" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


jeudi 16 mai 2013

La loi de complexification, une erreur scientifique

Évolutionniste convaincu et optimiste, le Père Teilhard de Chardin a tenté d’intégrer l’évolutionnisme dans le christianisme au point de vouloir le révolutionner par d’audacieuses innovations. Il souhaite un « changement de priorités » dans l’enseignement et la doctrine chrétienne : le christianisme doit être prioritairement centré sur les relations entre le Christ et l’Univers. Une telle christologie finit par éclipser l’œuvre de la Rédemption, devenue alors secondaire. Le changement de vision qu’il réclame ébranle en profondeur tout le christianisme. 

Retour à la loi de complexification, principe fondamental du teilhardisme 


Pour justifier sa théorie si lourde de conséquences, Teilhard s’appuie sur un principe scientifique : la loi de complexification : « l’Évolution de la Matière se ramène, dans les théories actuelles, à l’édification graduelle, par complication croissante, des divers éléments reconnus par la Physico-chimie. […] Cette découverte fondamentale que tous les corps dérivent, par arrangement d’un seul type initial corpusculaire, est l’éclair qui illumine à nos yeux l’histoire de l’Univers. A sa façon la Matière obéit, dès l’origine, à la grande loi biologique (sur laquelle nous aurons sans cesse à revenir) de complexification » [1]. Toute chose évolue vers un état plus complexe au fur et à mesure du temps. 




Qu’est-ce que la « complexité » selon Teilhard ? « Par « complexité» d'une chose nous entendrons, si vous voulez bien, la qualité que possède cette chose d'être formée d'un plus grand nombre d'éléments, plus étroitement organisés entre eux ». La complexité au sens de Teilhard est concentration et organisation, ou encore unification. La vie évoluerait en se concentrant « en formes toujours plus organisées de Matière ». Ainsi la matière serait-elle passée du Multiple à l’Unité, ou encore selon ses propres termes, le « Multiple inorganisé » vers le « Multiple unifié ». Comme nous l’avons évoqué dans le précédent article, les êtres émergeraient du multiple. 

« De ce point de vue, un atome est plus complexe qu'un électron, une molécule plus complexe qu'un atome, une cellule vivante plus complexe que les noyaux chimiques les plus élevés qu'elle renferme, la différence d'un terme à l'autre ne dépendant pas seulement (j'insiste) du nombre et de la diversité des éléments englobés dans chaque cas, mais au moins autant du nombre et de la variété corrélative des liaisons nouées entre ces éléments. Non pas simple multiplicité donc, mais multiplicité organisée. Non pas simplement complication : mais complication centrée » [2]. 

Teilhard soumet la loi de complexification à toutes les choses de l’Univers sans différencier leur nature, matérielle ou spirituelle. Il l’applique notamment sur l’homme dans toutes ses composantes, sociale, religieuse, etc. Une socialisation de plus en plus forte serait la manifestation visible de cette loi appliquée à la « nature » sociale de l’homme. 
Cette loi conduit à donner un axe de progression au processus de l’évolution. Elle hiérarchise les choses selon une échelle temporelle en fonction d’un niveau de complexification. Plus l’être est complexe, plus il est en aval du processus. Cela revient finalement à donner du sens à ce mouvement. Teilhard en déduit donc que l’être le plus complexe est finalement la finalité de ce processus. 

Notre « scientifique » part ensuite d’un autre principe : le niveau de conscience d'un être est proportionnel à sa complexité. « Plus un vivant est complexe, plus il est conscient ; et, inversement, plus il est conscient, plus il est complexe » [3]. L’homme apparaît donc comme l’être le plus complexe. « L’homme, à en juger par son pouvoir de réflexion […], non seulement vient le premier, indiscutablement, mais il occupe une place à part en tête de tous les autres « très grands complexes » élaborés sur la Terre ». Il en déduit donc que l’homme est « la flèche de l’évolution ». Il est « le plus avancé et donc le plus précieux des éléments planétaires ». 


Une loi scientifique apparemment incontestable 

La loi de complexification est le socle sur lequel Teilhard s’appuie pour donner du sens à l’Évolution et développer sa théorie. « Par sa fraction axiale, vivante, l'Univers dérive, simultanément et identiquement, vers le super-complexe, le super-centré, le super-conscient » [4]. Cette loi est présentée comme étant scientifique. Ce principe est « déjà identifié par la Science » [5]. « Ainsi parle la Science. Et je crois à la Science » [6]. Teilhard et ses disciples ne cessent en effet d’affirmer la véracité scientifique de la loi de complexification. Le monde scientifique la reconnaîtrait même d’une manière unanime. Ainsi peuvent-ils présenter leur doctrine non seulement parfaitement compatible avec la science mais elle est aussi tirée de la science contrairement à l’enseignement traditionnel de l’Église. Teilhard peut aussi s’appuyer sur son expérience scientifique pour confirmer en toute légitimité ce « principe fondamentale ». « La géologie, la paléontologie surtout, […] ont permis à Teilhard de prendre conscience que tout dans l’Univers dérivait, mais pas de façon stérile, bien au contraire, vers une direction précise » [7]. 

Mais finalement dénoncée… 

Or ce principe fondamental est aujourd’hui dénoncé ; il ne fut peut-être jamais unanimement reconnu dans la communauté scientifique. Il repose en outre sur une vision erronée des découvertes scientifiques et s’oppose aux principes mêmes des théories évolutionnistes. Il n’est pas en effet possible de le concilier si facilement avec l’évolutionnisme. Quel paradoxe pour un ardent défenseur de l’évolutionnisme ! 

Une « loi » contradictoire avec les théories d’évolution 

La question centrale est de savoir si la science peut apporter du sens à l’histoire de la vie ou encore identifier une direction à cette histoire. Pour un évolutionniste, il s’agit de savoir si elle est capable de déterminer une finalité dans le processus de l’Évolution et dans ce cas, de la définir. Selon Teilhard, la science aurait prouvé que ce mouvement est directionnel et progresse selon la loi de complexification. 

Rappelons un raisonnement que nous allons souvent utiliser. Tout processus est mû par une cause. Chercher une direction à un mouvement revient à s’interroger sur cette cause. Si un mouvement est dirigé selon une finalité, la finalité se retrouve dans cette cause. Cette cause est alors mue par une intention ou plus exactement par une intelligence... 

Revenons aux théories de l’Évolution. Que disent-elles ? L’accumulation de variations avantageuses locales d’une espèce produit un changement évolutif dans l’espèce au point de faire apparaître de nouvelles espèces. Les théories évolutionnistes se disputent sur les moteurs du processus (sélection naturelle, catastrophe, etc.), sur leur importance ou sur leurs modalités (progressivement ou brusquement). Mais toutes reposent sur un même principe : « adaptation locale avantageuse changeant de l’environnement » [8]. De ce principe, nous pouvons en déduire deux conséquences. 

Le processus est d’abord local. Les modifications affectent des êtres particuliers sur une zone spécifique. Elles ne touchent pas de manière uniforme et identique l’ensemble de la vie répandue sur la Terre et l’ensemble des espèces. Elles introduisent des variations multiples. Le processus produit donc essentiellement de la différenciation et de la séparation. Il est donc impossible de voir un progrès global dans ces variations. S’il y a progrès, il ne pourrait qu’être local au sens où elle permettrait à une espèce de survivre dans un environnement fermé devenu hostile et de dominer d’autres espèces. Ce qui peut apparaître un avantage pour une espèce dans une zone aride peut ainsi devenir un désavantage dans une zone humide. Le progrès d’ensemble n’a donc pas de sens dans l’évolutionnisme Il ne peut y avoir qu’un progrès local et relatif… 

Le processus est aussi perçu comme une réponse à des modifications environnementales durables. Il apporte un avantage à l’être par une meilleure adaptation à des conditions de vie changeantes et défavorables. Si nous donnons alors une direction à l’évolution, nous en déduisons que les modifications environnementales sont elles-mêmes dirigées. Les paramètres tels que la température, la pluviosité, la luminosité, la pression, varient-ils en fonction d’une intention ?! Qui pourrait le prétendre ? Leurs variations sont la conséquence de mécanismes physico-chimiques, d’interactions et d’interdépendances de lois subtiles d’équilibres dans un système particulièrement complexe. 

Une « loi » génétiquement inconcevable 




Nous n’adhérons pas à l’évolutionnisme [9]. Il n’est qu’une croyance et nullement un fait avéré et acquis. Notre conviction s’appuie en particulier sur des découvertes scientifiques, notamment génétiques. Nos connaissances sur le fonctionnement des gènes et le développement de l’homme à partir de son ADN, confirmées par de nombreuses lectures sérieuses, nous persuadent en effet l’impossibilité d’une théorie d’évolution globale, expliquant l’origine de la vie à partir d’une souche commune. Elle peut s’avérer néanmoins pertinente localement pour expliquer des différentiations mineures, des variations au sein des espèces [10]. Ces connaissances nous persuadent aussi de l’impossibilité de déterminer un sens dans ces variations génétiques. Pour qu’une variation se réalise efficacement puis se transmette d’une génération à une autre, des gènes doit être modifiés dans des conditions précises sans remettre en cause le fonctionnement global du mécanisme. Donner du sens à cet ensemble de variations revient à donner du sens aux modifications de gènes elles-mêmes. Dans ce cas, ces modifications génétiques répondraient à une intention donc à une intelligence. Mais si cette intelligence est capable de diriger ce mécanisme génétique fort complexe, pourquoi ne créait-elle pas d’elle-même les espèces au lieu de procéder par touches successives, par sélection, par hécatombe ? … 

Une « loi » contestable 

Pourtant, comme l’affirme Teilhard, la complexification de la vie au cours du temps serait une évidence pour la communauté scientifique. Elle serait un fait acquis comme le serait la théorie de l’Évolution. Or la réalité est différente. De nombreux évolutionnistes ont refusé d’admettre la moindre idée de progrès dans l’évolution. 

Ce débat est aussi vieux que l’évolutionnisme lui-même. « Après mûre réflexion, j’ai la ferme conviction qu’il n’existe aucune tendance naturelle au développement progressif » [11]. Darwin s’oppose en particulier au paléontologue Alfred Hyatt, fondateur d’une théorie évolutionniste, aujourd’hui disparue, qui admettait un progrès intrinsèque au processus. Il est vrai que sur ce point, Darwin est plutôt contradictoire. Il admet en effet que les êtres se perfectionnent au cours de l’histoire de la vie, ce qui conduit inéluctablement à donner une finalité à l’évolution. Pour résoudre cette contradiction, il développe un système particulièrement complexe, voire tortueux. Cette position ambiguë est peut-être représentative de l’évolutionnisme et de ses contradictions internes. En effet, croire à une finalité dans l’évolution revient à croire à une intelligence capable de la diriger, donc inévitablement à Dieu. Or Darwin a pour objectif de construire une théorie sans Dieu, sans aucun acteur surnaturel, … Une nature sans intelligence pour la diriger… 

Nous pouvons donc regrouper les évolutionnistes en deux camps d’importance inégale : ceux qui voient une intelligence au commande du processus et ceux qui n’y voient qu’un phénomène aléatoire, sans capitaine à la barre. Le deuxième clan prédomine. Il est donc erroné de croire que la loi de complexification est communément admise par tous les évolutionnistes et encore plus par toutes les scientifiques. Pourtant, le mythe du progrès continue de dominer la littérature et l’enseignement… 

Expliquer la diversité ou l’origine de la vie ? 


Nous pouvons encore séparer les évolutionnistes selon la finalité de leurs travaux ou encore sur la raison même de leurs convictions. Certains veulent trouver dans l’évolutionnisme un processus adaptatif responsable de la diversité de la vie quand d’autres veulent découvrir et expliquer la structure même de la vie et par conséquent son origine. Teilhard fait partie de la deuxième catégorie. Adaptative ou structurelle, une théorie évolutionniste n’a pas la même importance. L’une tente de chercher une explication à une réalité physique observable, l’autre à éluder le mystère de la vie. Quelle est la finalité de la science ?... Pouvons-nous demander à la science d’expliquer l’origine de la vie ? N’est-ce pas signe d’une prétention exagérée, arrogante, ou simplement d’une ignorance profonde quand aujourd’hui, plus consciente de ses limites, la science confesse ses véritables faiblesses ? Ce n’est pas croire en la science de lui donner un tel objectif ; c’est plutôt la méconnaître et l’asservir à ses propres opinions démesurées. 

Pour conclure 

Les théories évolutionnistes ne peuvent pas donner du sens au processus de l’Évolution. Elle n’apporte aucun sens à la réalité et à l’histoire de la vie. La loi de complexification est en outre incompatible avec les découvertes scientifiques. C’est pourquoi, contrairement aux affirmations abusives de Teilhard, elle n’est pas un fait acquis et unanimement reconnue par la communauté scientifique. Au contraire, au fur et à mesure de leurs connaissances, les scientifiques sérieux rejettent cette idée infondée comme ils ont abandonné toute prétention à vouloir expliquer le sens de la vie et à lui donner toute finalité. De véritables théories se sont en outre développées pour essayer de comprendre ce qu’est la complexité tant cette notion est elle-même complexe. Teilhard n’a donc pas fondé une théorie sur une base scientifique mais bien sur une hypothèse purement philosophique, ou plus certainement psychique. Il commet surtout une faute, celle de nous abuser par d’affirmations infondées… 



Références
[1] Teilhard, Le Phénomène Humain, I, chapitre 1. 
[2] Teilhard, L’Avenir de l’Homme, V. 
[3] Teilhard, L’Avenir de l’Homme, V. 
[4] Teilhard, Note sur le Christ évoluteur. 
[5] Teilhard, Le Phénomène Humain, Postface. 
[6] Teilhard, Le Phénomène Humain, I, chapitre 1.
[7] Le Blog de Fred, Teilhard de Chardin, Mémoire, chapitre II, 29 octobre 2012, http://www.viatertia.fr/article-teilhard-de-chardin-memoire-111851227.html. 
[8] Stephen Jay Gould, L’Éventail du Vivant, Le Mythe du Progrès, éditions du Seuil, 1987. 
[9]Voir Émeraude, novembre 2012, article « L’évolutionnisme, une imposture ». 
[10]Voir Émeraude, article « Macro-évolution, micro-évolution ». 
[11] Darwin, Lettre au paléotolongue Alphone Hyatt, 4 décembre 1872, cité par S. J. Gould, L’Éventail du Vivant.

2 commentaires:

  1. Comment peut-on au XXIeme siècle ignorer l'évolution biologique et sociale du monde vers un mieux-être global? Comment peut-on dire aujourd'hui " Nous n'adhérons pas à l'évolutionnisme".Même le Globe est constitué de plaques tectoniques qui se déplacent et on en mesure la vitesse! Sous l'apparente immobilité de la matière il y a un incroyable mouvement de la matière appelé mouvement brownien...Le fixisme est une anomalie intellectuelle de nos jours ...réservée à une frange traditionaliste qui croient encore que le monde s'est fait en 7 jours comme il est indiqué dans la Genèse...

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    1. Bonjour, nous ne croyons pas que le monde s'est fait en 7 jours. Lisez notre article sur la genèse. En outre, de quoi parlez-vous sous le terme d'évolution ? Nous nous opposons à l'évolutionnisme (théorie générale de Darwin) et à l'idée que nous progressons vers le mieux, vers une complexification comme l'entendait Teihlard. Osez en effet dire aux chrétiens qui vivent au Nord du Mali ou en Irak ou à ceux qui ont survécu aux deux guerres mondiales que le monde est globalement mieux. Osez encore le dire après avoir pensé à l'état de notre planète. Enfin nous n'avons jamais nié le mouvement ou l'instabilité. Nous connaissons aussi les questions que nous posent la relativité et la physique quantique, questions qui bouleversent nos connaissances. Certes vous pouvez ne pas nous croire - car c'est bien une croyance - mais vous ne pouvez pas soutenir que c'est un fait scientifique. Nous sommes désolés : depuis le XXe siècle, nous sommes devenus beaucoup humbles devant les mystères de la vie. C'est probablement l'un des plus grands progrès que nous avons réalisés, parfois à notre dépend. Une seule question : quel est le moteur de l'évolution ? Bonsoir... Emeraude

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