Nous
reconnaissons Notre Seigneur Jésus-Christ comme le seul et vrai Messie. Il est Celui que la
Sainte Écriture a annoncé. Il est l’accomplissement des prophéties bibliques. Il est le véritable « Désiré des nations » (Aggée, II, 7-8). Pour y croire, nous devons d'abord accepter l’idée de prophétie. De nombreuses critiques tentent
de la remettre en cause comme elles remettent en question l’idée même du
miracle. C’est une des erreurs du modernisme comme le mentionne le Syllabus [1].
Différents
sens du terme « prophétie »
La prophétie d'Isaïe Legendre (XIXe) |
Le
terme de « prophétie » est
tiré du grec « prophêtês ».
Selon une interprétation classique, « pro »
signifie « avant » et
« phêmi », « je dis ». Il désigne donc une
prédiction. Selon une autre interprétation, le terme « pro » n’a pas un sens temporel mais
locatif. Il signifierait alors « devant ».
Ainsi pour certains commentateurs, est « prophète » celui qui est « en – avant » de Dieu qui l’envoie parler de sa part. L’accent
est alors mis sur l’inspiration du prophète. Pour d’autres, le « prophète » parle au-devant de ses
destinataires, soulignant ainsi l’autorité de son message. Enfin, la troisième solution consiste à accumuler ces deux interprétations. « Le prophète est à la fois porte-parole de la
divinité et celui qui proclame avec autorité et solennité »[2] C’est
en ce sens qu’Aaron est reconnu comme un prophète. C’est en quelque sorte
celui qui « profère ». Dans
ce cas, la prophétie est synonyme de « révélation ».
Mais ce sens n’est pas exclusif.
Effectivement,
le terme de « prophète »
peut avoir plusieurs sens. Le terme de « prophète » renvoie à plusieurs termes hébreux[3]. Il
correspond à « nâbi », « interprète, héraut, porte-parole »
ou encore à « roeh » ou
« hôzè », qui signifient « celui qui voit », « voyant ». Le terme de « prophétie », qui dérive de « naboua », apparaît tardivement.
Auparavant, on utilisait les termes de « dabar »
(« parole »), « né’oum » (« oracle »),
« massa » (« prédiction »).
La
prophétie n’est pas obligatoirement entendue comme une « vision » d’un futur. Elle peut aussi
faire connaître un événement du passé comme le fait Moïse qui prophétise
l’origine du monde.
Dans notre article, nous prenons le terme de « prophétie » uniquement dans le sens
de prédiction.
Qu’est-ce
qu’une prophétie ?
Au
sens large, la prophétie est une prédiction d’un événement futur. « Une prophétie est la prédiction de choses à venir, l'annonce anticipée de réalités ultérieures. » [14] La prédiction
d’une éclipse ou du passage d’une comète est une prophétie. Au sens strict du
mot, elle est « la prévision
certaine et l’annonce de choses futures qui ne peuvent être connues par les
causes naturelles »[4]. Elle est
donc un miracle. La prophétie peut contenir l’un ou plusieurs des
éléments suivants : la connaissance d’un événement, le lieu et le temps où il se
produira, la signification prophétique de l’événement et de l’origine de la
prophétie. Elle peut être conditionnelle et devient alors une menace.
La prédiction doit alors répondre à deux conditions. D’une part,
elle doit être certaine, c’est-à-dire claire, sans ambiguïté. Elle ne doit pas
être « si obscure que les mêmes vers
pouvaient en toutes circonstances, s’appliquer à d’autres choses »[5] comme le
dénonce Cicéron à l’égard des oracles païens. Cependant, elle comporte toujours
une certaine obscurité. Par la voix du prophète, nous ne disposons qu’une
partie du plan de Dieu. Nous ne saisissons qu’une bribe d’un film dont nous
ignorons l’ensemble. Une prophétie peut alors être énigmatique. Le songe du
pharaon n’est guère explicite. Il faut l’intervention de Jacob qui a reçu des
lumières divines pour le comprendre. Aucun mage ne parvient à lui donner du
sens. La prophétie comprend alors le songe en lui-même et son explication. Sans comprendre le sens de son songe, le pharaon a cependant pleinement conscience
de son importance. La femme d’Hérode saisit aussi la valeur de son
rêve.
Parfois une parole prophétique est dite sans que le sens ou la valeur n'en soient pleinement saisie. Ainsi Caïphe prophétise au sujet de Notre Seigneur
Jésus-Christ. « Il ne dit pas cela
de lui-même, […] ; il prophétisa
que Jésus devait mourir pour la nation » (Jean, XI, 51). Selon Saint Thomas, ce dernier exemple n’est pas une
prophétie au sens strict. Le prophète doit en effet être convaincu de l’origine
de sa prédiction et donc de la certitude de ses propos. La suggestion de Caïphe
est donc dite improprement prophétie. Saint Thomas parle d’inspiration
prophétique.
"Voici que la vierge concevra et enfantera un fils" (Isaïe, VII, 14) |
D’autre
part, la prédiction ne doit pas être fournie au moyen de causes naturelles,
notamment à partir de la connaissance des lois naturelles ou de la connaissance
empirique. Une prophétie ne naît pas non plus du hasard ou de la folie. Elle se
fonde sur un moyen de connaissance non naturel. Elle fait en fait l’objet d’une
révélation. La
prophétie est en effet une révélation d’une chose qui n’est pas naturellement
prévisible et qui doit arriver. Elle « est
la connaissance surnaturellement communiquée et la prédiction infaillible
d’événements futurs naturellement imprévisibles. » [6] Par
conséquent, elle est une connaissance surprenante de l’avenir.
En un certain
sens, la possibilité de la prophétie n’est pas étonnante pour ceux qui croient
en Dieu. Effectivement, Dieu est omniscient. Il connaît l’avenir. Aucun
événement ne lui échappe, y compris ceux qui dépendent de la liberté humaine,
de la libre détermination de la volonté. Mais ne nous trompons pas. Dieu ne
prévoit pas les événements comme si nos actes étaient prédéterminés. Il ne
prédit pas l’avenir ! Comme Il est hors du temps, dans son éternité, Dieu
voit l’avenir. Rien n’est passé, rien ne viendra pour Lui. Et s’Il connaît
l’avenir, Dieu peut aussi nous le révéler. Les prophéties appartiennent
pleinement à la Révélation. Ainsi «
l’élément distinctif du
discours prophétique n’est pas tant son contenu ou sa forme, mais son origine
surnaturelle »[7]
Le
prophète reçoit donc une révélation divine. Il ne voit pas l’avenir mais
perçoit ce que Dieu lui montre. « L’expérience prophétique […] est une relation entre l’éternité et le
temps, un dialogue entre Dieu et l’homme »[8]. Si le
terme de dialogue est peut-être exagéré, il y a effectivement une certaine
participation à la vision divine, à l’éternité de Dieu. Le prophète doit
recevoir et accepter le message divin comme tout porteur de révélation.
Effectivement, comme toute révélation, si la prophétie est une initiative
divine, elle ne va pas à l’encontre de la volonté du prophète.
Saint
Thomas nous précise cependant que la prophétie est différente de la vision.
« On appelle prophète celui qui a
une apparition de choses lointaines ; et en cela, la prophétie diffère de
la vision selon le mode, car une
apparition signifie une relation de ce qui est visible à celui qui voit, alors
que c’est le contraire pour la vision. » [9] La chose
est lointaine selon deux sens. Soit elle est lointaine de manière absolue. Sa
connaissance nous est impossible ni en elle-même ni en ses causes. Soit elle
est lointaine de manière relative. Elle est lointaine non pas pour celui qui
reçoit l’apparition mais uniquement pour ceux qui ne la connaissent pas.
En
outre, la prophétie n’a de sens que si elle est communiquée, transmise. Le prophète a la
mission d’annoncer ce qui va se réaliser dans le futur. Elle appartient au plan
de Dieu auquel il participe. Elle a donc un objectif : préparer les véritables destinataires
de la prophétie, le prophète n’étant qu’un relais de Dieu. Elle vise donc à les
mettre en attente, à les prévenir. La prophétie se réalisera. A l’homme de s’y
préparer. Au-delà de la prophétie se trouve donc une volonté, un plan.
La
valeur apologétique de la prophétie
L’accomplissement
de la prophétie dévoile pleinement le sens de la prophétie. Elle prend véritablement
toute sa valeur lorsqu’elle est réalisée. Et c'est en étant accomplie qu'elle acquiert sa crédibilité. La réalité de son accomplissement permet aussi de distinguer le vrai du faux prophète.
Il
existe en effet des faux prophètes que Dieu demande de châtier de manière
exemplaire dans la loi mosaïque. « Le
prophète qui, corrompue par l’orgueil, voudra dire en mon nom des choses que je
ne lui ai pas ordonné de dire, ou qui parlera au nom des dieux étrangers sera
mis à mort » (Deut., XVIII, 20). Seul son accomplissement permet de
discerner la parole prophétique. « Comment
puis-je discerner la parole que le Seigneur n’a pas dite ? Tu auras ce
signe : si ce ne que ce prophète n’arrive pas » (Deut.,
XVIII, 22).
La
parole de Caïphe ne s’éclaire qu’après la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ. Dans
le passé, Caïphe a annoncé clairement un événement qui finalement se réalise dans
le présent. La comparaison entre les faits prédits et les faits accomplis
permettent de confirmer la réalité de la prophétie. Avant qu’elle ne soit
réalisée, elle est de l’ordre de la foi, c’est-à-dire de la croyance. Elle peut
être peu ou mal comprise. Après son accomplissement, elle gagne de la clarté et
de la crédibilité. Et plus le prophète est éloigné de l’accomplissement du fait
prédis, plus elle acquiert de la valeur. La difficulté croît en effet avec le
temps qui sépare la prophétie de sa réalisation.
Les
prophéties comme les miracles, « en montrant abondamment la
toute-puissance et la science infinie de Dieu sont des signes très certains de
la révélation divine »[10].
L’accomplissement de la prophétie devient en effet un argument probant :
- du caractère divin de la prophétie : Dieu seul peut connaître l’avenir ;
- de l’existence de Dieu : seul un être intelligent et doué de volonté hors du temps est capable de voir l’avenir et de le révéler ;
- de l’existence d’un plan de Dieu ;
- de son intervention dans la vie des hommes.
Comme
le rappelle le serment antimoderniste, la prophétie est une « preuve extérieure de la Révélation » [11] comme
tout miracle. Par sa réalisation, elle prouve son origine divine. Mais
contrairement au miracle proprement dit, qui manifeste la toute-puissance de
Dieu, la prophétie manifeste la science de Dieu. C’est pourquoi il est dit que la
prophétie est un miracle d’ordre intellectuel. La prophétie est bien de l’ordre
de la connaissance dont le principe est la lumière divine. Soulignons que le
miracle ne consiste pas dans le contenu de la prophétie mais dans sa manifestation
qui nous en est faite, une manifestation bien sensible afin que nous puissions
la connaître.
Comme
le précise aussi le 1er Concile du Vatican, les prophéties sont des
signes « adaptés à l’intelligence de
tous » [12],
« à l’intelligence de tous les temps
et de tous les hommes, même ceux d’aujourd’hui. »[13] Elle
n’est pas seulement appropriée à ceux qui sont directement concernés par le
fait prophétisé mais par tout témoin qui a connaissance de la prophétie et de
son accomplissement. Les prophéties bibliques intéressent donc non seulement
les Juifs qui en sont les premiers bénéficiaires mais aussi les païens, les
incroyants, les agnostiques, les sceptiques, les indifférents. Car prédire
l’avenir de manière certaine sans que cette connaissance du futur se fonde sur
des moyens naturels est propre à susciter l’étonnement, à briser les
certitudes, à éveiller les bonnes questions.
Le
témoignage du prophète est-il encore de l’ordre de la foi puisque les faits
démontrent sa véracité ? Si la raison peut prouver l’accomplissement d’une
affirmation dite prophétique, elle ne peut prouver de manière générale la
réalité de la prophétie, surtout lorsque le temps de la prophétie et de son accomplissement sont très éloignés. Nombres de critiques légitimes
peuvent en effet convaincre la raison de ne pas y adhérer. La prophétie peut
être lue en fonction du présent, déviant ainsi son interprétation. Un copiste
peut de manière inconsciente modifier l’affirmation de façon à être comprise en
fonction du fait réalisé. En un mot, le fait accomplissant soi-disant la prophétie
peut influencer la lecture de la même prophétie. Nous pouvons de même
interpréter un fait présent selon la vision d’une prophétie ou ne souligner
qu’un aspect de l’événement prédit en oubliant l’événement dans sa totalité. A
force de croire qu’un fait se réalisera, on finit par croire qu’il s’est
réalisé. Telles sont des exemples de des critiques des adversaires du christianisme.
L
a
force de l’argument prophétique est de relier le passé et le présent au moment de son accomplissement, un
présent indéterminable par les forces naturelles, un présent où se joue le
libre arbitre, donc injoignables pour toute créature et donc inconnaissable.
C’est aussi sa faiblesse puisque la raison ne peut non plus les relier de
manière certaine. La raison ne peut donc prouver de manière certaine la réalité
d’une prophétie comme elle ne peut prouver un fait historique. Elle ne peut
être présente à la fois dans le passé et dans le présent.
Le prophète Zacharie Jan van Eyck |
La
prophétie biblique s’appuie enfin sur des livres canoniques, c’est-à-dire
inspirés de Dieu, ce qui lui donne sa véracité, une véracité fondée sur la foi
et non sur la raison. Faisant partie de la Révélation, elle est un mode de
connaissance surnaturel. N’oublions pas que l’origine de la prophétie est
surnaturelle.
Tous ces éléments font que l’argument fondé sur une prophétie
n’est pas de l’ordre de la raison mais de la foi.
La
raison n’y est pas pourtant exclue. Elle apporte son appui en présentant des
arguments favorables aux liens objectifs existant entre la prophétie et le fait
qui semble la réaliser. Elle peut jeter des ponts solides entre le passé et le présent.
D’une
part, au niveau de la prédiction elle-même, elle permet de constater la
prédiction par la recherche et la critique des témoignages, de montrer ensuite
qu’elle est précise et non équivoque, de garantir son intégralité substantielle
à travers le temps et de reconnaître qu’elle n’est ni une intuition, ni
un pressentiment, et la distinguer de la simple conjecture.
D’autre
part, au niveau de l’événement prédit et réalisé, elle permet de constater
le fait de son accomplissement en vérifiant le fait matériel réalisant la
prophétie et en démontrant le lien entre la prophétie et la réalisation, de
montrer que l’événement constaté n’est ni l’œuvre du hasard, ni la conséquence
d’une cause naturelle entrevue conjecturalement.
C’est
pourquoi la prophétie est un motif de crédibilité de grande valeur, puissant
par sa rationalité. Cependant, elle présente deux difficultés. Si théoriquement
elle est accessible à tous, elle peut être en pratique plus accessible aux
esprits cultivés. Néanmoins, l’apologiste peut nettement réduire cette difficulté
en la présentant de manière efficace et adaptée à ses interlocuteurs. La valeur
de la prophétie reste aussi suspendue jusqu’au moment de sa réalisation.
Cependant, cette difficulté devient une force lorsqu’elle se réalise efefctivement …
La
prophétie biblique
Dans
la Sainte Écriture, les prophéties présentent des traits significatifs. Elles
sont d’abord publiques et transmises par écrit. Elles ne sont point cachées ou
oubliés mais soigneusement conservées. Ainsi aujourd’hui encore, nous pouvons
les examiner avec soin comme nous pouvons vérifier leur compréhension à travers
le temps, ce qui est important notamment pour rendre compte de la
reconnaissance de la valeur messianique des versets bibliques. Cela permet
également de connaître leur interprétation avant leur accomplissement et de
confirmer l’antériorité du sens reconnue à une prophétie d’un fait qui
l’accomplit.
Puis,
les prophéties sont continues et permanente dans l’histoire sainte depuis les
premières pages de la Genèse jusqu’au dernier livre au point que la Sainte
Bible est parfois considérée comme une prophétie. Cette continuité est une suite
de confirmations, d’éclaircissements, d’approfondissements. A mesure que les
événements sont proches, les prophéties sont plus précises et cohérente.
Cela reflète une action réfléchie et dirigée. L’attente est soigneusement
préparée, les esprits éclairés. Certes, des esprits malins peuvent toujours
prétendre que les prophètes s’inspirent de leurs prédécesseurs en enrichissant
leurs propos. Mais comment peuvent-ils alors expliquer l’accomplissement de ces
prophéties si plusieurs esprits en sont les auteurs ? Cela rend encore
plus invraisemblable leur réalisation. Ce travail prétendu commun réduit en
effet la part du hasard, de la connaissance empirique, de l’influence du
contexte si changeant dans le temps.
De
plus, selon les Chrétiens, les prophéties de l’Ancien Testament renvoient en grande partie vers le Nouveau Testament. Elles annoncent ce que nous voyons réaliser en Notre Seigneur Jésus-Christe et en son Église. Les actes
et gestes de Notre Seigneur Jésus-Christ peuvent ainsi être jugés en fonction des
prophéties messianiques. Mais le Nouveau Testament nous renvoie aussi vers l'Ancien Testament. Leur accomplissement donne sens et crédibilité divine aux prophéties, confirmant par ailleurs leur caractère messianique. Nous voyons donc une double relation entre l’Ancien
et le Nouveau Testament. Elles assurent ainsi la continuité des deux parties de la Sainte Écriture et garantissent l’unicité de leur auteur.
Rappeons enfin que les prophéties ne
se terminent pas par l’Ancien Testament, même si le temps de la prophétie biblique est achevé. Le Nouveau Testament en contient
aussi. Certains ont été déjà accomplis, d’autres sont en attente.
Les
formes prophétiques de la Sainte Bible
Le Prophète Jérémie Ravennes |
La
prophétie apparaît parfois comme une vision. Certains livres ne sont que la transcription de ce
qu’ont vu les prophètes : « Malheur
accablant qu’a vu Habacuc, le prophète » (Habacuc, I, 1). Le titre
de certains livres inspirés le rappelle aussi : « livre de la vision de Nahum l’Elcéséen »
(Nahum,
I, 1). Le grand prophète Isaïe a vu le malheur accablant la Babylone. Il énonce
dans ses discours la ruine des ennemis de Dieu. La vision divine peut aussi provenir d’un songe. « Écoutez mes paroles : si quelqu’un parmi vous est prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai dans la vision, ou je lui parlerai en songe. » (Nombre, XII, 5).
La
prophétie peut être suggérée par la simple vue d’objets. Dieu demande ainsi à
Jérémie de dire ce qu’il voit. « Je
vois une verge qui veille » (Jér., I, 11), « une marmite bouillante, et de sa face venant
de la face de l’aquilon » (Jér., I, 13). Et à partir des noms
qui désignent ces objets, Dieu lui révèle sa Parole. « Tu as bien vu, parce que je veillerai sur ma
parole afin que je l’accomplisse. » (Jér., I, 12), « c’est de l’aquilon que se déploiera le mal
sur tous les habitants de la terre » (Jér., I, 14). La prophétie
s’appuie parfois sur des jeux de mots, parfois difficiles à traduire. Les noms
mêmes annoncent l’avenir. Le fils d’Osée est ainsi appelée « Jezrahel », « parce que encore un peu de temps, et je
visiterai le sang de Jezrahel sur la maison
de Jéhu, et je ferai cesser le royaume de la maison d’Israël. »(Osée,
I, 4). « Jezrahel »
signifie en effet « Dieu exterminera ».
Le
Prophète peut ne pas transmettre la Parole de Dieu uniquement par des paroles.
Elles peuvent être accompagnées d’actes symboliques qui annoncent un
événement. Isaïe marche nu-pieds et dévêtu, comme un captif, durant trois ans
pour symboliser le sort qui attend l’Égypte et Kouch. Pour symboliser la
destruction de Juda, Jérémie jette dans l’Euphrate une ceinture que le fleuve
détériore en quelque temps. Ézéchiel se coupe la barbe et les cheveux et les
partage en touffes qui indiquent le sort de Jérusalem. Osée se marie avec une
prostituée : « Va, prends pour
toi une femme de fornications, et des enfants de fornications ; parce que
forniquant la terre forniquera en se séparant du Seigneur. » (Osée,
I, 3).
Enfin,
la connaissance surnaturelle de l’avenir ne se réduit pas à des paroles
prophétiques dans la Sainte Bible. Des faits, des éléments de la Loi et du
culte sous l’Ancienne Alliance ont été considérés comme des figures de ce qui a
été depuis réalisé. Ce n’est pas à proprement parler des prophéties mais en un
certain sens les figures ont une valeur prophétique. L’accomplissement de ce qu’ils
signifiaient prenne véritablement sens au moment de leur réalisation. Il n’est
pas rare que des prophètes renvoient à ces éléments pour mieux éclairer leurs
paroles. L’« agneau de Dieu »
utilisé par Isaïe pour désigner le Messie souffrant renvoie évidemment à son
sacrifice dans le culte de la Loi.
Les prophéties et les figures manifestent
ainsi une cohérence extraordinaire de la Sainte Écriture, Livre rédigé, rappelons-nous, pendant des siècles par de
nombreux auteurs bien différents. Elles reflètent une idée continue, une
volonté réfléchie, un plan divin.
« Nous avons la parole plus ferme des
prophètes, à laquelle vous vous faites bien d’être attentifs, comme à une lampe
qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour se lève dans vos
cœurs ; sachant avant tout que nulle prophétie de l’Écriture ne s’explique
par une interprétation particulière. Car ce n’est pas par la volonté des hommes
que la prophétie n’a jamais été apportée ; mais c’est inspiré par l’Esprit
Saint, qu’ont parlé les saints hommes de Dieu. » (II. Pier., I, 19-21).
Notes et références
[1] Pie IX, Syllabus, 8 décembre 1864, §I, 7, denz. 2907.
[2]
André Motte,
« Aspects du prophétisme grec », Prophéties
et Oracles, vol. II : en Égypte
et en Grèce. Supplément au Cahier Évangile 89, Paris, Cerf,
1994 cité dans La prophétie chrétienne d’après le Nouveau Testament : l’état de
la question, Timothée Minard, pasteur de la Fédération des Églises
Évangéliques Baptistes de France, mai 2013
[3]
Voir Dictionnaire
Théologique Catholique, article « prophétie ». Ou encore Dictionnaire de la Bible,
André-Marie Gérard, article « Prophétisme »,
Bouquins, Robert Laffont, 1989.
[4]
Saint Thomas d’Aquin.
[5]
Cicéron, De divin, 1, II cité dans Manuel d’Apologétique, abbé A.
Boulenger, n°173, 1928.
[6]
Dictionnaire
Théologique Catholique, article « prophétie ».
[7]
David E. AUNE, Prophecy in Early Christianity and the Ancient Mediterranean World,
Grand Rapids, Eerdmans, 1983 cité dans La prophétie chrétienne d’après le Nouveau
Testament : l’état de la question, Timothée Minard.
[8]
A. Neher, Prophètes et prophéties, Payot, collection Petites Bibliothèques
Payot, 2004 dans Connaissance des Pères de l’Église, Judaïsme et christianisme dans
les commentaires patristiques des Prophètes, n°133, Les
sources hébraïques des commentaires patristiques des Prophètes,
Marie-Anne Vannier mars 2014,.
[9]
Sainte Thomas d’Aquin, Commentaire sur Isaïe, chapitre 1,
traduction des moines de l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault.
[10]
1er Concile de Vatican, constitution dogmatique Dei Filius sur la foi
catholique, 24 avril 1870, chap.3, denz. 3009.
[11]
Saint Pie X, Motu Proprio Sacrorum antistitum, 1er septembre
2910, Denz. 3539.
[12]
1er Concile de Vatican, Dei Filius, chap.3, denz. 3009.
[13]
Saint Pie X, Motu Proprio Sacrorum antistitum, Denz. 3539.
[14] Saint Irénée de Lyon, Contre les hérésies, livre IV, 20, 5, tard. par Adelin Rousseau, cerf, 2001.
[14] Saint Irénée de Lyon, Contre les hérésies, livre IV, 20, 5, tard. par Adelin Rousseau, cerf, 2001.
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