" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


lundi 23 mars 2015

Qu'est-ce que le temps ?

Qu’est-ce que le temps ? Les hommes se sont toujours interrogés sur cette notion. Elle en effet difficile à saisir, voire impossible. Nombreux sont les philosophes qui en parlent sans vraiment parvenir à la définir. Si nous devions étudier l’histoire des réflexions sur le temps, nous serions peut-être dans l’obligation de retracer toute l’histoire de la philosophie. Or sans que nous en doutions peut-être, il est au centre des philosophies et des idéologies depuis plus de deux siècles. Le temps est au cœur des pensées contemporaines. Que serait l’évolutionnisme ou la dialectique hégélienne sans le temps ? La théorie du genre, l’eugénisme ou le relativisme seraient difficilement compréhensibles sans aborder la notion du temps. Toute explication sérieuse du monde ne peut se permettre de ne pas l’étudier.

Au temps nous associons les idées de changement, de mouvement, d’évolution, sans oublier les idées de progrès ou d’inconstance, d’impuissance, d’incertitude. Le temps semble s’opposer à la constance, à la permanence, à l’être. Il est avant tout le lieu du devenir. Le temps fait douter, fragilise la connaissance, exergue la critique. Le temps fait aussi rêver ou angoisser. 

La notion de temps ne préoccupe pas seulement les philosophes. La science elle-même s’y est confrontée, entraînant une véritable révolution. Les théories de relativité ont en effet révolutionné la connaissance scientifique. Elle a aussi renversé les habitudes intellectuelles. Le temps de Newton a été renversé.

La pensée contemporaine et la vision moderne du monde sont liées à une certaine notion du temps. Le devenir s’est imposé au détriment de l’être. Héraclite a supplanté Socrate. Le temps moderne a brisé l’éternité des temps anciens. Nous pouvons alors nous demander si le christianisme a été à l’abri de ces différentes révolutions…

Qu’est-ce que le temps ? Nous ne pouvons pas ne pas nous poser cette question. Au regard de tous les commentaires, nous distinguons généralement deux types de temps : le temps physique et le temps perçu, ou encore le temps objectif et le temps subjectif. Le premier est indépendant de nous, le second inhérent à notre condition humaine. S’ajoutent à cette notion d’autres concepts tels que la durée ou la temporalité. Quelle est la nature du temps ?…

Temps et mouvement

Le temps est déterminé par des changements perceptibles, c’est-à-dire par une succession continue d’états sensibles différents d’un même objet. « Le temps n’existe pas sans un changement qui s’opère par le mouvement. »[1] Le temps se manifeste alors par un avant et un après. Ces états peuvent être intérieurs comme nos états psychiques ou extérieurs à notre esprit. Lorsqu'ils sont physiques, nous parlons de temps physique. C'est celui que nous mesurons à partir de mécanismes bien physiques. Le temps subjectif est plutôt mesuré dans notre esprit. Dans ce dernier cas, nous parlons parfois de temps de la conscience.

Nous devons distinguer le changement et le mouvement. De manière classique, depuis au moins Newton, le mouvement est lié à des notions d’espace, à des déplacements, à un parcours spatial. Si nous caractérisons le temps par le mouvement, nous risquons alors de l’associer à l’espace comme le font les scientifiques et finalement de restreindre la notion du temps à celle du temps physique. Nous traitons donc de tout type de changement, spatial ou non.

Temps physique

La montre marque le temps grâce aux aiguilles qui tournent régulièrement. Elle nous donne le temps ou plus précisément la mesure du temps. Nous voyons aussi le temps passer lorsque notre corps montre des signes de vieillesse ou quand nos enfants grandissent. Le temps se manifeste par le changement. Un mouvement régulier et déterminable, comme la rotation de la terre autour d’elle-même, peut donc marquer le temps. On peut lui associer une grandeur mesurable identique pour tous. Autrefois, la position du soleil donnait le temps, puis ce fut le clepsydre et le sablier avant que n’apparaissent les horloges mécaniques puis atomiques. Ce sont des référentiels temporels qui nous donnent une mesure universelle du temps. Aujourd'hui, le temps se mesure à partir d’un mouvement d’une extrême précision, indispensable à certains de nos instruments comme le GPS.

Depuis Newton au moins, la science classique a introduit le temps sous la forme d’une variable mathématique à une dimension, le célèbre t des formules que nous avons manipulé en classe sans trop nous poser de questions. Cette variable détient aussi une valeur absolue contrairement à l’espace représenté par des variables dont la valeur dépend d’un référentiel. « Le temps absolu, vrai et mathématique, en lui-même et de sa propre nature, coule uniformément sans relation à rien d'extérieur. »[2] C’est un temps parfaitement objectif. Ainsi tous les êtres vivent selon le même temps, dans un même référentiel temporel. Nous savons depuis Einstein que l’hypothèse de Newton est fausse. Le temps physique varie en effet en fonction de l’observateur. Il est aussi relatif que le sont les variables de l’espace…

En physique classique, nous calculons la vitesse d’un objet en mouvement en divisant la distance parcourue par la durée du déplacement effectué. Inconsciemment, nous déterminons la vitesse en pensant que l'objet en mouvement dépend du temps. Mais si c’était le contraire ? Nous percevons en effet le temps à partir du mouvement qui se caractérise par une vitesse et des variations spatiales. Le temps est donc dépendant du mouvement et de l’objet en mouvement. La vitesse de la lumière est bien une valeur absolue. Le temps est aussi une valeur relative. Telle est la leçon de la science moderne

Peut-il y avoir du temps sans sujet au changement ? Dans une pièce isolée de l’univers, où tout est fixé, où rien ne périt, y a-t-il du temps ? Le temps physique n’existe en effet que parce que des grandeurs physiques caractérisant un être changent. Il dépend donc de la nature de l’être changeant. Pourtant, Newton considère que les êtres sont déterminés en fonction du temps. Le temps devrait donc être antérieur au monde. Or il est inhérent au monde, à un monde changeant.

Le temps physique est une propriété d’un monde voué au changement, à l’usure, à la transformation. Il caractérise aussi bien le mouvement des astres que les transformations chimiques et les réactions atomiques. Un monde inaltérable non voué au changement est donc un monde sans temps. Et comme nous vivons dans un monde corruptible, dégradable, sans cesse renouvelé, nous percevons les changements donc le temps qui passe…

Le temps physique est une grandeur nécessaire dépendant du mouvement, grandeur dont l’homme a besoin pour caractériser le mouvement, le visualiser, l’anticiper. Il est une notion mesurable qui reflète une réalité physique, un objet bien utile pour représenter cette réalité. N’est-ce pas le but de Newton ?

Le temps perçu

Le temps perçu ou subjectif désigne le temps que nous percevons. Il est dit aussi temps de la conscience. Nous l’expérimentons tous les jours. Combien de fois sommes-nous surpris du temps qui passe trop vite ou trop lentement ?! Étrange expression qui nous fait croire à un temps qui peut s’accélérer et se ralentir. Nous sommes loin d’un temps qui s’écoule uniformément comme l’indique la montre imperturbablement. Le temps de la montre ne se presse pas ou ne ralentit pas. Il y a donc une distinction entre le temps physique que nous mesurons au moyen de mouvements physiques et le temps que nous percevons. Généralement, pour décrire ce temps subjectif, les discours reviennent unanimement sur la pensée de Saint Augustin. « On peut partir de Saint Augustin, puisque personne, sur le temps de la conscience, n’a mieux dit l’essentiel. »[3]

« Qu’est-ce en effet le temps ? Qui serait capable de l’expliquer facilement et brièvement ?»[4] Saint Augustin cherche à définir le temps mais il se heurte à des paradoxes insoutenables. Les mots ne cessent de se contredire lorsqu'il veut saisir le passé, le présent ou le futur. « Combien, donc ces deux temps, le passé et l’avenir, sont-ils, puisque le passé n’est plus, et l’avenir n’est pas encore ? Quant au présent, s’il est toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait l’éternité. Donc, si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu’il est aussi, lui qui ne peut être qu’en cessant d’être ? Si bien que ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c’est qu’il tend à n’être plus. »

Saint Augustin rend compte de notre impuissance à définir ce que nous vivons tous les jours. Nous vivons dans le temps et pourtant nous ne pouvons pas saisir ce qu’est le temps. Nous sommes finalement des êtres temporels incapables de se détacher du temps. Est-il possible de définir le temps lorsque les objets que nous pouvons manipuler pour le définir sont insérés dans le temps ?

Le temps, un acte de l’âme ?

Saint Augustin considère le temps comme un « acte de l’âme ». Il n’existe que par l’âme et pour l’âme. Ils le désignent comme un temps subjectif sans véritable réalité objective. Le temps est ainsi vécu, psychologique, tout intérieur. La mémoire est la conscience du présent de ce qui est passé ; l’attention la conscience du présent de ce qui est présent et l’attente la conscience du présent de ce qui sera le futur.

Saint Augustin (Botticelli)
Notre esprit manipule des objets dans des raisonnements, des réflexions ou au travers d’une succession d’images. Nos pensées se meuvent. Nos idées nous agitent. Nos souvenirs se succèdent. Nos rêves laissent sa place à d’autres rêves. La joie suit l’angoisse. Et ce changement n’est pas régulier. Nos états de conscience varient selon un rythme qui peut nous surprendre. Notre intelligence manipule les pensées au gré de ses réflexions. Nous pensons de manière successive et notre connaissance progresse étape après étape selon un rythme propre à chacun d’entre nous. Ainsi notre esprit est en proie à des changements dont nous avons pleinement conscience. Nous savons que nous pensons, que nous rêvons, que nous nous souvenons. Nous savons que notre réflexion est successive. Or s’il y a perception de changement, il y a perception d’un temps. Le changement est intérieur, subjective, un changement que nous percevons bien. Notre âme éprouve donc le temps…

Nous vivons dans le temps

Temps objectif ou temps subjectif, nous retrouvons ce temps qui passe, soit dans la création au travers des créatures vouées au changement, soit en nous par la succession des pensées et des sentiments qui nous agitent. Extérieur ou intérieur, mesuré ou perçu, il prend forme par le changement.

Kant considère le temps comme une forme de connaissance. « Le temps est la condition formelle a priori de tous les phénomènes en général ». Il est une réalité transcendantale au sens qu’il est la condition suprême de toute connaissance. La dimension temporelle est la condition de notre savoir. Ainsi est-il indéfinissable. Mais notre connaissance peut-il se séparer de la réalité, d’une réalité toujours changeante ? Peut-elle aussi ignorer l’être qui ne peut connaître que de manière progressive et non instantanée ? Le temps n’est pas condition de notre connaissance, il est inhérent au savoir et au sachant. Il est fondé sur le réel.

Bergson nous rappelle que le temps est d’abord une durée. Il n’est pas uniquement des instants qui se succèdent, que nous intellectualisons, que nous fixons par notre pensée, mais également un flux qui ne cesse point, un flux que nous ne pouvons pas saisir. Le temps est aussi un fleuve qui ne cesse point de couler et que nous ne pouvons pas arrêter dans notre pensée. Le passé n’est plus, le futur n’est pas encore. Et qu’est-ce que le présent ? Le temps semble provenir du futur pour se perdre dans le passé. Il fuit lorsque nous songeons à le saisir. Le présent n’existe que parce qu’il tend à ne plus être. Selon Bergson, il y a changement avant que les choses changent. Il est existence. Le temps serait-il la condition ou la cause du changement et non le témoin du changement ? Pas de temps, pas de changement. Mais le temps n'a pas d'existence…

Le temps est un temps qui passe. Et que vaut le temps qui passe sans les choses qui bougent ? Y a-t-il vraiment du temps dans un paysage fixe ? Y aurait-il encore du temps perçu si nous ne prenons pas conscience du mouvement qui nous agite ? Combien de fois sommes-nous surpris du temps qui passe quand nous sommes fixés dans nos réflexions ? Le monde est temporel. Nous sommes insérés dans cette temporalité. Nous percevons les mouvements, nous percevons le temps. Ainsi nous est-il connu. Le temps est fondé sur le mouvement. Mais est-il réel en tant que tel ?

Le temps, produit de l’homme ?

Le temps pourrait-il exister sans l’homme ? L’homme a la particularité de le percevoir, de l’évaluer et de le mesurer. Car il est conscient. C’est un être qui sait, qui peut lier les souvenirs et les attentes. Il identifie le passé, c’est-à-dire les choses qui ont été et qui ne sont plus, le présent, c’est-à-dire les choses en cours d’être vécues avant d’être mémorisés, et le futur, choses qu’il appréhende, espère, attend. Lorsqu'il ne sait plus lier ces instants passés, présents et futurs, sa perception du temps est bouleversée. Le temps poursuit évidemment son cours mais il est perdu dans ses pensées. Le temps tire sa réalité de notre perception du changement…

Or comment pouvons-nous mesurer le temps, se demande Saint Augustin ? Il serait difficile de mesurer le passé puisqu'il n’existe plus. L’avenir n’est pas encore. Qu’entendons-nous alors par la mesure du temps ? Le temps n’existe en fait que dans le présent mais ce n’est qu’un instant non mesurable, sans épaisseur, impossible à saisir. Il n’y a mesure du temps que s’il y a intervalle de temps à mesurer, c’est-à-dire s’il y a une durée qui existe au présent.

Lorsque nous parlons du passé, le passé devient alors présent. Quand nous songeons à l’avenir, le futur devient aussi présent. Saint Augustin montre ainsi la raison de notre perplexité. Certains paradoxes viennent en effet d’un abus de langage. Quand nous parlons de passé ou de futur, nous devrions parler du présent du passé et du présent du futur. Le présent est aussi le présent du présent. Nous pensons finalement toujours au présent car nous ne nous vivons plus au passé et pas encore dans l’avenir. La mémoire, l’attention et l’imagination nous permettent de nous retourner dans le passé ou de nous plonger dans l’avenir alors que nous sommes perpétuellement dans le temps qui passe. Le passé, le présent et le futur ne sont finalement que des termes utiles que nous abusons dans notre langage. Ils ne peuvent définir ce qu’est le temps…

Le passé n’existe que dans nos souvenirs qui perdurent dans le présent. Les choses qui passent laissent leur impression sur nous et c’est cette impression qui nous donne le temps du passé. « C’est elle que je mesure quand je mesure le temps »[5]. Et l’avenir se mesure par l’attente. La mesure du temps existe car « l’esprit attend, il est attentif et il se souvient »[6]. La durée du présent existe en nous car nous faisons coexister le proche passé, l’instant présent et le proche futur par nos souvenirs, notre attention et nos attentes. Cette durée n’existe qu’en nous. Et c’est ainsi qu’à l’instant présent, nous établissons des relations d’antériorité et de postériorité. Nous percevons alors l’écoulement du temps. Notre esprit crée en quelque sorte son propre temps, le temps dit subjectif, qui n’existe que dans notre esprit, un esprit toujours présent.

Le temps, inhérent et indispensable à notre nature humaine

Le temps structure l’esprit qui réfléchit et connaît de manière progressive. Il structure aussi le langage. Il est donc un moyen de nous repérer et de nous ordonner dans nos pensées et dans nos paroles. Est-il une réalité transcendantale ? Certainement, sans cet outil, nous ne pourrions ni penser et connaître, ni nous construire et construire un discours. Il est bien une condition de notre connaissance mais il n’est pas que cela puisqu’il est aussi le reflet d’un monde qui passe, la perception d’une réalité qui imprime en nous le changement dont elle fait l’objet. 

Le temps reflète donc l’inéluctable changement de notre monde et de notre vie intérieure. Il n’existe que parce que nous sommes capables de souvenirs, d’attention et d’attente. Il n’existe parce que nous percevons les changements qui affectent le monde dans lequel nous évoluons. Le temps n’est finalement perceptible et mesurable que par l’âme. Il n’est pas réel.

Le temps n’est pas uniquement objectif ou subjectif. Il ne s’agit pas non plus de les opposer. Ils sont bien complémentaires. Le temps de la conscience se confronte au temps physique comme notre vie intérieure se confronte au monde qui nous entoure. Nous sommes dans le vrai lorsqu’ils se confondent. L’un est le produit de notre conscience à partir des impressions de la réalité lorsque l’autre reflète la réalité, c’est-à-dire le changement. Et de manière naturelle, le premier se réfère au second.

Le temps, être de raison fondé sur le réel

Selon Aristote, le temps est dérivé du changement. Il en est la mesure. Il n’est donc pas une réalité autonome. Il est une réalité qui suppose un esprit qui mesure, qui prend conscience du changement. Le temps n’est finalement réalisé que dans l’âme. Il n’y aurait pas de temps sans être humain. Il n’est donc pas un être réel. Mais Aristote rappelle qu’il a une origine réelle qui est extérieure à l’homme. Il se fonde sur une propriété caractéristique des êtres, sur leur temporalité. Le temps est finalement un être de raison.

Le temps est fondé sur le réel au sens qu’il est dégagé ou dérivé du réel par abstraction. Il désigne un « accident » du réel. Or un accident ne peut exister seul sans être associé à une substance. S’il est pensé seul et pour lui-même, il perd de sa réalité.

Constatons aussi que le temps physique ou objectif, devenu temps absolu par Newton, est un outil indispensable pour mathématiser le monde. Le temps est aussi précieux puisqu'il met de l’ordre dans notre pensée, définit ce qui est, ce qui sera et ce qui a été. Ainsi le temps nous permet de nous situer dans un monde changeant et de distinguer ce que nous appelons le passé et le futur. Il est un outil nécessaire pour structurer notre pensée et caractériser notre monde voué au changement…



Références
[1] Saint Augustin, La Cité de Dieu.
[2] Newton, Principes Mathématiques de Philosophie Naturelle.
[3] André Comte Sponville, L’Être-Temps, dans Le Temps et sa Flèche sous la direction d’Etienne Klein et de Michel Spiro, Flammarion, 1996.
[4] Saint Augustin, Les Confessions, livre XI, chapitre XIV, Flammarion, traduction par J. Trabucco, 1964.
[5] Saint Augustin, Les Confessions, Livre XI, chapitre XXVII.
[6] Saint Augustin, Les Confessions, Livre XI, chapitre XXVII.

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