" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


jeudi 28 novembre 2013

La dhimmitude selon des témoignages anciens

Selon l’Islam, le non-musulman appartient en droit à la minorité avant de le devenir en fait. Sa trace ne subsiste guère de l’usure du temps. C’est pourquoi de fortes communautés chrétiennes semblent avoir disparu subitement de l’Histoire comme nous l’avons évoqué dans nos précédents articles [1]. « Les sources arabo-musulmanes évoquent rarement les dhimmî, rejetés commodément dans la non-existence »[2]. Mais ces populations parviennent à sortir de leur silence grâce aux témoignages de voyageurs et de diplomates occidentaux. Ces sources sont souvent délaissées par leur supposé manque d’objectivité. Bet Ye’Or, qui s’est consacrée à l’étude du statut des communautés dans les pays d’Islam, les a pourtant étudiées avec précaution et soin. Ces témoignages nous font en effet mieux connaître la vie des non-musulmans. 


Le Coran incite fortement le musulman à mépriser l’infidèle et l’incroyant. Telle est notre conviction qui se dégage de nos lectures et de notre étude. La vie d’un non-musulman n’a de sens que dans l’humiliation et l’aveu de son infériorité par rapport au musulman. En Espagne, nous avons pu constater qu’effectivement, la vie d’un chrétien en territoire musulman n’est guère enviable. Elle est faite de discriminations et d’humiliations. La fuite, la clandestinité ou l’héroïsme sont les seules solutions qui lui restent. Ou encore la conversion...

Les témoignages recueillis par Bet Ye’Or montre qu’effectivement dans les faits les chrétiens et les juifs font l’objet de discriminations, de ségrégation et d’humiliations. L’image du non-musulman dans le Coran n’est pas qu’un symbole. Le sort des mozarabes en Al-Andalousie n’est pas unique. D'autres régions conquises l'ont aussi connu. La persévérance dans « l’erreur » condamne les non-musulmans à l’avilissement...

Notre objectif n’est pas de souligner le mépris et les humiliations qu’ont subis les non-musulmans et qu’ils subissent encore, mais de montrer les liens entre le Coran et les faits. L’homme est faible et peut de lui-même commettre des méfaits au nom de la religion. Cette dernière ne devient alors qu’un paravent de ses vices et de ses fautes. Dans ce cas, il est peu pertinent de condamner la religion. Mais elle est légitimement condamnable si elle inspire le mal ou le favorise.

Qui sont ces témoins de l’Histoire ? 

Des diplomates, des consuls et des ambassadeurs britanniques qui écrivent dans leurs rapports ce qu’ils voient, des fonctionnaires en mission qui rendent compte de leurs activités, des voyageurs qui laissent leurs témoignages dans leurs récits, des lettres de personnalités, des historiens en recherche. Leurs témoignages datent du XVIIIème au début XXème siècle, voire du XVème siècle. « Les observations du voyageur occidental complètent souvent les autres sources encore que la part doivent être faite des préventions ou de l’intérêt personnel. On en saurait en effet mettre trop en garde le lecteur contre les préjugés d’Occidentaux latin à l’égard des juifs, des Grecs, des chrétiens monophysites et des musulmans ; toutefois, leurs témoignages apportent souvent des informations précieuses »[3].

Nous allons donc énumérer différentes pratiques vexatoires et humiliantes qu’ont pu subir les non-musulmans, essentiellement les juifs et les chrétiens, selon ces témoignages. 

Travaux de basse besogne

Dans le Kurdistan, les non-musulmans étaient taillables et corvéables à merci. Au Yémen, les Juifs devaient enlever les charognes et nettoyer les latrines publiques le samedi. Décrétée en 1806, cette corvée demeura en vigueur jusqu’en 1950, c’est-à-dire jusqu’à leur départ pour Israël. Toujours dans ce pays, les dhimmis devaient aussi décerveler et saler les têtes des condamnés et les exposer sur les murs des villes. Ils exerçaient même les fonctions de bourreaux. Ils accomplissaient finalement les tâches jugées déshonorantes par les musulmans.

Attitude d’infériorité

Les dhimmis devaient marcher les yeux baissés en passant à gauche des musulmans, côté jugé impur. Ils devaient laisser leur place aux musulmans s’ils les rencontraient. Le fait de laisser sa place est signe de faiblesse et donc d’infériorité. S’écarter devant une femme musulmane est encore considéré aujourd’hui comme étant déshonorant. 

Il leur était interdit de monter sur des animaux nobles comme le cheval [4] ou le chameau. « Et il y a une coutume en Syrie, que nul Chrétien qui soit connu n’ose aller à cheval parmi les rues des villes. Pour cette cause, notre [moucre] nous fait descendre messire et moi »[15]. Hors des villes, ils pouvaient monter à dos d’âne. Cela « marque le mépris que les Turcs font des chrétiens et des juifs qu’ils traitent à peu près de la même manière »[5]. Devant un musulman de rang élevé, le chrétien devait descendre de son âne, « car un chrétien ne doit jamais paraître devant un musulman que dans une posture humiliée »[6]. Jusqu’au début du XXème siècle, au Yémen et dans les campagnes du Maroc, de Libye, de l’Irak et de Perse, un juif devait descendre de son âne quand il apercevait un musulman sinon ce dernier était autorisé à le jeter à terre. Un voyageur note que les chrétiens et les juifs ne devaient même pas monter à dos d’âne à l’intérieur de Damas.

Effectivement,en 1793, un juriste égyptien résume cet interdit : « Ni juif ni Chrétien n’a le droit de monter à cheval avec ou sans selle. Ils peuvent monter sur âne [...] S’ils passent près d’un groupe de Musulmans, ils doivent mettre pied à terre et ne peuvent monter[un âne] qu’en cas d’urgence, maladie ou départ pour la campagne et leur chemin doit être rendu étroit »[16].
Au XVIIIème siècle, sous les ordres du roi Frédéric V du Danemark (1723-1766), le Danois Carsten Niebuhr mena une expédition pour étudier l’Arabie. Niebuhr a raconté qu’en 1761, au cours du séjour de son équipe au Caire, un médecin français y fut mutilé pour n’être pas descendu assez vite de son âne en croisant un seigneur musulman. Le simple passage de non musulmans à proximité des mosquées, de certaines maisons, ou de certains quartiers était considéré comme une profanation [7].

« Lorsqu’il venait payer ses impôts, le dhimmi devait se tenir debout à l’endroit le plus bas, se présenter tête basse, être traité avec dédain. Il fallait lui faire sentir que c’était lui faire une grâce que d’accepter de lui la jizia, l’humiliation pouvant être complétée par des soufflets ou des coups de bâton » [8]

Des maisons marquant leur infériorité

Dans les quartiers musulmans, les maisons des dhimmis jugées trop hautes étaient souvent détruites. Elles devaient paraître inférieures à celles des musulmans. A Constantinople, jusqu’au milieu du XIXème siècle, les maisons du quartier des nobles grecs étaient peintes de couleur sombre. A Damas, au XIVème siècle, les boutiques des chrétiens et des juifs devaient être abaissées au-dessous du niveau de la rue pour qu’ils paraissent devant les musulmans dans une position toujours inférieure.

Une ségrégation territoriale

Des quartiers musulmans étaient interdits aux juifs en Perse, au Yémen, en Afrique du Nord jusqu’au XIXème siècle. Ils vivaient dans des quartiers séparés enfermés dès le coucher de soleil. Cette pratique étaient en vigueur au Yémen jusqu’en 1950. L’accès de certaines villes leur était interdit. Le mellah désigne au Maroc le quartier où habitaient les juifs de la ville. Il était séparé de la ville par de hautes murailles. Dans la ville de Cordoue en Espagne, les chrétiens étaient concentrés dans des quartiers spécifiques, hors du centre ville. 

Signes vestimentaires

Les dhimmis devaient aussi se distinguer par des signes vestimentaires, la taille de leur cheveux, leurs turbans ainsi que l’apparence de leur épouse et de leurs enfants et serviteurs. De nombreux décrets définissaient ces distinctions. En Égypte et en Palestine, ils devaient porter des clochettes. Au IXème siècle à Qairouan, dans l’actuelle Tunisie, les chrétiens et les juifs portaient de manière ostensible leur ceinture sur leurs vêtements. 

Dans l’Égypte du XIIIe et XIVe siècle, les juifs devaient porter comme les chrétiens une coiffe particulière, en l’occurrence jaune pour être plus aisément reconnus. En 1354, ils devaient également porter un anneau métallique distinctif dans les bains publics et les femmes s’envelopper d’un tissu de couleur pour sortir de leurs maisons[9].

En absence de ces signes distinctifs, ils subissaient le fouet, l’incarcération et l’humiliation publique. Des consuls anglais notent que ces prescriptions étaient souvent rappelées dans l’empire ottoman. Ces signes étaient néanmoins absents dans la partie européenne de l’empire musulman (Grèce, Anatolie, Albanie) où les chrétiens étaient majoritaires.

Le port de vêtement distinctif permettait de les distinguer des musulmans et donc de les humilier. « L’humiliation des non musulmans et la multiplication des agressions à leur encontre à tout instant de la vie quotidienne étaient facilitées par les vêtements distinctifs qu’ils devaient porter, permettant de les reconnaître au premier abord ». Cette distinction est forte utile pour pressurer les non-musulmans de taxes. « Les vêtements distinctifs des dhimmis servaient également à les contrôler financièrement. Ils pouvaient être arrêtés dans les rues et devaient toujours pouvoir produire la preuve qu’ils avaient payé leur jizia » [10]

Une application selon les circonstances


« Ces contraintes furent tantôt abolies ou atténuées par un sultan ou un gouverneur bienveillant, tantôt rétablies pendant les périodes de guerre et de fanatisme à la demande des théologiens. Souvent une communauté persécutée dans une région fuyait et réussissaient à survivre en se plaçant sous l’autorité d’un prince musulman plus clément »[11]. 

L’application des règles discriminatoires variait selon les circonstances économiques, politiques et le favoritisme du pouvoir islamique envers une communauté au détriment des autres. Des prescriptions furent donc générales à tous les territoires musulmans ou localisées dans une région. L’Égypte se montrait particulièrement plus hospitalière et tolérant que le Yémen.

Elle dépendait aussi du milieu dans lequel vivaient les communautés. Les montagnes apparaissaient plus saines que les grandes plaines.

Elle dépendait enfin de la législation appliquée dans les pays ou plutôt des écoles religieuses qui la définissaient. L’école hanbalite, considérée comme « la plus dogmatique et la plus puristes des écoles d’interprétation de la jurisprudence de l’Islam sunnite »[12], impose les règles plus drastiques. Les autres écoles sont plus tolérantes.

Conditionnement

Les témoignages d’Occidentaux montrent combien la vie des non-musulmans était réglée par des prescriptions humiliantes de toute sorte. Le but était véritablement de leur montrer leur statut d’infériorité par rapport aux musulmans. Ils devaient vivre et ressentir quotidiennement cet état au point de croire à une infériorité réelle. « Le mépris pénétra les mœurs, modela les traditions, la conscience collective et les comportements. Les habitudes s’instaurèrent sans qu’il y eût peut-être de lois spécifiques ». Sous pression constante, les non-musulmans finissent par y croire. « Si vous allez leur expliquer la Dhimmitude, ils réfutent cette vision, ils ont peur, ils sont conditionnés par leur infériorité. Ils ne se mettent pas en relation d'égalité avec les musulmans »[13].

L’esprit du Coran a profondément conditionné les relations entre musulmans et non-musulmans. Ces relations se sont construites sur la discrimination et la ségrégation, sur l’humiliation et la vexation. Le musulman est supérieur au non-musulman et cette supériorité doit être visible et vécue tous les jours. Si le non-musulman accepte sa condition, sa vie lui sera garantie. « Les autorités musulmanes restent fidèles aux fondamentaux du Coran qui rabaissaient le dhimmi pour en faire un être inférieur, soumis aux caprices du vainqueur et à la violence des populations autochtones »[14]. Mais que voyons-nous derrière ce rapport sinon l’orgueil de l’homme qui bâtit ses relations sur des rapports de force et flatte son ego? L’esprit du nomade transparaît derrière cette réalité toujours actuelle. L’Islam inculque et attise cet esprit. Ainsi dans une société où l’homme apparaît faible, l’Islam se diffuse comme il se propage par la force des armes. Dans un tel cadre de vie, un non-musulman n’a que le choix entre la mort, la fuite ou la conversion… Ou encore la lente agonie comme celle des chrétiens orientaux …





Références

[1] Voir Émeraude, septembre et octobre 2013, article « Al-Andalousie : les chrétiens en terre musulmane » et « Les mozarabes, raisons d’une minorité en terre musulmane ».
[2] Bet Ye’Or, Les Chrétienté d’Orient entre jihad et dhimmitude, chapitre II, édition Jean-Cyrille Godefroy, 2007.
[3] Bet Ye’Or, Les Chrétienté d’Orient entre jihad et dhimmitude
[4] Interdiction de monter à cheval en Syrie au milieu du XVème siècle (Bertandon de la Brocquière, Le Voyage d’Outre-Mer), constatée aussi au XVIIIème siècle en Syrie (Charles Roux) et en Égypte (C. Niebuir, Voyage de M.Nebuir en Arabie et en d‘autres pays de l’Orient, 1780). Bertrandon de la Broquière appartient au service de Philippe le Bon, duc de Bourgogne.
[5] Mémoires du chevalier d’Arvieux, tome I. d'Arvieux est l'envoyé extraordinaire du Roi de France, consul d'Alep, de Tripoli et autres... Il a décrit ses voyages à Constantinople, dans l'Asie, la Palestine, l'Egypte, etc.
[6] A. Morrison cité dans Bet Ye’Or, Les Chrétienté d’Orient entre jihad et dhimmitude. Témoignage sous Louis XIV (1697).
[7] Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l’Islam et construire une humanité fraternelle et spécifique, Cariscript, 2010, Carsten NIEBUHR, Voyage de M. Niebuhr en Arabie et en autres pays de l'Orient. 
[8] Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l’Islam et construire une humanité fraternelle et spécifique, et Bat YE’OR, Juifs et chrétiens sous l’islam face au danger intégriste, Berg International Editeur, 2005. 
[9] Juifs en terre d’islam, Le statut de dhimmi, article d’akadem.org
[10] Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l’Islam et construire une humanité fraternelle et spécifique et selon Bat Ye’Or, Juifs et chrétiens sous l’islam face au danger intégriste. 
[11] Bet Ye’Or, Les Chrétienté d’Orient entre jihad et dhimmitude, chapitre II. 
[12] Encyclopédie universalis, article hanbalite.
[13] Bat Ye'Or, article Au Moyen-Orient, la dhimmitude chrétienne se paie par la vie, 1 octobre 2010, entretien dans le journal Foglio, 17 juin 2009. 
[14] Article Rapports entre dhimmitude et statut des juifs en terre chrétienne, Gérard Sylvain, Cahier d’études maghrébines, regards croisés sur la dhimmitude, n°3, 2012.
[15] Bertandon de la Brocquière, Le Voyage d’Outre-Mer, cité dans Interdits et obligations du dhimmi pour se déplacer, 5 décembre 2006, islamiquementcorrect.blogspor.fr.
[16] Al-Damanhûri, Iqamaat al Hujja al-bahira ala hadm kana'is Misr wa-l-Qahira cité dans Interdits et obligations du dhimmi pour se déplacer, 5 décembre 2006, islamiquementcorrect.blogspor.fr.

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