondamental, la vertu suprême du monastère. Un abbé est le chef suprême du monastère.  Chaque maison dispose d’un maître auquel sont soumis les moines. Il s’agit bien pour le moine de renoncer à sa propre volonté. Il n’a plus d’autre volonté que celle de son supérieur. Pour le réticent, des peines lui sont affligés, la plus grave étant l’exclusion. Pour éviter des échecs, Pakhôme met en place des épreuves sévères. Nul ne peut entrer dans le monastère sans avoir montré sa vocation…

Mais le moine est libre pour quitter le monastère afin de se retirer dans le désert car la solitude demeure encore l’idéal à atteindre. Il est aussi possible de le réintégrer si le moine le souhaite.

Les monastères sont ainsi de véritables villes de moines, pouvant habiter mille, voire deux mille religieux. Il ressemble à une fourmilière ou à une ruche ouvrière qu’à un asile pour les âmes contemplatives. Bien administré, rigoureusement organisé, avec douceur et humilité, ils demeurent néanmoins peu propices à la solitude en raison de son gigantisme et du difficile équilibre entre le travail et la prière.

Les laures de Palestine

Vivant seuls dans une cellule comme Saint Antoine ou regroupés dans un véritable village, soumis à une obéissance strict comme les disciples de Saint Pakhôme, les moines peuvent encore choisir une autre voie qui alterne l’anachorétisme et le cénobitisme dans les laures de Palestine.

Le premier fondateur connu du monachisme palestinien semble être Saint Chariton. Comme Paul de Thèbes, il fuit une persécution, celle d’Aurélien en 275. Il se réfugie au Nord de Jérusalem, à Pharan. Il est rejoint par des disciples, créant une laure. Voulant vivre dans la solitude, il doit les quitter mais en vain, à deux reprises, il est de nouveau entouré de solitaires, fondant finalement deux laures supplémentaires.

Saint Antoine et son disciple saint Théodose,
fondateurs de la Laure des Grottes de Kiev
Né en 291, cherchant à imiter Saint Antoine, Saint Hilarion abandonne tout pour s’installer dans une grotte puis dans une cellule en dur, à proximité du Sinaï. Son exemple attire à son tour de nombreuses vocations érémitiques, d’abord aux environs de sa cellule, puis de plus en plus proche. Il finit par les regrouper. Le moine habite dans une cellule isolée, une grotte ou une cabane, située à l’intérieur d’une enceinte sous l’autorité d’un abbé. Durant la semaine, seul, il travaille de ses mains et prie. Puis le samedi et dimanche, les moines se réunissent à l’église pour participer en commun à l’office et à la sainte messe.

De petites colonies anachorétiques essaiment aussi en Mésopotamie selon le même processus. Jacques de Nisible et Saint Julien Sabas en sont les premiers fondateurs.

Un monastère où s’épanouit la charité

Après Saint Antoine et Saint Packôme, le monachisme franchit une nouvelle étape avec Saint Basile. Contrairement aux premiers, Saint Basile entreprend un voyage en Egypte, en Palestine et en Syrie afin de s’informer sur les diverses formes de monachisme. Moine avec quelques amis dans un lieu retiré de sa propriété, il bâtit un monastère, menant une vie de prière, de travail manuel et de travail intellectuel. Pendant cinq ans, il vit dans cette communauté et compose une grande partie de sa Règle.

Saint Basile (330-379)
Saint Basile est d’abord soucieux de la direction spirituelle de ses moines. Il cherche donc à limiter le nombre afin que le supérieur puisse mieux les diriger. Mais surtout, il veut développer les vertus d’humilité, de patience et de charité. « L’isolement absolu est contraire à la volonté de Dieu. »[19] La solitude va à l’encontre de la nature humaine. Elle s’oppose en outre à l’obligation de former un seul corps dont Notre Seigneur Jésus-Christ est la tête. « Comment souffririons-nous avec celui qui souffre ? » [20], nous dit-il. Et seul, comment l’ermite peut-il connaître ses défauts et s’en corriger ? S’il chute, qui le relèvera ? Comment peut-il pratiquer l’humilité s’il ne connait aucun supérieur ? Comment peut-il s’exercer à la patience si rien ne s’oppose à sa volonté ? « Le solitaire, à force de travailler sur lui-même, sans contrôle, finit par s’imaginer qu’il a atteint la perfection, objet de tous ses vœux. Mais Jésus-Christ nous enseigne que la loi des lois, c’est la charité, c’est-à-dire l’abnégation de la personnalité : la vie des anachorètes aboutit au plus monstrueux égoïsme. » [21] Ainsi, Saint Basile ne voit pas dans la solitude le moyen le plus propice pour la sanctification

La solitude n’est donc pas la finalité du monde. Ce n’est qu’un moyen certes efficace mais périlleux, extrêmement dangereux, destiné à une certaine élite spirituelle. Ces âmes d'élite finissent par se former dans les monastères de Saint Basile avant de mourir définitivement au monde dans une cellule isolée, ignorée.

Finalement, la vie en communauté est un moyen sûr pour préserver le moine des dangers de la solitude tout en lui permettant de renoncer au monde et à lui-même. Elle garantit l’épanouissement des vertus chrétiennes. Elle doit constituer une unité surnaturelle, c’est-à-dire le corps mystique du Christ ou plutôt un membre du grand corps de l’Église. Tout en se séparant du monde, le monastère offre hospitalité et bienfaisance pour les pauvres et en général pour tous les hommes. Il est donc pleinement ancré dans l’Église.

Devenu évêque de Césarée, Saint Basile fonde un monastère à côté de sa cathédrale. Il est à la foi maison de vie commune, de prière, de travail et d’apostolat. Il comprend en effet une hôtellerie, une école, un orphelinat, un hôpital, dans un bâtiment à part des moines. Ces derniers participent aux messes avec les chrétiens de la ville. Le monastère s’intègre ainsi dans la vie ecclésiastique…

Saint Basile donne au monachisme une de ses premières grandes règles, connues sous le nom de Regulae fusius tractatae. Ce recueil est constitué d’une suite de conférences sur la vie monastique. Elle supplante toutes les autres règles établies. Elle est aujourd’hui la règle du monachisme oriental.

Conclusion

La vie monastique répond à un fort besoin de sanctification et de perfection évangélique : renoncer au monde pour mieux suivre Notre Seigneur Jésus-Christ. Ainsi les premiers moines sont des ermites. Ils se réfugient dans la solitude la plus austère pour se retrouver seuls devant Dieu, libérés des liens qui les attachent à un esprit éloigné de Dieu. Le moine est donc un homme en rupture avec le monde. Et pour répondre à leur vocation, le désert est le lieu le plus propice. Mais il ne reste pas seul longtemps. Il est souvent rejoint par d’autres qui cherchent à l’imiter, à vivre sous son parrainage, à entendre et pratiquer son enseignement, sa sagesse. Ainsi des communautés se créent, des monastères se constituent. Telle est l’origine du cénobitisme, œuvre spontanée provenant d’une initiative individuelle. Saint Pakhôme et Saint Basile ont tiré de cette expérience les leçons suffisantes pour développer un monachisme plus mature et organisé.

Seul ou en vie communautaire, le moine a plusieurs moyens pour atteindre la vie absolue en Dieu, tous tournés vers les trois occupations principales : la prière, la lecture assidue de la Sainte Écriture, le travail manuel. Cette vie est aussi imprégnée de sacrifices, nombreux et variés, parfois d’une extrême ingéniosité, voire 'exubérance.

Mais cette vie de solitude a ses propres dangers, ses propres tentations. Elle est réservée à des âmes d’élite. Le plus grand danger est de s’enorgueillir de ses efforts, de se glorifier dans son ascèse, de se rendre aveugle de son état au point que l’homme finit par se reposer en lui-même. Certes, il a renoncé au monde mais il ne s’est pas renoncé à lui-même. Certains fuient l’esprit du monde pour devenir finalement ennemis des hommes, ce qui ne correspond guère à l’esprit de charité. Dans le désert, des ermites cherchent Dieu mais finissent par se perdre dans leur moi. Abandonné à leur propre délire, ils peuvent alors souffrir du dégoût de la vie, de la tristesse, de l’angoisse du cœur, en un mot de l’« acedia ». Le péril est alors grand de se distraire dans des mortifications les plus excentriques et ostentatoires…

La vie en communauté est un remède efficace contre les pièges de la vie solitaire. Elle assure au moine le renoncement de soi-même, non dans l’éclat des mortifications ou dans d’excessives austérités, mais dans l’humble obéissance et la douce discrétion. « Tout ce qui n’est point exactement borné ne dure guère » [22], nous dit Saint Synclétique. La démesure est un véritable danger contre lequel s’oppose le cénobitisme. L’obéissance implique l’humilité et donc le suprême renoncement puisqu’elle est abandon de la volonté propre. Le moine peut alors atteindre plus sûrement l’« ataraxie », c’est-à-dire le calme absolu, le total détachement.


Ainsi la vie monastique donne à chacun le moyen d’exercer les vertus chrétiennes de manière équilibrée et contrôlée, avec modération comme l’a bien compris Saint Pakhôme, et avec charité comme le souligne Saint Basile. « Notre tradition est toute conforme à la raison »[23], déclare Théonas. La perfection évangélique n’est donc plus réservée à des athlètes du Christ mais à tous les hommes. Ce ne devient plus un acte héroïque en soi mais un état.

Travail et prière, selon une discipline rigoureuse, telles sont les activités qui rythment le moine, seul dans une cellule ou au sein d’une communauté. Le monastère n’est pas une vie oisive. Il ne faut pas non plus qu’elle bouillonne au point de rendre impossible la nécessaire solitude et de ne point développer l’âme de la communauté. Saint Basile donne une certaine humanité et équilibre dans le monachisme. Le moine peut alors s’appuyer sur la communauté pour grandir en Dieu comme il participe de manière discrète à son épanouissement.

Mais le monastère n’est pas non plus seul ; il appartient à l’Église. Il est membre du Corps mystique du Christ. La vie qui l’anime et qu’il élève est aussi celle de l’Église. La force qui règne en lui renforce aussi les autres membres de l’Église. Elle rayonne sur l’Église. Ainsi né dans le refus du monde, le monachisme se trouve néanmoins engagé dans le monde avec l’esprit de Notre Seigneur Jésus-Christ…




Notes et références
[1] Saint Athanase, Vie et conduite de notre saint père Antoine, trad. B. Lavaud, Desclée de Brouwer, 1943 dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre, éd. du Centurion, 1965.
[2] Saint Athanase, Vie et conduite de notre saint père Antoine.
[3] Saint Athanase, Vie et conduite de notre saint père Antoine.
[4] Saint Athanase, Vie et conduite de notre saint père Antoine.
[5] Saint Athanase, Vie et conduite de notre saint père Antoine.
[6] Gabriel Le Bras , Les Ordres religieux, la vie et l’art, sous la direction de Gabriel Le Bras, Tome I, Flammarion, 1979.
[7] Palladius, Histoire lausiaque, trad. A. Lucot, 1912 dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre.
[8] J.-Cl. Guy, dans Petite Histoire de la vie monastique, Frère Philippe, V.
[9] Michel Mourre, Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, I.
[10] Cassien, Conférences, III, I
, dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre.
[11] Saint Macaire d’Alexandrie, Liber de custodia cordis, 12 dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre.
[12] Saint Jérôme, Lettre ad Demetriadem, CXXX, 14, dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre.
[13] Michel Mourre, Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, I.
[14] Cassien, Conférences, XII, II, dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre.
[15] Apophtegmes, dans Les Ordres religieux, la vie et l’art, sous la direction de Gabriel Le Bras.
[16] Cassien, Conférences, XIX, 10
.
[17] On retrouve aussi l’orthographe Pacôme.
[18] Pakhôme, Catéchèse, éd. Th.Lefort, 2, 15 , Michel Mourre.
[19] Saint Basile, Regulae jusius tractae, VII dans Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, Michel Mourre.
[20] Saint Basile, Regulae jusius tractae, VII.
[21] Saint Basile, Regulae jusius tractae, VII.
[22] Cité dans Les Ordres religieux, la vie et l’art, sous la direction de Gabriel Le Bras.
[23] Cité dans Les Ordres religieux, la vie et l’art, sous la direction de Gabriel Le Bras.