Les principes de la stratigraphie
La Terre est constituée de couches terrestres. Elles se diffèrent en particulier par leur structure et par les fossiles que l'on peut y découvrir. Ils constituent véritablement les archives de l'histoire de la Terre. En étudiant la succession des couches, la stratigraphie tente de reconstruire les évènements géologiques.
Elle cherche à établir une chronologie relative des terrains, à partir de principes dont :
- le principe d'uniformitarisme : les structures géologiques passées ont été formées par des phénomènes agissant comme à notre époque ;
- le principe d'identité paléontologique : deux couches ayant les mêmes fossiles sont considérées comme ayant le même âge ;
- le principe d'horizontalité originaire : les couches sédimentaires se déposent horizontalement ;
- le principe de superposition : toute couche est considérée comme plus veille que celle qui la recouvre.
A partir de ces principes, on peut dater les différentes couches terrestres. La théorie d'évolution s'appuie sur ces datations, considérées comme des faits acquis. Il est donc intéressant de s'interroger sur ces principes.
Dans cet article, nous allons étudier le premier principe...
Uniformitarisme et catastrophisme
« Comme beaucoup de biologistes l'ont reconnu a posteriori, c'est avant tout l'uniformitarisme géologique qui les a poussés à accepter le concept d'évolution » (1). Le principe d'uniformitarisme est fondamental. Il est un des principes sur lesquels reposent les sciences de la terre et de la vie. Nous l'avons déjà rencontré dans la théorie de l'horloge moléculaire. Que dit-il exactement ? Il postule que les processus géologiques passés sont identiques à ceux que nous observons actuellement. Les causes anciennes sont identiques aux causes actuelles. Il y a continuité des causes dans le temps. Et ces causes sont lentes, de même intensité.
Cette doctrine s'oppose à la théorie du catastrophisme selon laquelle des évènements inattendus et brutaux ont contribué à la constitution de la Terre. Le catastrophisme est souvent relié au christianisme. On dénonce régulièrement l'influence de la religion sur cette théorie. A partir de la fin du XIXème siècle, elle a été finalement considérée comme erronée, absurde et sans valeur, alors qu'il dominait auparavant les sciences. Or, aujourd'hui, de brillants scientifiques la remettent en valeur sans que la religion n'intervienne. L'uniformitarisme est à son tour remis en cause après plus d'un siècle de domination ...
Au XVIIIème siècle, des scientifiques sont partisans d'une explication du monde fondée sur des bouleversements brutaux. Ils tentent d'expliquer le monde par des catastrophes naturelles. La Sainte Écriture est compatible à cette théorie. Les « catastrophistes » parviennent à faire progresser de manière considérable la géologie. Ils considèrent que les processus ayant modelé notre planète sont discontinus et évolutifs. La Terre et son aspect ont donc évolué au cours du temps par des causes qui elles-mêmes ont évolué. Cette évolution a en outre laissé des traces à partir desquelles il est possible de connaître cette histoire, de la reconstituer. C'est donc par ces indices qu'on peut expliquer ce qu'était la Terre au cours du temps. Il faut donc les récupérer, les identifier et les étudier...
Georges Cuvier |
Georges Cuvier est probablement le plus grand des catastrophistes. A partir de l'observation des strates de la terre et des fossiles, il constate des ruptures dans la faune et la flore fossiles. Il ne peut l'expliquer que par des catastrophes tant la rupture est brutale. La théorie permet donc d'expliquer les observations ...
Mais d'autres scientifiques penchent plutôt vers une vision continue et cyclique des processus. « Les causes invoquées aujourd’hui pour les phénomènes géologiques sont les mêmes que les causes invoquées anciennement » (2). C'est la théorie de l'actualisme et dans sa radicalité celle de l'uniformitarisme...
Charles Lyell est le géologue qui parviendra à faire triompher l'uniformitarisme au détriment du catastrophisme au point qu'il est considéré comme le fondateur de cette doctrine. Dans son livre Principle of geology, il présente une synthèse des connaissances géologiques de l'époque et combat la doctrine du catastrophisme. Cette œuvre connaît un succès mondial. Elle inspire profondément Darwin. Dans son ouvrage, Lyell expose en fait de manière claire et forte les idées d'un autre géologue, James Hutton. Ce dernier considère que les phénomènes sont permanents et de même intensité. Ainsi, le présent est la clé du passé. Il faut donc étudier les phénomènes présents et les replacer dans le passé. La doctrine ainsi élaborée est l'actualisme. Mais, Lyell radicalise les pensées de James Hutton. Seules des processus lents sont responsables de la formation de la croûte terrestre. Selon d'autres géologues, moins catégoriques, des causes lentes ne peuvent pas à elles-seules expliquer l'état de la nature présente. Ils ne refusent pas absolument de faire appel à des épisodes violentes.
Charles Lyell |
A partir de Lyell, l'uniformitarisme domine la pensée scientifique. Le catastrophisme est dénigré. Il faudra attendre par exemple 1980 pour que des scientifiques américains émettent l'hypothèse qu'une météorite ait pu percuter la terre. Des cataclysmes sont de nouveau envisagés. Nous voyons combien l'idéologie peut freiner considérablement la science !...
Cette opposition continuité / discontinuité se retrouve dans l'évolutionnisme. Darwin pense à la sélection naturelle comme moteur de l'évolution, une cause lente et continue, alors que Gould, fondateur de la théorie des équilibres gradués, parlent de catastrophes comme causes de l'évolution. Ces deux doctrines s'affrontent.
Les biologistes et les géologues sont confrontés à la même problématique : comment peut-on expliquer l'absence des organismes intermédiaires ? C'est le célèbre problème des « chaînons manquants ». En effet, s'il y a une lente évolution des êtres vivants, nous devrions retrouver tous les êtres intermédiaires entre les ancêtres communs et les espèces actuelles. Nous devrions être capables de retrouver tous les membres d'une même lignée. Or, il n'en est rien. En dépit des recherches, aucune trace de ces chaînes intermédiaires n'a été trouvée. Conscient de cette terrible faille du darwinisme, des géologues ont alors émis l'hypothèse des catastrophes pour expliquer cette rupture entre les espèces. On retrouve l'idée de Cuvier. Mais, ces géologues restent néanmoins résolument évolutionnistes. Pourtant, un nouveau problème apparaît : comment des mutations génétiques peuvent-elles subitement transformer des espèces ? Conscient de cette objection, Darwin a toujours prôné l'évolution graduelle, lente, pas à pas...
L'uniformitarisme et le néodarwinisme sont confrontés à la notion du temps, notion insaisissable. Devons-nous considérer le temps comme des instants continus où le passé n'est qu'un présent mais dépassé, ou comme des périodes discontinues où le passé est très différent du présent ? Certes, demain sera comme aujourd'hui, mais sur une période de millions d'années, en sommes-nous encore si sûrs ? Et cette hypothèse est purement intellectuelle, invérifiable. Elle est pourtant le fondement sur laquelle s'appuie toute la théorie synthétique de l'évolution...
1 M. Denton, Évolution, une théorie en crise, chapitre I, traduit de l'anglais par Nicolas Balbo, Flammarion, 1985.
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