" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 5 juin 2015

La valeur apologétique des prophéties

Nous reconnaissons Notre Seigneur Jésus-Christ comme le seul et vrai Messie. Il est Celui que la Sainte Écriture a annoncé. Il est l’accomplissement des prophéties bibliques. Il est le véritable « Désiré des nations » (Aggée, II, 7-8). Pour y croire, nous devons d'abord accepter l’idée de prophétie. De nombreuses critiques tentent de la remettre en cause comme elles remettent en question l’idée même du miracle. C’est une des erreurs du modernisme comme le mentionne le Syllabus [1].

Différents sens du terme  « prophétie » 

La prophétie d'Isaïe
Legendre (XIXe)
Le terme de « prophétie » est tiré du grec « prophêtês ». Selon une interprétation classique, « pro » signifie « avant » et « phêmi », « je dis ». Il désigne donc une prédiction. Selon une autre interprétation, le terme « pro » n’a pas un sens temporel mais locatif. Il signifierait alors « devant ». Ainsi pour certains commentateurs, est « prophète » celui qui est « en – avant » de Dieu qui l’envoie parler de sa part. L’accent est alors mis sur l’inspiration du prophète. Pour d’autres, le « prophète » parle au-devant de ses destinataires, soulignant ainsi l’autorité de son message. Enfin, la troisième solution consiste à accumuler ces deux interprétations. « Le prophète est à la fois porte-parole de la divinité et celui qui proclame avec autorité et solennité »[2] C’est en ce sens qu’Aaron est reconnu comme un prophète. C’est en quelque sorte celui qui « profère ». Dans ce cas, la prophétie est synonyme de « révélation ». Mais ce sens n’est pas exclusif.


Effectivement, le terme de « prophète » peut avoir plusieurs sens. Le terme de « prophète » renvoie à plusieurs termes hébreux[3]. Il correspond à « nâbi », « interprète, héraut, porte-parole » ou encore à « roeh » ou « hôzè », qui signifient « celui qui voit », « voyant ». Le terme de « prophétie », qui dérive de « naboua », apparaît tardivement. Auparavant, on utilisait les termes de « dabar » (« parole »), « né’oum » (« oracle »), « massa » (« prédiction »).

La prophétie n’est pas obligatoirement entendue comme une « vision » d’un futur. Elle peut aussi faire connaître un événement du passé comme le fait Moïse qui prophétise l’origine du monde. 

Dans notre article, nous prenons le terme de « prophétie » uniquement dans le sens de prédiction.

Qu’est-ce qu’une prophétie ?

Au sens large, la prophétie est une prédiction d’un événement futur. « Une prophétie est la prédiction de choses à venir, l'annonce anticipée de réalités ultérieures. » [14] La prédiction d’une éclipse ou du passage d’une comète est une prophétie. Au sens strict du mot, elle est « la prévision certaine et l’annonce de choses futures qui ne peuvent être connues par les causes naturelles »[4]Elle est donc un miracle. La prophétie peut contenir l’un ou plusieurs des éléments suivants : la connaissance d’un événement, le lieu et le temps où il se produira, la signification prophétique de l’événement et de l’origine de la prophétie. Elle peut être conditionnelle et devient alors une menace.

La prédiction doit alors répondre à deux conditions. D’une part, elle doit être certaine, c’est-à-dire claire, sans ambiguïté. Elle ne doit pas être « si obscure que les mêmes vers pouvaient en toutes circonstances, s’appliquer à d’autres choses »[5] comme le dénonce Cicéron à l’égard des oracles païens. Cependant, elle comporte toujours une certaine obscurité. Par la voix du prophète, nous ne disposons qu’une partie du plan de Dieu. Nous ne saisissons qu’une bribe d’un film dont nous ignorons l’ensemble. Une prophétie peut alors être énigmatique. Le songe du pharaon n’est guère explicite. Il faut l’intervention de Jacob qui a reçu des lumières divines pour le comprendre. Aucun mage ne parvient à lui donner du sens. La prophétie comprend alors le songe en lui-même et son explication. Sans comprendre le sens de son songe, le pharaon a cependant pleinement conscience de son importance. La femme d’Hérode saisit aussi la valeur de son rêve. 

Parfois une parole prophétique est dite sans que le sens ou la valeur n'en soient pleinement saisie. Ainsi Caïphe prophétise au sujet de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Il ne dit pas cela de lui-même, […] ; il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation » (Jean, XI, 51). Selon Saint Thomas, ce dernier exemple n’est pas une prophétie au sens strict. Le prophète doit en effet être convaincu de l’origine de sa prédiction et donc de la certitude de ses propos. La suggestion de Caïphe est donc dite improprement prophétie. Saint Thomas parle d’inspiration prophétique.

"Voici que la vierge concevra
et enfantera un fils
"
(Isaïe, VII, 14)
D’autre part, la prédiction ne doit pas être fournie au moyen de causes naturelles, notamment à partir de la connaissance des lois naturelles ou de la connaissance empirique. Une prophétie ne naît pas non plus du hasard ou de la folie. Elle se fonde sur un moyen de connaissance non naturel. Elle fait en fait l’objet d’une révélation. La prophétie est en effet une révélation d’une chose qui n’est pas naturellement prévisible et qui doit arriver. Elle « est la connaissance surnaturellement communiquée et la prédiction infaillible d’événements futurs naturellement imprévisibles. » [6] Par conséquent, elle est une connaissance surprenante de l’avenir

En un certain sens, la possibilité de la prophétie n’est pas étonnante pour ceux qui croient en Dieu. Effectivement, Dieu est omniscient. Il connaît l’avenir. Aucun événement ne lui échappe, y compris ceux qui dépendent de la liberté humaine, de la libre détermination de la volonté. Mais ne nous trompons pas. Dieu ne prévoit pas les événements comme si nos actes étaient prédéterminés. Il ne prédit pas l’avenir ! Comme Il est hors du temps, dans son éternité, Dieu voit l’avenir. Rien n’est passé, rien ne viendra pour Lui. Et s’Il connaît l’avenir, Dieu peut aussi nous le révéler. Les prophéties appartiennent pleinement à la Révélation. Ainsi « l’élément distinctif du discours prophétique n’est pas tant son contenu ou sa forme, mais son origine surnaturelle »[7]

Le prophète reçoit donc une révélation divine. Il ne voit pas l’avenir mais perçoit ce que Dieu lui montre. « L’expérience prophétique […] est une relation entre l’éternité et le temps, un dialogue entre Dieu et l’homme »[8]. Si le terme de dialogue est peut-être exagéré, il y a effectivement une certaine participation à la vision divine, à l’éternité de Dieu. Le prophète doit recevoir et accepter le message divin comme tout porteur de révélation. Effectivement, comme toute révélation, si la prophétie est une initiative divine, elle ne va pas à l’encontre de la volonté du prophète.

Saint Thomas nous précise cependant que la prophétie est différente de la vision. « On appelle prophète celui qui a une apparition de choses lointaines ; et en cela, la prophétie diffère de la vision selon le mode, car une apparition signifie une relation de ce qui est visible à celui qui voit, alors que c’est le contraire pour la vision. » [9] La chose est lointaine selon deux sens. Soit elle est lointaine de manière absolue. Sa connaissance nous est impossible ni en elle-même ni en ses causes. Soit elle est lointaine de manière relative. Elle est lointaine non pas pour celui qui reçoit l’apparition mais uniquement pour ceux qui ne la connaissent pas.

En outre, la prophétie n’a de sens que si elle est communiquée, transmise. Le prophète a la mission d’annoncer ce qui va se réaliser dans le futur. Elle appartient au plan de Dieu auquel il participe. Elle a donc un objectif : préparer les véritables destinataires de la prophétie, le prophète n’étant qu’un relais de Dieu. Elle vise donc à les mettre en attente, à les prévenir. La prophétie se réalisera. A l’homme de s’y préparer. Au-delà de la prophétie se trouve donc une volonté, un plan.

La valeur apologétique de la prophétie

L’accomplissement de la prophétie dévoile pleinement le sens de la prophétie. Elle prend véritablement toute sa valeur lorsqu’elle est réalisée. Et c'est en étant accomplie qu'elle acquiert sa crédibilité. La réalité de son accomplissement permet aussi de distinguer le vrai du faux prophète.

Il existe en effet des faux prophètes que Dieu demande de châtier de manière exemplaire dans la loi mosaïque. « Le prophète qui, corrompue par l’orgueil, voudra dire en mon nom des choses que je ne lui ai pas ordonné de dire, ou qui parlera au nom des dieux étrangers sera mis à mort » (Deut., XVIII, 20). Seul son accomplissement permet de discerner la parole prophétique. « Comment puis-je discerner la parole que le Seigneur n’a pas dite ? Tu auras ce signe : si ce ne que ce prophète n’arrive pas » (Deut., XVIII, 22).

La parole de Caïphe ne s’éclaire qu’après la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ. Dans le passé, Caïphe a annoncé clairement un événement qui finalement se réalise dans le présent. La comparaison entre les faits prédits et les faits accomplis permettent de confirmer la réalité de la prophétie. Avant qu’elle ne soit réalisée, elle est de l’ordre de la foi, c’est-à-dire de la croyance. Elle peut être peu ou mal comprise. Après son accomplissement, elle gagne de la clarté et de la crédibilité. Et plus le prophète est éloigné de l’accomplissement du fait prédis, plus elle acquiert de la valeur. La difficulté croît en effet avec le temps qui sépare la prophétie de sa réalisation.

Les prophéties comme les miracles, « en montrant abondamment la toute-puissance et la science infinie de Dieu sont des signes très certains de la révélation divine »[10]. L’accomplissement de la prophétie devient en effet un argument probant :
  • du caractère divin de la prophétie : Dieu seul peut connaître l’avenir ;
  • de l’existence de Dieu : seul un être intelligent et doué de volonté hors du temps est capable de voir l’avenir et de le révéler ;
  • de l’existence d’un plan de Dieu ;
  • de son intervention dans la vie des hommes.
Comme le rappelle le serment antimoderniste, la prophétie est une « preuve extérieure de la Révélation » [11] comme tout miracle. Par sa réalisation, elle prouve son origine divine. Mais contrairement au miracle proprement dit, qui manifeste la toute-puissance de Dieu, la prophétie manifeste la science de Dieu. C’est pourquoi il est dit que la prophétie est un miracle d’ordre intellectuel. La prophétie est bien de l’ordre de la connaissance dont le principe est la lumière divine. Soulignons que le miracle ne consiste pas dans le contenu de la prophétie mais dans sa manifestation qui nous en est faite, une manifestation bien sensible afin que nous puissions la connaître.

Comme le précise aussi le 1er Concile du Vatican, les prophéties sont des signes « adaptés à l’intelligence de tous » [12], « à l’intelligence de tous les temps et de tous les hommes, même ceux d’aujourd’hui. »[13] Elle n’est pas seulement appropriée à ceux qui sont directement concernés par le fait prophétisé mais par tout témoin qui a connaissance de la prophétie et de son accomplissement. Les prophéties bibliques intéressent donc non seulement les Juifs qui en sont les premiers bénéficiaires mais aussi les païens, les incroyants, les agnostiques, les sceptiques, les indifférents. Car prédire l’avenir de manière certaine sans que cette connaissance du futur se fonde sur des moyens naturels est propre à susciter l’étonnement, à briser les certitudes, à éveiller les bonnes questions.

Le Prophète Daniel
Michel Ange
Prophétie et raison

Le témoignage du prophète est-il encore de l’ordre de la foi puisque les faits démontrent sa véracité ? Si la raison peut prouver l’accomplissement d’une affirmation dite prophétique, elle ne peut prouver de manière générale la réalité de la prophétie, surtout lorsque le temps de la prophétie et de son accomplissement sont très éloignés. Nombres de critiques légitimes peuvent en effet convaincre la raison de ne pas y adhérer. La prophétie peut être lue en fonction du présent, déviant ainsi son interprétation. Un copiste peut de manière inconsciente modifier l’affirmation de façon à être comprise en fonction du fait réalisé. En un mot, le fait accomplissant soi-disant la prophétie peut influencer la lecture de la même prophétie. Nous pouvons de même interpréter un fait présent selon la vision d’une prophétie ou ne souligner qu’un aspect de l’événement prédit en oubliant l’événement dans sa totalité. A force de croire qu’un fait se réalisera, on finit par croire qu’il s’est réalisé. Telles sont des exemples de des critiques des adversaires du christianisme.

L
Le prophète Zacharie
Jan van Eyck
a force de l’argument prophétique est de relier le passé et le présent
au moment de son accomplissement, un présent  indéterminable par les forces naturelles, un présent où se joue le libre arbitre, donc injoignables pour toute créature et donc inconnaissable. C’est aussi sa faiblesse puisque la raison ne peut non plus les relier de manière certaine. La raison ne peut donc prouver de manière certaine la réalité d’une prophétie comme elle ne peut prouver un fait historique. Elle ne peut être présente à la fois dans le passé et dans le présent.



La prophétie biblique s’appuie enfin sur des livres canoniques, c’est-à-dire inspirés de Dieu, ce qui lui donne sa véracité, une véracité fondée sur la foi et non sur la raison. Faisant partie de la Révélation, elle est un mode de connaissance surnaturel. N’oublions pas que l’origine de la prophétie est surnaturelle. 
Tous ces éléments font que l’argument fondé sur une prophétie n’est pas de l’ordre de la raison mais de la foi. 

La raison n’y est pas pourtant exclue. Elle apporte son appui en présentant des arguments favorables aux liens objectifs existant entre la prophétie et le fait qui semble la réaliser. Elle peut jeter des ponts solides entre le passé et le présent.
D’une part, au niveau de la prédiction elle-même, elle permet de constater la prédiction par la recherche et la critique des témoignages, de montrer ensuite qu’elle est précise et non équivoque, de garantir son intégralité substantielle à travers le temps et de reconnaître qu’elle n’est ni une intuition, ni un pressentiment, et la distinguer de la simple conjecture.
D’autre part, au niveau de l’événement prédit et réalisé, elle permet de constater le fait de son accomplissement en vérifiant le fait matériel réalisant la prophétie et en démontrant le lien entre la prophétie et la réalisation, de montrer que l’événement constaté n’est ni l’œuvre du hasard, ni la conséquence d’une cause naturelle entrevue conjecturalement.

C’est pourquoi la prophétie est un motif de crédibilité de grande valeur, puissant par sa rationalité. Cependant, elle présente deux difficultés. Si théoriquement elle est accessible à tous, elle peut être en pratique plus accessible aux esprits cultivés. Néanmoins, l’apologiste peut nettement réduire cette difficulté en la présentant de manière efficace et adaptée à ses interlocuteurs. La valeur de la prophétie reste aussi suspendue jusqu’au moment de sa réalisation. Cependant, cette difficulté devient une force lorsqu’elle se réalise efefctivement …

La prophétie biblique

Dans la Sainte Écriture, les prophéties présentent des traits significatifs. Elles sont d’abord publiques et transmises par écrit. Elles ne sont point cachées ou oubliés mais soigneusement conservées. Ainsi aujourd’hui encore, nous pouvons les examiner avec soin comme nous pouvons vérifier leur compréhension à travers le temps, ce qui est important notamment pour rendre compte de la reconnaissance de la valeur messianique des versets bibliques. Cela permet également de connaître leur interprétation avant leur accomplissement et de confirmer l’antériorité du sens reconnue à une prophétie d’un fait qui l’accomplit.

Puis, les prophéties sont continues et permanente dans l’histoire sainte depuis les premières pages de la Genèse jusqu’au dernier livre au point que la Sainte Bible est parfois considérée comme une prophétie. Cette continuité est une suite de confirmations, d’éclaircissements, d’approfondissements. A mesure que les événements sont proches, les prophéties sont plus précises et cohérente. Cela reflète une action réfléchie et dirigée. L’attente est soigneusement préparée, les esprits éclairés. Certes, des esprits malins peuvent toujours prétendre que les prophètes s’inspirent de leurs prédécesseurs en enrichissant leurs propos. Mais comment peuvent-ils alors expliquer l’accomplissement de ces prophéties si plusieurs esprits en sont les auteurs ? Cela rend encore plus invraisemblable leur réalisation. Ce travail prétendu commun réduit en effet la part du hasard, de la connaissance empirique, de l’influence du contexte si changeant dans le temps.

De plus, selon les Chrétiens, les prophéties de l’Ancien Testament renvoient en grande partie vers le Nouveau Testament.  Elles annoncent ce que nous voyons réaliser en Notre Seigneur Jésus-Christe et en son Église. Les actes et gestes de Notre Seigneur Jésus-Christ peuvent ainsi être jugés en fonction des prophéties messianiques. Mais le Nouveau Testament nous renvoie aussi vers l'Ancien Testament. Leur accomplissement donne sens et crédibilité divine aux prophéties, confirmant par ailleurs leur caractère messianique. Nous voyons donc une double relation entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Elles assurent ainsi la continuité des deux parties de la Sainte Écriture et garantissent l’unicité de leur auteur.

Rappeons enfin que les prophéties ne se terminent pas par l’Ancien Testament, même si le temps de la prophétie biblique est achevé. Le Nouveau Testament en contient aussi. Certains ont été déjà accomplis, d’autres sont en attente.

Les formes prophétiques de la Sainte Bible


Le Prophète Jérémie

Ravennes

La plupart du temps, le prophète transmet la parole divine qu’il a reçue. « Elle me fut donc adressée la parole du Seigneur disant : […] » (Jer., I, 4). Elle est accompagnée d’une expression qui le définit clairement : « dit le Seigneur » (Is., XIV, 22), « voici ce que dit le Seigneur » (Jer., XV, 19), « il me dit » (Ez., III), « écoutez ce que dit le Seigneur » (Michée, VI, 1), « Parole du Seigneur » (Sophonie, I, 1), « la parole du Seigneur fut adressée » (Zach., I, 1), etc.

La prophétie apparaît parfois comme une vision. Certains livres ne sont que la transcription de ce qu’ont vu les prophètes : « Malheur accablant qu’a vu Habacuc, le prophète » (Habacuc, I, 1). Le titre de certains livres inspirés le rappelle aussi : « livre de la vision de Nahum l’Elcéséen » (Nahum, I, 1). Le grand prophète Isaïe a vu le malheur accablant la Babylone. Il énonce dans ses discours la ruine des ennemis de Dieu. La vision divine peut aussi provenir d’un songe. « Écoutez mes paroles : si quelqu’un parmi vous est prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai dans la vision, ou je lui parlerai en songe. » (Nombre, XII, 5).

La prophétie peut être suggérée par la simple vue d’objets. Dieu demande ainsi à Jérémie de dire ce qu’il voit. « Je vois une verge qui veille » (Jér., I, 11), « une marmite bouillante, et de sa face venant de la face de l’aquilon » (Jér., I, 13). Et à partir des noms qui désignent ces objets, Dieu lui révèle sa Parole. « Tu as bien vu, parce que je veillerai sur ma parole afin que je l’accomplisse. » (Jér., I, 12), « c’est de l’aquilon que se déploiera le mal sur tous les habitants de la terre » (Jér., I, 14). La prophétie s’appuie parfois sur des jeux de mots, parfois difficiles à traduire. Les noms mêmes annoncent l’avenir. Le fils d’Osée est ainsi appelée « Jezrahel », « parce que encore un peu de temps, et je visiterai le sang de Jezrahel sur la maison  de Jéhu, et je ferai cesser le royaume de la maison d’Israël. »(Osée, I, 4). « Jezrahel » signifie en effet « Dieu exterminera ».

Le Prophète peut ne pas transmettre la Parole de Dieu uniquement par des paroles. Elles peuvent être accompagnées d’actes symboliques qui annoncent un événement. Isaïe marche nu-pieds et dévêtu, comme un captif, durant trois ans pour symboliser le sort qui attend l’Égypte et Kouch. Pour symboliser la destruction de Juda, Jérémie jette dans l’Euphrate une ceinture que le fleuve détériore en quelque temps. Ézéchiel se coupe la barbe et les cheveux et les partage en touffes qui indiquent le sort de Jérusalem. Osée se marie avec une prostituée : « Va, prends pour toi une femme de fornications, et des enfants de fornications ; parce que forniquant la terre forniquera en se séparant du Seigneur. » (Osée, I, 3).

Enfin, la connaissance surnaturelle de l’avenir ne se réduit pas à des paroles prophétiques dans la Sainte Bible. Des faits, des éléments de la Loi et du culte sous l’Ancienne Alliance ont été considérés comme des figures de ce qui a été depuis réalisé. Ce n’est pas à proprement parler des prophéties mais en un certain sens les figures ont une valeur prophétique. L’accomplissement de ce qu’ils signifiaient prenne véritablement sens au moment de leur réalisation. Il n’est pas rare que des prophètes renvoient à ces éléments pour mieux éclairer leurs paroles. L’« agneau de Dieu » utilisé par Isaïe pour désigner le Messie souffrant renvoie évidemment à son sacrifice dans le culte de la Loi. 

Les prophéties et les figures manifestent ainsi une cohérence extraordinaire de la Sainte Écriture, Livre rédigé, rappelons-nous, pendant des siècles par de nombreux auteurs bien différents. Elles reflètent une idée continue, une volonté réfléchie, un plan divin.

« Nous avons la parole plus ferme des prophètes, à laquelle vous vous faites bien d’être attentifs, comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour se lève dans vos cœurs ; sachant avant tout que nulle prophétie de l’Écriture ne s’explique par une interprétation particulière. Car ce n’est pas par la volonté des hommes que la prophétie n’a jamais été apportée ; mais c’est inspiré par l’Esprit Saint, qu’ont parlé les saints hommes de Dieu. » (II. Pier., I, 19-21).







Notes et références
[1]
Pie IX, Syllabus, 8 décembre 1864, §I, 7, denz. 2907.
[2] André Motte, « Aspects du prophétisme grec », Prophéties et Oracles, vol. II : en Égypte et en Grèce. Supplément au Cahier Évangile 89, Paris, Cerf, 1994 cité dans La prophétie chrétienne d’après le Nouveau Testament : l’état de la question, Timothée Minard, pasteur de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France, mai 2013
[3] Voir Dictionnaire Théologique Catholique, article « prophétie ». Ou encore Dictionnaire de la Bible, André-Marie Gérard, article « Prophétisme », Bouquins, Robert Laffont, 1989.
[4] Saint Thomas d’Aquin.
[5] Cicéron, De divin, 1, II cité dans Manuel d’Apologétique, abbé A. Boulenger, n°173, 1928.
[6] Dictionnaire Théologique Catholique, article « prophétie ».
[7] David E. AUNE, Prophecy in Early Christianity and the Ancient Mediterranean World, Grand Rapids, Eerdmans, 1983 cité dans La prophétie chrétienne d’après le Nouveau Testament : l’état de la question, Timothée Minard.
[8] A. Neher, Prophètes et prophéties, Payot, collection Petites Bibliothèques Payot, 2004 dans Connaissance des Pères de l’Église, Judaïsme et christianisme dans les commentaires patristiques des Prophètes, n°133, Les sources hébraïques des commentaires patristiques des Prophètes, Marie-Anne Vannier mars 2014,.
[9] Sainte Thomas d’Aquin, Commentaire sur Isaïe, chapitre 1, traduction des moines de l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault.
[10] 1er Concile de Vatican, constitution dogmatique Dei Filius sur la foi catholique, 24 avril 1870, chap.3, denz. 3009.
[11] Saint Pie X, Motu Proprio Sacrorum antistitum, 1er septembre 2910, Denz. 3539.
[12] 1er Concile de Vatican, Dei Filius, chap.3, denz. 3009.
[13] Saint Pie X, Motu Proprio Sacrorum antistitum, Denz. 3539.
[14] Saint Irénée de Lyon, Contre les hérésies, livre IV, 20, 5, tard. par Adelin Rousseau, cerf, 2001.

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