Au
temps de Notre Seigneur Jésus-Christ, le peuple juif est un peuple en attente.
Qu’il soit pharisien, sadducéen ou essénien, le Juif est en attente du Messie.
« Chacun en Israël était convaincu
que Yahweh, Dieu juste et tout-puissant, interviendrait au jour fixé par lui,
dans un avenir plus ou moins éloigné, pour assurer le triomphe de sa cause […] ».[1] Cette
attente est unanimement partagée par les Juifs de la Palestine et de la
Diaspora, dans les cercles populaires comme dans les milieux les plus éclairés.
Dans cet article, nous allons décrire l’objet même de leur attente, et plus
exactement l’image du Messie tel qu’il est perçu par le peuple juif et non tel
qu’il est prophétisé selon les Saintes Écritures.
La
conception juive du Messie au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ se retrouve
dans de nombreux apocryphes, surtout apocalyptiques, dans les écrits
rabbiniques[2],
sans oublier les manuscrits de la mer Morte. Nous avons déjà évoqué ces
derniers documents ainsi que leur espérance messianique dans un article
précédent [25]. Nous n’y reviendrons donc pas. Les Évangiles demeurent aussi une
source historique fiable que nous devons prendre en compte.
Une
vive attente
Rappelons
le contexte douloureux, voire humiliant, de l’époque de Notre Seigneur
Jésus-Christ. Le temps des rois asmonéens est bien révolu. Les Juifs de
Palestine vivent désormais sous l’occupation romaine. La Terre sainte est
devenue une province romaine sous le joug des païens. Le règne d’Hérode le
Grand, le cruel impie, a accentué en eux le sentiment d’humiliation et de
désespoir, voire de colère. Le contexte social et politique particulièrement difficile a probablement
exacerbé l’attente du Messie.
Dans
son ensemble, le peuple juif attend le Messie. « Es-tu le Messie ? » demande-on à Saint Jean-Baptiste. Il
est incontestable que l’attente du Messie est très vive, y compris dans la
Diaspora. « L’attente du Messie
n’était nullement estompée dans la masse juive de langue grecque, en dépit de
son loyalisme politique envers l’état païen »[3]. Cette
attente dépasse la seule aspiration du peuple juif. Dans l’Évangile selon Saint Jean, la
Samaritaine attend aussi sa venue. Elle sait que « le Messie (c’est-à-dire le Christ), vient » et « lorsqu'il sera venu, il nous apprendra
toutes choses » (Jean, IV, 25).
L'entrée de Jérusalem Giotto |
L’historien
juif Flavius Joseph nous parle aussi de cette espérance messianique. Cependant,
nous ne devons pas oublier, en dépit de la valeur historique de ses ouvrages,
qu’il écrit pour « être compris et
admirés de ses lecteurs grecs et romains »[4]. Il
présente donc la foi et la pensée juives pour être entendus des Gentils.
Ainsi il présente le messianisme juif d’une manière particulière en relation
avec les événements dont il est témoin. « […] ce qui excita le plus à la guerre, ce fut un oracle équivoque
semblablement trouvé dans les Saintes Lettres, que vers ce temps-là, quelqu’un
venu de leur pays gouvernerait toute la terre. Ils le prirent pour eux, et
beaucoup de sages se trompèrent sur la solution, car l’oracle visait l’empire
de Vespasien, proclamée empereur à Judée. »[5] Ainsi
Flavius Josèphe témoigne de l’attente juive, d’un Messie, libérateur des juifs
et roi annoncé de l’Univers. Il accuse ce
messianisme d’être responsable de la guerre contre Rome et de la destruction du
Temple. Enfin il détourne le sens des prophéties vers Vespasien qui serait le
Messie tant attendu. Nous constatons enfin que l’historien fait aussi allusion
à un « oracle »
c’est-à-dire à une prophétie provenant des Gentils.
Toujours
selon Flavius Joseph, l’espérance messianique fait naître de nombreuses
révoltes au début de notre ère. Les chefs des rebelles se prennent-ils
pour le Messie ? Nous ne le savons pas. Certains se présentent
cependant comme des prophètes. Nous connaissons notamment un cas précis où l'un d'entre eux se proclame Messie. Il s’agit de Bar Kokipas…
Bar
Kokibas, le faux Messie
Bar Kokibas Détail du Menorah Knesset Jérusalem |
Sous
l’empereur Hadrien, en 132, Simon Bar Koziba (ou encore Bar Kokhba) prend la tête d’une nouvelle insurrection juive.
Des rabbins, comme l’illustre Aqiba (50-135), voient en lui le Messie tant espéré. Pour
le rapprocher de la prophétie de Baalam, "une étoile viendra de Jacob", son nom a été changé en Bar Kokébas,
« le fils de l’étoile ». Ce
n’est pourtant qu’un des agitateurs populaires de la Palestine. Mais en
l’identifiant comme le Messie, des rabbins le désignent comme le libérateur
d’Israël. Il connaît des succès et devient un véritable roi avec un état, une
capitale, un grand prêtre. Il a aussi sa propre monnaie[6]. Selon des
témoignages, Jérusalem serait même sous son contrôle. Selon la tradition
rabbinique, Bar Kokébas se distingue par son inflexibilité à faire observer la
Loi. Les Romains lui livrent une guerre impitoyable et mènent une dure
répression. La révolte est sanglante. Une légion romaine aurait été massacrée. Il finit par être tué en 135. Après sa chute, les
rabbins le renient et minimisent l’adhésion de certains des leurs. Un
témoignage romain[7]
confirme une campagne militaire de l’armée romaine en Palestine pour écraser
une rébellion.
Cette
histoire montre de manière pratique ce que les Juifs, y compris des rabbins, attendent
du Messie : la libération d’Israël. Il est attendu comme un roi glorieux, vainqueur des païens,
au service de Dieu. Mais Bar Kokebas est-il le seul rebelle qui se prétendait
être le Messie ? Sincères ou simples manipulateurs opportunistes, ces
révoltes révèlent l’état d’âme de la population et manifestent une véritable
exaltation religieuse, l’attente de la libération du peuple juif tant promise.
Un
autre signe manifeste cette attente : la multiplication des écrits
apocalyptiques. Dans ces textes, « tout gravite autour d’une idée maîtresse et
centrale qui est l’établissement sur terre, dans un temps rapproché, d’un ordre
de choses nouveau, idéal, conforme aux aspirations et aux rêves du peuple juif. »[8]
Le
messianisme en général
Si
l’attente du Messie est vive au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ, qu’attend
exactement le juif ? De manière générale, il est convaincu que Dieu
interviendra, dans un avenir plus ou moins éloigné, pour assurer le triomphe de
sa cause, tirer vengeance de l’impiété et de la malice de ses ennemis et établir
son règne ici-bas. Il assurera à son peuple purifié la domination sur les
nations païennes et la félicité matérielle dans une paix sans fin. Au temps voulu, il se manifestera d’une
manière éclatante et avec une force irrésistible. Les fils de l’alliance seront
rassemblés des quatre coins du monde et le royaume de David sera restauré.
Jérusalem deviendra le centre de l’univers et le culte de Yahvé se diffusera
dans le monde. Le Juif attend donc le triomphe de Dieu de manière terrestre et
politique en faveur du peuple élu. « Dans
un sens général, c’est l’attente du royaume qui groupera tout l’univers dans le
culte du même Dieu, dans la soumission au même Dieu, reconnu comme le souverain
incontesté de tous les hommes. Dans un sens plus strict, c’est l’attente d’un
roi qui conquerra le monde au vrai Dieu et le gouvernera en son nom. »[9]
Le
grand philosophe juif Philon apporte un autre témoignage sur le messianisme
juif au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ. Certes il est mince et peut-être
influencé par l’hellénisme mais il est d’une très grande valeur. Il nous
informe en effet que l’avènement du Messie se manifestera par une conversion
générale qui sera suivie de la victoire des Saints de Dieu et de leur bonheur.
Il réduit lui-aussi le Messie à un rôle de libérateur pour la plus grande
gloire du peuple d’Israël. Philon confirme ainsi la conception classique du
Messie.
Les
écrits apocalyptiques
Un
écrit apocalyptique se présente comme une révélation ou plutôt comme une vision
qui se prétend d’origine divine. Il décrit des événements futurs, souvent en
relation avec la fin des temps. La plupart de ces écrits sont apocryphes,
c’est-à-dire non reconnus comme étant d’origine divine. Les Juifs ne
reconnaissent qu’un seul livre apocalyptique, le Livre de Daniel. Voici
quelques titres les plus connus : le Livre d’Hénoch, le Livre
des Jubilés, l’Assomption de Moïse, les Testaments des Douze Patriarches, l’Apocalypse d’Esdras, l’Apocalypse
de Baruch, l’Apocalypse d’Abraham, les Livres
Syballins. Ils ont été écrits entre 160 avant Jésus-Christ et 120 après
Jésus-Christ.
Comme
tout écrit apocryphe, les apocalyptiques sont friands de merveilleux et de la
transcendance. Cependant, il ne faut pas croire que ces ouvrages ne soient
remplis que d’inventions. Au contraire, selon le Père Lagrange[26], ils ne sont guère
originaux. Ils puisent leur inspiration dans les écrits et les connaissances de
leur époque. L’auteur subit l’influence de son temps. Seul le genre littéraire
est nouveau.
Dans
un de ses ouvrages[10], Lagrange
a étudié ces écrits. Ils tournent autour de trois thèmes : le messianisme,
le règne de Dieu et la résurrection à la fin des temps. Dans sa conclusion, il
note que l’action du Messie dans ces ouvrages n’est presque pas religieuse. Ils
ne se préoccupent pas du salut des pécheurs. Ils considèrent en effet que le salut ne
peut provenir que de la pratique de la Loi. L'obéissance à la Torah suffit
à obtenir les récompenses de Dieu soit par miséricorde divine, soit par
l’intercession des Justes. A la fin du monde, les adversaires du peuple
d’Israël seront châtiés. « Dieu les livrera aux mains de ses élus : les rois et les puissants, en ce
temps-là, périront et seront livrés aux mains des justes et des saints. »[11] De
manière générale, les textes reflètent une certaine haine à leur égard.
De manière générale, les écrits apocalyptiques font intervenir le Messie dans un cadre restreint au
peuple juif. Nous dirions aujourd'hui très national. Il est un roi juif idéal
qui brise les ennemis de Dieu pour instaurer le règne de la paix. Il peut
jouer le rôle de vengeur de Dieu et de juge. Dans ce dernier cas, il prépare le
jugement définitif de Dieu. Le Messie a surtout un rôle politique. C’est un
« recul très caractéristique du
sentiment religieux tel qu’on le trouve dans les grands prophètes et chez les
psalmistes »[12].
Le
Messie tend également à perdre sa personnalité dans des images hardies, un
style grandiloquent et emphatique. C’est Dieu qui agit finalement au premier
plan. C’est Lui le véritable artisan de la restauration du peuple juif. Le
messianisme tend finalement à n’être qu’un messianisme sans Messie. Selon certains ouvrages, la fin du monde arrive même sans que l’auteur ne parle du Messie.
Dans
certains livres apocalyptiques, le Messie apparaît comme un être humain, de
qualités éminentes et transcendantes, muni de dons extraordinaires. Il est aussi
un être très mystérieux, voire céleste, dont l’origine demeure inconnue. Effectivement,
aucun de ses ouvrages ne traitent de sa naissance.
Revêtu de la force d’en
haut, riche en science et en sagesse, le Messie tient de Dieu une autorité
universelle. Il rassemble les tribus d’Israël, tire vengeance de leurs
oppresseurs, tient sous son joug les peuples païens, règne glorieusement et
paît le troupeau du Seigneur dans la paix et la justice. Cependant, libérateur
d’Israël, il n’est point l’auteur du salut éternel. Il prépare le monde de
félicité tant attendu. Son règne est donc limité, une pause avant le denier
jugement, au cours duquel se manifestera Dieu. Les écrits apocalyptiques
rapportent le plus souvent les promesses divines à ce monde meilleur, un monde
qui ne passera pas, la Sion restaurée. L’attente
du Messie n’est donc pas séparée de l’eschatologie, c’est-à-dire de la fin du
monde. Parfois, selon certains commentateurs, le messianisme se confond avec ce
monde à venir. « On note chez les
auteurs d’écrits apocryphes une tendance marquée à confondre les jour du Messie
avec le siècle à venir, ou du moins à les présenter dans une même perspective. »[13] Le
temps messianique précède et prolonge celui du renouvellement de la terre,
c’est-à-dire du règne de Dieu ici-bas.
Cette
vision du Messie est-elle partagée par les Juifs ? Il est en fait difficile
de connaître l’importance et l’impact de ces écrits apocalyptiques dans la
population juive. Ne sont-ils que « l’écho
des croyances de leur temps » [14] ?
Ils ne sont certainement pas la cause du messianisme juif.
Le
messianisme des Pharisiens
Le triomphe de David Poussin |
Il
est aussi difficile de connaître avec précision la conception du Messie chez
les Pharisiens et les docteurs de la Loi. Il n’existe aucune sentence
rabbinique sur le messianisme avant la destruction du Temple comme il existe
très peu de textes provenant des rabbins. Mais si la foi messianique est grande chez les rabbins à la fin du Ier siècle de notre ère comme nous pouvons
le constater dans leurs textes, cela suppose que cette foi ait été transmise
par leurs devanciers.
Les Pharisiens s’opposent aux Asmonéens et contestent leur légitimité. En
effet, contrairement au prescriptions de la Sainte Écriture, le trône de Judée n’est
plus occupé par un descendant de David. Ils voient donc le Messie comme celui
qui restaure la royauté de David. Le peuple juif pourra ainsi demeurer de
nouveau fidèle à la Loi. Le Messie est surtout donc vu comme un roi légitime. « Qu’il est beau, le roi Messie qui doit
surgir de la Maison de Juda ! Il ceint ses reins, il s’avance dans la
plaine, il engage le combat contre ses ennemis et met à mort les
rois ! »[15]
L’apocryphe
intitulé Psaumes de Salomon est souvent présenté comme une œuvre des
Pharisiens tant il prône leurs idées. Il est alors considéré comme « le plus ancien monument authentique de
l’esprit pharisien »[16]. Écrit
sous le règne des Asmonéens, il manifeste une haine contre les rois illégitimes
et espère en un roi descendu de David qui restaurera la monarchie et fera
régner Dieu par les Juifs, « le roi
juste, sous le règne de qui il n’est pas d’iniquité, le roi pitoyable pour les
peuples apeurés, le roi pur de tout péché, le roi qui ne faiblit jamais, parce
qu’il est fort dans la crainte de Dieu. »[17] Le
Messie est donc attendu comme un roi temporaire subordonné au roi éternel
qu’est Dieu. Nommé Fils de David, il appartient à la descendance du grand roi
et viendra restaurer la monarchie de David. Mais contrairement à l’idée
classique, le Messie ne vaincra pas les ennemis d’Israël par les armes. Il les
vaincra sans se battre, par la parole et la menace.
Moïse descendant du Sinaï avec les 10 commandements Gustave Doré |
Les
Pharisiens se préoccupent surtout du « monde
à venir », c’est-à-dire de la fin des temps et du jugement dernier de
Dieu. Le monde nouveau sera une terre de félicité pour les justes et une terre
de supplices pour les pécheurs. Le temps messianisque est alors traité comme précédant
le jugement de Dieu. Le jugement dernier en est même indépendant. Les
Pharisiens distinguent bien la venue du Messianisme avec ce monde de la
récompense. Ce sont deux périodes distinctes. Le règne du Messie appartient
encore au monde ancien. Les justes doivent donc se préoccuper des mérites à
acquérir pour être jugés dignes du monde à venir. « Celui qui acquiert les paroles de la Loi, acquiert la vie du monde à
venir. »[18] La
bonne œuvre par excellence est l’étude de la Torah. Le monde ici-bas est
l’occasion de gagner des mérites pour être récompensé dans l’autre. Les
Pharisiens sont donc surtout préoccupés de la vie à avenir[19], et
plus précisément des sanctions de la vie morale, beaucoup plus que du Messie.
S’il
semble être indépendant du jugement de Dieu et de l’inauguration du monde à
venir, le messianisme des Pharisiens est néanmoins rattaché au règne de Dieu.
Mais comme Dieu règne depuis la Création, ils ne le conçoivent pas comme un
avènement mais plutôt comme une manifestation de son règne comme nous le dit un
Targum : « le règne de
votre Dieu sera manifesté ». Aux jours du Messie, son règne sera en
effet reconnu par tous les habitants de la terre. Et ce temps de la manifestation
coïncidera avec celui de la rédemption d’Israël, c’est-à-dire de sa libération
et de sa gloire. « Le temps est venu
pour Israël d’être délivré ; le temps est venu pour les non-circoncis
d’être coupés, le temps est venu pour le royaume des Cuthéens – c’est-à-dire
des Romains – d’être aboli ; le temps est venu pour le règne d’être
manifesté. »[20]
Le
règne de Dieu se manifestera donc par la grandeur de son peuple. A
son avènement, le Messie sonnera la trompette qui rassemblera les Juifs et
ramènera les exilés dans leur patrie. Effaçant les rivalités entre les Juifs,
il réunira de nouveau les tribus qui se partageront la Palestine. La ville de
Jérusalem sera alors glorieuse comme elle ne l'a jamais été. Le monde sera soumis
au Messie. Les Romains seront repoussés et humiliés. Les victoires du Messie
apporteront ainsi une plus grande gloire à la Loi.
Au
temps messianique, tous adoreront Dieu mais n’auront pas les mêmes privilèges.
Seul le peuple élu sera glorifié. Les convertis n’y appartiendront pas. Ainsi
les rabbins ne sont guère prosélytes. Dieu fera une distinction et jugera les
convertis selon leur attitude à l’égard du peuple d’Israël.
Contrairement
à certains livres apocalyptiques qui privilégient davantage l’aspect
transcendant du Messie, les Pharisiens considèrent le Messie comme un pur homme
doué de dons extraordinaires. Il est un homme descendant des hommes et plus
particulièrement de David. Ses origines sont modestes et humbles, voire cachées, avant qu’il ne se manifeste et
démontre qu’il est le véritable Messie.
Le
Talmud parle aussi des douleurs du Messie non au sens que sa vie sera douloureuse
mais que sa venue sera comparable à l’enfantement. Le libérateur ne viendra
qu’aux jours de calamités, de l’obscurcissement de la Loi. Le signe incontesté
de sa venue est l’extrême misère des temps. La période du Messie se caractérisera
par la félicité telle que l’ont annoncée les Prophètes, une félicité marquée
par la fécondité du sol, la délivrance d’Israël et la gloire de Jérusalem. Ces
prophéties sont lues à la lettre. Il ne s’agit pas de rénovation religieuse,
d’élévation spirituelle, de salut des âmes mais bien une prospérité matérielle.
La nature se transfigurera à l’avènement du Messie.
Les
messianismes que nous venons de décrire ne rappellent finalement guère les
traits souffrants du Messie mourant pour expier les fautes de son peuple. Ils
ferment « les yeux aux textes qui
faisaient présager les souffrances du Messie. »[23] Ils sont
ignorés des apocryphes et des pharisiens. « Les écoles rabbiniques ont éprouvé une extrême répugnance à parler des
souffrances du Messie […] Il n’y a aucun indice que [le texte d’Isaïe] ait été
entendu dans le sens messianique, du moins avant le second siècle de notre ère
en dehors du Nouveau Testament. »[24]
En
conclusion, l’attente du Messie est générale dans les nombreuses communautés
juives. Mais qui sera-t-il ? La pensée juive hésite :
- soit le Messie est proche de Dieu tout en étant homme et son rôle est de juger et de préparer le monde à venir. Son règne sera alors la manifestation de la toute-puissance divine ;
- soit le Messie est éloigné de Dieu et il n’est que le sauveur du peuple d’Israël avant que n’arrive le monde à venir, véritable objet de toutes les préoccupations. Sa cause finit par s’identifier à celle de son peuple. Le Messie est alors indépendant de la fin des temps.
De manière unanime, les Juifs
attendent l’avènement d’un roi glorieux, vainqueur des impies et restaurateur
de la gloire d’Israël. Il est ainsi à la fois le libérateur du peuple de Dieu,
l’annonciateur de la fin des temps, du règne matériel de Dieu. Dans tous les
cas, son rôle religieux est très réduit. La valeur expiatoire de ses souffrances et de sa mort est écartée.
Elle est même objet de scandale…
Références
[1] Introduction à l’étude des Saintes Écritures, publiée sous la direction de A. Robert et A. Tricot, Initiation biblique, chapitre XX, Desclée & Cie, 1938.
[2] Il est vrai que les écrits rabbiniques sont postérieurs au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ mais ils sont censés transmettre l’enseignement oral des pharisiens. Nous avons ainsi l’enseignement des rabbins dits tannaïtes de première génération allant jusqu'à 90 après Jésus-Christ.
[3] Grelot, L’espérance juive à l’heure de Jésus, Desclée, 1994 citée dans Apologétique, Tome 3, La crédibilité de la Révélation divine transmise aux hommes par Jésus-Christ, 7.1.2.2.5, Abbé Bernard Lucien, Nuntiavit, 2011.
[4] Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, études bibliques, 150 av. J.C. à 200 ap. J.C., 1ère partie, chapitre I, I, Lecoffre, 1909, source gallica.bnf.fr, Institut catholique de Paris.
[5] Flavius Josèphe, La guerre juive, VI, 5, 4 cité dans Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 1ère partie, chapitre I, I.
[6] Voir Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 4ème partie, chapitre VII. Les monnaies parlent d’un Simon et d’une Jérusalem libérée. Lagrange l’identifie à Bar-Kokébas. Est associé à son nom Eléazar, sans-doute le grand-prêtre.
[7] Dion Cassius, historien romain, cité dans La révolte de Bar Kohba, www.lamed.fr, traduction et adaptation de Jacques Kohn.
[8] Revue pratique d’apologétique, article « Le Christ », avril 1930, Beauchesne, dans Manuel d’Écriture Sainte, R.P.J. Renié, Tome IV, Les Évangiles, n°170, Vitte, 1943.
[9] Touzard, Dictionnaire apologétique, Tome II, Beauchesne, 1915.
[10]Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 2ème partie, chapitre I.
[11] Livre d’Hénoch, XXXVIII, 5, dans Le Messianisme chez les Juifs, Lagrange, 2ème partie, chapitre II.
[12] Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, Gabalda, 1909, cité dans Apologétique, Tome 3, La crédibilité de la Révélation divine transmise aux hommes par Jésus-Christ, Abbé Bernard Lucien, 7.1.2.2.2.
[13] Introduction à l’étude des Saintes Écritures, chapitre VII.
[14] Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, Gabalda, 1909, cité dans Apologétique, Tome 3, La crédibilité de la Révélation divine transmise aux hommes par Jésus-Christ, Abbé Bernard Lucien, 7.1.2.2.2.
[15] Targum cité dans Daniel-Rops, Histoire Sainte, 4ème partie, chapitre III.
[16] Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 3ème partie, chapitre II.
[17] Daniel-Rops, Histoire Sainte, 4ème partie, chapitre III. Voir aussi Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 1ère partie, chapitre I, II.
[18] Hillel, Aboth, II, 7cité dans Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 3ème partie, chapitre III.
[19] « Mérite individuelle, survivance de l’âme, récompense ou châtiment, en sont les aspects essentiels. », Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 3ème partie, chapitre III.
[20] Midrach du Cantique, II, 2 cité dans Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 3ème partie, chapitre II.
[21] Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 3ème partie, chapitre VII.
[22] Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, 3ème partie, chapitre VII.
[23] Lagrange cité dans Daniel-Rops, Histoire Sainte, 4ème partie, chapitre III.
[24] Lagrange, Le Judaïsme avant Jésus-Christ, p. 251.
[26] Le Père Marie-Joseph Lagrange (1855- 1938) est un exégète et théologien catholique, fondateur de l'École Biblique et Archéologique Française et de la Revue biblique.
[25] Émeraude, article "Les Manuscrits de la mer Morte", janvier 2015.
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