" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mercredi 24 avril 2013

Notre Seigneur Jésus-Christ est l'Alpha et l’Oméga (partie 2)

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu. Il était au commencement en Dieu. Toutes choses ont été faites en lui, et rien de ce qui a été fait, n’a été fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes » (Jean, I, 1-4). 

Les premiers mots de l’Évangile de Saint Jean nous ramènent aux premiers versets de la Sainte Écriture. « Au commencement »… Ce retour aux origines de la Révélation dans le Prologue n’est pas un hasard. Les premiers chapitres de la Genèse nous racontent le récit de la Création et de la Chute des premiers hommes avant leur exclusion du Paradis, conduisant l’humanité dans l’exil. C’est ainsi que commence l’Histoire. Et cette Histoire obtient sa conclusion dans la dernière révélation…. 

La préexistence du Christ y est clairement affirmée. A plusieurs reprises, Notre Seigneur Jésus-Christ affirme formellement qu’Il est avant le temps. « En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham eût été fait, je suis » (Jean VIII, 58). Il révèle aussi qu’il est au-dessus de l’espace « Personne n’est monté du ciel que celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel » (Jean, III, 13). Notre Seigneur est donc hors de la Création tout en ayant participé à la Création. 

Notre Seigneur est lumière… 

Saint Jean emploie le terme de lumière. Notre Seigneur se désigne aussi comme lumière. Comme Dieu lui-même, il est lumière en soi. Qu’est-ce que la lumière ? Nous pouvons la considérer selon deux aspects. Par elle-même, elle brille et éclaire. Sans elle, tout est obscurité, insaisissable, inatteignable. Par la lumière, tout prend sens et réalité. Mais elle donne sens que pour celui qui peut voir. La lumière nous renvoie donc à l’homme qui seul peut atteindre la Vérité. 

Saint Jean nous dit plus. La lumière naît d’une source à partir de laquelle elle se diffuse et se communique. Il donne pour origine de la lumière la vie qui se trouve dans le Verbe. Notre Seigneur nous le dit aussi formellement dans une de ses formules inoubliables : il est la vie, la lumière, la voie. Accueillir la Vérité par la lumière du Christ, c’est recevoir la vie qu’Il communique. C’est par cette vie que l’homme devient enfant de Dieu, non pas par la chair, mais par la volonté de Dieu. Nous ne parlons pas en effet de la vie naturelle que Dieu a communiquée par la Création, mais de la vie surnaturelle, de la vie divine. Le Christ est aussi bien l’Alpha que l’Omega… 

Jésus et ses disciples (Rembrandt)
Face à la lumière, les ténèbres… 

La lumière nous renvoie aussi aux ténèbres. Il est possible de fermer les yeux ou de la voiler pour demeurer dans l’obscurité. Face à la vie d’où émane la lumière, le Christ oppose les ténèbres, là où sa vie ne peut être atteinte, là où demeure la mort spirituelle. Face à la vie, il y a la mort. « Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a point connu » (Jean, I, 9-10). Comme certains anges ne sont pas maintenus dans la lumière, ils sont devenus ténèbres et mensonges. Adam a aussi refusé la lumière, entraînant la perte de son état privilégié pour connaître l’état que nous connaissons à notre naissance. Il y a bien un dualisme très marqué selon la réception ou le refus de la lumière. 

Or ce dualisme n’est pas physique mais bien moral. Il n’est pas non plus irréversible comme l’est l’Évolution. Car nous pouvons passer d’un monde à un autre. Nous pouvons voir ou refuser de voir à tout moment. Le juste peut tout perdre par un péché, le pécheur peut tout gagner par la rémission. Le chemin est toujours ouvert… La foi ou l’incroyance… 


La plénitude de grâces… 

L’œuvre de la Création, c’est-à-dire l’Univers, a donc pour fin la communication de la vie divine par Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle est née de la volonté de Dieu par la Création et se maintient par la Providence. Elle réalisera sa fin quand cette vie atteindra sa plénitude. Et seul Dieu connaît le moment où elle se réalisera… Ce n’est pas la Création elle-même qui définit ce point ultime où tout reviendra à Dieu, mais Dieu Lui-seul… 

Cette plénitude doit être accessible à l’homme. Elle était déjà atteignable par Adam. Or le péché originel est devenu un obstacle. L’Histoire débute par ce drame. Et toute la Création y est depuis abîmée. 

La fin de la Création n’est donc possible que si l’homme peut de nouveau vivre pleinement de la présence de Dieu. La Rédemption est donc essentiel, inévitable (relativement à l’intention divine, parfaitement libre). Quand Dieu condamne Adam, il annonce aussitôt sa Rédemption. Nos premiers ancêtres emportent dans leur exil la promesse d’un retour. Elle se réalise par le Christ. Par Lui, les hommes et la Création pourront atteindre leur plénitude. 



Saint Paul insiste particulièrement sur cette plénitude des temps réalisée en Lui. « Lui-même est le chef de l’Église ; il est le principe, le premier-né d’entre les morts, afin qu’en toutes choses il garde la primauté. Parce qu’il a plu au Père que toute plénitude habitât en lui ; et par lui de se réconcilier toutes choses, pacifiant par le sang de sa croix, soit ce qui est sur la terre, soit ce qui est dans les cieux » (Col., I, 15-20). Car Notre Seigneur réconcilie, pacifie, restaure… 





Dieu nous a fait « connaître le mystère de sa volonté, selon sa bienveillance, par laquelle il avait résolu en lui-même, dans la dispensation de la plénitude des temps, de restaurer dans le Christ tous ce qui est dans le ciel, et tout ce qui est sur la terre : en lui-même » (Eph., I, 9-10). La plénitude des temps consiste bien en une restauration de l’œuvre de la Création. Par Notre Seigneur Jésus-Christ, elle retrouve son intégrité. Quand tout sera restauré au jour dernier, toute la Création sera alors associée à la glorification finale. « Nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre dans laquelle la justice habite » (II. Pierre III, 13). « Il n’y aura plus ni mort, ni deuil, ni cris, ni douleur, parce que les premières choses ont passées » (Ap. XXI, 1-5). Naîtra alors la Jérusalem céleste, préparée de toute éternité, où seront rassemblés les enfants de Dieu, vivant de la vie de Dieu, avec l’œuvre de la Création rétablie. Tout sera réuni en Notre Seigneur Jésus-Christ

La Création et la Rédemption se rejoignent. La Rédemption révèle même davantage la profondeur de l’amour de Dieu qui dépasse tout entendement, et cela de manière bien concrète. Il n’y a pas qu’un simple retour en arrière. Il y a véritablement élévation. « Dieu qui d’une manière admirable avez créé la nature humaine dans sa noblesse, et l’avez restaurée d’une manière plus admirables encore […] » [1]. 

Le Jugement dernier (Fra Angelico)
Commencement et fin de toute sanctification 

Notre Seigneur Jésus-Christ est d’abord l’Alpha, c’est-à-dire le commencement de la vie éternelle, de la vie de la grâce. Il est la source d’eau vive. Il est le distributeur de l’eau vive de toute plénitude, celle qui étanche la soif à jamais : « celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant en vie éternelle » (Jean, IV, 13-14). « C’est fait ! Je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin. A celui qui a soif, je donnerai gratuitement de la source de l’eau de la vie » (Apocalypse, XXI, 6). Ainsi « si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive » (Jean, VII, 37). 
L’eau vive est l’image des dons du Saint Esprit qui procède du Père et du Fils. Avant son Ascension, Notre Seigneur rappelle à ses Apôtres rassemblés qu’Il va leur envoyer le don promis par Dieu le Père et qu’ils seront revêtus d’une force d’en haut (Luc, XXIV, 49). « Je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu’il demeure toujours avec vous ; c’est l’Esprit de vérité » (Jean, XIV, 16-17). 

Nouvel ordre de grâces 

La plénitude se trouve en Notre Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme. Il est aussi l’Oméga. Notre Seigneur est l’auteur et le modèle de nouvelles relations de l’homme avec Dieu depuis la faute d’Adam. Il s’est fait chair pour apporter le salut. Que nous importe concrètement si l’Incarnation avait eu lieu ou non sans le péché originel ? Ce n’est que pur verbiage, sans intérêt car cette hypothèse ne répond à aucune réalité. Ce qui compte, c’est le nouvel ordre de grâce que Notre Seigneur a institué par sa Passion. Car nous vivons désormais dans ce nouvel ordre… 

Tout prend sens par l’œuvre de la Rédemption. Si nous l’écartons de nos pensées, tout devient hypothèse, suggestion, spéculations, vaines et inutiles. Nous vivons dans un monde réel qui a été bouleversé et continue à connaître le désordre par le péché originel. A cet état, Dieu a répondu par la Rédemption. L’Église ne commet donc pas d’erreur ou de négligence en centrant sa pensée sur cette œuvre puisqu’elle est au cœur de notre existence. C’est pour mieux la comprendre et combattre les mensonges qu’elle a approfondi la doctrine sans que cet approfondissement ne fasse oublier l’essentiel, c’est-à-dire la fin de l’homme, son salut. 

Conclusion 

La doctrine du Point Oméga de Teilhard, assimilé au Christ, comme point attractif et définitif de l’Évolution, répond à une intention : celle de porter un autre regard sur Dieu et sur la Révélation. Il juge que l’enseignement de l’Église a trop accentué l’importance de l’œuvre de la Rédemption au point de refuser le monde et les progrès scientifiques accomplis. Il veut donc changer les « priorités » et réorienter l’enseignement vers le Christ cosmique. 

Ce « changement de portage » n’a pas de sens. Il est même hors sujet. Le monde et notre vie y perdraient tout sens. Certes il faut être conscient des dimensions réelles du monde mais elles sont inhumaines et insaisissables, hors d’une portée pratique. Le référentiel dans lequel se pose Teilhard n’est pas le nôtre. Quelles que soient nos connaissances, notre monde correspond à celui de notre réalité, à ce que nous percevons [2]. La présence improbable d’extraterrestres dans une galaxie inatteignable ou un nombre gigantesques d’étoiles dans un Univers en extension ne changent pas notre Histoire, atteinte par le péché. 
Les dimensions de l’Univers ne peuvent être atteintes que par la science et ne peuvent que l’intéresser. Elle fait connaître l’état actuel de la Création et peut suggérer un processus réaliste qui aurait conduit à cet état. Si la science peut concevoir les conditions nécessaires pour l’apparition de la vie, elle ne peut cependant pas affirmer si effectivement elles ont été réalisées. Elles apparaissent même irréalisables. L’apparition de la vie est peut-être un non-sens pour la science tant elle est inconcevable. En outre, elle ne peut pas révéler l’histoire et encore moins le drame du péché. Aucune science ne pourra justifier la décision et l’acte d’un personnage historique faisant changer le cours du monde. Aucune science n’est capable de saisir tout le drame de l’histoire humaine ... 

Il est frappant que Teilhard centre sa pensée sur le point Oméga et ne parle que très rarement, et seulement dans un de ses premiers livres, de l’autre dimension du Christ : le point Alpha. Or, comment comprendre la fin sans le rapporter au commencement ? Comment l’Évolution devient-elle même concevable avec un point Alpha ? L’erreur de Teilhard est peut-être de ne considérer Notre Seigneur Jésus-Christ que sous un seul aspect au point de déformer la vérité et de ne plus comprendre l’amour de Dieu qui se communique par la Création puis de manière plus admirable encore par la Rédemption… 








[1] Missel, 1961, Partie II Sacrifice, Dom Gaspar Lefebvre et chanoine Emile Osty. 
[2] Le cyberespace est un parfait exemple de cette « formation » de l’homme par sa réalité perceptible. Il est « modelé » non pas parce que l’Univers se mesure dans des dimensions inaccessibles mais parce que l’homme d’aujourd’hui ne cesse d’entendre qu’il est seul, relatif, faible, sans intérêt… 

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