" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


lundi 5 novembre 2012

Hadith, confusion et erreur...

Un hadith est une des sources de l'Islam. Il désigne une communication orale et par extension un recueil de traditions relatives aux actes et aux paroles de Mahomet et de ses compagnons. Dans le précédent article (1), nous avons montré qu'il posait problème à la doctrine du Coran incréé puisque les hadiths révélaient son insuffisance et son incomplétude. Le Coran est en effet impuissant à répondre aux besoins et aux préoccupations des musulmans. Des hadiths faux se sont alors multipliés. Tous ne sont pas en effet authentiques. Des savants ont donc du procéder à un examen pour identifier les vrais. Nous allons maintenant traiter de la canonicité des hadiths... 

Voici un exemple d'hadith : « Muhammad ibn 'Ibrâhîm at-Taymy rapporte avoir entendu 'Alqama ibn Waqqâs al-Laythy dire : j'ai entendu 'Umar ibn al-Khattâb dire du haut du minbar : j'ai entendu le Messager d'Allah dire : [La valeur de] l'action [réside] dans l'intention. A chacun selon son intention : celui qui s'expatrie pour [un certain bien de] ce bas monde ou pour épouser une femme, son expatriation lui sera comptée comme telle. » (2). 

Un hadith comprend une chaîne de transmission (« isnad »), composée d'un ou plusieurs rapporteurs, un contenu (« matn »), une partie ou une phrase commençante du texte (« taraf ») qui fait référence à la parole, à l'action, ... (3). 

L'authenticité d'un hadith se détermine traditionnellement selon 5 critères : 
  • la référence d'une autorité particulière (via l'isnad ou la taraf) ; 
  • la continuité de la chaîne de transmission ; 
  • le nombre de rapporteurs impliqués dans chaque étape de la chaîne ; 
  • la nature du texte et de la chaîne ; 
  • le sérieux et la mémoire des rapporteurs. 
Un hadith est finalement considéré comme authentique s'il remplit les cinq conditions suivantes (4) : 
  • il doit présenter une révélation de Dieu transmise par des mots de Mahomet, transmis eux-mêmes par relais ; 
  • chacun des rapporteurs composant la chaîne de transmission doit entendre et récolter le hadith du rapporteur précédent ; 
  • chaque rapporteur doit remplir les conditions d'honorabilité (moral, comportement religieux) et de fiabilité "technique" (capacité de mémorisation, connaissance de la langue, etc.) ; 
  • le récit ne doit pas aller à l'encontre d'un hadith authentique dont les rapporteurs sont sans conteste d'une fiabilité supérieure ; 
  • il ne doit pas contenir des défauts cachés, que seul peut relever un spécialiste du hadith. 
« Chaque rapporteur doit être digne de confiance dans sa religion ; il devra être connu pour être véridique dans son récit, de comprendre ce qu'il rapporte, savoir comment une expression différente peut modifier la signification du hadith, et de rapporter les mots du hadith in extenso, et pas seulement au niveau de sa signification » (5). 

En clair, l'authenticité du hadith dépend surtout de la qualité des rapporteurs et moins sur le contenu. 

Enfin, un hadith est accepté s'il est authentique ou bon, et s'il est abondant. Un hadith est bon si parmi les cinq conditions de l'authenticité, la condition portant sur la fiabilité technique n'est pas remplie pour un des rapporteurs. Un hadith est dit abondant si les chaînes de transmission abondent à chaque niveau de la transmission de manière à ce qu'il soit jugé impossible qu'ils se soit tous mis d'accord sur une erreur. 

Les hadiths sont rassemblés en six principaux recueils officiels, considérés comme des références chez les sunnites. Deux d'entre eux sont reconnus comme étant intégralement authentiques. L'un des quatre autres hadiths a probablement été « canonisé » pour des notions plus pragmatiques, comme celle d’utilité (6). Mais, la présence d'un hadith dans un de ces recueils officiels ne présuppose pas de son authenticité, ni de son acceptation immédiate. Et quand bien même il aurait été ensuite authentifié et accepté dans sa formulation, cela nécessite encore une étape de correcte compréhension et d'interprétation au moins à la lumière des préceptes coraniques et du reste du corpus de hadiths afin de savoir si ce hadith peut servir de base pour une argumentation. 

Nous venons ainsi de vous présenter très brièvement comment est reconnue la canonicité d'un hadith dans l'islam. Dans nos recherches, nous avons découvert un nombre impressionnant de manière de qualifier un hadith. Il existe au moins une trentaine de terminologies

Les critères de leur qualification et de leur canonicité nous rendent perplexes. Nous ne sommes pas les seuls puisque les musulmans eux-mêmes semblent être désemparés. A la question « qu'est-ce qu'un hadith authentique ? », « un homme a répondu : sont authentiques les hadiths qui ont un sens pour moi. [...] Un autre homme, un maître d'école, face à cette même question a déclaré : pendant dix ans je me suis interrogé à ce sujet et je ne sais toujours pas quels hadiths sont vrais ! Bien des musulmans résolvent la difficulté en refusant d'accepter les hadiths comme une révélation » (7). 

L'acceptabilité d'un hadith dépend uniquement de son authenticité, plus ou moins forte. Cette manière de juger est surprenante pour nous, chrétiens. Car dans le christianisme, il n'y a pas de véritable relation entre authenticité et canonicité. La véritable question pour nous est de savoir si un texte est inspiré ou non. Une parole de Notre Seigneur écrite dans le Nouveau Testament est véridique, non pas parce qu'elle est rapportée par un évangéliste authentifié mais parce que l'auteur a été considéré comme étant inspiré. Or, pour les sunnites, si une parole de Mahomet retransmettant une parole de Dieu est authentifiée, elle est déclarée comme canonique. Elle vaut parole de Dieu, même si elle n'est pas présente dans le Coran. 

Contrairement à nous, la question d'authenticité est fortement liée à la fiabilité des rapporteurs, c'est-à-dire à leur moralité, voire à leur capacité technique, donc à leur conscience et à leur compétence. Ils sont sensés transmettre un message de manière intègre. Il ne s'agit pas seulement de prouver que la chaîne de transmission est exacte ou complète, mais que les rapporteurs sont de bons musulmans. Mais comment juger qu'un rapporteur d'une chaîne de transmission est bon ou non ? Par sa réputation ? Que vaut une réputation 150 ans après les faits ? Suffit-il d'être compagnon de Mahomet pour être déclaré fiable ? Est-ce vraiment un gage de moralité ? L'exemple de Judas nous montre que cela n'est pas aussi évident. Un spécialiste est-il alors capable de scruter la conscience des hommes et de connaître exactement leur intention ? Or, ce pouvoir n'appartient qu'à Dieu... 

Et sur quels critères pouvons-nous juger qu'il est un bon musulman ? Par le Coran. Or, le Coran a été écrit à partir de tout ce qui avait été retranscrit des révélations de Mahomet par ses compagnons et tout ce que les compagnons avaient retenus de ses paroles8. Qui nous garantit que ces compagnons sont de bons musulmans puisqu'ils garantissent eux-mêmes la véracité du Coran et donc cette « bonté » ? Ils sont juges et parties. Que vaut alors leur témoignage ?... 

Et la « moralité » est-elle gage de véracité ? Saint Pierre a bien renié le Christ. Certes, il a été pardonné, mais on pourrait légitiment penser qu'il n'est pas « fiable ». Cet exemple montre qu'il est aussi possible de faillir mais aussi de se ressaisir. Or, si la chute est parfois visible aux yeux de tous, le pardon est le plus souvent indiscernable. C'est encore une question de conscience, inaccessible à l'homme. 

Nous pouvons enfin douter de la fiabilité de ces chaînes de transmission par leur contenu. Rappelons qu'« un chercheur extrêmement approfondi, Ignaz Goldziher, a étudié les traditions du monde de 1870 à 1920, et ces études sont encore considérées parmi les meilleures jamais fait de recherche. Goldziher, à la recherche absolument impeccable, y compris la documentation extrêmement solide, a montré qu'un grand nombre de hadiths contenus dans les six collections étaient des faux pur et simple, ce qui signifiait que les isnads méticuleux qui les soutiennent sont également faux et fictifs. » (9). De plus en plus, des historiens sérieux remettent en doute les faits historiques cités par des hadiths, même authentiques. Nous devons en effet juger leur contenu qui doit être étudié et vérifié. L'authenticité n'est pas gage de véracité... 

Enfin, jugeons-nous uniquement le témoignage par la valeur morale du témoin, valeur dont la véritable qualité est connue de Dieu seul ? Pourquoi le peuple élu de Dieu a cru en Moïse ? Parce qu'il était bon ? Non. Pourquoi Jérusalem a-t-il suivi ses prophètes ? Parce qu'ils étaient de pieux Juifs ? Non. Pourquoi les apôtres ont-il converti des juifs et des païens ? Parce qu'ils étaient bons ? Non. Parce que Dieu les a recouvert de son autorité. Dieu s'est porté garant d'eux, notamment par les miracles. Un témoignage est véridique s'il est en effet recouvert d'une certaine autorité et plus largement d'une certaine garantie. Mais, comment pouvons-nous demander une telle garantie aux chaînes de rapporteurs quand Mahomet lui-même ne la possède pas ? ... 

Mais, selon la doctrine musulmane, l'authenticité ne suffit pas pour qu'un hadith soit accepté. Il faut aussi qu'il soit abondant. Est-ce que cela change vraiment le problème ? Ce n'est pas en effet une question de nombre. Si les témoins ne sont pas recouverts d'une certaine autorité, s'ils ne représentent pas des communautés dispersées dans l'espace comme dans le temps, si le contenu n'est pas « sensé », « cohérent » dans le temps et l'espace, que vaut ce nombre ? La tradition n'est pas uniquement garantie par une chaîne de transmission plus ou moins dense d'individus. Elle est encore plus forte que cela... 

Finalement, dans la doctrine musulmane, il y a confusion entre authenticité et canonicité, fiabilité des témoins et véracité du message transmis. Certes, l'authenticité comme la fiabilité des témoins apportent une certaine créance au message, mais elles sont insuffisantes comme elles ne sont pas nécessaires. 

En conclusion, les hadiths nous révèlent une profonde faiblesse de l'islam. Comme les musulmans ne peuvent pas s'appuyer sur une autorité couverte de l'autorité de Dieu, ils sont dans l'obligation de s'appuyer uniquement sur les hommes, notamment sur la qualité morale et sur la compétence des rapporteurs. Or, il est bien difficile et illusoire de juger uniquement un témoignage à partir de ces critères. C'est nettement insuffisant. Il n'y a finalement aucune garantie de la véracité de la doctrine de l'islam depuis son origine jusqu'à maintenant. Qui garantit la mission de Mahomet ? Qui garantit les témoignages des rapporteurs ? … Nous comprenons la perplexité des musulmans. Car l'islam est avant tout une doctrine conçue par des hommes pour des hommes qui ne peuvent s'appuyer que sur des hommes. Elle est purement humaine... Mais pourquoi un tel succès et une telle pérennité dans le temps ? Ce sera le sujet de nos prochains articles sur l'islam... 


1 Émeraude, novembre 2012, article « les hadiths, source de l'islam controversée ». 
2 Extrait de Sahîh Bukhârî - Chapitre le début de la révélation, cité dans http://blog.decouvrirlislam.net. 
www.hadith.net
http://blog.decouvrirlislam.net
5 Imam Al-shafi'i cité dans IslamFrance
6 Cité par remmm.revues.org en s'appuyant sur Jonathan Brown, 2007, The Canonization of al-Bukhārī and Muslim. The Formation and Function of the Sunnī Ḥadīth Canon, Leiden, Brill.
http://islam.faq.free.fr/livres/coranbib/hadith.htm.
Émeraude, janvier 2012,  article « connaissance de l'islam : la doctrine ». 
9 Site Croire, source de l'information religieuse, mb-soft.com/believe/tfw/hadith.htm

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