Selon la pensée dominante, toute
chose ici-bas ferait l’objet d’une évolution. Les êtres vivants, les sociétés, les
idées, les religions changeraient au cours du temps selon parfois une direction bien
orientée. Le monde et l’humanité poursuivraient leur marche selon le sens du
progrès. Cette évolution a-t-elle vraiment un sens ? Est-elle orientée ou
hasardeuse ? Peut-on identifier le moteur de cette marche ? Les
questions sont nombreuses, les problèmes parfois insurmontables. Les tenants de l'évolutionnisme se divisent sur la cause de ces évolutions et sur la nature du
moteur. En un mot, le principe évolutionniste ne règle rien…
Le
christianisme n’échappe pas à cette pensée omniprésente. Il résulterait d’une
évolution spirituelle de l’humanité. Il ne serait
qu’une invention des chrétiens. Ce seraient en effet eux-mêmes qui l’auraient
fondé et développé pour répondre à leurs besoins ou par inconscience. Ils
parlent d’hallucination, de mythisation ou d’idéalisation. Il manifesterait aussi
la capacité d’une communauté à s’adapter aux circonstances changeantes et à
surmonter les épreuves pour survivre. Ou bien encore, il serait le produit d’un
syncrétisme religieux, un mélange de croyances qui se sont rencontrées, une
synthèse de mouvances d’origines diverses. Dans toutes ces théories, on cherche
à déterminer la cause du christianisme, son origine et sa permanence. Toutes
sont unanimes pour refuser l’action divine et tout événement surnaturel.
Certes, on ne parle ni de mensonge ni de tromperie mais de démarche
inconsciente, naturelle, inévitable.
Les
dogmes feraient aussi l’objet de l’évolution au fur et à mesure de l’expérience
religieuse des chrétiens. L’enseignement de l’Église se serait ainsi adapté à
l’intelligence de la foi. Le dogme ne serait qu’une de ses inventions pour
surmonter des difficultés passagères. Le fixer dans le marbre, ce serait donc ne
rien comprendre au christianisme. Ainsi tout en défendant la légitimité et
l’utilité de la vérité, on proclame sa relativité et son nécessaire évolution.
Dans ces théories, on confond bien vite vérité et énoncé, on oublie les obstacles
liés à la compréhension et à l’enseignement, on méconnaît les limites de notre
nature humaine. Le développement n’est point l’évolution. Le dogme du péché
originel en est un bel exemple de continuité et de permanence dans le temps.
La
Sainte Écriture et son interprétation n’échappent pas non plus à cette folie de l’évolutionnisme. Elles manifesteraient l’évolution de la pensée religieuse d’un peuple puis de
l’humanité, se modifiant au gré de l’histoire. Or des faits indubitables démontrent
son intégrité substantielle au moins depuis le IIIe siècle avant Jésus-Christ. Certes
elle a subi des modifications suites aux avaries du temps et aux manipulations
humaines sans pourtant altérer l’essentiel. Les dispositifs ont joué un rôle
non négligeable dans la transmission intègre des Livres Saintes. Ainsi la
Sainte Écriture demeure un témoignage sûr et accessible, fixé dans le temps.
Mais
peut-être pourrions-nous croire que sa composition a évolué au cours du
temps ? L’histoire des canons et sa proclamation plutôt récente pourraient
nous le faire penser. Mais c’est encore oublier le sens même des mots, oubli qui conduit à des malentendus. Le canon n’est qu’une reconnaissance de
l’origine divine des Livres Saints. Or la reconnaissance d’un fait ne donne pas
la réalité au fait lui-même. Une proposition ne devient pas vraie quand elle
est proclamée comme telle. La connaissance de l’histoire des canons conduit à
des conclusions beaucoup moins simplistes que celles des évolutionnistes.
C’est
grâce au témoignage historique de la Sainte Écriture que nous pouvons assister à la naissance du christianisme en un temps où la pensée religieuse
juive était plutôt complexe. Le peuple juif partage la même foi en un Dieu
unique, créateur et souverain, juste et bon, auteur véritable de la Sainte
Écriture. Éclairé et préparé par la Sainte Bible, il est en attente du Messie
et du temps à venir, espérant en l’accomplissement de la promesse divine. Il
attend le salut promis et le règne éternel de Dieu. Plus rattaché à une
conception matérialiste de cette attente, il semble toutefois oublier les aspects les
moins glorieux du Fils de David comme il voyait leur délivrance dans
l’application stricte des prescriptions de la Loi. C’est un temps où le
judaïsme orthodoxe n’existait pas. Il viendra un siècle plus tard quand déjà le
christianisme se serait répandu…
Généralement,
on présente le christianisme et le judaïsme comme deux mouvements issus d’une
même origine, deux tendances qui auraient évolué selon des besoins propres.
Cette présentation n’a guère de sens. Il s’agit de connaître les relations
entre la religion juive ancienne et les soi-disant mouvements qui y sont nés. Y a-t-il
continuité ou rupture ? En quoi le christianisme et le judaïsme orthodoxe
se diffèrent-ils ? En quoi se différent-ils de la religion juive ?
Le judaïsme orthodoxe ne peut prétendre être la continuité de la religion
juive. Il est plutôt le développement du pharisaïsme, un des partis dominants
du peuple juif au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il ne peut donc
prétendre représenter légitimement la religion juive ancestrale. Il s’est
véritablement formé après la destruction du Temple en l’an 70, parfois en opposition au christianisme.
Notre
Seigneur Jésus-Christ, les Apôtres et ses premiers disciples se sont toujours
défendus de vouloir réformer la religion juive. Ils se présentent comme ses
défenseurs, appliquant fidèlement la Loi. Leur foi et leur piété sont
irréprochables. Cependant, contrairement aux Pharisiens, ils savent distinguer
ce qui est de Dieu et ce qui est aux hommes. Ils annoncent en fait un temps
nouveau qui exige un esprit nouveau. Leur annonce n’est pourtant ni une
surprise ni une innovation pour celui qui sait entendre la Sainte Écriture. Notre
Seigneur Jésus-Christ et ses apôtres annoncent en effet l’accomplissement des
promesses divines. La différence fondamentale entre le christianisme et le
judaïsme repose sur cette reconnaissance. Le temps messianique est-il réalisé
ou devons-nous encore l’attendre ? Si effectivement Notre Seigneur
Jésus-Christ est Celui qui est annoncé par la Sainte Bible, nous comprenons
rapidement que le christianisme est la continuité d’une histoire qui a débuté
depuis l’origine du Monde. Le judaïsme apparaît alors comme en rupture avec
cette histoire. Si l’un est dans la vérité, l’autre demeure dans l’erreur.
Selon
l’enseignement de l’Église, Notre Seigneur Jésus-Christ est bien le Messie que
Dieu a envoyé comme Il l’a annoncé dans la Sainte Écriture. Or il est évident
pour les évolutionnistes qu’une telle affirmation ne peut être vraie. La
messianité de Notre Seigneur Jésus-Christ est pour eux une invention que ses
disciples ont forcément construite au cours du temps. Or Notre Seigneur
Jésus-Christ s’est clairement affirmé par ses paroles et ses actes comme le
véritable Messie. Il en appelle à la Sainte Écriture qui témoigne de lui. Ses
affirmations ne trompent pas les Juifs de son temps. Écrits bien avant son
arrivée, des versets bibliques ont en effet prédit des événements sur le Messie
et donné des signes pour que nous puissions le reconnaître. Ces prophéties
peuvent se rapporter à Notre Seigneur Jésus-Christ et à son temps. Lui-même se
pose comme Celui qui doit être envoyé. Ses disciples les plus proches et leurs
successeurs n’ont aussi cessé de défendre sa messianité. Comment en si peu de
temps une telle croyance aurait-elle pu s’imposer dans les communautés
chrétiennes si elle était vraiment l’œuvre d’une construction humaine ? La
messianité du Christ n’est donc pas l’œuvre d’une pensée théologique en
évolution. Elle est dès le départ au cœur de la foi des Chrétiens.
Le
passé justifie le présent et le présent éclaire le passé. L’Ancien et le
Nouveau Testament sont deux œuvres d’un même auteur, témoignant une volonté
unique. Ils manifestent en effet une intelligence et une volonté qui surpassent le temps. Comment l’homme aurait-il pu prévoir les événements évangéliques, lui qui demeure
dans le temps ? Seul un esprit hors du temps est donc capable d’annoncer l'avenir et d'éclairer
le passé par le présent.
Enfin
les conceptions messianiques au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ ne sont
guère favorables à Notre Seigneur Jésus-Christ. A nombreuses reprises, il doit
clarifier la Sainte Écriture, rectifier son interprétation et rappeler l’esprit
de la Loi. Plus tourné vers une attente matérielle du Messie et une conception
bien humaine de la religion, des juifs refusent une remise en cause de leurs
certitudes. Leur regard sur Dieu est terriblement limité, leur amour étroit,
leur cœur fermé. Il n’y a pas de place pour la miséricorde divine. Le paganisme
est aussi bien éloigné de la religion chrétienne. Les persécutions que les
chrétiens ont subies sont une des manifestations d’une opposition radicale entre
deux esprits. Et pourtant le christianisme a supplanté le judaïsme et vaincu le
paganisme.
Il
n’y a pas d’adaptation dans ces victoires puisque le vaincu a disparu ou évolué
sous son influence. Figé après la destruction du Temple, le judaïsme orthodoxe
reprend le pharisaïsme en l’adaptant aux discours des chrétiens. Les païens les
plus cultivés ont cherché à modifier leur religion en prenant en compte des
idées chrétiennes, y compris dans son organisation. L’apostat Julien a cherché
à adapter sa religion mais son œuvre n’a pas survécu. Ancré dans son étroitesse
spirituelle, le judaïsme orthodoxe n’a pas gagné l’empire. Fidèle à une volonté
qui œuvre dans le monde depuis le commencement, le christianisme a gagné toutes
les nations. Comment l’évolutionnisme peut-il exploiter cette victoire ?
Pourquoi le paganisme n’a-t-il pas évolué pour demeurer ? Pourquoi en
dépit de ses adaptations, le judaïsme actuel n’a-t-il pas converti les
peuples ?
Le
dogme du péché, la Sainte Écriture, la messianité de Notre Seigneur Jésus-Christ
sont d’imperturbables rochers sur lesquels viennent se briser les vagues des
différentes théories évolutionnistes. Elles n’apportent aucune explication
fiable et cohérente et présentent en outre des difficultés infranchissables.
Elles cherchent des raisons bien humaines pour expliquer l’origine et l’extension
du christianisme. Oubliant les faiblesses et les limites de la raison, rejetant
toute idée de Dieu, elles se heurtent à une réalité qui n’entre guère dans
leurs hypothèses.
Comme toute erreur, elles soulèvent des questions qui peuvent nous déranger et
à laquelle nous devons répondre. Elles sont de deux ordres. D'une part, elles
nous interrogent sur la notion de religion et de son développement. Comment
pouvons-nous en effet expliquer la présence et le développement des autres
religions ? Comment expliquer la croissance du christianisme ?
Comment diffère-t-il avec celle des autres religions ? D'autre part, en
intégrant pleinement le christianisme dans le temps, elles posent la délicate
question de l’influence de l’histoire et de son étude historique. C’est par ces
questions et par d’autres que le christianisme a finalement continué de croître dans la voie de la connaissance et de l’amour de Dieu en
puisant dans le dépôt sacré de l’Église …
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