" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mardi 9 avril 2013

L'universalité du péché dans la Sainte Ecriture

On prétend parfois que la doctrine chrétienne ne provient pas de la Bible ou de Notre Seigneur Jésus-Christ mais de ses apôtres et des Pères de l’Église. On accuse alors  l’Église d'avoir faire siennes des thèses purement humaines. Pour retrouver la véracité et la pureté de la foi originelle, on nous propose de faire évoluer l'enseignement de l'Eglise sans trahir la Parole de Dieu. Ce serait un retour à la foi primitive, épurée des scories de l’histoire et donc plus véridique. Cette argumentation est souvent mise en avant quand on veut modifier l'enseignement de l’Église. La doctrine sur le péché originel est ainsi présentée comme la doctrine de Saint Paul, fortement revisitée par Saint Augustin. Contre une telle argumentation, mieux vaut connaître la Sainte Écriture et la Tradition pour défendre notre Foi. 

Selon certains polémistes, la doctrine du péché originel aurait été conçue et développée au cours du temps. Pour appuyer leurs propos, ils n'hésitent pas à s'appuyer sur la Sainte Écriture. Ils soulignent par exemple le fait que le terme de « péché originel » est absent de la Bible. Voyons plus attentivement ce qu’elle nous enseigne sur ce sujet à la lumière de l’enseignement de l'Église...

Le premier à attester formellement et d'une manière claire la réalité du péché originel est en effet l'apôtre Saint Paul. Nous pourrions peut-être être surpris de l'absence de toute notion de péché originel dans les autres textes inspirés. Pourtant, si nous dépassions une première lecture, plutôt hâtive, nous pourrions reconnaître aussi sans difficultés un mystère qui ne demandait qu'à se développer. Quelques grains semés ne demandaient en effet qu’à se lever...

La Tour de Bal (Gustave Doré)


L'Ancien Testament souligne clairement l'état du péché dans lequel vit l'homme. La chute d'Adam et d’Ève est décrite comme un fait historique qui les plonge dans la condamnation divine et les rejette du paradis, mais elle ne donne pas lieu explicitement à croire en un péché originel héréditaire. Néanmoins, le récit de la Genèse fonde toute la Sainte Écriture. Il est en quelque sorte une grille de lecture incontournable. L'Histoire commence bien par un péché et elle s'explique par ce péché. 




Le Déluge (Gustave Doré)

A partir de ce moment, nous voyons en effet se propager la corruption de l'humanité. « Les sentiments et les pensées du cœur de l'homme sont inclinés au mal dès sa jeunesse » (Gen., VIII, 21). « Toutes les pensées de leurs cœurs étaient tournées au mal en tout temps » (Gen., VI, 5). Le meurtre d'Abel, le déluge, la Tour de Babel, Sodome et Gomorrhe, et bien d'autres faits encore illustrent la diffusion générale du péché parmi les hommes. L’histoire du peuple d'Israël est aussi marquée par de nombreuses et d’incessantes infidélités et trahisons que Dieu ne cesse de châtier et de pardonner. C’est une longue série de punitions et de lamentations…




Le péché apparaît alors inhérent à l'homme. « Il n'y a point d'hommes qui ne pèchent » (III Rois, VIII, 46). « Qui peut dire : Mon cœur est pur, je suis pur de péché ? » (Proverbe, XX, 9). Toute la misère de l'homme se découvre au travers de la Révélation. « Qu'est-ce qu'un homme pour qu'il soit sans tache, et paraisse juste, étant né d'une femme ? » (Job, XV, 14). L'Ancien Testament renferme des plaintes qui peuvent être encore les nôtres. « Nous avons péché, nous avons agi iniquement, nous nous sommes conduits en impies » (III, Rois, VIII, 48). « Tous se sont détournés ; tous ensemble sont devenus inutiles ; il n'en pas un qui fasse le bien, il n'en est pas un seul » (Ps. XIII, 3).

L'Ancien Testament atteste donc un état de péché bien réel dans l'homme sans cependant expliquer formellement son origine ou sa cause. Certaines allusions peuvent cependant nous faire croire qu'il dérive de la faute d'Adam. « Un jour pesant est sur les fils d'Adam. Depuis le jour de la sortie du sein de leur mère jusqu'au jour de la sépulture, dans la mère de tous » (Ecclésiastique, XL, 1). L'écrivain inspiré ne fait qu'entendre que toute l'humanité est atteinte par le péché depuis Adam. 

Nous savons cependant que l'état de péché n'a pas toujours existé puisque « Dieu a créé l'homme inexterminable et c'est à l'image de sa ressemblance qu'il l'a fait » (Sagesse, II, 23). Nous retrouvons le récit de la Genèse qui nous décrit l'homme dans un état d'innocence, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il y a eu un changement d’état, une rupture

Nous apprenons aussi avec certitude que la mort se rattache à ce péché d'origine. « C'est par la femme qu'a eu lieu le commencement du péché et, c'est par elle que nous mourrons tous » (Ecclésiastique, XXV, 33). La cause de la  mort est en outre affirmée. « Par l'envie du diable, la mort est entrée dans le monde » (Sagesse, II, 24). La mort est bien issue du péché d'Adam. Le péché de notre premier ancêtre est bien responsable d'un changement profond de l'état de l'homme, autrefois immortel....

« Voilà, en effet, Seigneur, que j'ai été conçu dans les iniquités, et que ma mère m'a conçu dans les péchés » (Ps., C, 7). Certains exégètes voit dans cette phrase une preuve du péché originel, d'autres pensent plutôt aux péchés personnels des parents, et non d'un péché héréditaire d'Adam. « Qui peut rendre pur celui qui a été conçu d'un sang impur ? » (Job, XIV, 4)

Qu’enseigne Notre Seigneur Jésus-Christ sur ce sujet ? « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon que Dieu seul » (Marc, X, 18). Notre Seigneur suppose l'état de culpabilité générale sans néanmoins le rapporter à Adam. Et face à cette culpabilité générale, Il annonce l’universalité du salut que Dieu seul peut apporter. Tous les hommes sont en effet pécheurs et nul ne peut entrer par lui-même dans le Royaume de Dieu. « En vérité, en vérité, je te le dis, si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'esprit est esprit » (Jean, III, 5-6). Tous ont donc besoin de se sauver. « En vérité, en vérité, je te le dis, si quelqu'un ne naît pas de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu » (Jean, III, 3). 

Plus centré sur le péché personnel, Notre Seigneur nous en donne les raisons profondes. Elles résident dans les cœurs et les dispositions mauvaises intérieures. « Ce qui sort de la bouche vient du cœur, et voilà ce qui souille l'homme » (Matth., XV, 18). « Car du cœur viennent les mauvaises pensées, les homicides, les adultères, les fornications [...] » (Matth., XV, 19). L'homme est tenté par le diable, par d'autres hommes et par sa propre sensualité. Mais Il s'en tient strictement au péché personnel.

Ainsi, la Sainte Écriture souligne clairement la corruption générale de l'homme depuis Adam. Le péché est une réalité universellement partagée. Elle affirme aussi que la faute de notre ancêtre, inspirée par le diable, a provoqué une rupture, un changement d’état. Par elle, l’homme a connu la mort. Elle ne précise pas cependant les liens entre cet état de péché général et la désobéissance d’Adam, préférant généralement se tenir aux péchés personnels. Elle décrit plus spécialement leur source : la jalousie, l'orgueil, la cupidité, la sensualité, l'égoïsme, etc. Notre Seigneur attire plus l'attention sur la dimension intérieure du péché. C'est au plus intime de lui-même que l'homme est atteint. Sa nature est blessée. L'homme n'est pas dans son état premier. Notre Seigneur est alors venu pour apporter le salut à tous les hommes pour restaurer de manière plus admirable l'oeuvre de Dieu. Ainsi, l'universalité du salut est une réponse à l'universalité du péché ... 

L'idée du péché originel apparaît ainsi progressivement. La pédagogie de Dieu est d'une remarquable efficacité. Nous sommes désormais prêts à entendre Saint Paul.


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