" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 13 mai 2016

L'œcuménisme

« Chrétiens, juifs, musulmans, bouddhistes, etc., nous avons tous le même Dieu ». Combien de fois avons-nous entendu ce truisme hérissant ? Généralement, il est suivi d’une autre affirmation encore plus agaçante : « tous les croyants ont le même Dieu, toutes les religions se valent. » Ainsi faut-il les respecter, les tolérer, les accepter. Il n’est pas rare d’entendre de telles inepties. Est-il nécessaire de revenir sur ces paroles tant elles renferment de sottises et d’inconséquences ? Devant un tel discours, il nous arrive de nous taire tant il nous désespère. À quoi bon en effet d’en discuter ? Cependant, emportés par un certain optimisme, nous essayons de discuter et nous réfutons sans difficulté de telles stupidités. Sans nous entendre, notre interlocuteur nous répète d’autres paroles aussi insensées d’un ton aussi affirmatif et angélique : « les religions expriment toutes la vérité mais d’une manière différente. » Puis poursuivant sa leçon, il lance cette bravade à l’intelligence : « l’important, c’est de vivre authentiquement sa foi et d’être sincère dans ses convictions. » Ainsi, ajoutant les phrases les unes après les autres, il insiste sur la sincérité du croyant et sur les valeurs de toute religion, réclamant pour chacune d’entre elle respect et tolérance tant qu’elles sont vécues de manière authentique, sans fanatisme ni violence. Ce discours inlassablement entendu s’achève généralement par une ode à la paix, à la fraternité et au dialogue. « Trouver les chemins du dialogue, apprendre à se connaître et à se respecter, créer des lieux de rencontre et d’engagement pour un monde plus juste et plus fraternel… »[1]

Ce discours mainte fois entendu nous étonne, voire nous effraye, quand il sort de la bouche d’un chrétien. Si effectivement toutes les religions « disent au fond la même chose », pourquoi continue-t-il en effet à croire en Notre Seigneur Jésus-Christ comme seul moyen de parvenir au salut ? Pourquoi est-il finalement encore chrétien ? Que de contradictions dans ces nobles et vaines idées ! Comment notre interlocuteur peut-il continuer à croire et à pratiquer une religion qui finalement ne serait pas meilleure qu’une autre ? « Il est arrogant de croire que la religion chrétienne est la seule vraie. Votre vision du monde est fausse », nous dit-on. Dieu l’a voulu ainsi ; chacun doit trouver sa voie selon sa culture, ose-t-il affirmer. Avec la même foi, il nous apprend que chaque religion est un chemin particulier pour L’atteindre. « Nous avons tous le même Dieu », insiste-il finalement. Telle est le leitmotiv d’une pensée politiquement correcte, celle d’un œcuménisme insensé

Comment ce discours est-il tenable ? Et pourtant, combien de fois l’avons-nous entendu sans qu’il éveille la moindre interrogation ?

Ce ne sont pas que de vains mots. Il donne lieu à des actes concrets. Le pèlerinage des sept dormants d’Éphèse[2] en est un exemple sans-doute le plus caractéristique. Des chrétiens et des musulmans se retrouvent chaque année dans un pèlerinage pour prier ensemble dans un hameau des Côtes d’Armor. « Le but ultime de l’action œcuménique est d’établir une communion dans le monde, qui réconciliera toutes les Églises – et par la suite toutes les religions – dans une « civilisation d’amour » qui regroupera tous les enfants de Dieu. »[3] Nous voilà en fait aux buts : éviter les conflits religieux en les rassemblant ou du moins en les mettant sous un même pied d’égalité. Un tel objectif est peut-être louable. La recherche de la paix par le dialogue interreligieux et l’unité des religions est en effet honorable mais n’est-elle pas un leurre ou encore une de ses nombreuses intentions aussi vaines que dangereuses ?

Pour répondre aux questions que de telles paroles soulèvent, nous allons d’abord nous interroger sur ce qu’est l’œcuménisme. Il est en effet temps d’aborder cette notion …

L’œcuménisme au sens d’universalité

Le mot « œcuménisme » vient du verbe grec « oikein » qui signifie « habiter ». L’« œcoumène » (« oikouménê ») est le monde habité, l’univers où les hommes ont élu domicile par opposition à la terre désertique, inhabitée et stérile. Une chose est ainsi dite œcuménique lorsqu’il concerne toute la terre habitée.

À plusieurs reprises, le Nouveau Testament emploie un terme équivalent. « Cet évangile du royaume sera prêché dans le monde entier (« oikoumenh »), pour être un témoignage à toutes les nations ; alors viendra la fin. » (Matth., XXIV, 14) Dans son Épître aux Hébreux, Saint Paul nous dit que « Dieu a soumis le monde à venir » (Hebr., II, 5), le monde nouveau sorti de l’Évangile. Dans ces deux passages, l’œcuménisme concerne l’universalité de la foi. La bonne nouvelle doit être entendue de tous les hommes sans exception, sur tous les continents.

Mais comment peut-être être entendue si elle n’est pas annoncée ? Ainsi l’œcuménisme implique nécessairement la prédication. Les Apôtres sont dépositaires d’un message à prétentions universelles qui doit être adressé à tous les hommes. Envoyés par Notre Seigneur Jésus-Christ, ils doivent parcourir le monde habité pour répandre son enseignement. Et lorsque la parole atteindra tous les hommes, « viendra la fin » (Matth., XXIV, 14). L’œcuménisme manifeste donc le temps qui sépare la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ jusqu’à son retour, jusqu’au jour où le temps sera accompli.

Saint Paul nous parle aussi d’un « monde à venir », d’une terre nouvelle. Par la prédication de l’Évangile, les Apôtres inaugurent en effet une ère nouvelle, c’est-à-dire un monde et un temps nouveaux qui s’achèveront dans l’éternité, un monde et un temps nécessaires pour que se développe et s’étende l’Église. Ainsi le terme d’œcuménisme nous renvoie à la notion de l’Église, à son universalité. Tous les hommes peuvent en effet y entrer comme toutes les parties du monde habité ne peuvent échapper à son extension. Le temps qui nous reste avant que vienne la fin du monde est le temps de son développement. La fin viendra alors quand elle aura atteint sa plénitude. L’œcuménisme nous renvoie ainsi à la mission universelle de l’Église.


Or l’universalité de la foi et de l’Église implique nécessairement l’idée de l’unité ou du moins soulève la question de l’unité. Notre Seigneur Jésus-Christ est venu pour réunir tous les hommes dans le Royaume de Dieu, « pour que tous ils soient un, comme vous mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous » (Jean, XVII, 21). Il est venu pour unir tous les hommes en Dieu. Remarquons que nous retrouvons la notion de religion telle que Saint Augustin la définie, c’est-à-dire l’établissement de liens entre Dieu et les hommes. L’universalité de la foi et celle de l’Église ont pour finalité de réunir tous les hommes en Dieu afin que tous puissent entrer dans son Royaume. Ainsi l’œcuménisme nous renvoie plutôt vers la propagation de l’Église et son unité. Il souligne la permanence de la religion chrétienne dans le monde et le temps.



Le concile œcuménique

Le terme d’œcuménisme est aussi utilisé pour distinguer des conciles dits provinciaux ou nationaux. Un concile œcuménisme désigne un concile qui regroupe, au moins théoriquement, l’ensemble des évêques de l’Église en communion avec le Pape. 

Un concile est dit œcuménique s’il répond à trois critères. D’abord, l’ensemble des évêques légitimes, c’est-à-dire ceux qui exercent une juridiction en union avec le Pape, doivent y être convoqués. L’ensemble de l’épiscopat en communion avec le Saint Père représente toute l’Église catholique. Il n’est pas nécessaire que tous les évêques y soient présents. Les premiers conciles œcuméniques regroupent en effet une très grande majorité des évêques d’Orient. L’Occident y est très faiblement représenté. C’est plus une représentation morale que physique. Puis la convocation du concile doit être acceptée ou consentie par le Pape. Enfin, les décisions doivent avoir un caractère obligatoire et pour cela être confirmées par le Pape.

L’œcuménicité d’un concile désigne la totalité au moins morale de l’ensemble des évêques légitimes constituant l’Église, c’est-à-dire en communion avec le Pape, réunis sous l’autorité du Saint Père. Nous retrouvons l’idée d’unité de l’Église couverte par l’autorité pontificale. « Il n'y a jamais de concile œcuménique qui ne ce soit comme tel confirmé ou au moins reçu par le successeur de Pierre ; et c'est la prérogative du pontife romain de convoquer ces conciles, de les présider et de les confirmer »[4] Le terme d’œcuménique nous renvoie ainsi à l’idée de communion.

Catholicité de l’Église

Un autre terme se rapproche de la signification d’universalité. Il s’agit de l’expression «  catholicité ». Est en effet dit « catholique » ce qui est répandu dans tous les lieux et existant dans tous les temps. Il provient du mot grec « kaqolou », qui signifie « universel » au sens de « général ».

Le terme de « catholique » peut être entendu de différentes façons. Il peut d’abord désigner la diffusion effective de l’Église dans tous les pays du monde ou du moins sa capacité à s’étendre à toutes les contrées de la terre, à rayonner partout avec sa doctrine et à se développer physiquement dans toutes les régions du globe. Il peut aussi désigner l’universalité au sens temporel. L’Église doit durer sans interruption, elle comme sa doctrine et son gouvernement, jusqu’à la fin du monde. Enfin, l’Église est universelle au sens où elle s’adapte à tous les hommes, sans exception, quelles que soient leur origines, leur civilisation, leur histoire. Elle accomplit sa mission à l’égard de tous les hommes, offrant à tous, sans discrimination, les moyens de salut dont ils ont besoin. Le terme de « catholicité » désigne donc l’universalité de la mission de l’Église…

Il faut alors distinguer l’extension physique de l’Église dans le monde entier, son développement par la fondation des communautés autour des évêques, de sa destinée et de son aptitude à s’étendre. L’Église est catholique car Elle a reçu de son fondateur la faculté interne et la mission de se répandre dans tous les peuples. Elle a, dès le commencement de son activité, fait consciemment effort, conformément à sa vocation, pour devenir une Église universelle. Si elle possède la « catholicité morale », c’est-à-dire la puissance de s’étendre en tout lieu et de durer sans discontinuité, elle l’obtient physiquement, concrètement de manière successive et progressive, par la réalisation d’œuvres humaines, c’est-à-dire par l’apostolat. L’Église catholique aurait-elle touché tous les continents sans les Apôtres et leurs successeurs, sans les missionnaires ?

Saint Ignace d’Antioche est le premier auteur chrétien à utiliser ce terme dans la lettre qu’il adresse aux chrétiens de Smyrne. « Là où est le Christ Jésus, là est l’Église catholique »[5]. Il veut en fait distinguer la communauté chrétienne légitime de celle qui n’est pas. La légitimité d’une communauté chrétienne s’appuie sur l’évêque. « Suivez tous l’évêque, comme Jésus-Christ suit son Père […] Là où paraît l’évêque, que là soit la communauté de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Église catholique »[6] Le terme semble donc désigner la véritable Église par opposition à toutes les communautés qui s’approprient de ce titre à tort. Le terme de catholicité renvoie donc à la notion de légitimité.

L’auteur de l’acte du martyre de Saint Polycarpe utilise aussi l’expression d’« Église catholique ». Il semble l’employer pour la distinguer de l’Église locale. « L’Église de Dieu qui séjourne à Smyrne à l’Église de Dieu qui séjourne à Philomélium et à toutes les communautés de la Sainte Église catholique qui séjourne en tout lieu »[7]. Saint Polycarpe l’utilise aussi dans le même sens. Il prie en effet « pour tout l’Église catholique répandue par toute la terre. »[8] Le terme ainsi employé indiquerait l’Église dans sa totalité. Mais dans un autre passage, il parle d’« Église catholique de Smyrne »[9]. Enfin, l’auteur de l’acte désigne Notre Seigneur Jésus-Christ comme « le berger de l’Église catholique par toute la terre. »[10] Le terme caractérise donc sans aucun doute la véritable Église fondée par Jésus-Christ.

Dans sa catéchèse, Saint Cyrille de Jérusalem précise que « l’Église est appelée catholique parce qu’elle existe dans le monde entier, d’une extrémité à l’autre de la terre ; et parce qu’elle enseigne de façon universelle et sans défaillance toutes les doctrines que les hommes ont besoin de connaître […] parce qu’elle soumet à la vraie religion tout le genre humain […] parce qu’elle soigne et guérit universellement toute espèce de péché […] parce qu’elle possède en elle toute espèce de vertus […] »[11]. Finalement, « il n'y a que la Sainte Église catholique dont la puissance s’étende sans bornes sur toute la terre. » Ainsi, le terme de « catholicité » désigne une des marques qui permettent distinguer la véritable Église ou encore un signe qui nous permette de l’identifier. En outre, elle indique plus sa puissance universelle.

Dans son commentaire du Credo[12], Saint Thomas d’Aquin définit l’universalité de l’Église sous trois aspects : le lieu, le temps et la condition des hommes qui la composent. La catholicité est une des quatre qualités qui la caractérisent.

Sens nouveau d’œcuménisme

Depuis le XXe siècle, l’œcuménisme est essentiellement entendu comme « un vaste mouvement de chemin vers l’unité entre les confessions chrétiennes »[13] ou encore « mouvement en faveur de l’unité des Églises chrétiennes »[14]. Il se manifeste par des organisations qui encouragent le dialogue entre les différentes confessions chrétiennes, par des rencontres et des accords ou encore par la réalisation d’actes concrets comme la publication d’une Bible dite œcuménique.

Le mouvement œcuménique a commencé dans le milieu protestant dès le XIXe siècle par différentes initiatives afin de réunir les différentes communautés nées de la Réforme[15]. Des associations œcuméniques se créent aussi entre des églises différentes pour les rapprocher, comme l’Association des Églises orientales (1870) qui réunit anglicans et orthodoxes. D'autres cherchent à regrouper des chrétiens de toute confession chrétienne en vue de leur réconciliation[16]. Le mouvement s’étend surtout dans le monde anglophone. Après les deux guerres mondiales, il prend une dimension internationale, notamment par la création du Conseil Œcuménique des Églises en 1948. Il est l’« association fraternelle d'Églises qui confessent Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Écritures et s'efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit » L’œcuménisme tend vers l’union.

Parallèlement, dans le catholicisme, des associations et des initiatives se créent pour favoriser l’union des Chrétiens et plus précisément le retour des Chrétiens, protestants, anglicans, orthodoxes dans l’Église catholique. Le début du XXe siècle est marqué par des mouvements de conversions vers le catholicisme, en particulier dans l’anglicanisme. L’œcuménisme est donc vu comme un « retour ».

Les deux mouvements œcuméniques – union ou retour - que nous venons d’évoquer sont clairement opposés. Il n’est pas possible en effet d’appeler l’unité des Chrétiens par l’élaboration d’une confession de foi commune et en même temps par le retour des Chrétiens séparés à Rome. 


Dans le premier mouvement « union », toutes les confessions dialoguent sur un même pied d’égalité en vue d’effacer les divisions par la recherche de points communs auxquels peuvent adhérer les Chrétiens. Il s’agit donc de distinguer les différences et les points de rapprochement possibles par entente et compromis, chacune des confessions étant censées résider dans la vérité. Le mouvement œcuménique conduit à une union de communautés, considérées chacune comme églises particulières, chacune étant considérée comme légitime et autonome.

Dans le second mouvement « retour », l’unité passe par l’adhésion à une confession de foi préexistante sous l’autorité du Pape. Elle est indissociablement liée à la reconnaissance de la valeur unique de vérité et de sanctification de l’Église catholique et donc à une prise de conscience des différentes confessions de leurs erreurs et de leur illégitimité. Ainsi parle-t-on de « frères séparés » pour distinguer les chrétiens qui ne demeurent plus dans l’Église catholique. Il existe ainsi une seule Église, indivisible, sous le gouvernement d’une seule autorité, celle du Pape. L’œcuménisme soulève ainsi la question de l’Église et de l’unité de gouvernement.

Qu’ils soient union ou retour, les mouvements œcuméniques se distinguent selon les moyens utilisés pour y parvenir. Ainsi pouvons-nous distinguer :

  •        l'œcuménisme pratique : il favorise les rencontres entre des Chrétiens pour une meilleure compréhension. L’effort est porté sur l’action et la vie commune ; 
  •        l'œcuménisme théologique : il détermine les bases doctrinales de l’œcuménisme, étudie les différences doctrinales entre les confessions, les problèmes qui les séparent, etc. Se développe aussi une théologie de l’œcuménisme ;
  •        l'œcuménisme spirituel : il unit des chrétiens dans les prières, reconnaissant que Dieu seul réalisera l’unité des Chrétiens (œcuménisme spirituelle). 
Depuis les années 60, en particulier depuis le Concile de Vatican II, la position de l’Église catholique a fortement évolué. Nous pouvons même parler de rupture. Abandonnant l’œcuménisme par réintégration des Chrétiens séparés à l’Église catholique, les autorités romaines semblent désormais privilégier le mouvement œcuménisme par accord, compromis, union des différentes confessions. Cela signifie-t-il que l’Église catholique ne détient plus la pleine et entière vérité ou qu’elle n’est pas la seule voie de sanctification ? La position des autorités romaines est plus complexe et ambigüe…

Quelle que soit sa nature, le mouvement œcuménique soulève la question de l’Église, de son unité et de sa valeur, et plus précisément de la communion de la foi…

Dialogue interreligieux

Dans un sens plus large, l’œcuménisme est parfois entendu comme la recherche d’unité entre de toutes les religions. Mais généralement, le terme de « dialogue interreligieux » est privilégié. Il se manifeste par des rencontres entre les différents représentants des religions non-chrétiennes et par des déclarations communes. La réunion d’Assise en octobre 1986 en est un exemple.


Conclusions

Très longtemps, l’œcuménisme était entendu sous le sens d’universalité de la foi et de l’Église, c’est-à-dire en rapport à la mission universelle de l'Église de répandre la Parole de Dieu dans le monde entier, à tous les hommes sans exception. Or depuis deux siècles, le terme a profondément changé de sens. Il est désormais entendu comme un état d’esprit en vue de l’unité chétienne. « L’œcuménisme, c’est désormais un élan vers l’unité, un effort pour établir entre tous les chrétiens un climat d’affection fraternelle. »[17] Il ne fait plus référence à la mission universelle de l’Église, à la propagation de la foi.

Alors que le mouvement œcuménique se propage par des tentatives d’union des différentes confessions chrétiennes par le dialogue et des initiatives concrètes au détriment de la recherche de la réintégration des chrétiens séparés dans l’Église catholique, le terme de catholicité de l’Église, si utilisé jusqu’au XXe siècle, semble avoir disparu des discours. Or, présent dans la confession de foi chrétienne depuis les premiers conciles œcuméniques, il précise ce qu’est la véritable Église, la distinguant de toutes les communautés qui prétendent l’être de manière illégitime et erronée.

Devons-nous alors chercher l’unité des chrétiens en oubliant qu’elle n’a de sens que si elle répond à une finalité ? Rappelons en effet la prière de Notre Seigneur Jésus-Christ lors de son agonie.» « Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, par leur parole, croiront en moi, pour que tous ils soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous, - pour que, eux-aussi, ils soient un en nous, afin que le monde croie que vous m’avez envoyé. » (Jean, XVII, 20-21) L’unité n’a de sens que si elle réside en Dieu. Elle doit conduire à la communion des âmes en Dieu, de toutes les âmes. Et cette unité des chrétiens en Dieu doit être visible pour devenir une preuve de fait de la mission divine de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est venu réunir tous les hommes pour les conduire en Dieu afin qu’ils participent à sa gloire. « Et je leur ai donné la gloire que vous m’avez donné, afin qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux, et vous en moi, afin qu’ils soient consommés en un, et que le monde connaisse que vous m’avez envoyé, et que vous les avez aimés comme vous m’avez aimé. »(Jean, XVII, 22-23). La religion chrétienne a donc pour finalité de consommer les hommes en Dieu ! Quelle expression admirable !


Notes et références
[1] Toutes les religions se valent-elles ?, www.visesavie.com.
[2] Pèlerinage annuel, le 4ème dimanche de juillet, depuis 1954. Initiative venant de Louis Massignon.
[3] Le Monde de demainLe piège de l’œcuménisme, novembre-décembre 2012, www.mondedemain.org.
[4]  Concile de Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, 5ème session, Chap. III, 22, 21 novembre 1964, Denz. 4146.
[5] Saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Smyrniotes, VIII, 2, Les Écrits des Pères apostoliques, Les éditions du cerf, 1963.
[6] Saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Smyrniotes, VIII, 2, Les Écrits des Pères apostoliques, Les éditions du cerf, 1963.
[7] Le Martyre de PolycarpeLes Écrits des Pères apostoliques.
[8] Le Martyre de Polycarpe, VIII, 1, Les Écrits des Pères apostoliques.
[9] Le Martyre de Polycarpe, XVI, 2, Les Écrits des Pères apostoliques.
[10] Le Martyre de Polycarpe, XIXI, 2, Les Écrits des Pères apostoliques.
[11] Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèse XVIII, pré baptismale sur le symbole de foi dans
[12] Voir Saint Thomas d’Aquin, Le Credo, article 9, n°137 à 139, Nouvelles éditions latines, 1969.
[13] Définition de l’œcuménismewww.paris.catholique.fr.
[14] Éric Suire, Vocabulaire historique du christianisme, édition Armand Colin, 2004.
[15] Alliance évangélique (1846).
[16] Association pour la promotion de l’Unité des Chrétiens (1857).
[17] Daniels-Rops, Ces Chrétiens, nos frères, chap. VI, Fayard, 1965.

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