" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


lundi 24 septembre 2012

L'évolutionnisme, une idée aussi vieille que la science


L'idée d'une évolution des espèces n'est pas récente. Elle ne date pas du XIXème siècle. De nombreux partisans de l'évolutionnisme invoquent en effet des hommes illustres, parfois très anciens. Ils considèrent généralement Anaximandre (610 av. J.C.- vers 546 av. J.C.) comme le premier « savant » évolutionniste. Philosophe grec, il est le disciple de Thalès et le remplace à la tête de l'école de Milet. Parmi ses élèves, nous pouvons citer par exemple Pythagore. Nous ne disposons aujourd'hui aucun de ses ouvrages. Cependant, nous connaissons ses idées par l'intermédiaire de philosophes grecs, notamment par Aristote. 


Les philosophes de l'école de Milet croyaient en l'existence d'un mouvement perpétuel, puis en un principe et en un moteur premier. Thalès constate en effet que toute chose ici-bas naît et meurt. Il suppose donc l'existence d'un substrat unique à tous les germes et à toutes les dissolutions. L'eau serait ce substrat. Il devrait avoir aussi un moteur capable d'animer ces mouvements. Il confie ce rôle à un élément psychique, qu'il appelle âme. C'est probablement la première théorie qui se détourne de la mythologie. 

Anaximandre suit le même raisonnement que Thalès. L'existence éphémère qu'il constate exige l'existence d'une chose éternelle. « Si tout a dû commencer, rien n'a pu commencer, il faut donc au moins un éternel » (1). Ce qui est premier ne peut avoir été engendré. Il reconnaît aussi un principe en toutes choses. « Tout ce qui existe, ou bien est un principe, ou bien a un principe ». Mais, aucun élément particulier ne peut être identifié comme le principe duquel naissent toutes les réalités. Il doit en effet donner sans fin naissance à l'immense multitude des substances. Le principe est finalement sans limite. « Anaximandre […] déclara que le principe de l'élément des êtres est l'infini, ayant le premier introduit le nom de principe : il dit que ce n'est ni l'eau ni aucun de ceux qu'on appelle éléments mais une autre nature, infinie celle-là, de laquelle naissent tous les cieux et les mondes y inclus » (2). 

Selon Anaximandre, l'univers tire son origine de la séparation des contraires de la matière primordiale. La substance originelle s'est différenciée par un processus qui ressemble à une sorte de tourbillon. Le chaud et le froid se sont ainsi séparés, comme l'eau et le sec. L'homme est le produit final d'une évolution à partir d'animaux aquatiques. « Anaximandre de Milet estimait que de l'eau et de la terre étaient sortis soit des poissons, soit des animaux tout à fait semblable aux poissons. C'est au sein de ces animaux qu'ont été formés les hommes » (3). Il pensait que les premiers animaux étaient entourés d'une écorce mais qu'en avançant en âge, l'écorce séchait et se rompait pour donner naissance à d'autres animaux. C'est pourquoi Anaximandre est considéré comme le premier évolutionniste connu... 

Certes, les évolutionnistes rejettent sa théorie mais sont-ils vraiment éloignés de ce précurseur si antique ? Les évolutionnistes sont d'accord sur le fait de l'évolution et peuvent s'appuyer sur l'observation de la nature et sur les sciences pour définir des mécanismes d'évolution. Depuis l'antiquité, l'observation s'est considérablement affinée. La structure de l'organisme des êtres est mieux connue. La nature même semble dévoiler son histoire. Mais, le problème fondamental n'a pas changé. Qui est la cause de l'évolution ? Comme les philosophes grecques, les évolutionnistes modernes ne cessent de se disputer sur ce sujet. Est-ce le hasard, la sélection naturelle, des catastrophes, etc. ? Certes, les causes évoquées aujourd'hui sont plus sérieuses, mais fallait-il attendre 2500 ans pour parvenir au même point ? Pouvons-nous encore parler de progrès ?... 

Néanmoins, un point fondamental différencie les philosophes grecs de leurs prétendus successeurs évolutionnistes. En effet, Thalès, Anaximandre et d'autres encore ont aussi compris que le changement qui caractérise le monde ici-bas nécessitait une existence éternelle. Il n'y a pas de changement sans un principe de stabilité. Cette logique a été oubliée... 

Mais, pourquoi les évolutionnistes modernes sont-ils encore à ce stade d'évolution de la connaissance ? Les philosophes grecs qui ont succédé à Anaximandre peuvent nous donner des éléments de réponse. Connaître les principes de la nature et ses origines sont des questions d'ordre philosophiques et religieux. La science ne peut nous apporter une réponse dans ce domaine. Car, pour atteindre la vérité des choses, il faut impérativement dépasser les biens sensibles. Cette belle leçon est probablement le progrès fondamental de la connaissance que les philosophes anciens avaient connu. Il serait peut-être temps de prendre en compte les leçons de l'histoire ... 


1. Histoire de la philosophie ancienne, Paul Bernard Grenet, chap. I, édition 1993, cours de philosophie Beauchesne, p.14.
2 Simplicius, Commentaire sur la Physique d'Aristote, cité dans Histoire de la philosophie ancienne, p.14.
Sur le jour fatal, IV, 7, trad. de J. Mangeat, 1843.

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