Depuis
ce temps béni où il a conquis son indépendance, l’État juif a beaucoup changé.
La religion juive s’est aussi développée. Les Juifs sont encore fidèles au Dieu tout
puissant et tout miséricordieux. Le Temple demeure au cœur de la foi juive. La
Torah le pilier de la religion juive. Mais les esprits ont changé. Le prêtre
a perdu sa place au profit du scribe…
La
vie religieuse du juif est centrée sur le Temple, sanctuaire unique que Dieu
Lui-même a réclamé à son peuple pour la célébration de son culte. Le premier
Temple a été édifié par Salomon puis a été détruit par les Chaldéens en 587
avant Jésus-Christ. Il a été de nouveau rebâti au retour de l’exil par Zorobabel puis reconstruit,
agrandi et embelli par Hérode le grand. Situé sur le mont Morah, à l’est de la
ville sainte, il domine la vallée de Cédron, face au mont des Oliviers.
Le Temple est au cœur du peuple juif, le symbole de la foi et l’objet d’un amour ardent. Il contient le Saint des Saints, partie du
sanctuaire dans lequel ils offrent à Dieu le seul sacrifice qu’Il accepte.
Seuls les Juifs peuvent entrer dans le Temple après avoir recouru, si besoin,
aux rites de purification légale. Les païens ne doivent y entrer sous peine de
mort.
Le
culte consiste en un ensemble de sacrifices offerts uniquement au Temple : sacrifices
pour l’expiation des péchés du peuple sous forme d’un double holocauste, pour
les néoménies[15], les sabbats et autres fêtes (Kippour, Pâque[1],
Pentecôte[2],
Tabernacles[3]).
Ces sacrifices à valeur expiatoire et purificatrice sont accompagnés d’hymnes
et de prières. Les acclamations et les bénédictions alternent avec les chants
des psaumes.
Les
sacrifices se répartissent en deux classes. La première comprend les sacrifices
sanglants. Ils comprennent surtout l’holocauste, le sacrifice pacifique, le
sacrifice pour les péchés et le sacrifice pour le délit. La victime, un animal,
est brûlée soit entièrement sur l’autel (holocauste), soit partiellement.
Dans ce dernier cas, elle est consommée par les prêtres seuls (sacrifice pour
le délit), ou par les prêtres et les offrants. S’y ajoutent des sacrifices de
moindre importance (sacrifice de consécration, pour le lépreux, etc.). Les
sacrifices non sanglants accompagnent les holocaustes et les sacrifices
pacifiques. Ils consistent à brûler différentes substances, comestibles ou non.
Parfois, ils se font indépendamment des sacrifices sanglants. Les sacrifices
sont nombreux surtout lors des fêtes principales. Les holocaustes sont quotidiens.
Les fêtes juives
Les fêtes religieuses sont nombreuses. Nous pouvons citer :
- la fête de Pâque ou fête des azymes. Elle commémore la sortie des Hébreux de l'Égypte et célèbre leur libération de la servitude ;
- la fête de la Pentecôte. Elle rappelle que sept semaines après la sortie d'Egypte, Dieu a donné sa Loi et a fait alliance avec les Hébreux ;
- la fête des Tentes pour commémorer l'Exode ;
- la fête de l’Expiation ou du Pardon (Kippour). Elle est marquée par un jeûne rigoureux, des sacrifices pour le péché, des prières prolongées toute la journée, par une purification du Saint des Saints au moyen d’une aspersion de sang et par l’envoi au désert du bouc émissaire, un bouc portant tous les péchés du peuple de Dieu ;
- la fête des Pourim, anniversaire du triomphe des juifs sur leurs ennemis les Perses ;
- la fête de la Dédicace qui rappelle la consécration du Temple après la victoire de Judas Macchabée.
Lors
de certaines fêtes (Pâque, Pentecôte, Tabernacles), tous les juifs doivent
se rendre au Temple. Ces pèlerinages rassemblent des centaines de mille de pèlerins. Ceux qui ne peuvent
s’y déplacer doivent s’y associer par la pensée aux cérémonies qui se déroulent
à Jérusalem et participer aux manifestations religieuses qui ont lieu dans leur
synagogue.
La
Synagogue
Synagogue de Capharnaüm (fin IVe siècle) |
Les
réunions cultuelles des synagogues remonteraient au temps de la captivité. Comme
les juifs ne peuvent pas pratiquer le seul culte digne de ce nom, ils prennent
l’habitude de s’assembler en des lieux privés pour prier et entendre la Torah. Ces
rassemblements permettent ainsi de ranimer la flamme religieuse. Après leur
retour en Palestine, cet usage s’est maintenu et s’est généralisé avec cette
différence toutefois qu’un lieu est désormais consacré à ces réunions, la
synagogue ou proseuque[4]. Le
terme de synagogue provient du grec qui signifie « rassemblement ». Par métonymie, il désigne le « lieu où l’on se rassemblait ». Dans
les Évangiles, il indique un local.
Le
R. P. Lagrange[5]
rattache les synagogues à un passé antérieur à l’exil. Au temps de Josaphat,
des officiers du roi remplissent auprès des populations un rôle de
missionnaire pour rappeler les préceptes de la Loi et instruire les
masses populaire. « Et ils
instruisaient le peuple en Juda, ayant le livre de la Loi du seigneur :
ainsi ils parcouraient toutes les villes de Juda, et ils enseignaient le
peuple. » (II, Para., XVII, 9). Cependant, il n’y
pas de synagogue au temps de Josaphat…
Au
temps de Notre Seigneur Jésus-Christ, les synagogues sont nombreuses. Toute
ville où se trouve une population juive a sa synagogue. Jérusalem en comptait
480 selon une légende. Pour en construire une, il faut dix juifs libres et
majeurs. Elle est administrée par un archisynagogue qui veille au bon ordre des
assemblées, préside les cérémonies, désigne l’orateur.
Les Juifs se rassemblent pour prier, entendre la lecture de la Loi et des
Prophètes, et des prédications selon une liturgie bien établie. Après la
récitation de deux prières, la "séma" et le "simoné-esré", des lecteurs lisent un
passage de la Loi puis des livres des Prophètes. La lecture de la Sainte Bible
est accompagnée si nécessaire d’une traduction en araméen ou en grec. De ces
traductions orales sont nés les targums. Après la lecture des Saintes
Écritures, l’archisynagogue invite des assistants à développer les passages
qu’ils viennent d’entendre ou un thème en rapport avec eux. Enfin, la cérémonie se
termine par une bénédiction par un prêtre ou par un assistant.
Les
ministres du culte synagogal sont des laïques. Le véritable culte ne peut se
dérouler que dans le Temple, dont les offices sont assurés par des prêtres. Or,
au temps de l’exil, l’enseignement est délaissé par les prêtres. Les synagogues
s'y substituent et prennent de l’importance au détriment du sacerdoce.
Les
réunions se tiennent les jours de fête et de sabbat. Le sabbat est le jour de
Dieu par excellence. Il est le signe de l’alliance entre le juif et le
Créateur. Il est aussi important que la circoncision. En ce jour, toute
activité doit cesser en vue de respecter le caractère sacré de ce jour. Le
respect de ce jour consiste en un ensemble d’interdits. La législation prévoit
les peines les plus sévères pour ceux qui transgressent le commandement divin.
Le sabbat donne lieu à une liturgie spéciale au Temple.
Les Prêtres
Le
haut personnage de la communauté juive est le grand prêtre, véritable chef de
la religion, maître des cérémonies, à qui incombe exclusivement le service
sacré du Temple en certaines occasions majeures. Au-delà de ce rôle liturgique,
il a acquis une véritable autorité politique. Depuis les Asmonéens, le grand
prêtre réunit une double dignité : celle du roi et celle du sacerdoce.
Certes, les Romains ont diminué ses pouvoirs politiques. Élus à vie en principe
mais fréquemment déposés, les grands prêtres ne sont généralement pas à la
hauteur de leur charge.
Pour
les assister dans ses fonctions sacerdotales, le grand prêtre est entouré de
nombreux prêtres, lévites, liturgistes, sacrificateurs, trésoriers, musiciens,
etc. Des milliers d’hommes vivent ainsi au Temple. Seuls les descendants
d’Aaron, frère de Moïse, peuvent procéder aux rites minutieux, aux offrandes
publiques, aux grandes immolations. Les lévites les assistent.
Les
Scribes
Depuis
l’exil de Babylone, une autre catégorie d’homme a pris de l’importance. Ce sont
les scribes ou hommes du livre. Interprètes authentique de la Loi, ils ont une
double tâche : étudier la Torah et l’enseigner. « Ils constituaient, au temps du Christ, une
véritable caste où l’on entrait dès le jeune âge, où s’entretenait sans cesse
une très vive émulation dans l’ordre des choses spirituelles, une caste dont
l’action était infiniment plus profonde que celle des serviteurs de Yahvé,
prisonnier de leur ritualisme. »[6]
L’étude de la Torah a donné naissance à la « Halakka »
et à la « Haggada ». La
« Halakka » forme la Loi ou
encore la tradition orale. Elle précise la signification des textes législatifs
et leur mode d’application dans les différentes circonstances de la vie. La « Haggada » est un complément des récits historiques de la Sainte Écriture. Elle
formera le Midradh[7].
Autrefois,
d’après le Deutéronome, le droit d’interpréter et d’adapter la Loi
appartenait aux prêtres. Ils déterminaient la manière pratique d’appliquer les
règles et prescriptions et élaboraient une sorte de droit coutumier en accord
avec la Torah. Au cours de l’exil, les scribes ont soigneusement préservé cette
tradition orale, la commentant et l’enseignant de génération en génération. A
cet enseignement, ils ont ajouté et sacralisé des coutumes anciennes, adapté de
nombreuses prescriptions aux nécessités du temps et à la faiblesse des hommes,
complété la Loi par de nombreuses observances étrangères à la Révélation.
Connaissant
parfaitement la Loi, les scribes sont donc devenus les spécialistes de la
Torah, rôle qu’ont délaissé les prêtres. Ils enseignent dans les chambres
annexées au Temple et dans les synagogues, atteignant ainsi toutes les classes
de la population. Guides spirituels, les « docteurs de la Loi » ont ainsi gagné une très grande
réputation et légitimité au point que méconnaître les paroles des scribes
est devenu une faute aussi grave que mépriser la parole de Dieu. Dès le temps de
l’exil, les auditeurs et des disciples se réunissent autour de certains d’eux
et finissent par appeler leurs maîtres « rab » ou « rabbi »,
c’est-à-dire « ma grandeur »
ou « grand ». Gamaliel est par exemple le rabbi de Saint Paul. Au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ, Hillel et
Schammaï sont les plus célèbres selon la Mischna. L’enseignement doctrinal n’est donc assuré que par les scribes.
L’activité
des scribes, jointe aux respects qu’ils observent pour le texte lui-même, a
assuré la conservation et la fidèle transmission des Livres Saints.
Le
Sanhédrin
Le
Sanhédrin[8] désigne
l’assemblée suprême des juifs chargés de rendre la justice. Il est à la fois « conseil de gouvernement, tribunal suprême, aréopage théologique » [10]. Il se compose de 71
personnes. Il est présidé par le grand prêtre[9]. Il est
composé des « Princes des prêtres »,
membres des grandes familles sacerdotales, essentiellement des Sadducéens, des « Anciens », chefs des grandes
familles laïques et des « scribes »,
pour la plupart des Pharisiens. Les Pharisiens et les Sadducéens luttent pour
dominer le Sanhédrin.
Selon
la tradition juive, le Sanhédrin remonterait au temps de l’exode lorsque Dieu demande à
Moïse et à Aaron de faire monter les soixante-dix anciens, qui représentaient
le peuple hébreu, sur le Sinaï[11]. Esdras
a aussi mis en place une assemblée, parfois appelée la grande synagogue,
regroupant des scribes pour traiter des questions religieuses[12]. Elle
aurait existé jusqu’à 300 avant Jésus-Christ. Selon une autre version, il
viendrait d’un collège d’anciens que les Lagides auraient mis en place et que
les Séleucides auraient encouragé. Les rois asmonéens auraient développé et
accentué le rôle de cette assemblée. Le roi Hyrcan aurait finalement transformé
cette assemblée en Sanhédrin avec de réels pouvoirs politiques[13]. Rome
reconnaît le Sanhédrin et s’en sert habilement pour intervenir dans la vie de
la communauté.
Cependant
le Sanhédrin n’a pas détenu un grand pouvoir. Il reste docile aux rois asmonéens et n’empêche pas la nomination du grand prêtre par ces rois
illégitimes. Il n’hésite pourtant pas à rappeler à l’ordre Hérode lorsqu’il
outrepasse ses pouvoirs comme le mentionne Flavius Josèphe[14]. Devenu
maître de Jérusalem, Hérode le Grand réduit considérablement son rôle. Depuis
cette époque, les Sadducéens dominent l’assemblée. Sous l’occupation romaine,
il traite encore des questions religieuses et civiles dans le cadre de
l’administration romaine. Il ne peut appliquer la sentence capitale. Sa
juridiction est limitée en pratique à la Judée mais il revendique le droit de juger les juifs de la Diaspora.
Le
Sanhédrin siège à Jérusalem dans l’aire du Temple et dispose de la police du
Temple. Avant l’occupation romaine, il avait pour fonction d’interpréter la loi
à partir de la Torah et de la tradition orale, de juger et d’exercer un
contrôle sur le roi et sur le grand-prêtre. Tribunal suprême, il jugeait les
causes les plus importantes, celles qui entraînent la mort. Il avait aussi la
particularité de promulguer le calendrier. Lorsque les manuscrits de Qumrân
montrent un calendrier différent de celui de Jérusalem, cela signifie que la communauté de Qumrân ne
reconnaissait pas l’autorité du Sanhédrin. Enfin, le droit de déclarer la guerre
ou d’entreprendre des travaux leur appartiennent.
Le
Sanhédrin disparaît après la destruction du Temple de Jérusalem en 70.
Cependant, selon le Talmud de Babylone, il aurait subsisté jusqu’au Ve siècle
dans d’autres villes.
Il
existe aussi des petits sanhédrins dans les principales villes. Ils sont
composés chacun de 23 membres.
Notes, références
[1] Commémoration de la délivrance de la servitude d’Égypte.
[2] Dite encore fête des Semaines, rappel de la promulgation de la Loi.
[3] Dite encore fête des Tentes, rappel du séjour du peuple hébreu dans le désert.
[4] « Proseuque », en grec, désigne le lieu de prière, l’oratoire. Nom que les Juifs de la Diaspora donnaient à leur salle de réunion. Ce terme est aussi utilisé par les païens pour désigner leur lieu de prière, ce qui explique peut-être l’usage du terme de synagogue qui a prévalu.
[5] Voir Lagrange, Judaïsme avant Jésus-Christ.
[6] Daniel-Rops, Jésus en son temps, chapitre III, Fayard, 1945.
[7] Voir Émeraude, janvier 2015, article « Le Talmud ».
[8] Terme dérivé du nom grec « sunédrion » signifiant « assemblée siégeante » (wikipédia).
[9] Les charges de président et de grand-prêtre pourraient être distinctes.
[10] Daniel-Rops, Jésus en son temps, chapitre III, Fayard, 1945.
[11] Voir Exode, XXIV, 1.
[12] Voir Edmond Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ d’après le Nouveau Testament, l’historien Flavius Josèphe et le Talmud, 6ème édition, 1892, article Le Sanhedrin, accessible sur le site http://www.regard.eu.org/BIBLIOTHEQUE.CHRETIENNE.html publié décembre 2004.
[13] Voir Edmond Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ d’après le Nouveau Testament, l’historien Flavius Josèphe et le Talmud, article Le Sanhedrin.
[14] Voir Flavius Josèphe, Antiquité Juives, XIV, 9, 3-5.
[15] Jour de nouvelle lune, premier jour du mois du calendrier juif.
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