" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mercredi 27 août 2014

Nazisme et christianisme (2/2) : une vive inquiétude

Les évêques allemands ont condamné le nazisme. Certains d'entre eux n'ont pas hésité à excommunier les chrétiens qui en faisaient partie. Rome aussi a parlé de manière claire et nette. Le 21 mars 1937, le jour du dimanche des Rameaux, jour de grande influence dans les églises, l’encyclique Mit Brennender Sorge est lue en chaire dans toutes les églises allemandes. C’est un appel à la prudence, un rappel aux principes fondamentaux de la foi, une exhortation au combat. Les mots sont durs, clairs et précis. Pie XI va à l’essentiel. Si le terme de nazisme n’est jamais explicitement évoqué, il ne fait absolument aucun doute qu’il est l’objet du texte. Il s’adresse au pays et au peuple « auxquels saint Boniface a porté autrefois le lumineux message, la bonne nouvelle du Christ et du Royaume de Dieu. »[1]. Chose rarissime, l'encyclique s’adresse en allemand « sur la situation de l’Église catholique dans le Reich germanique ». En colère, Hitler fait saisir l'encyclique dans toute l’Allemagne. Elle est applaudie en Europe…
Il est bon de relire ce document, surtout en notre temps où la confusion est grande, où le découragement peut conduire certains d’entre nous à embrasser de mauvaises causes. Notre article a pour but de relever dans l'encyclique ce qui peut relever du « christianisme positif » tel qu'il est décrit par les grands pontifes du nazisme. Nous ne traiterons ni des violations du concordat que Pie XI dénonce comme une préméditation à « une guerre d’extermination », ni des violences que l’État nazi commet contre les chrétiens.
Pour bien comprendre l'intention du Pape Pie XI, il faut remette l'encyclique dans un ensemble de textes particuliers. Elle est en effet incluse dans une série de documents officiels. Deux jours avant sa publication, Pie XI a diffusé l’encyclique Divini Redemptoris qui condamne le communisme. L’Église condamne tout totalitarisme, tout « ennemi de toute vérité et de toute justice »[2]. Cette encyclique est suivie d’une autre, Firmissimam Constantiam, qui condamne la persécution religieuse au Mexique. C’est un ensemble de condamnations de toute politique antichrétienne menée par les États.
Un appel à la résistance
Après un rappel sur l’origine du Concordat et une dénonciation des violations commises par l’État allemand, l’encyclique définit ce qu’est la foi, ce qui lui permet de définir clairement les points du nazisme directement opposés à la foi. Il dénonce en particulier l’idolâtrie de la race et de l’État et la volonté de substituer le christianisme par une religion nationale, bien humaine. Tout cela s’oppose fondamentalement à l’universalité de l’Église et de la Rédemption et à la primauté du Pape. Dans une deuxième partie, l’encyclique rappelle le véritable sens des concepts chrétiens que des discours tentent de falsifier. Il est rappelé le fondement de la morale et le droit naturel inaliénable que Dieu a inscrit dans le cœur de l’homme et qu’aucun État ou puissance n’a le droit de toucher. Enfin, Pie XI s’adresse aux prêtres et aux religieux, à la jeunesse et aux parents, à tous les fidèles pour les appeler et les encourager à résister contre le mensonge et les pressions de l’État et à proclamer la vérité.
Appel à la vigilance et à la méfiance
Conscient des dangers du mal terrible qui frappe l’Allemagne, Pie XI souligne avec force « la gravité impressionnante de la situation et l’angoisse sans exemple des consciences chrétiennes, le souci du salut des âmes »(7). Dans son encyclique, le Pape décrit la situation difficile de l’Église sous le régime nazi et les agressions dont sont victimes les fidèles par un État fondamentalement antichrétien. Il met surtout en garde les fidèles qui seraient de tenter de rejoindre le nazisme qui sait employer des discours suffisamment pervers pour les tromper. Des chrétiens ont en effet déjà succombé. « Prenez garde, Vénérables Frères, à l’abus croissant, dans la parole comme dans les écrits, qui consiste à employer le nom de Dieu trois fois saint comme une étiquette vide de sens que l’on place sur n’importe quelle création, plus ou moins arbitraire, de la spéculation et du désir humain. »(13) Le fidèle doit bien entendre les discours et ne croire « celui-là seulement qui à ce mot sacré unit le vrai et digne concept de la divinité. »[9] Au-delà des mots, nous devons saisir le véritable sens qu’ils portent dans le discours. Pie XI demande aux évêques et aux prêtres de veiller « d’un œil particulièrement attentif, […], à ce que les concepts religieux fondamentaux ne viennent pas à être vidés de leur contenu essentiel et détournés vers un sens profane. » (27)
Le péché capital : idolâtrie de la race et de l’État
Le Christ en croix
A. Van Dyck
Pie XI dénonce le vice fondamental de la doctrine nazie : « quiconque prend la race, ou le peuple, ou l’État, ou la forme de l’État, ou les dépositaires du pouvoir, ou toute autre valeur fondamentale de la communauté humaine – toutes choses qui tiennent dans l’ordre terrestre une place nécessaire et honorable, – quiconque prend ces notions pour les retirer de cette échelle de valeurs, même religieuses, et les divinise par un culte idolâtrique, celui-là renverse et fausse l’ordre des choses créé et ordonné par Dieu : celui-là est loin de la vraie foi en Dieu et d’une conception de la vie répondant à cette foi. »(12)
Ainsi réduire Dieu à une nation ou à une race, tel qu’entend le nazisme, est une impiété terrible. « Seuls des esprits superficiels peuvent tomber dans l’erreur qui consiste à parler d’un Dieu national, d’une religion nationale »(15). Pie XI parle à plusieurs reprises de blasphème. Ses expressions ne sont pas choisies au hasard. Quiconque adhère à des principes du nazisme [3] « n’est pas celui qui croit en Dieu »(11), « ne peut pas prétendre à être mis au nombre de ceux qui croient en Dieu »(10), « est loin de la vraie foi en Dieu et d’une conception de la vie répondant à cette foi »(12). Elles ressemblent bien aux formules d’anathèmes…

Le Christ bénissant
Icône du Sinaï
VIe siècle
L’idolâtrie de l’État et de la race va à l’encontre de l’universalité de la religion. « Ce Dieu a, en souverain maître, donné ses commandements. Ils valent indépendamment du temps et de l’espace, du pays et de la race. De même que le soleil de Dieu luit sur tout visage humain, de même sa loi ne connaît ni privilège ni exception. Gouvernants et gouvernés, couronnés et non-couronnés, grands et humbles, riches et pauvres sont également soumis à sa parole. De la totalité de ses droits de Créateur découle naturellement la totalité de son droit à être obéi par les individus et par les communautés de toute espèce.»(14) Cela va donc à l’encontre de l’universalité de la Rédemption. « L’Église fondée par le Rédempteur est une, la même pour tous les peuples et pour toutes les nations»(14).
Certes l’Église reconnaît la diversité des peuples, leurs particularités et leur génie propre mais « elle sait aussi qu’à cette liberté des limites sont tracées par la majesté du commandement divin qui a voulu et fondé cette Église essentiellement une et indivisible. Qui touche à cette unité et à cette indivisibilité enlève à l’Épouse du Christ un des diadèmes dont Dieu lui-même l’a couronnée. Il assujettit sa structure divine, qui repose sur des fondements éternels, aux critiques et aux retouches d’architectes que le Père des cieux n’a pas autorisés à bâtir. »(14)
S’attacher à une église nationale au détriment de l’Église catholique c’est-à-dire universelle est une véritable trahison. « Si des hommes qui ne sont pas même unis dans la foi au Christ viennent vous présenter la séduisante image d’une Église nationale allemande, sachez que ce n’est autre chose qu’un reniement de l’unique Église du Christ, l’évidente trahison de cette mission d’évangélisation universelle à laquelle, seule, une Église mondiale peut suffire et s’adapter. »(26) Pie XI rappelle quelle est notre première patrie. « Qui chante l’hymne de la fidélité à la patrie terrestre ne doit pas, par l’infidélité à son Dieu, à son Église, devenir un déserteur et un traître à sa patrie céleste. »(44)
Esprit d’orgueil : la négation du plan de Dieu

Le Sacrifice d'Isaac

Caravage


Nous ne pouvons pas non plus renier le rôle des Juifs dans l’œuvre de la Rédemption sans compromettre notre foi. C’est ne rien comprendre au christianisme. C’est commettre encore une véritable impiété, un véritable blasphème. « Qui veut voir bannies de l’Église et de l’école l’histoire biblique et la sagesse des doctrines de l’Ancien Testament blasphème le Nom de Dieu, blasphème le plan de salut du Tout-Puissant, érige une pensée humaine étroite et limitée en juge des desseins divins sur l’histoire du monde. Il renie la foi au Christ véritable, tel qu’il est apparu dans la chair, au Christ qui a reçu son humaine nature d’un peuple qui devait le crucifier. Il demeure sans rien y comprendre devant le drame universel du Fils de Dieu, qui opposait au sacrilège de ses bourreaux la divine action sacerdotale de sa mort rédemptrice, donnant ainsi, dans la nouvelle alliance, son accomplissement, son terme et son couronnement à l’ancienne. »(20)
Finalement, Pie XI nous rappelle encore que nul n’a le droit de fonder le christianisme à sa convenance hors de Notre Seigneur Jésus-Christ. Aucune force aussi puissante soit-elle ne peut le pervertir. « Aucun homme, quand même toute la science, tout le pouvoir, toute la force extérieure du monde seraient incarnés en lui, ne peut poser un fondement autre que celui qui a déjà été posé : le Christ »(22).
Une mauvaise solution
Certains chrétiens voient peut-être dans le nazisme une solution aux problèmes du temps. Mais ce n’est qu’une illusion. La solution ne réside pas dans une telle idéologie comme dans toute pensée qui nous éloigne ntde Dieu. Pie XI rappelle en effet la source d’où doit émaner toute solution : « toute réforme vraie et durable, en dernière analyse, a eu son point de départ dans la sainteté, dans des hommes qui étaient enflammés et poussés par l’amour de Dieu et du prochain »(22).
Abbé Franz Stock
1904 -1948

Il ne faut pas non plus se décourager. Le « levain du christianisme » n’est pas « affadi ». Le chrétien peut changer le monde. « […] Il est apte et tout prêt à apporter aux hommes d’aujourd’hui, prisonniers du doute et de l’erreur, plongés dans l’indifférence et l’abandon, las de croire et éloignés de Dieu, le renouvellement et le rajeunissement spirituel dont ils ont – qu’ils en conviennent ou non – un besoin plus pressant que jamais. Une chrétienté ayant repris conscience d’elle-même dans tous ses membres, rejetant tout partage, tout compromis avec l’esprit du monde, prenant au sérieux les commandements de Dieu et de l’Église, se conservant dans l’amour de Dieu et l’efficace amour du prochain, pourra et devra être pour le monde, malade à mort, mais qui cherche qu’on le soutienne et qu’on lui indique sa route, un modèle et un guide, si l’on ne veut pas qu’une indicible catastrophe, un écroulement dépassant toute imagination ne fonde sur lui. »(23)

Mais comment ce monde est-il devenu « malade à mort » ? Cette maladie est la conséquence inéluctable de son impiété. Si sa morale ne se fonde pas sur Dieu, elle s’écroule. « Toutes les tentatives pour ôter à la morale et à l’ordre moral le fondement, solide comme le roc, de la foi et pour les établir sur le sable mouvant des règles humaines, conduisent tôt ou tard individus et sociétés à la ruine morale. »(35) Seul un retour à la véritable foi est la solution. Il est donc faux et illusoire de chercher dans une pensée quelconque ou dans une force humaine la fin de la corruption. « Aucune puissance coercitive de l’État, aucun idéal purement humain, si noble et si élevé soit-il en lui-même, ne sera jamais capable de remplacer en fin de compte les suprêmes et décisives impulsions que donne la foi en Dieu et au Christ. »(35)
Le nazisme va même à l’encontre de la force véritable. Il détourne le peuple allemand des véritables sources de toute rénovation et de tout véritable progrès. « L’abandon [...] des éternels principes d’une morale objective, pour l’éducation des consciences, pour l’ennoblissement de tous les domaines et de toutes les organisations de la vie, c’est un péché contre l’avenir du peuple, un péché dont les générations futures devront goûter les fruits amers. »(35)
Contre le droit naturel
Il détourne aussi le peuple allemand du droit naturel. C’est un mal qui touche toutes les sociétés et qui les conduise à la misère. « C’est d’après les commandements de ce droit de nature que tout droit positif, de quelque législateur qu’il vienne, peut être apprécié dans son contenu moral, et, par là même, dans l’autorité qu’il a d’obliger en conscience. Des lois humaines qui sont en contradiction insoluble avec le droit naturel sont marquées d’un vice originel qu’aucune contrainte, aucun déploiement extérieur de puissance ne peut guérir.»(36)

Saint Ambroise et l'Empereur Théodose

A. Van Dyck

Ambroise interdit à l'empereur
l'entrée de l'église
Or l’État ne peut obliger ses citoyens à suivre des lois pour répondre à ses besoins si elles sont contraires aux droits que Dieu a définis. Les intérêts de l’État ou de la nation ne sont pas supérieurs à ceux de l’individu lorsqu’ils touchent à ses droits naturels. Il y a en effet « le fait fondamental, que l’homme, en tant que personne, possède des droits qu’il tient de Dieu et qui doivent demeurer vis-à-vis de la collectivité hors de toute atteinte qui tendrait à les nier, à les abolir ou à les négliger. Mépriser cette vérité, c’est oublier que le véritable bien commun est déterminé et reconnu, en dernière analyse, par la nature de l’homme, qui équilibre harmonieusement droits personnels et obligations sociales, et par le but de la société, déterminé aussi par cette même nature humaine. »(37)  
La société a été fondée pour le bien de l’ensemble de ses membres. Elle « est voulue par le Créateur comme le moyen d’amener à leur plein développement les dispositions individuelles et les avantages sociaux que chacun, donnant et recevant tour à tour, doit faire valoir pour son bien et celui des autres. »(37) Dieu a aussi imprimé des droits inaliénables à la société. « Quant aux valeurs plus générales et plus hautes, que seule la collectivité, et non plus les individus isolés, peut réaliser, elles aussi, en définitive, sont, par le Créateur, voulues pour l’homme, pour son plein épanouissement naturel et surnaturel et l’achèvement de sa perfection. S’écarter de cet ordre, c’est ébranler les colonnes sur lesquelles repose la société, et donc compromettre la tranquillité, la sécurité et l’existence même de la société. »(37)
Parmi ces droits naturels, se trouve la liberté de professer sa foi et de vivre comme elle veut être vécue. « Des lois qui étouffent ou rendent difficiles la profession et la pratique de cette foi sont en contradiction avec le droit naturel. »(38) Et c’est le rôle de l’Église « de garder et d’expliquer le droit naturel »(39).
Appel au véritable héroïsme
Au temps du nazisme, le véritable chrétien fait l’objet d’intimidations, d’agressions et de séductions considérables. Mais « dès l’instant où il y va des suprêmes et des plus hauts intérêts, où il s’agit de se sauver ou de se perdre, le croyant n’a devant lui qu’une voie du salut, celle du courage héroïque. »(25)
Et comme toute doctrine volontariste, le nazisme  dénigre l’héroïsme chrétien. « On vous parle beaucoup de la grandeur héroïque, que l’on oppose consciemment et mensongèrement à l’humilité et à la patience évangéliques. »(44). Il loue la force physique, l’agressivité, la violence. Nous sommes loin de l’héroïsme chrétien qui se fonde sur la charité. « Cette charité, arme indispensable de l’apôtre, surtout dans le monde d’aujourd'hui bouleversé et égaré par la haine. »(45)

Conclusion
Après cette rapide lecture, nous retrouvons les principes du nazisme incompatibles avec le christianisme tel que nous les avons définis dans l’article précédent. Ils sont au nombre de trois :
  •          idolâtrie de l’État et de la race au point de créer une religion de race ;
  •         rejet de l’universalité de la Rédemption ;
  •          refus de l’Ancien Testament et de tout apport du judaïsme dans le christianisme.
S’ajoute à cela :
  •         la violation du droit naturel d’origine divine.
Le chrétien ne peut pas trouver dans le nazisme ou dans le mythe qu’il a fait naître une solution ou une consolation aux temps difficiles dans lequel nous tentons de vivre chrétiennement. Il s’abîme dans l’illusion. Le véritable remède réside en Dieu. Cette erreur marque surtout un manque cruel de foi et d’espérance. Elle s’oppose aussi à la véritable nature de l’héroïsme chrétien qui est aux antipodes de l’héroïsme antique que vantent tant les nazis et les fascistes.
Le 13 avril 1938, lors de la visite d’Hitler à Rome, Pie XI résume en huit points les erreurs du national-socialisme en vue de souligner « les doctrines pernicieuses, faussement colorées du nom de scientifiques, dans le but de pervertir les esprits et d’en arracher à la vraie religion »[4]. Il s’attaque de nouveau au racisme et au culte de l’État qui mènent à une véritable apostasie.






Références
[1] Toutes les citations proviennent de l’encyclique Mit Brennender Sorge, Sur la situation de l'Eglise catholique dans le Reich allemand, 15 mars 1937, www.doctrine-social-catholique.fr. Nous indiquons pour chaque citation le numéro du paragraphe.
[2] Pie XI lors de l’ouverture de l’exposition mondiale de la presse catholique de 1936, cité dans Daniel-Rops, Un Combat pour Dieu. Pie XI identifie le nazisme au bolchevisme, tous les deux considérés comme « ennemis de la vérité et de la justice ».
[3] Pie XI énumère la confusion entre Dieu et le monde (panthéisme), le remplacement de Dieu par le destin impersonnel, l’idolâtrie de État et de la race.

[4] Pie XI cité dans la lettre Instruction sur les erreurs du racisme du Cardinal Ernest Ruffuni, secrétaire de la Congrégation pour les Séminaires et les Universités, adressés aux universités allemandes, 13 avril 1938 dans les Actes de S.S. Pie XI, tome XVIII, années 1938-1939, www.liberius.net. Cette lettre rappelle une allocution de Pie XI aux cardinaux et prélats de la Curie romaine à la veille de Noël 1937. 

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