Au
XVIIIe siècle, la situation dans l’empire Ottoman n’est guère brillante. Il
poursuit sa lente dégradation en dépit des réformes de modernisation. Le temps de Soliman le
Magnifique a bien disparu. Les Occidentaux continuent de progresser et de
conquérir des terres. Les vizirs ne parviennent plus à freiner leur avancée.
Pire, les États européens interviennent de plus en plus à l’intérieur même de l’empire pour protéger les chrétiens ou
pour défendre leurs intérêts économiques. Au siècle suivant, leur puissance est telle qu’ils sont les véritables maîtres de l’homme malade.
Craignant probablement leurs représailles, les autorités musulmanes mènent en
outre une politique de tolérance à l’égard des Chrétiens et des Juifs. Les
califes ont fini par perdre leur prestige. Leurs mœurs laxistes ne font
qu’accroître le scandale. Or les Ottomans sont les maîtres des Lieux Saints.
Des voix musulmanes s’élèvent alors pour protester et réclamer le retour d’un
islam intransigeant. Parmi les protestataires, se trouve Wahhab. Il est au
commencement d’un mouvement qui est aujourd’hui au cœur des mouvements
islamistes dits radicaux.
Wahhab
(1703-1792) est originaire de la péninsule arabique. Il appartient à la tribu
des Tamim, originaire du Nedj. Il est né dans une famille de juristes d’obédience hanbalite, c’est-à-dire de l’école de droit musulman la plus dure.
Pour parfaire sa formation, il est envoyé à Médine auprès d’un
« théologien » fortement influencé par les idées de Taymaiyya [5]. Après
un voyage en Syrie, Irak, Iran et en Égypte, il revient en Arabie et attire de nombreux disciples.
Sa pensée religieuse est centrée sur l’unicité de Dieu
qu’il réaffirme avec rigueur. Son traité majeur est « Kitâb al-Tawhîd » ou « Traité de l'unicité divine ». Il
est la référence du wahhabisme. Ses disciples rejettent ainsi le terme de
« wahhabites » et emploient
plutôt le terme de « muwahhidun », ou encore « unitaristes ». Sa doctrine est aussi une reprise des idées de
l’école hanbalite et de Taymaiyya.
Fidèle
à l’hanbalisme, il interprète le Coran et les hadiths de manière littérale,
voire d’une manière extrême. Il veut revenir strictement aux textes. Il rejette
tout commentaire et tout appel à la raison.
L’autre source de sa pensée est Taymaiyya. Il « réactualisa la doctrine et, en fonction des nécessités de son époque, l’augmenta de ses propres réflexions. Au dix-huitième siècle, à son initiative, les théories d’Ibn Taymiyya se répandirent dans la péninsule Arabique. »[1] Comme lui, il s’oppose violemment à toute déviation religieuse et recherche l’islam pur de toute altération. Sans surprise, il distingue les vrais et les faux sunnites, n’hésitant pas à lancer l’anathème contre les faux musulmans. Le djihad est aussi vu comme « combat intérieur et lutte contre les impies »[2]. Il prône en effet la même intransigeance à l’égard des gens du livre et des chiites. Il s’oppose aussi au soufisme. Enfin, il est séduit par l'importance de la communauté des musulmans et par le rôle des martyrs.
L’autre source de sa pensée est Taymaiyya. Il « réactualisa la doctrine et, en fonction des nécessités de son époque, l’augmenta de ses propres réflexions. Au dix-huitième siècle, à son initiative, les théories d’Ibn Taymiyya se répandirent dans la péninsule Arabique. »[1] Comme lui, il s’oppose violemment à toute déviation religieuse et recherche l’islam pur de toute altération. Sans surprise, il distingue les vrais et les faux sunnites, n’hésitant pas à lancer l’anathème contre les faux musulmans. Le djihad est aussi vu comme « combat intérieur et lutte contre les impies »[2]. Il prône en effet la même intransigeance à l’égard des gens du livre et des chiites. Il s’oppose aussi au soufisme. Enfin, il est séduit par l'importance de la communauté des musulmans et par le rôle des martyrs.
En
1744, Wahhab rencontre un seigneur du désert, Saoud. Un pacte est alors établi
entre eux afin d’instaurer le règne d’Allah sur terre, par les armes si
nécessaire. Dans cette alliance, Wahhab apporte sa doctrine, Saoud ses
cavaliers intrépides. Selon des sources musulmanes[3], Wahhab
a fui l’Égypte, chassé pour sa doctrine, et s’est mis sous la protection de
Saoud. Un mariage scelle le pacte entre les familles de Saoud et de Wahhab.
Au
début du XIXe siècle, les Saoudiens s’étendent sur la plus grande partie de
la péninsule arabique. Ils fondent le premier État wahhabite. En 1801, ils écrasent Kerbala, la ville sainte du chiisme, puis en 1803 et en
1806, ils s’emparent de la Mecque. Cependant, cette progression s’arrête
brutalement. Les Ottomans ne peuvent en effet admettre leur expansion et
l’occupation des lieux saints de l’islam. Sous leurs ordres, les Égyptiens chassent
les guerriers wahhabites, s’emparent de leur fief et décapite le roi saoudien
après une guerre de sept ans. Une nouvelle tentative saoudienne échoue
également devant l’armée ottomane.
Au début du XXe siècle, à partir de Ryad, Abd
al-Azîz Ibn Ar-Rahmân, dit Ibn Saoud,
petit-fils du fondateur de la dynastie, entreprend la conquête de la péninsule
arabique après avoir rassemblé les tribus bédouines converties au wahhabisme et
enflammées par les prédicateurs. En 1929, il reprend la Mecque puis l’année suivante Médine. Les lieux saints sont
ainsi entre ses mains. En dépit de ces conquêtes et de sa force, il ne parvient
pas à se faire proclamer calife. C’est un fait qu’il faut en effet relever. La
légitimité que donnaient autrefois l’occupation des lieux saints et la force ne
suffisent plus pour prétendre au califat. L'idée du califat a en fait
perdu toute légitimité.
Cependant,
les guerriers bédouins ont conservé leur mentalité et coutumes tribales. Ils sont peu
adaptés à l’instauration d’un véritable État. Enclins aux razzias, ils ne
supportent guère l’autorité du roi saoudien. Ce dernier a fini par les écraser sans pitié avec l’aide de l’armée
britannique.
Le
18 septembre 1932, Abd al-Azîz proclame le royaume d'Arabie Saoudite,
fruit d’une alliance entre le wahhabisme et un chef de tribu, une alliance qui
perdure. En 1963, le roi saoudien proclame : « notre constitution est le Coran, notre loi est celle de Mahomet, et
notre nationalisme est arabe »[4]. Le drapeau
saoudien rappelle cette alliance : le vert, couleur de l’islam, portant la
profession de foi en lettres arabes blanches, au-dessus d’un sabre. Cette
alliance se concrétise aussi par des mariages entre les descendants de Saoud et
du cheikh [7] Wahhab. La prédication est encadrée par une famille descendant de
Wahhab.
Tout
le pays est en effet sous l’emprise de l’islam tel qu’il est défini par le
wahhabisme. Une milice est créée pour protéger la vertu, prévenir le vice et
détruire les idoles encore bien présentes au débit de l’expansion du
wahhabisme. Cette milice existe encore de nos jours, veillant à toute
délinquance religieuse. Aucune religion autre que l’islam n’est autorisée. La
loi musulmane est appliquée en toute rigueur selon la stricte interprétation
wahhabite de l’école hanbalite. La raison de l’alliance n’est pas oubliée. Le
royaume saoudien aide à l’expansion du wahhabisme dans le monde et encourage
tout prosélytisme.
Cependant
cette alliance demeure fragile, surtout depuis l’aide que le roi saoudien a
apporté aux Américains lors de la première guerre du Golfe en 1990. Des soldats
américains dont des femmes ont foulé le sol saoudien. Ben Laden, pur produit du
wahhabisme, a été désavoué. Cependant, en dépit de manifestations périodiques,
les modernistes ne parviennent pas à assouplir la loi, notamment la discrimination
entre les hommes et les femmes.
Le
royaume d’Arabie Saoudite n’est pas le seul état wahhabite. En 1809, une tribu du
Nejd a instauré le royaume de Qatar.
Références
[1] Abu Zahra, Tarikh al-Madahib al-Islamiyya, L’histoire des doctrines islamiques, édition Dar al-Fikr al-‘Arabi, La Maison de la Culture Arabe, le Caire, 1996, cité dans La géopolitique du conflit confessionnel au Moyen-Orient : le wahhabisme et le chiisme duodécimain, Mrani Moulay Rachid, thèse de doctorat, Université de Toulouse, 13 janvier 2014.
[2] Samir Amghar, Le Salafisme d’aujourd’hui, Éd. Michalon dans Qu’est-ce que le salafisme ?, La Croix, 30 juin 2013.
[3] Histoire du Wahhabisme (les anti-doctrinaux), www.doctrine-malikite.fr.
[4] Le roi Faysal dans un discoursà Médine, le 1er avril 1963 cité dans L’Islam d’Arabie : le wahhabisme dans le Monde de Clio d’Anne-Marie Delcambre, février 2002.
[5] Émeraude, février 2015, article "Taymaiyya, un penseur de l'islam, prélude du salafisme",
[6] Nous retrouvons le problème qu'ont connu les premiers califes. Voir Émeraude, janvier 2013, "La Domestication des Tribus arabes."
[7] "Cheikh" est un titre équivalent à "guide spirituel", "docteur", reconnu pour sa science dans les textes sacrés. Il a été porté par les chefs des tribus arabes préislamiques selon Wikipédia, article "Cheikh".
[6] Nous retrouvons le problème qu'ont connu les premiers califes. Voir Émeraude, janvier 2013, "La Domestication des Tribus arabes."
[7] "Cheikh" est un titre équivalent à "guide spirituel", "docteur", reconnu pour sa science dans les textes sacrés. Il a été porté par les chefs des tribus arabes préislamiques selon Wikipédia, article "Cheikh".
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