" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


jeudi 20 septembre 2012

Brève étude historique de l'évolutionnisme

Un scientifique élabore rarement une théorie à partir de rien. Il développe, approfondit, clarifie, synthétise, simplifie ou radicalise des idées et des pensées qu'il a reçues de ses maîtres, de ses collaborateurs, de ses rencontres, de ses lectures, etc. Sa théorie est le résultat d'un enseignement reçu, de nombreuses influences et d'études personnelles. Elle a donc une histoire. Rares sont les scientifiques qui élaborent à partir de rien une théorie complète et convaincante... 

Une théorie est aussi influencée par les progrès de la connaissance et de la technologie, notamment au travers d'instruments d'observations plus perfectionnés. Ainsi, il arrive qu'elle perde des arguments qui le justifiaient, sans néanmoins disparaître. En dépit de ses lacunes ou de ses erreurs, elle peut même perdurer alors que ses argumentations ont perdu toute valeur. Car elle ne se fondent pas sur des faits ou sur des connaissances, mais sur des principes, c'est-à-dire sur des convictions, des philosophies, voire des idéologies. Le progrès des sciences peut aussi conforter la théorie par de nouveaux arguments jusqu'aux jours où de nouvelles observations en montreront les limites, voire les erreurs. Par l'étude de cette histoire, nous pouvons identifier ces principes qui sont véritablement les fondements de la théorie. 

Enfin, cette histoire est souvent sollicitée pour appuyer la légitimité d'une théorie et lui donner une certaine créance, surtout auprès d'un public profane. En rappelant les fantômes prestigieux du passé, elle n'apparaît pas comme le fruit de l'imagination ou d'une innovation subite mais comme le résultat d'un long processus naturel et par conséquent inéluctable. Elle entre ainsi dans la voie du progrès et ne peut donc être rejetée. Il est même avantageux que ce processus s'apparente comme le trophée d'un combat contre l'obscurantisme et contre la superstition. S'opposer à elle reviendrait alors à épouser le monde des ténèbres. Y adhérer serait au contraire une preuve d'intelligence et un nouveau moyen de conforter sa liberté. Une puissante dialectique se met ainsi en place. Le choix paraît donc clair. Il n'y a plus de choix...

Ainsi, pour imposer davantage sa théorie, notamment hors du monde de la recherche, on s'approprie des savants, des intellectuels, des philosophes, des hommes connus pour leur sérieux et leur probité. On constitue en quelque sorte une filiation, une série de sains témoignages en faveur de la théorie. Mais, ces fantômes dignes d'éloges ne sont plus là pour dire ce qu'ils en pensent exactement. Parfois, ces fantômes ne sont que le produit de notre mémoire collective, souvent plus disposée à ne garder que les bons côtés du personnage et à en oublier les aspects les plus critiquables. A nous donc de les retirer de l'histoire pour effectivement les entendre et les connaître afin de porter un regard critique sur les prétendus témoignages. Et parfois, ils ont beaucoup de choses à nous dire... 

Dans la deuxième édition de De l'origine de l'espèce, Darwin présente les scientifiques qui se sont approchés de la théorie de l'évolution et nomment aussi ceux qui l'ont aidé à l'élaborer. Des sites Web, des publications ou des conférences, en faveur de l'évolutionnisme, ont aussi identifié ceux qui ont traité ce sujet, et en particulier ceux qui ont inspiré Darwin, allant même citer des philosophes grecs comme les premiers évolutionnistes. Certains osent encore rappeler de l'oubli des prétendus scientifiques qui auraient subi la mort, notamment le bûcher, par la « détestable » inquisition pour avoir osé énoncer des principes évolutionnistes ! Tout est bon quand l'histoire supplée à des preuves scientifiques insuffisantes. Le public profane semble apprécier plus ce genre de justifications... 

Pour toutes ces raisons, nous avons voulu étudier l'histoire de l'évolutionnisme, notamment à travers les précurseurs du darwinisme, considérés comme tels par ses partisans. Nous avons donc fait ce travail fort intéressant qui mérite assurément une étude plus approfondie. Car à travers les différents prétendus « évolutionnistes » qui ont précédé Darwin, nous avons découvert des choses étonnantes. Au delà des faits et des interprétations, au delà même des découvertes scientifiques, nous avons rencontré des philosophies qui tentaient d'expliquer la nature. Parfois, à notre grande surprise, nous avons découvert de véritable théologie de la nature, proche du paganisme. Nous avons enfin décelé des mensonges, repéré des erreurs grossières et découvert des élucubrations aberrantes... 

Dans cet article, nous présentons uniquement les conclusions de notre étude. D'autres articles vous proposent de faire un rapide portrait des principaux précurseurs ou adversaires de l'évolutionnisme. Certains prônent une évolution des organismes vivants dans le cadre d'une philosophie matérialiste ou d'une opinion religieuse à tendance théiste (Giordano Bruno, Lamarck). D'autres étudient scientifiquement la nature sans adhérer à l'évolutionnisme et demeurent fidèles à leur conception chrétienne de la Création (Buffon, Linné, Ray). Des scientifiques adhérent à l'évolutionnisme, allant jusqu'à l'abandon de leur foi (Darwin). Enfin, certains savants trouvent une finalité dans l'évolution (Lamarck) quand d'autres la rejettent (Giordano Bruno,, Maupertuis), laissant le hasard seul moteur des changements... Notre étude nous permet dès maintenant d'énoncer quelques conclusions ... 

L'évolutionnisme n'est pas une évidence... 

L'étude de l'histoire de l'évolutionnisme nous permet d'abord de relativiser les propos de Darwin et de ses partisans : « on comprend facilement qu'un naturaliste qui aborde l'étude de l'origine des espèces et qui observe les affinités mutuelles des êtres organisés, leurs rapports embryologiques, leur distribution géographique, leur succession géologique et d'autres faits analogues, en arrive à la conclusion que les espèces n'ont pas été créées indépendamment les unes des autres, mais que, comme les variétés, elles descendent d'autres espèces. » (1). Non, l'évolution n'était pas une évidence pour tous les naturalistes sérieux… John Ray, Carl Von Linné et Buffon ont longuement et minutieusement étudié la nature et ont rejeté toute idée d'évolutions des espèces. Ils n'ont admis que des variations au sein des espèces. L'un des professeurs de Darwin, le plus estimé, Segdwick, s'est aussi fermement opposé à sa théorie. 

L'évolutionnisme, une pensée unique... 

Aujourd'hui, l'évolutionnisme est devenue une évidence car elle ne donne aucune possibilité à d'autres théories de naître et de se développer, très probablement pour des raisons non scientifiques. Avant la deuxième guerre mondiale, les « darwiniens » regrettait de ne pas être enseignés et connus en France à cause de l'omniprésence des théories transformistes de Lamarck. Vers les années 80, la théorie synthétique de l'évolution domine à son tour dans l'enseignement et la recherche. Ses adversaires évolutionnistes, dont les partisans de la théorie des équilibre ponctués, crient alors à « la rigidité dogmatique » (2)... Cette domination ne laisse guère de chance aux autres théories. Qui oserait braver les médias, les scientifiques vulgarisateurs, les centres de recherche, l'éducation nationale et tant d'autres encore ? A qui profite le crime ? Le vieil adage pourrait s'appliquer à cette situation si plus favorable à la quête de la vérité. Pourquoi une telle domination ? … L'évolutionnisme n'est pas une évidence. Pour des raisons encore floues à notre esprit, elle est devenue une pensée unique, guère propice au progrès de la science, à notre formation intellectuelle et à notre liberté. 

L'évolutionnisme empreint de philosophie et de religiosité... 

Les théories évolutionnistes sont-elles exemptes de conceptions philosophiques et religieuses ? Sont-elles en effet éloignées de la prétendue neutralité affichée ? Dans notre expédition à travers le temps, nous avons en effet découvert une réalité que nous avons tendance à oublier tant notre société est sécularisée et cloisonnée. Les scientifiques ou les pseudo-scientifiques qui ont vécu avant le XXème siècle ne se contentaient pas d'étudier une science ou plusieurs ; ils ont souvent développé une philosophie, voire une théologie, dans lesquelles leur théorie avait toute leur place. Giordano Bruno (1548-1600) prône une matière opératrice, créée par Dieu, toute puissante sur les êtres qu'elle produit. Comme d'autres savants, Maupertuis (1698-1759) développe un panpsychisme universel, croyant que toute réalité matérielle possède une nature psychique comme l'homme (conscience, mémoire, sensibilité). Lamarck croit que tout être naît, meurt, se transforme, selon un ordre des choses agissant, créé par Dieu et composé d'objets métaphysiques inconnaissables, dont l'ensemble forme ce qu'il appelle la nature. Nous retrouvons toujours dans ces philosophies un monde capable de se régir de lui-même, confinant Dieu à un rôle ingrat, celui d'être l'initiateur d'un dynamisme pour en n'être ensuite qu'un spectateur impuissant. 

La diversité des espèces compatibles avec la foi... 

Des scientifiques voient dans la diversité de la nature une preuve de la grandeur de Dieu et la confirmation de la conception chrétienne de la Création. John Ray croit absolument à la stabilité des espèces et voient dans la diversité la preuve de la sagesse et du pouvoir de Dieu. Linné, qui est probablement le premier à avoir classé d'innombrables êtres vivants, est aussi un naturaliste fixiste qui veut démontrer la grandeur de la Création divine. Buffon rejette toute idée d'évolution, ses observations confirmant sa conception chrétienne. Cuvier allie ses théories avec la Bible. 

Pour ces fondateurs ou initiateurs des sciences modernes, il n'y a pas incompatibilité entre leur découverte et leur foi. Avant notre siècle, les scientifiques, fondateurs de nos sciences modernes, ne sont pas et ne pouvaient pas être des scientifiques laïques ou neutres comme nous l'entendons aujourd'hui. Car leur théorie rencontre inéluctablement leur foi ou leur conception religieuse. Cela est surtout vrai pour l'évolutionnisme. Darwin a finalement abandonné sa foi. Reste à savoir qui influence quoi. Lamarck développe-t-il une conception religieuse pour mieux prendre en compte ses interprétations, ou ses observations sont-elles interprétées pour sauver sa conception religieuse ? 

L'étude historique de l'évolutionnisme permet de relativiser certains discours et de porter un regard plus critique sur des théories qui, finalement, ne sont pas aussi dénuées de philosophies et de religions que prétendent leurs partisans. Si aujourd'hui il domine les esprits, c'est peut-être pour la simple raison que la société a été convertie avant tout à une « religion » qui écarte Dieu de toute action réelle sur les êtres. Est-ce le résultat d'une conception d'un Dieu considéré comme un simple horloger, triste spectateur impuissant de son œuvre ? Ou encore d'un Dieu intellectualisé ? Mais cette philosophie ou cette religion butent toujours sur une difficulté insurmontable. Qui régit l'évolution ? Qui cause le mouvement tant constaté ? Le hasard, une nature déifiée, des gênes personnifiés, des catastrophes … Question qui remonte déjà à l'antiquité... 


1 Darwin, De l'origine des espèces, Introduction.
La Structure de la Théorie d'évolution, de Stephan Jay Gould, cité par Cyril Langlois, Université Bordeaux 1, www.planet-terre.ens-lyon.fr.

NB Les articles qui vont suivre vont traiter des précurseurs de l'évolutionnisme ou des savants naturalistes qui ont précédé cette théorie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire