" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mercredi 8 mai 2013

Le péché originel, un témoin du IIème siècle : Méliton de Sardes


Méliton est évêque de Sardes, en Asie Mineure, du IIème siècle. En 1960, à partir de fragments, on a pu reconstituer une homélie sur la Pâque, probablement prononcée au cours de la grande vigile pascale. Ce document nous renseigne sur le sens de la Pâque célébrée par les communautés asiates et sur la christologie ancienne. Il nous donne aussi des informations sur la compréhension du péché originel chez les chrétiens de culture grecque au début du christianisme. Cette homélie présente l'histoire de l’humanité telle qu’elle était crue par les premiers fidèles : la création, le péché, la chute, la préparation au Salut par la Loi, les prophètes, la réalisation dans le Christ incarné, immolé et triomphant [1]. 



La vie de Méliton ne nous est guère connue. Saint Polycarpe le nomme « grand luminaire » [2] de l’Asie. Il « vécut entièrement dans l’Esprit-Saint » [3]. Il est reconnu pour son autorité de la Sainte Écriture. Il a rédigé de nombreux ouvrages, notamment une apologie en faveur des chrétiens à l’empereur Marc Aurèle. Tertullien et Saint Jérôme ont loué ses qualités d’orateur et d’écrivain. Sa mort doit se placer avant 190.

L’homélie traite de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ en relation avec la Pâque juive : « Conduit comme un agneau et immolé comme une brebis, il nous a délivrés de l’idolâtrie du monde comme de la terre d’Égypte ; il nous a libérés de l’esclavage du démon comme de la puissance du Pharaon ; il a marqué nos âmes de son propre Esprit, et de son sang les membres de notre corps. C’est lui qui a plongé la mort dans la honte et qui a mis le démon dans le deuil, comme Moïse a vaincu Pharaon. C’est lui qui a frappé le péché et a condamné l’injustice à la stérilité, comme Moïse a condamné l’Égypte » [4]. 

Méliton nous définit le but de la Passion : « c’est lui qui est venu des cieux sur la terre en faveur de l’homme qui souffre ; il a revêtu cette nature dans le sein de la Vierge et, quand il en est sorti, il était devenu homme ; il a pris sur lui les souffrances de l’homme qui souffre, avec un corps capable de souffrir, et il a détruit les souffrances de la chair : par l’esprit incapable de mourir, il a tué la mort homicide ». Dans un contraste propre au style de l’homélie, il rajoute : « c’est lui qui nous a passé de l’esclavage à la liberté, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de la tyrannie à la royauté éternelle ». Enfin, il termine son homélie de manière claire : « Le Seigneur étant Dieu, revêtit l’homme, souffrit pour celui qui souffrait, fut enchaîné pour celui qui était captif, fut jugé pour le coupable, fut enseveli pour celui qui était enseveli ». 


Méliton enseigne donc que le sacrifice de Notre Seigneur était nécessaire pour racheter l’homme du péché et de la mort. Il l'a délivré de sa captivité, de son esclavage, de son ensevelissement. Il s’adresse à des chrétiens grecs, sans user de philosophie, en employant l’art de l’homélie. Il est évidemment compris par les fidèles. Son discours reflète donc l’enseignement qu’ils recevaient avant l’an 190. Nous sommes loin des élucubrations philosophiques de Teilhard, des prétendues dépendances philosophiques, des soi-disant regards des théoriciens du christianisme… 

La doctrine du péché originel tant décriée ne provient pas d’une intelligence aussi bien formée soit-elle mais est née de la Révélation et a été transmise de génération en génération, chacune apportant son approfondissement selon les besoins du moment tout en demeurant fidèle au dépôt reçu. Ils ont su maintenir le même regard, celui de Notre Seigneur Jésus-Christ, orientation que le Saint Esprit a préservée au cours des âges. S’il y a « changement de priorité », il y a rupture dans cette chaîne de transmissions. Cette fidélité consiste aussi, nous semble-t-il, à voir la réalité selon le regard de Dieu et non selon notre propre regard. 

Soyons donc vigilants et prudents sur ces nouveaux apôtres qui nous détournent de la Vérité : « Prenez garde que personne ne vous séduise par la philosophie, par des raisonnements vains et trompeurs selon la tradition des hommes, selon les éléments du monde, et non selon le Christ » (Col., II, 8). 







Références
[1]Site copte www.coptica.free.fr
[2]Saint Polycarpe, dans une lettre adressée au Pape Victor, cité dans [2] Initiation aux Pères de l’Eglise, Tome I, de Joahannes Quasten, édition du Cerf. 
[3] Eutychès, Histoire ecclésiastique, 5, 24, 5. 
[4] Homélie sur la Pâque, Sources chrétiennes n°123.

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