" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 28 mai 2016

Le grain de sénévé

« Allez donc, enseignez toutes les nations les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ; leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé » (Matthieu, XXVIII, 18-19). Imaginons les Apôtres écoutant Notre Seigneur Jésus-Christ leur demandant de parcourir le monde pour répandre son enseignement. Quelques jours auparavant, ils se terraient dans le Cénacle de peur d’être arrêtés et de subir le même sort que leur maître. Assistant impuissant à son arrestation, Saint Pierre dira même à trois reprises « je ne connais pas cet homme » (Matthieu, XXVI, 72). Pourtant, Notre Seigneur leur demande de témoigner de ce qu’ils ont entendu et vu à Jérusalem, dans toute la Judée et jusqu’aux extrémités de la terre. Le grain de sénevé a été semé. Il doit désormais grandir pour que les oiseaux du ciel se reposent sous son ombre.
Imaginons désormais ces Apôtres parcourant les voies romaines, traversant les villes et les campagnes, dépassant les bornes de l’empire. Lisons avec attention les Actes des Apôtres qui nous donnent le récit de leurs périples. Relisons aussi les écrits des pères apostoliques et tous ceux qui les suivront sur les routes de l’empire romain et au-delà. Que diraient-ils aujourd’hui en apprenant que toutes les religions se valent ? Que l’homme peut librement choisir sa religion tant que les sentiments qui l'animent sont authentiques ? Associeraient-ils leurs prières à celles des païens et des différents religieux qu’ils ont rencontrés ? Les Apôtres ont enduré mille souffrances et mille injures pour répandre l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ.
On nous dira peut-être qu’il faut encore témoigner mais sans forcer, parler avec prudence sans obliger, proposer et tolérer sans affirmer. Il n’y aurait pas d’opposition entre l’apostolat et la tolérance. Dieu connaîtrait les siens. Mais la question que nous soulevons n’est pas encore celle de la tolérance religieuse. Il s’agit toujours et encore de savoir si toute religion se vaut. Dans notre précédent article, nous avons montré que dans la Sainte Écriture, l’universalité de la foi et celle du Royaume de Dieu avaient été prédites, annoncées, proclamées. Elle est au cœur de la bonne nouvelle à annoncer. La foi n’est cloisonnée ni dans l’espace ni dans le temps. Le temps du salut est arrivé pour tous et à tous. La voie du salut est désormais ouverte à tous car tous ont besoin d’être sauvés et peuvent l’être. Et tous peuvent être sauvés ! L’universalité de la foi est une réponse à celle du péché. Et c’est Notre Seigneur Jésus-Christ qui est venu ouvrir le temps du salut…
Après avoir entendu la Sainte Écriture, nous allons désormais suivre les Apôtres. Peut-être pourront-ils convaincre ceux qui demeurent dans un discours fade et sans consistance ?
Un seul Seigneur, un seul Sauveur


Dès le jour de la Pentecôte, Saint Pierre n’hésite pas à répandre la bonne nouvelle. Les promesses divines sont enfin accomplies, proclame-t-il aux Juifs qui l’entendent. Les jours dont « Dieu a parlé anciennement par la bouche de ses saints prophètes  » (Actes des Apôtres, III, 22) sont arrivés. « Tous les prophètes qui ont successivement parlé depuis Samuel ont aussi annoncé ces jours-là. » (Actes des Apôtres, III, 23) Le temps messianique tant attendu est enfin arrivé.
Tout ce qui est renfermé dans l’alliance, tout ce qui a été conclu avec Abraham, le Père de la foi se réalise, selon la volonté de Dieu. « En ta postérité seront bénies toutes les nations de la terre. » (Actes des Apôtres, III, 26) La conclusion est donc évidente : « repentez-vous et convertissez-vous pour que vos péchés soient effacés, afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu’il envoie celui qui vous a été destiné, Jésus-Christ, que le ciel doit recevoir jusqu’aux jours du rétablissement de toute chose » (Actes des Apôtres, III, 19-20)
Au Sanhédrin rassemblé pour entendre et juger les Apôtres, Saint Pierre résume en quelques mots le cœur de la foi : Jésus est « la pierre angulaire. Et le salut n’est en aucun autre ; car il n’y a pas sous le ciel un autre nom qui ait été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Actes des Apôtres, IV, 12) Nous voilà donc au cœur de la foi chrétienne : il n’existe qu’un seul Sauveur sans lequel rien n’est possible. Par Lui-seul seul, nous pouvons être sauvés. Il n’existe donc qu’une seule voie du salut, Notre Seigneur Jésus-Christ. Que deviennent alors les autres religions, au moins celles qui proposent des moyens de salut ?
Universalité de la Rédemption, Catholicité de l’Église




Si tous les hommes doivent passer par Notre Seigneur Jésus-Christ pour être sauvés, nous en déduisons très rapidement que tous, Juifs comme Gentils, ont besoin d’être sauvés. « Pas un seul n’est juste » (Romain, III, 10), nous rappelle en effet Saint Paul. Le salut doit les atteindre tous sans exception. « La justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ est pour tous ceux et sur tous ceux qui croient en Lui ; car il n’y a pas de distinction ; parce que tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu » (Romain, III.22-23). Dieu justifie donc les circoncis comme les incirconcis. « Il n’y a qu’un Dieu et qu’un médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus-homme, qui s’est livré lui-même pour la rédemption de tous, comme un témoignage en son temps » (I Timothée, II, 5). La Rédemption est donc universelle.
C’est pourquoi les Apôtres doivent répandre l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ aussi bien chez les Juifs que chez les Gentils. Tous doivent entendre la Parole de Dieu. « L’Église se propose pour fin le salut éternel des âmes, et c’est pourquoi elle est telle de par sa nature qu’elle tend à embrasser tout le genre humain, sans être circonscrite par aucune limite de temps ni de lieu »[1].
Devant Dieu, il n’y a donc pas d’étrangers. Tous sont appelés à être « des concitoyens des saints, et de la maison de Dieu » (Éphèse, II, 19). « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez été revêtus du Christ ; il n’y a plus ni Juifs, ni Grecs ; plus d’esclave, ni de libre ; plus d’homme, ni de femme » (Galates, III.27-28).
Ainsi, dans ses visions, Saint Jean a vu l’Église comme « une grande foule que personne ne pouvait compter de toutes les nations, de toutes les tribus, de tous les peuples et de toutes les langues, qui étaient debout devant le trône et devant l’Agneau, revêtus de robes blanches ; et des palmes étaient en leurs mains. » (Apocalypse, VII, 9)
Mais si tous sans exception sont appelés à être sauvés en Notre Seigneur Jésus-Christ, quels que soient le temps et le lieu de leur conversion, c’est que tous peuvent entendre la Parole du salut et en recevoir les moyens. Les Apôtres affirment ainsi clairement l’universalité de la Rédemption et la catholicité de l’Église. Car tous peuvent être sauvés par Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais faut-il encore porter la bonne nouvelle…
Témoigner partout et tout le temps…
Nous voyons ainsi les Apôtres parcourir le monde pour répandre la Parole divine. Ils témoignent de ce qu’ils ont entendu et vu conformément à la volonté de Dieu. De nombreuses communautés chrétiennes vont ainsi naître de leur apostolat. Le grain de sénevé va se développer.
Voyages de Saint Paul
La foi se répand et grandit rapidement, réalisant effectivement ce qu’avait prévu Notre Seigneur Jésus-Christ. De Jérusalem, elle se développe en Judée, en Galilée, puis en Samarie avant d’atteindre Césarée de Palestine. Dépassant la Terre Sainte, elle s’implante par la voix de Saint Pierre à Antioche, en Cappadoce, à Bithynie, au Pont puis à Rome. Au grès des voyages de Saint Paul, elle se répand aussi à Chypre, dans toute la Galatie romaine, en Syrie, en Macédoine, en Thessalonique. Les villes d’Athènes, de Corinthe, d’Éphèse sont à leur tour touchées comme la Gaule et la péninsule ibérique. Au IIe siècle, Pline le Jeune témoigne de l’importance du christianisme. Dans un rapport qu’il adresse à l’empereur Trajan, il exprime sa surprise d’avoir rencontré « de nombreux chrétiens » et d’avoir constaté que « les temples des dieux étaient presqu’abandonnés, les sacrifices depuis longtemps interrompus, les victimes destinés aux dieux ne trouvant plus que de rares acheteurs »[2].

Alors que la Parole du salut se répand en Occident, elle pénètre en Mésopotamie, en Perse, dans la lointaine Arménie comme en Arabie et dans les Indes orientales. Elle convertit la grande cité d’Alexandrie. Les Éthiopiens sont aussi convertis. Avant l’Édit de Milan (313), elle s’est ainsi répandue dans toutes les villes du bassin de la Méditerranée, en Asie, dans le nord de l’Afrique, dans le sud de l’Europe jusqu’au Danube et dans l’ouest jusqu’au Rhin et la mer du Nord. La foi dépasse les frontières de l’Empire romain.


Plus tard, elle convertira les barbares envahisseurs, des peuples Germains[3] (IVe siècle), les Francs, les Anglo-Saxons (VIe siècle). La foi traverse la Méditerranée, atteint l’Irlande au Ve siècle puis les îles britanniques au siècle suivant, aborde l’Islande puis les Groenland. Elle pénètre dans les terres germaniques, en Bulgarie, chez les Slaves en Dalmatie et en Hongrie, chez les Moraves en Pologne puis chez les peuples scandinaves (IXe siècle). La Russie deviendra chrétienne au Xe siècle. Les Hongrois se convertissent à la fin du Xe siècle. Mille ans d’efforts pour convertir presque l’Europe. Il faudra encore deux siècles pour que les dernières terres (Prusse, Finlande, Lituanie) tombent. Seuls les Finnois et les Lapons ont résisté…
La foi progressera aussi au-delà de l’Europe. Au XIIIe siècle, les églises se lèvent en Chine. Au XVe siècle, elle découvre les Amériques et en même temps reprend sa progression en Afrique, en Inde, en Asie du Sud-Est. Des terres interdites comme la Corée sont aussi évangélisées. Le XIXe siècle est le siècle des œuvres missionnaires. Enfin, les terres de l’Océanie ne sont pas oubliées…
Nous pouvons aujourd’hui répéter les paroles d’Origène sans craindre d’être contredis : « presqu’aucun lieu qui n’eût reçu la semence de la parole divine »[4].
Circoncis comme incirconcis
« Tu vois, frère, combien de milliers de Juifs ont cru, et tous sont zélés dans la foi. » (Actes des Apôtres, XXI, 20) De nombreux Juifs adhéreront naturellement à la foi, qu’ils soient nés en Terre sainte ou répandus dans les différentes communautés juives dispersées dans le monde. Mais elle atteint aussi rapidement les craignant Dieu. Enfin, après avoir d’abord porté la parole aux Juifs, les Apôtres et leurs successeurs ont converti des païens. Circoncis ou incirconcis, la foi ne fait pas de distinction. Le Royaume de Dieu est accessible à tous…
Au-delà des cultures et des classes
La foi est-elle bornée par l’esprit et la culture ? Non. Qu’il soit latin ou grec, celte ou arabe, nomade ou sédentaire, hautement civilisé ou sauvage, rien ne l’arrête ! Vers 170, Saint Irénée nous montre qu’elle est présente en Germanie, en Ibérie, chez les Celtes, en Égypte ou en Libye, en Palestine, en dépit de la diversité des langues. Le chrétien est Grec parmi les Grecs, Franc parmi les Francs, Coréen parmi les Coréens.


La langue n’est pas en effet une barrière à l’expansion de la foi. Et la foi ne la fait pas disparaître. Contrairement à l’islam qui impose l’arabe, elle la convertit. Des peuples se voient même munir d’une véritable langue. L’exemple le plus classique est celui des Slaves. Saint Cyrille et Saint Méthode s’initient à la langue slavonne, créent une langue écrite, traduisent les Livres Saints, célèbrent la messe en cette langue avec le soutien du Pape Adrien II. Au XIXe siècle, les missionnaires feront de même. 
De nombreux hommes cultivés et philosophes adhèrent aussi à la foi. Certes, à l’aréopage, à Athènes, méprisant le discours de Saint Paul, de nombreux philosophes quittent l’hémicycle sans être peut-être touchés par la grâce mais certains restent et questionnent l’Apôtre. Parmi eux, un futur évêque. Avec des hommes comme Origène et Saint Ambroise, l’Église possède une élite capable de rivaliser et de surpasser celle des païens. Quels corps de métier ignore la Parole de Dieu ? Avocats ou gouverneurs, geôliers ou juges, soldats ou centurions, médecins ou étudiants… La liste des martyrs des premiers siècles est une longue litanie d’hommes inconnus ou célèbres, provenant de toute la société et de toute contrée, de tout âge et de toute condition.


La foi atteint les pauvres et les riches, les démunis et les propriétaires, les esclaves et les puissants. Elle pénètre toute la société sans qu’aucune classe ne puisse y résister. Certes, à l’origine, elle se diffuse surtout dans « la classe des petits gens », comme ne cessent de le souligner les païens. « Il n’y a pas parmi vous ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles » (I Épître aux Corinthiens, I, 26), nous dit Saint Paul. Mais dès les premières heures, des personnages importants se convertissent comme le proconsul Sergius Paulus à Chypre. À la fin du IIe siècle, d’illustres familles de l’aristocratie romaine comptent dans leur rang des chrétiens. Nous pouvons par exemple citer Flavius Clemens, cousin de l’empereur Domitien, et sa femme. L’esclave et son maître s’assemblent sans difficulté pour prier dans la même église.
Saint Justin peut ainsi déclarer que la foi a gagné tous les foyers. « Mais il n'y a pas un seul peuple, ou grec ou barbare, de quel nom on l'appelle […] ; oui, dis-je, il n'est pas un seul peuple où l'on n'adresse à Dieu le père des prières et des actions de grâces, au nom de Jésus crucifié.»[5] Les Chrétiens ont finalement tout envahi, triomphe Tertullien. « Nous ne sommes que d’hier, et déjà nous avons rempli la terre, et tout ce qui est à vous : les villes, les îles, les postes fortifiés, les municipes, les bourgades, les camps mêmes, les tribus, les décuries, le sénat, le forum : nous ne vous avons laissé que vos temples. »[6] De même, dans son rapport, Pline le Jeune exprime sa surprise d’avoir rencontré « de nombreux chrétiens de tout âge, de tout sexe et même de tout rang »[7].
Quelles limites pouvons-nous alors imposer à la foi ? Ni les bornes de l’empire ni les frontières de l’esprit ne peuvent l’arrêter ! Les Chrétiens sont partout. Au IIe siècle, Tertullien affirme que « leur nombre est aujourd’hui incalculable. On crie à l’envahissement de la ville : dans les campagnes, dans les îles, dans les châteaux, partout des Chrétiens ! On se plaint douloureusement, comme d’une perte pour l’empire, que le sexe, l’âge, la condition, la dignité courent en foule à leurs autels.»[8]
Au delà des sexes






De nos jours, des voix encore emprisonnées dans des clichés insupportables prétendent que depuis deux mille ans, c’est-à-dire depuis la fondation du christianisme, les hommes ont enchaînée les femmes. Ont-elles oublié leur rôle dans la naissance et le développement du christianisme ? Combien de peuples ont-ils changé de voie par l’intermédiaire d’une femme ? Sainte Clotilde n’est pas unique. Oublient-elles les paroles ironiques d’un Celse, blâmant les Chrétiens de croire à des femmes ? Ignorent-elles leurs pouvoirs et leur charisme comme ceux d’une Sainte Geneviève, d’une Sainte Catherine de Sienne ou d’une Sainte Jeanne d’Arc ? Ce sont certes des femmes extraordinaires, comparables aux plus grands des Saints. Mais combien sont-elles innombrables élevées sur les autels ? Qu’elles réfléchissent donc à quel moment les femmes sont réellement devenues des objets ? Qu’elles regardent aussi les autres contrées où les Chrétiens demeurent une minorité ! Il est donc temps qu’elles ouvrent les yeux…
Une religion universelle
La religion chrétienne s’est ainsi répandue sur toute la terre, comme l’avait annoncé Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle a pénétré toutes les sociétés, toutes les classes sociales, tous les âges, tous les esprits. Le christianisme n’est pas la religion des Occidentaux, ni celle d’une caste, encore moins celle d’un parti. Dès le début, il a été une religion universelle.
Au cours de l’histoire, elle a pu paraître comme la religion des Romains ou des peuples occidentaux. Les Saxons ont ainsi pu considérer les missionnaires comme des hommes de Charlemagne, confondant les chrétiens avec leurs protecteurs. Les missionnaires abordant la terre africaine ont aussi pu être attaqués comme étant les porteurs de la civilisation des colonisateurs. Au XIXe siècle, les ouvriers ont pu voir dans le christianisme une religion des bourgeois. Aujourd’hui encore, de nombreuses âmes voient dans la religion chrétienne celle des privilégiés ou des nostalgiques d’une certaine époque. Que de clichés et de préjugés !
Cependant, de telles confusions ont bien existé souvent par la faute même de certains chrétiens qui ont confondu leur foi avec des causes nationales, politiques ou sociales. Il est en effet parfois très difficile de faire la part des choses. L’homme qu’il soit chrétien ou non reste un homme avec ses faiblesses et ses erreurs. Les Chrétiens demeurent attachés à un peuple, à une culture, à une histoire ou à une éducation qu’ils ne peuvent désavouer sans se renier eux-mêmes. Être chrétien, ce n’est pas oublier ou renier son identité. Enfin, il est évident que sans l’aide de protecteurs et sans soutien au moins logistique, il aurait été difficile de parcourir les océans et les terres lointaines, de s’approcher des tribus sauvages. Les adversaires de la foi eux-mêmes n’ont-ils pas non plus encouragé ces confusions ? Les Chrétiens d’Orient ont souvent été et sont encore considérés comme des "complices" de l’Occident. Que dire encore de la propagande soviétique ou révolutionnaire ?! 

Les empires, les royaumes et les États modernes ont bien compris la nature réelle du christianisme tant ils ont combattu et réduit ses prétentions universelles. Ce n’est pas étonnant que les XIX et XXe siècles, où se développent le nationalisme, les idéologies et le totalitarisme, le christianisme a fait l’objet de tant d’attaques ! Ce n’est pas non plus surprenant que la seule puissance qui s’est dressée face aux monstres des régimes révolutionnaires, nazis et communistes, est celle de la Papauté ! Dans son authenticité, le christianisme demeure une religion universelle.
Conclusion
Le grain de sénevé a grandi depuis deux mille ans et le voilà tellement immense que les oiseaux peuvent se reposer sous son ombre. Les faits montrent clairement son universalité. La foi a touché tous les hommes sans exception, sans discrimination. Est-elle alors une religion comme une autre ? Certes l’islam se répand mais avec son arabité et ses troupes. Le bouddhisme et les autres religions asiatiques restent aussi attachés à une culture, voire à une philosophie. La religion juive demeure enfermée dans son exclusivisme. Ne parlons pas des « religions laïques », enfermées dans leurs idéologies.
Quel pourrait être le lien qui unit l’homme à Dieu s’il dépendait avant tout de sa langue, de sa culture, de son rang, si finalement les bagages qu’il porte sont plus importants que ce qu’il est ? Un enfant de Dieu ne se reconnaît que par sa foi et ses mœurs, que par ce qu’il croit et ce qu’il fait, que par le culte qu’il rend à Dieu tout en étant Grec parmi les Grecs, pauvre parmi les pauvres, juge parmi les juges. Ainsi devant le Tout-Puissant, tous sans exception peuvent comparaître en toute justice et être l’objet de sa miséricorde…



Notes et références
[1] Léon XIII, Encyclique Immortali Dei, 1er novembre 1885, Denzinger 3166.
[2] Pline le Jeune, dans Manuel d’apologétique, Introduction à la Doctrine catholique, abbé A. Boulanger, n°280b, 1928.
[3] Des peuples Germains (Goths, Wisigoths, Ostrogoths) sont convertis par des hérétiques (arien) puis embrasseront la foi plutôt vers le VIe siècle.
[4] Origène, IXe homélie sur la Genèse, Manuel d’apologétique, abbé A. Boulanger, n°280c.
[5] Saint Justin, Dialogue avec Tryphon, CXVII, 5.
[6] Tertullien, Apologétique, XXXVII, 4, trad. J.-P. Waltzing, 1914.
[7] Pline le Jeune, dans Manuel d’apologétique, Introduction à la Doctrine catholique, abbé A. Boulanger, n°280, 1928.
[8] Tertullien, Apologétique ou Défense des Chrétiens contre les Gentils, I, Œuvres complètes de Tertullien, tome II, trad. A.-E. Genoud, 1852.

samedi 21 mai 2016

Universalité du Royaume de Dieu

Notre contemporain ne cesse de nous étonner. Lors d’une discussion, un de nos collègues nous a affirmés qu’il était chrétien puis sur le même ton, il nous informe que sa fille s’était convertie à l’islam. Sans la moindre gêne en apparence, il acceptait cet état de fait et il semblait être content de cette situation puisque, proclamait-il solennellement, chacun avait le droit de choisir sa religion comme il l’entendait, l’important étant que chacun trouvât sa voie et son bonheur. Par ailleurs, déclarait-il avec la même certitude, nous avons tous le même Dieu. Un autre collègue, musulman sans être pratiquant, confirmait ses propos en précisant que toutes les religions étaient légitimes tant qu’elles ne perturbaient pas l’ordre public et n’imposaient pas ses pratiques par la violence et la coercition…

Ce n’est pas la seule personne que nous rencontrons habitée par les mêmes contradictions. Des proches, de sincères pratiquants, revendiquent aussi la pleine et entière liberté à l’islam ou à toute autre religion. Elle prétend que tous peuvent suivre leur religion tant qu’elle n’est pas guidée par le fanatisme et la violence. Telle est la leçon qu’elle répète d’un ton monotone : chacun peut suivre sa voie religieuse ou spirituelle tant qu’elle ne gêne pas celle des autres puisque encore, affirme-t-elle, chacun adore le même Dieu mais de manière différente. L’important résiderait dans l’authenticité de leur foi. Puis ses déclarations achevées, son regard attend de nous une confirmation ou du moins un acquiescement silencieux. En vain. Il n’obtient finalement que notre désapprobation. Elle finit par changer de sujet…

Comment une même âme peut-elle vivre avec de telles contradictions ? Comment en effet un même cœur peut-il affirmer aux cieux et à la face du monde qu’il croit en Dieu, Créateur du ciel et de la terre, et en Jésus-Christ, son Fils unique, et au Saint Esprit, puis à la Sainte Église catholique tout en proclamant que toutes les religions servent le même Dieu et donc sont légitimes ? Pourtant, dans notre société d’informations, il ne faut pas beaucoup de temps pour comprendre que le « Dieu » des chrétiens, celui des musulmans ou encore celui des bouddhistes ne se ressemblent pas vraiment. Sont-elles ignorantes de leur propre foi ? Pourtant, la profession de foi qu’elles récitent régulièrement est claire, sans ambiguïté. Justement, c’est sa finalité. Est-ce donc vraiment par ignorance que certains proclament la légitimité de toutes les religions ?

Une telle position révèle plutôt un profond aveuglement, voire même du mépris à l’égard des croyants. Certains chrétiens répètent machinalement des phrases qu’on leur a martelées depuis des années sans véritablement prendre conscience de leur sens et de leur portée. Cherchent-elles même à les entendre réellement ? Ou plutôt à se protéger en cloisonnant leur foi dans une sphère soi-disant privée de peur de soulever des questions lourdes de conséquences ? Ou enfin, sont-ils convaincus que la foi ne concerne qu’eux-mêmes, enfermées qu’ils sont dans leur égoïsme abêtissant ? Que devient alors l’universalité de la foi qu’ils proclament pourtant sans hésitation ?

La catholicité de l’Église

« Je crois à la Sainte Église catholique. » Le mot « catholique » peut être entendu de trois façons correspondant à une triple universalité.

Au sens géographique, elle désigne la diffusion effective de l’Église dans tous les pays du monde ou du moins sa capacité à s’étendre à toutes les contrées de la terre, à rayonner partout avec sa doctrine et à se développer physiquement dans toutes les régions du globe.

Au sens temporel, elle désigne l’existence de l’Église sans interruption, elle comme sa doctrine et son gouvernement, jusqu’à la fin du monde.

La catholicité peut également s’entendre au sens où l’Église accomplit sa mission à l’égard de tous les hommes, offrant à tous, sans discrimination, les moyens de salut dont ils ont tant besoin, et s’adapte à tous les hommes, sans exception, quelles que soient leur origine, leur civilisation, leur histoire.


Extension géographique du christianisme au XXIe siècle. 

Carte des pays dont la communauté chrétienne 
représente plus de 50 % de la population.
Wikipedia
Il faut aussi distinguer la catholicité physique et la catholicité morale, c’est-à-dire l’extension effective de l’Église dans le monde entier, puis son développement par la fondation des communautés, et enfin de sa destinée comme de son aptitude à s’étendre. 

L’Église est en effet catholique car Elle a reçu de son fondateur la faculté interne et la mission de se répandre dans tous les peuples de l’Univers. Elle a, dès le commencement de son activité, fait consciemment effort, conformément à sa vocation, pour devenir une Église universelle.

Si elle possède la « catholicité morale », c’est-à-dire la puissance de s’étendre en tout lieu et de durer sans discontinuité, elle l’obtient physiquement, concrètement de manière successive et progressive, par la réalisation d’œuvres humaines, c’est-à-dire par l’apostolat. L’Église catholique aurait-elle touché tous les continents sans les Apôtres et leurs successeurs, sans les missionnaires ?

L’universalité de la foi et de l’Église prophétisée dans la Sainte Écriture

La catholicité de l’Église n’est guère une surprise pour les lecteurs de la Sainte Écriture tant la Parole de Dieu a prédit que son peuple s’étendra sur toute la surface de la planète.

Dieu prédit d’abord à Abraham qu’Il le fera « père d’une grande nation » et en lui « seront bénies toutes les nations » (Genèse, III.3). Père du peuple élu, il sera cause de la bénédiction des autres peuples. Cette promesse sera renouvelée à Isaïe et à Jacob. La terre qu’Il donne au peuple élu, « la terre sainte, elle sera ta postérité comme la poussière de la terre, et tu l’étendras à l’occident et l’orient, au septentrion et au midi ; et en toi et en ta postérité seront bénies toutes les tribus de la terre » (Genèse, XXVIII.14). La promesse divine ne se limite pas à Jérusalem. Elle concerne tous les peuples et toute la terre.

Dieu précise davantage sa pensée à Isaïe lorsqu’il décrit le Messie et annonce son arrivée. « En ce jour-là viendra la racine de Jessé qui est comme l’étendard des peuples ; c’est lui à qui les nations adresseront leurs prières, et son sépulcre sera glorieux » (Isaïe, XI.10). Dieu sera reconnu et adoré par tous. Son culte sera universel. L’universalité de son culte est aussi prophétisée par Malachie. « Depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, grand est mon nom parmi les nations, et en tout lieu l’on sacrifie, et une oblation pure est offerte à mon nom, parce que grand est mon nom parmi les nations, dit le Seigneur des Armées » (Malachie, I, 11). Le Messie viendra pour toutes les nations. Il sera la « lumière des nations » (Isaïe, XLIX, 6).

La prophétie peut nous surprendre tant elle nous semble difficile à réaliser. Au moment où Isaïe l’entend, le monde est en effet païen et rien ne semble remettre véritablement en cause le paganisme. Le discours des philosophes grecs demeure même inefficace pour faire changer les esprits. Limité à un petit peuple sans envergure, la religion juive est enfermée dans un royaume menacé par ses ennemis, prêt à s’effondrer. 

Pourtant la Sainte Écriture annonce et propose le salut à tous. « Convertissez-vous à moi et vous serez sauvés, vous tous, confins de la terre » (Isaïe, XLV.22). Car Dieu est le seul Dieu et « il n’y en a point d’autre ». Et si le salut est ouvert à tous les hommes, c’est aussi parce que tous ont besoin du salut. L’universalité du salut sous-entend le péché universel…

Dieu nous avertit donc que la mission du Messie est universelle car personne ne sera écarté du salut. Il concernera tous les hommes, y compris ceux qui étaient exclus des synagogues comme le fils de l’étranger ou l’eunuque. « Et le fils de l’étranger qui s’attachent au Seigneur, afin de l’adorer et d’aimer son nom, […], je les conduirai sur ma montagne sainte, […] parce que ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples » (Isaïe, LVI, 6-8). Dieu annonce ainsi non seulement la mission universelle du Messie, qui viendra sauver tous les hommes, mais aussi celle de l’Église, de sa maison, qui apparaît comme celle de tous les hommes.

Ramener tous les hommes à la Maison de Dieu

Pourtant, les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ peuvent nous surprendre. « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Matthieu, XV, 24). Il réaffirmera plus tard aux Apôtres que sa mission est limité au peuple juif.

Revenons de nouveau aux prophéties. Elles annoncent en effet deux temps : le Messie doit d’abord chercher à ramener les Juifs à Dieu avant de songer à convertir les nations. « Et maintenant, le Seigneur parle, lui qui m’a formé dès le sein de ma mère pour le servir, afin que je ramène Jacob à lui, et Israël ne sera pas rassemblé, et j’ai été glorifié aux yeux du Seigneur, et mon Dieu est devenu ma force. Il a donc dit : « C’est peu que tu me serves à relever les tribus de Jacob, et à convertir les restes d’Israël. Voici que je t’ai posé en lumière des nations, afin que tu sois mon salut jusqu’à l’extrémité de la terre » (Isaïe, XLIX, 5-6). Le salut est d’abord proposé à ceux qui ont été préparés pour le recevoir avant d’être proposé à tous les hommes. Mais comme nous le prédit Isaïe, dans leur grande majorité, les Juifs n’écouteront pas l’Envoyé et n’entreront pas dans la Maison de Dieu.

S’Il se tourne d’abord vers les enfants de Jacob, Notre Seigneur Jésus-Christ ne délaisse pourtant pas les Gentils. Devant des Juifs stupéfaits, Il prédit en outre leur foi vive. Mieux encore. Son attitude à l’égard de la Cananéenne ou du centurion qu’Il renvoie d’abord avant de les entendre en est un exemple…

La première mission de Notre Seigneur Jésus-Christ est donc de toucher le peuple juif avant que sa parole n’atteigne toutes les nations. « Mais, j’ai d’autres brebis qui ne sont point de cette bergerie ; et il faut que je les amène, et elles entendront ma voix, et il n’y aura qu’un bercail et qu’un pasteur » (Jean, X, 16). Tous les hommes sont destinés à entrer dans une même « bergerie ». Dans son enseignement sur le salut, Il ne fait aucune exception. Elle concerne tous les hommes. La Rédemption est universelle. Dieu le Père « a tellement aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean, III.16).

L’annonce d’un culte universel

Sous l’ancienne Loi, le Temple de Jérusalem est le seul lieu où le culte de Dieu est permis. Notre Seigneur Jésus-Christ lui voue une très grande vénération. Devant les vendeurs, Il rappelle la sainteté du lieu. « Il est écrit : Ma maison sera appelé une maison de prière » (Matthieu, XIX, 13). N’est-il pas écrit non plus : «  le zèle de votre maison me dévore » (Jean, II, 17) ?

Pourtant, Notre Seigneur Jésus-Christ annonce sa destruction et la fin de son monopole. Le culte que nous devons rendre à Dieu s’étendra partout, au-delà des murs de Jérusalem et de la Terre Sainte. À la Samaritaine, Lui demandant le lieu où il faut L’adorer, Il répond que « vient une heure où vous n’adorerez le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem […] Vient une heure, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » (Jean, IV, 21-23). Le culte divin n’aura plus de frontière et ne sera plus renfermé entre quatre murs. Il concerne toutes les âmes éprises de Dieu et pourra se déployer en tout lieu. Le culte sera lui-aussi universel…

Un enseignement destiné à toutes les nations

Reste désormais à étendre la Parole du Salut. Notre Seigneur Jésus-Christ envoie en effet les Apôtres prêcher dans le monde entier. « Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations les baptisant au nom du Père, du Fils et, du Saint Esprit ; leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé » (Matthieu, XXVIII, 18-19). Les Apôtres et leurs disciples se sont alors efforcés de répondre à cet ordre en faisant de cette universalité morale et théorique de l’Église une universalité réelle, effective.

Notre Seigneur Jésus-Christ a par ailleurs prédit que la Bonne Parole sera répandue partout et s’étendra jusqu’à la fin des temps. « Cet évangile du royaume sera prêché dans le monde entier, en témoignage à toutes les nations ; et alors viendra la fin » (Matthieu, XXIV, 14). La fin du monde viendra en effet le jour où sa Parole aura atteint toutes les contrées. Et « je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles » (Matthieu, XXVIII, 20). « Tous les peuples que tu as créés viendront et tomberont à genoux devant toi, Seigneur, et glorifieront ton nom. » (Psaume, LXXXV, 9). Ainsi parlant au Messie, Dieu dit : « il ne suffit pas que tu sois un serviteur pour moi, pour relever les tribus de Jacob et ramener le levain d’Israël. Voici que je t’établis la lumière des Gentils, afin que tu sois mon salut jusqu’aux extrémités de la terre. » (Isaïe, XLIX, 6) L’ordre de mission de Notre Seigneur Jésus-Christ vaut pour le monde entier. Le Royaume de Dieu transcende donc les frontières et les temps, les peuples et les catégories sociales. Notre Dieu veut « que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ » (I. Timothée, II, 4-5).

Conclusion

L’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ et les ordres qu’Il a donnés aux Apôtres affirment clairement l’étendue universelle de la Rédemption à tout le genre humain. Il a demandé à ses Apôtres d’étendre la Maison de Dieu et de la développer dans toutes les contrées jusqu’à la fin des temps. Il lui a aussi donné les moyens dont elle aura besoin pour accomplir la volonté de Dieu. Et nous savons aujourd’hui combien cet ordre de prêcher la bonne nouvelle à toutes les nations furent fidèlement suivi par les Apôtres et leurs successeurs. L’extension de l’Église à partir des douze Apôtres depuis Jérusalem demeure un prodige extraordinaire ! Elle est un signe qui ne trompe pas celui qui sait entendre et voir. Qui aurait pu croire à une telle destinée le jour où Notre Seigneur Jésus-Christ est mort sur la Croix dans le dénuement et l’abandon total, abandonné de tous ? Quelle plus belle et véritable prophétie accomplie !

L’universalité de la foi et du salut, que la Sainte Écriture a prédite et que Notre Seigneur Jésus-Christ a réalisée, fonde l’œuvre apostolique et missionnaire de l’Église. Mais que devient cet apostolat et finalement l’universalité du salut si toute religion se vaut, si tout chemin conduit à Dieu, si tout homme trouve la paix dans toute religion ? Car à quoi bon de s’étendre en Chine si le bouddhisme garantit le salut de l’âme ? Pourquoi tant de souffrances et de martyres si la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ est finalement inutile puisque Mahomet, Bouddha et bien d’autres la donneraient aussi ? Le sang des martyrs lève une terrible objection à cette idée funeste et inconséquente. Car s’il est inutile, c’est l’ordre même qui devient insensée, c’est Notre Seigneur Jésus-Christ qui est condamné…


vendredi 13 mai 2016

L'œcuménisme

« Chrétiens, juifs, musulmans, bouddhistes, etc., nous avons tous le même Dieu ». Combien de fois avons-nous entendu ce truisme hérissant ? Généralement, il est suivi d’une autre affirmation encore plus agaçante : « tous les croyants ont le même Dieu, toutes les religions se valent. » Ainsi faut-il les respecter, les tolérer, les accepter. Il n’est pas rare d’entendre de telles inepties. Est-il nécessaire de revenir sur ces paroles tant elles renferment de sottises et d’inconséquences ? Devant un tel discours, il nous arrive de nous taire tant il nous désespère. À quoi bon en effet d’en discuter ? Cependant, emportés par un certain optimisme, nous essayons de discuter et nous réfutons sans difficulté de telles stupidités. Sans nous entendre, notre interlocuteur nous répète d’autres paroles aussi insensées d’un ton aussi affirmatif et angélique : « les religions expriment toutes la vérité mais d’une manière différente. » Puis poursuivant sa leçon, il lance cette bravade à l’intelligence : « l’important, c’est de vivre authentiquement sa foi et d’être sincère dans ses convictions. » Ainsi, ajoutant les phrases les unes après les autres, il insiste sur la sincérité du croyant et sur les valeurs de toute religion, réclamant pour chacune d’entre elle respect et tolérance tant qu’elles sont vécues de manière authentique, sans fanatisme ni violence. Ce discours inlassablement entendu s’achève généralement par une ode à la paix, à la fraternité et au dialogue. « Trouver les chemins du dialogue, apprendre à se connaître et à se respecter, créer des lieux de rencontre et d’engagement pour un monde plus juste et plus fraternel… »[1]

Ce discours mainte fois entendu nous étonne, voire nous effraye, quand il sort de la bouche d’un chrétien. Si effectivement toutes les religions « disent au fond la même chose », pourquoi continue-t-il en effet à croire en Notre Seigneur Jésus-Christ comme seul moyen de parvenir au salut ? Pourquoi est-il finalement encore chrétien ? Que de contradictions dans ces nobles et vaines idées ! Comment notre interlocuteur peut-il continuer à croire et à pratiquer une religion qui finalement ne serait pas meilleure qu’une autre ? « Il est arrogant de croire que la religion chrétienne est la seule vraie. Votre vision du monde est fausse », nous dit-on. Dieu l’a voulu ainsi ; chacun doit trouver sa voie selon sa culture, ose-t-il affirmer. Avec la même foi, il nous apprend que chaque religion est un chemin particulier pour L’atteindre. « Nous avons tous le même Dieu », insiste-il finalement. Telle est le leitmotiv d’une pensée politiquement correcte, celle d’un œcuménisme insensé

Comment ce discours est-il tenable ? Et pourtant, combien de fois l’avons-nous entendu sans qu’il éveille la moindre interrogation ?

Ce ne sont pas que de vains mots. Il donne lieu à des actes concrets. Le pèlerinage des sept dormants d’Éphèse[2] en est un exemple sans-doute le plus caractéristique. Des chrétiens et des musulmans se retrouvent chaque année dans un pèlerinage pour prier ensemble dans un hameau des Côtes d’Armor. « Le but ultime de l’action œcuménique est d’établir une communion dans le monde, qui réconciliera toutes les Églises – et par la suite toutes les religions – dans une « civilisation d’amour » qui regroupera tous les enfants de Dieu. »[3] Nous voilà en fait aux buts : éviter les conflits religieux en les rassemblant ou du moins en les mettant sous un même pied d’égalité. Un tel objectif est peut-être louable. La recherche de la paix par le dialogue interreligieux et l’unité des religions est en effet honorable mais n’est-elle pas un leurre ou encore une de ses nombreuses intentions aussi vaines que dangereuses ?

Pour répondre aux questions que de telles paroles soulèvent, nous allons d’abord nous interroger sur ce qu’est l’œcuménisme. Il est en effet temps d’aborder cette notion …

L’œcuménisme au sens d’universalité

Le mot « œcuménisme » vient du verbe grec « oikein » qui signifie « habiter ». L’« œcoumène » (« oikouménê ») est le monde habité, l’univers où les hommes ont élu domicile par opposition à la terre désertique, inhabitée et stérile. Une chose est ainsi dite œcuménique lorsqu’il concerne toute la terre habitée.

À plusieurs reprises, le Nouveau Testament emploie un terme équivalent. « Cet évangile du royaume sera prêché dans le monde entier (« oikoumenh »), pour être un témoignage à toutes les nations ; alors viendra la fin. » (Matth., XXIV, 14) Dans son Épître aux Hébreux, Saint Paul nous dit que « Dieu a soumis le monde à venir » (Hebr., II, 5), le monde nouveau sorti de l’Évangile. Dans ces deux passages, l’œcuménisme concerne l’universalité de la foi. La bonne nouvelle doit être entendue de tous les hommes sans exception, sur tous les continents.

Mais comment peut-être être entendue si elle n’est pas annoncée ? Ainsi l’œcuménisme implique nécessairement la prédication. Les Apôtres sont dépositaires d’un message à prétentions universelles qui doit être adressé à tous les hommes. Envoyés par Notre Seigneur Jésus-Christ, ils doivent parcourir le monde habité pour répandre son enseignement. Et lorsque la parole atteindra tous les hommes, « viendra la fin » (Matth., XXIV, 14). L’œcuménisme manifeste donc le temps qui sépare la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ jusqu’à son retour, jusqu’au jour où le temps sera accompli.

Saint Paul nous parle aussi d’un « monde à venir », d’une terre nouvelle. Par la prédication de l’Évangile, les Apôtres inaugurent en effet une ère nouvelle, c’est-à-dire un monde et un temps nouveaux qui s’achèveront dans l’éternité, un monde et un temps nécessaires pour que se développe et s’étende l’Église. Ainsi le terme d’œcuménisme nous renvoie à la notion de l’Église, à son universalité. Tous les hommes peuvent en effet y entrer comme toutes les parties du monde habité ne peuvent échapper à son extension. Le temps qui nous reste avant que vienne la fin du monde est le temps de son développement. La fin viendra alors quand elle aura atteint sa plénitude. L’œcuménisme nous renvoie ainsi à la mission universelle de l’Église.


Or l’universalité de la foi et de l’Église implique nécessairement l’idée de l’unité ou du moins soulève la question de l’unité. Notre Seigneur Jésus-Christ est venu pour réunir tous les hommes dans le Royaume de Dieu, « pour que tous ils soient un, comme vous mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous » (Jean, XVII, 21). Il est venu pour unir tous les hommes en Dieu. Remarquons que nous retrouvons la notion de religion telle que Saint Augustin la définie, c’est-à-dire l’établissement de liens entre Dieu et les hommes. L’universalité de la foi et celle de l’Église ont pour finalité de réunir tous les hommes en Dieu afin que tous puissent entrer dans son Royaume. Ainsi l’œcuménisme nous renvoie plutôt vers la propagation de l’Église et son unité. Il souligne la permanence de la religion chrétienne dans le monde et le temps.



Le concile œcuménique

Le terme d’œcuménisme est aussi utilisé pour distinguer des conciles dits provinciaux ou nationaux. Un concile œcuménisme désigne un concile qui regroupe, au moins théoriquement, l’ensemble des évêques de l’Église en communion avec le Pape. 

Un concile est dit œcuménique s’il répond à trois critères. D’abord, l’ensemble des évêques légitimes, c’est-à-dire ceux qui exercent une juridiction en union avec le Pape, doivent y être convoqués. L’ensemble de l’épiscopat en communion avec le Saint Père représente toute l’Église catholique. Il n’est pas nécessaire que tous les évêques y soient présents. Les premiers conciles œcuméniques regroupent en effet une très grande majorité des évêques d’Orient. L’Occident y est très faiblement représenté. C’est plus une représentation morale que physique. Puis la convocation du concile doit être acceptée ou consentie par le Pape. Enfin, les décisions doivent avoir un caractère obligatoire et pour cela être confirmées par le Pape.

L’œcuménicité d’un concile désigne la totalité au moins morale de l’ensemble des évêques légitimes constituant l’Église, c’est-à-dire en communion avec le Pape, réunis sous l’autorité du Saint Père. Nous retrouvons l’idée d’unité de l’Église couverte par l’autorité pontificale. « Il n'y a jamais de concile œcuménique qui ne ce soit comme tel confirmé ou au moins reçu par le successeur de Pierre ; et c'est la prérogative du pontife romain de convoquer ces conciles, de les présider et de les confirmer »[4] Le terme d’œcuménique nous renvoie ainsi à l’idée de communion.

Catholicité de l’Église

Un autre terme se rapproche de la signification d’universalité. Il s’agit de l’expression «  catholicité ». Est en effet dit « catholique » ce qui est répandu dans tous les lieux et existant dans tous les temps. Il provient du mot grec « kaqolou », qui signifie « universel » au sens de « général ».

Le terme de « catholique » peut être entendu de différentes façons. Il peut d’abord désigner la diffusion effective de l’Église dans tous les pays du monde ou du moins sa capacité à s’étendre à toutes les contrées de la terre, à rayonner partout avec sa doctrine et à se développer physiquement dans toutes les régions du globe. Il peut aussi désigner l’universalité au sens temporel. L’Église doit durer sans interruption, elle comme sa doctrine et son gouvernement, jusqu’à la fin du monde. Enfin, l’Église est universelle au sens où elle s’adapte à tous les hommes, sans exception, quelles que soient leur origines, leur civilisation, leur histoire. Elle accomplit sa mission à l’égard de tous les hommes, offrant à tous, sans discrimination, les moyens de salut dont ils ont besoin. Le terme de « catholicité » désigne donc l’universalité de la mission de l’Église…

Il faut alors distinguer l’extension physique de l’Église dans le monde entier, son développement par la fondation des communautés autour des évêques, de sa destinée et de son aptitude à s’étendre. L’Église est catholique car Elle a reçu de son fondateur la faculté interne et la mission de se répandre dans tous les peuples. Elle a, dès le commencement de son activité, fait consciemment effort, conformément à sa vocation, pour devenir une Église universelle. Si elle possède la « catholicité morale », c’est-à-dire la puissance de s’étendre en tout lieu et de durer sans discontinuité, elle l’obtient physiquement, concrètement de manière successive et progressive, par la réalisation d’œuvres humaines, c’est-à-dire par l’apostolat. L’Église catholique aurait-elle touché tous les continents sans les Apôtres et leurs successeurs, sans les missionnaires ?

Saint Ignace d’Antioche est le premier auteur chrétien à utiliser ce terme dans la lettre qu’il adresse aux chrétiens de Smyrne. « Là où est le Christ Jésus, là est l’Église catholique »[5]. Il veut en fait distinguer la communauté chrétienne légitime de celle qui n’est pas. La légitimité d’une communauté chrétienne s’appuie sur l’évêque. « Suivez tous l’évêque, comme Jésus-Christ suit son Père […] Là où paraît l’évêque, que là soit la communauté de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Église catholique »[6] Le terme semble donc désigner la véritable Église par opposition à toutes les communautés qui s’approprient de ce titre à tort. Le terme de catholicité renvoie donc à la notion de légitimité.

L’auteur de l’acte du martyre de Saint Polycarpe utilise aussi l’expression d’« Église catholique ». Il semble l’employer pour la distinguer de l’Église locale. « L’Église de Dieu qui séjourne à Smyrne à l’Église de Dieu qui séjourne à Philomélium et à toutes les communautés de la Sainte Église catholique qui séjourne en tout lieu »[7]. Saint Polycarpe l’utilise aussi dans le même sens. Il prie en effet « pour tout l’Église catholique répandue par toute la terre. »[8] Le terme ainsi employé indiquerait l’Église dans sa totalité. Mais dans un autre passage, il parle d’« Église catholique de Smyrne »[9]. Enfin, l’auteur de l’acte désigne Notre Seigneur Jésus-Christ comme « le berger de l’Église catholique par toute la terre. »[10] Le terme caractérise donc sans aucun doute la véritable Église fondée par Jésus-Christ.

Dans sa catéchèse, Saint Cyrille de Jérusalem précise que « l’Église est appelée catholique parce qu’elle existe dans le monde entier, d’une extrémité à l’autre de la terre ; et parce qu’elle enseigne de façon universelle et sans défaillance toutes les doctrines que les hommes ont besoin de connaître […] parce qu’elle soumet à la vraie religion tout le genre humain […] parce qu’elle soigne et guérit universellement toute espèce de péché […] parce qu’elle possède en elle toute espèce de vertus […] »[11]. Finalement, « il n'y a que la Sainte Église catholique dont la puissance s’étende sans bornes sur toute la terre. » Ainsi, le terme de « catholicité » désigne une des marques qui permettent distinguer la véritable Église ou encore un signe qui nous permette de l’identifier. En outre, elle indique plus sa puissance universelle.

Dans son commentaire du Credo[12], Saint Thomas d’Aquin définit l’universalité de l’Église sous trois aspects : le lieu, le temps et la condition des hommes qui la composent. La catholicité est une des quatre qualités qui la caractérisent.

Sens nouveau d’œcuménisme

Depuis le XXe siècle, l’œcuménisme est essentiellement entendu comme « un vaste mouvement de chemin vers l’unité entre les confessions chrétiennes »[13] ou encore « mouvement en faveur de l’unité des Églises chrétiennes »[14]. Il se manifeste par des organisations qui encouragent le dialogue entre les différentes confessions chrétiennes, par des rencontres et des accords ou encore par la réalisation d’actes concrets comme la publication d’une Bible dite œcuménique.

Le mouvement œcuménique a commencé dans le milieu protestant dès le XIXe siècle par différentes initiatives afin de réunir les différentes communautés nées de la Réforme[15]. Des associations œcuméniques se créent aussi entre des églises différentes pour les rapprocher, comme l’Association des Églises orientales (1870) qui réunit anglicans et orthodoxes. D'autres cherchent à regrouper des chrétiens de toute confession chrétienne en vue de leur réconciliation[16]. Le mouvement s’étend surtout dans le monde anglophone. Après les deux guerres mondiales, il prend une dimension internationale, notamment par la création du Conseil Œcuménique des Églises en 1948. Il est l’« association fraternelle d'Églises qui confessent Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Écritures et s'efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit » L’œcuménisme tend vers l’union.

Parallèlement, dans le catholicisme, des associations et des initiatives se créent pour favoriser l’union des Chrétiens et plus précisément le retour des Chrétiens, protestants, anglicans, orthodoxes dans l’Église catholique. Le début du XXe siècle est marqué par des mouvements de conversions vers le catholicisme, en particulier dans l’anglicanisme. L’œcuménisme est donc vu comme un « retour ».

Les deux mouvements œcuméniques – union ou retour - que nous venons d’évoquer sont clairement opposés. Il n’est pas possible en effet d’appeler l’unité des Chrétiens par l’élaboration d’une confession de foi commune et en même temps par le retour des Chrétiens séparés à Rome. 


Dans le premier mouvement « union », toutes les confessions dialoguent sur un même pied d’égalité en vue d’effacer les divisions par la recherche de points communs auxquels peuvent adhérer les Chrétiens. Il s’agit donc de distinguer les différences et les points de rapprochement possibles par entente et compromis, chacune des confessions étant censées résider dans la vérité. Le mouvement œcuménique conduit à une union de communautés, considérées chacune comme églises particulières, chacune étant considérée comme légitime et autonome.

Dans le second mouvement « retour », l’unité passe par l’adhésion à une confession de foi préexistante sous l’autorité du Pape. Elle est indissociablement liée à la reconnaissance de la valeur unique de vérité et de sanctification de l’Église catholique et donc à une prise de conscience des différentes confessions de leurs erreurs et de leur illégitimité. Ainsi parle-t-on de « frères séparés » pour distinguer les chrétiens qui ne demeurent plus dans l’Église catholique. Il existe ainsi une seule Église, indivisible, sous le gouvernement d’une seule autorité, celle du Pape. L’œcuménisme soulève ainsi la question de l’Église et de l’unité de gouvernement.

Qu’ils soient union ou retour, les mouvements œcuméniques se distinguent selon les moyens utilisés pour y parvenir. Ainsi pouvons-nous distinguer :

  •        l'œcuménisme pratique : il favorise les rencontres entre des Chrétiens pour une meilleure compréhension. L’effort est porté sur l’action et la vie commune ; 
  •        l'œcuménisme théologique : il détermine les bases doctrinales de l’œcuménisme, étudie les différences doctrinales entre les confessions, les problèmes qui les séparent, etc. Se développe aussi une théologie de l’œcuménisme ;
  •        l'œcuménisme spirituel : il unit des chrétiens dans les prières, reconnaissant que Dieu seul réalisera l’unité des Chrétiens (œcuménisme spirituelle). 
Depuis les années 60, en particulier depuis le Concile de Vatican II, la position de l’Église catholique a fortement évolué. Nous pouvons même parler de rupture. Abandonnant l’œcuménisme par réintégration des Chrétiens séparés à l’Église catholique, les autorités romaines semblent désormais privilégier le mouvement œcuménisme par accord, compromis, union des différentes confessions. Cela signifie-t-il que l’Église catholique ne détient plus la pleine et entière vérité ou qu’elle n’est pas la seule voie de sanctification ? La position des autorités romaines est plus complexe et ambigüe…

Quelle que soit sa nature, le mouvement œcuménique soulève la question de l’Église, de son unité et de sa valeur, et plus précisément de la communion de la foi…

Dialogue interreligieux

Dans un sens plus large, l’œcuménisme est parfois entendu comme la recherche d’unité entre de toutes les religions. Mais généralement, le terme de « dialogue interreligieux » est privilégié. Il se manifeste par des rencontres entre les différents représentants des religions non-chrétiennes et par des déclarations communes. La réunion d’Assise en octobre 1986 en est un exemple.


Conclusions

Très longtemps, l’œcuménisme était entendu sous le sens d’universalité de la foi et de l’Église, c’est-à-dire en rapport à la mission universelle de l'Église de répandre la Parole de Dieu dans le monde entier, à tous les hommes sans exception. Or depuis deux siècles, le terme a profondément changé de sens. Il est désormais entendu comme un état d’esprit en vue de l’unité chétienne. « L’œcuménisme, c’est désormais un élan vers l’unité, un effort pour établir entre tous les chrétiens un climat d’affection fraternelle. »[17] Il ne fait plus référence à la mission universelle de l’Église, à la propagation de la foi.

Alors que le mouvement œcuménique se propage par des tentatives d’union des différentes confessions chrétiennes par le dialogue et des initiatives concrètes au détriment de la recherche de la réintégration des chrétiens séparés dans l’Église catholique, le terme de catholicité de l’Église, si utilisé jusqu’au XXe siècle, semble avoir disparu des discours. Or, présent dans la confession de foi chrétienne depuis les premiers conciles œcuméniques, il précise ce qu’est la véritable Église, la distinguant de toutes les communautés qui prétendent l’être de manière illégitime et erronée.

Devons-nous alors chercher l’unité des chrétiens en oubliant qu’elle n’a de sens que si elle répond à une finalité ? Rappelons en effet la prière de Notre Seigneur Jésus-Christ lors de son agonie.» « Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, par leur parole, croiront en moi, pour que tous ils soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous, - pour que, eux-aussi, ils soient un en nous, afin que le monde croie que vous m’avez envoyé. » (Jean, XVII, 20-21) L’unité n’a de sens que si elle réside en Dieu. Elle doit conduire à la communion des âmes en Dieu, de toutes les âmes. Et cette unité des chrétiens en Dieu doit être visible pour devenir une preuve de fait de la mission divine de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est venu réunir tous les hommes pour les conduire en Dieu afin qu’ils participent à sa gloire. « Et je leur ai donné la gloire que vous m’avez donné, afin qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux, et vous en moi, afin qu’ils soient consommés en un, et que le monde connaisse que vous m’avez envoyé, et que vous les avez aimés comme vous m’avez aimé. »(Jean, XVII, 22-23). La religion chrétienne a donc pour finalité de consommer les hommes en Dieu ! Quelle expression admirable !


Notes et références
[1] Toutes les religions se valent-elles ?, www.visesavie.com.
[2] Pèlerinage annuel, le 4ème dimanche de juillet, depuis 1954. Initiative venant de Louis Massignon.
[3] Le Monde de demainLe piège de l’œcuménisme, novembre-décembre 2012, www.mondedemain.org.
[4]  Concile de Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, 5ème session, Chap. III, 22, 21 novembre 1964, Denz. 4146.
[5] Saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Smyrniotes, VIII, 2, Les Écrits des Pères apostoliques, Les éditions du cerf, 1963.
[6] Saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Smyrniotes, VIII, 2, Les Écrits des Pères apostoliques, Les éditions du cerf, 1963.
[7] Le Martyre de PolycarpeLes Écrits des Pères apostoliques.
[8] Le Martyre de Polycarpe, VIII, 1, Les Écrits des Pères apostoliques.
[9] Le Martyre de Polycarpe, XVI, 2, Les Écrits des Pères apostoliques.
[10] Le Martyre de Polycarpe, XIXI, 2, Les Écrits des Pères apostoliques.
[11] Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèse XVIII, pré baptismale sur le symbole de foi dans
[12] Voir Saint Thomas d’Aquin, Le Credo, article 9, n°137 à 139, Nouvelles éditions latines, 1969.
[13] Définition de l’œcuménismewww.paris.catholique.fr.
[14] Éric Suire, Vocabulaire historique du christianisme, édition Armand Colin, 2004.
[15] Alliance évangélique (1846).
[16] Association pour la promotion de l’Unité des Chrétiens (1857).
[17] Daniels-Rops, Ces Chrétiens, nos frères, chap. VI, Fayard, 1965.