" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 28 mars 2014

La révolution abbasside : la fin des Omeyyades

Mahomet meurt en 632 à Médine. Après le troisième calife Othman, une lutte sanglante est engagée entre Ali, gendre de Mahomet et Moawiya, gouverneur de Syrie et homme fort de l’empire musulman naissant. Après l’assassinat d’Ali, Moawiya est proclamé calife en 660. C’est le début du règne des Omeyyades. Damas devient la nouvelle capitale de l’empire musulman. L’Islam quitte la péninsule arabique et s’installe au coeur des anciennes civilisations orientales. Un nouvel État se construit à l’imitation des empires perses et byzantins. Mais en 750, les Omeyyades sont renversés par une nouvelle dynastie, les Abbassides

La fin des conquêtes

Où en sommes-nous de l’invasion musulmane au VIIIe siècle ? Depuis la bataille de Guadalete et la prise de Saragosse (718), les troupes musulmanes ont renversé les Wisigoth et conquis l’Espagne. Une résistance s'organise au Nord de la péninsule. Elles ont ensuite traversé les Pyrénées, pris Narbonne puis Nîmes et Carcassonne (725). Elles ont lancé une razzia jusqu’à Autun. Mais depuis leur défaite à Poitiers en 732, elles se sont repliées vers la péninsule ibérique, abandonnant Narbonne en 759. Les limites occidentales de l’Empire musulman sont alors figées.

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A l’Est, maîtres du Moyen-Orient, les musulmans atteignent l’Indus en 711 et remontent la vallée pour s’emparer de l’actuel Pakistan. En 751, ils abordent le Syr-Daria. A l’Ouest, ils butent sur l’Empire Byzantin, véritable rempart inexpugnable en dépit de leurs multiples assauts. Le vieil empire romain finit par se redresser au point de menacer la puissance musulmane, gagnant encore plus de quatre siècles de vie. Une nouvelle dynastie byzantine, celle des Isauriens, relève le vieil empire romain et arrête l’avancée des musulmans. A plusieurs reprises, les troupes de l’empire abbasside sont battues. La défaite d’Akroïnon en 740 scelle la fin de l’expansion musulmane pour quelques siècles. Au Nord, l’Arménie est partiellement musulmane…

La fin de la supériorité musulmane

En 740, l’expansion musulmane est donc arrêtée à l’Ouest et se replie quand elle se poursuit vers les terres sauvages de l’Est. Cette nouvelle situation est lourde de conséquences pour les califes. Elle entraîne une baisse de revenus et de prestige pour un califat de plus en plus gourmand et affaibli.

Mosquée de Damas

Or à Damas, les califes tirent leur légitimité de leur puissance et de leur grandeur, c’est-à-dire de leurs forces. Moawiya, fondateur de la dynastie des Omeyyades, a accédé au pouvoir par la force sans avoir de filiation avec Mahomet[1] contrairement aux califes qui l’ont précédé. Sa victoire à la bataille de Sifin contre les partisans d’Ali en 657, la faiblesse de ses adversaires puis l’assassinat d’Ali et enfin le massacre de sa famille à Kerbala lui ont permis de fonder une dynastie sur un principe héréditaire. Mais les califes ont à maintes reprises lutter pour asseoir leur légitimité notamment contre des descendants d’Ali, toujours prétendants au titre. Tant qu’ils paraissaient victorieux et pourvoyeurs de richesses, leur position était encore tenable. Au VIIIe siècle, elle ne l’est plus. Pour la première fois, les forces musulmanes sont battues et doivent se replier. C’est la fin de leur supériorité



La fin de l’empire arabe

En outre, dans un empire de moins en moins arabe, leur politique discriminatoire à l’égard des non-arabes fait croître le mécontentement parmi la population musulmane. Les Omeyyades ont en effet privilégié la solidarité ethnique sur les clivages religieux. « Pour le calife, le fait d’être Arabe est plus important que la conversion à l’Islam ». Car « ce qui importe pour les Omeyyades, c’est la noblesse et la fierté arabe »[2]. Cette discrimination entre arabe et non-arabe persiste lors d’une conversion à l’Islam. Il y a bien une discrimination ethnique qui s’ajoute à celle de la religion


Mosquée de Damas

Avant d’être musulman, l’empire est avant tout arabe. La conquête a arabisé les populations et imposé la langue arabe. Les Omeyyades ont favorisé le développement de la langue arabe et de la culture arabe pour en faire un facteur d’unification des communautés de l’Empire. Sans perdre leur foi, les chrétiens ont dû parler et vivre comme des arabes…
Les arabes maintiennent aussi une autorité absolue, sans partage, alors que l’empire n’a cessé de croître, absorbant des populations non-arabes de civilisations plus prestigieuses.

Une crise financière intenable

La fin de l’expansion musulmane vers les régions opulentes de l’Occident entraîne la raréfaction des butins alors que les califes ont un besoin d’argent de plus en plus grand pour maintenir l’empire, garantir les fidélités et mener une vie digne des plus grandes cours orientales. Les conversions de masse à l’islam aboutissent aussi à une baisse de fiscalité [3] au point que les Omeyyades vont essayer de tarir le flot de conversion en limitant les exonérations fiscales qui en étaient liées. Les convertis doivent désormais continuer à payer certaines taxes. Cette situation entraîne une pression fiscale de plus en plus forte sur les populations non-musulmanes et non-arabes.

La fin des Abbassides

A partir de 740, des mouvements de révoltes importantes apparaissent et gagnent des régions de l’empire, notamment au Maghreb. Les troupes du calife rencontrent de réelles difficultés pour les réprimer. Une révolte plus sérieuse vient de Khorassan au Nord de l’Iran.

Un persan converti, Abû al-‘Abbâs, finit par rassembler tous les mécontents arabes et non-arabes. Il regroupe aussi ceux qui veulent un retour à un islam véritable. La révolte devient ainsi religieuse. Il prétend en effet prendre le pouvoir au profit d’un descendant direct d’Ali et donc du prophète. Il attire à lui les chiites en conflit contre les troupes omeyyades. Selon la tradition musulmane, sa famille appartiendrait également au clan Hachémite. Il descendrait directement d’un oncle de Mahomet. Sa légitimité est ainsi renforcée. Musulman, non-arabe et descendant du Prophète, Abû al-‘Abbâs peut légitimement porter toutes les revendications sociales, politiques et religieuses que soulève un calife affaibli et discrédité, dépossédé de tous les signes du pouvoir…

Enfin en 750, à la bataille de Kûfa, son armée écrase celle du dernier calife omeyyade et se fait proclamer calife sous le nom de « as-Saffâh ». Il organise alors un « banquet de réconciliation » au cours duquel il massacre les princes omeyyades. Un seul réussit cependant à échapper au piège. Il s’établira en Espagne où il fondera ce qui deviendra l’émirat de Cordoue.

En éliminant tous les prétendants au pouvoir, Abbas fonde une nouvelle dynastie, celle des Abbassides, qui régnera jusqu'à l’invasion des Mongols en 1258. Damas laisse sa place à Bagdad. L’empire arabe disparaît au profit d’un empire musulman…



Références
[1] Voir Émeraude, , décembre 2012, article « La douloureuse question de l’autorité dans l’Islam ».
[2] Anne-Marie Delcambre, L’islam : histoire des origines et histoire califale, 2009, www.clio.fr.
[3] Voir Émeraude, janvier 2012, article « la dhimmitude».

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