A la
fin du XXe siècle, de nombreux journaux et revues criaient au scandale. Des livres annonçaient la publication d’extraordinaires révélations sur le
christianisme. Ils prétendaient remettre en cause l'Église. Le Vatican était accusé d'obstruer la voie de la vérité et de maintenir l'obscurantisme. Plus précisément, ils l'accusaient d'empêcher l'accès aux manuscrits
de la mer Morte, sources des précieuses révélations.
Vieux de plus de 2000 ans, ces manuscrits ont été découverts à partir de 1947 dans les
grottes de Qumrân au sud de Jérusalem. On prétendait en effet que ces textes
révélaient les véritables origines de notre religion. Notre Seigneur
Jésus-Christ aurait fait parti de la communauté des Esséniens d’où serait sorti
le christianisme. Aujourd'hui, tout cela s’avère faux et mensonger.
Pourtant
des journalistes et des « experts »
soulèvent encore des polémiques et annoncent toujours de fabuleuses révélations, que des
médias à leur tour diffusent largement et commentent dans une ignorance
ahurissante. Mais généralement ces révélations ne sont que des réminiscences d’anciennes
théories. Aujourd'hui, les thèses les plus absurdes, largement démenties, n’ont
pas encore toutes disparu. Certaines d’entre elles reviennent parfois dans des
discours. Elles parasitent des journaux de manière régulière. Les
adversaires du christianisme les ressassent également. Les mensonges ne
disparaissent jamais. Ils subsistent toujours dans l’opinion. Que
savons-nous finalement de ces « révélations »
et de ces manuscrits qui ont tant agité l’opinion ?
Découverte
d’un véritable trésor
Les manuscrits de la mer Morte désignent l’ensemble des manuscrits qui ont été trouvés dans le désert de Judée. Les manuscrits de Qumrân sont une partie de ce trésor. Regroupés désormais sous le terme de bibliothèque de Qumrân, ils proviennent en grande majorité de onze grottes à proximité de Qumrân, au nord-ouest de la mer Morte à 60 kilomètres au sud de Jérusalem. Certains fragments ont aussi été découverts à Massada. En 1947, et pendant dix ans environ, les recherches ont livré un véritable trésor disséminé dans ces grottes. En 1998, une grande partie des manuscrits ont été publiés.
La
Bibliothèque de Qumrân
Le
précieux butin comprend huit cents cinquante textes[1]
à caractère littéraire, officiel ou juridique, sous forme de fragments ou de
véritable manuscrits, plus ou moins abîmés. Leur datation s’échelonne du IIIe
siècle avant Jésus-Christ à 70, date de la destruction du Temple. La plupart
des manuscrits sont en cuir, une faible minorité sur papyrus.
Il
comprend environ deux cents manuscrits des livres bibliques hébraïques, dont
beaucoup en plusieurs exemplaires. Tous les livres de l'Ancien Testament sont représentés sauf celui
d’Esther. Certains ont été datés du IIIe siècle avant Jésus-Christ[2].
Le manuscrit le plus prestigieux est le rouleau d’Isaïe, long de 7m30, écrit
sur des feuilles de cuir. Le texte est complet. Il daterait du IIe siècle avant
Jésus-Christ. C’est finalement le livre biblique complet le plus ancien dont
nous disposons actuellement.
La
bibliothèque de Qumrân contient donc les plus anciens manuscrits de l'Ancien Testament que
nous possédons. Nous pouvons alors facilement comprendre tout son intérêt et
son importance. La majorité des textes sont écrits en hébreux. Les textes
bibliques sont en paléo-hébreux, langue très ancienne utilisée pour leur
caractère sacré. Quelques fragments sont en grec, en araméen, en nabatéen et en
latin. Certaines versions bibliques sont identiques à la Bible hébraïque, dite
massorétique, d’autres proches de la Septante et de la Bible qui était en usage
à Samarie. Le butin contient aussi des textes que les
Juifs ne reconnaissent pas, notamment les livres de Tobie, de Ben Sera et de
Jérémie. Signalons qu’ils sont écrits en hébreux et non pas en grec, ce qui
peut surprendre.
Ont
aussi été trouvés :
- des apocryphes et des pseudépigraphes dont certains étaient inconnus : Apocryphe de la Genèse, Livre d’Hénoch, Jubilés, etc. La plupart sont de style apocalyptique ou à contenu eschatologique ;
- des rouleaux contenant des textes propres à une communauté dite « communauté de l’unité ». C’est un ensemble de règles, de commentaires, de textes exégétiques : Rouleau du Temple, Rouleau des Hymnes d’actions de grâces, Manuel de Discipline, dit aussi Règle de la Communauté, le Rouleau de la Guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres, les Écrits de Damas[3], les Commentaires d’Habacuc;
- un mélange de textes traitant de magie, de divination, de physiognomonie ;
- un rouleau de cuivre fournissant une liste de trésors cachés avec des indications sur leurs lieux de cachette.
Aucun
texte du Nouveau Testament n’a été découvert contrairement aux différentes annonces.
Le
site de Qumrân
Le
nom de Qumrân[4]
n’est pas ancien. Il serait postérieur à la conquête arabe. Le site est
néanmoins daté du VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Des fouilles
archéologies entreprises dès 1949 révèlent des constructions
rudimentaires, une forteresse, une citerne, un cimetière, un atelier de poterie
et une quantité d’objets. Aucun manuscrit n’y a été trouvé. Le site aurait été détruite par
les Romains vers 68 puis abandonné.
Selon
le dominicain Roland de Vaux[5],
les habitants de Qumrân seraient les Esséniens dont parlent Flavius Joseph et
Pline l’Ancien. Cette thèse est remise en cause depuis 1970. D'autres
hypothèses ont en effet été émises. Qumrân aurait pu être un simple site
agricole, une fabrique de poterie ou une forteresse. L’existence des Esséniens est
même remise en cause.
Origine
des manuscrits
D'où
viennent ces manuscrits ? Deux hypothèses sont émises. Selon la thèse la
plus communément admise, l’ensemble des documents viendraient d’une communauté
hébreu, celle des Esséniens, qui se trouvaient dans les grottes. Elle se fonde
sur l’idée que les occupants des grottes proviennent de Qumrân, considéré
autrefois comme le centre de la communauté essénienne[6]. Selon une
autre thèse, ils viendraient du Temple de Jérusalem. Les Juifs auraient cachés leur
bibliothèque dans les grottes avant l’arrivée des Romains. Il n’est
pas insensé de croire aussi à une double origine des manuscrits. Aujourd'hui,
l’origine des manuscrits et des fragments reste incertaine.
Nous allons plutôt nous concentrer sur la communauté essénienne. Il
n’est pas rare en effet d’entendre que le christianisme viendrait des Esséniens.
Contrairement à ce que nous pouvons entendre, non seulement cette thèse n’est
pas récente mais les manuscrits de la mer Morte ne le confirment pas. Cette
thèse date en effet du XVIIIe siècle. Elle prend surtout de l’importance au
XIXe siècle quand Ernest Renan définit le rôle de cette communauté dans le
développement du messianisme et dans la conception du Royaume de Dieu : «
le christianisme est un essénisme qui a largement réussi ». Au début
du XXe siècle [7],
des thèses prétendent que Notre Seigneur Jésus-Christ ou Saint
Jean-Baptiste seraient des Esséniens. Elles seront reprises dans les années 50[8].
« Il est certain que le christianisme primitif s'enracine dans la
communauté essénienne dont il subit l'influence et auquel il emprunte un
certain nombre de termes et de concepts, des structures communautaires et des
schémas théologiques. »[9]
Tout
cela n’est pas sérieux. Certains auteurs se sont depuis rétractés. Les faits ont
démenti ces affabulations. Aucun texte du Nouveau Testament n’a été découvert
dans les grottes. Aucun personnage du Nouveau Testament n’est mentionné dans
les manuscrits. La majorité des textes date du IIe siècle avant Jésus-Christ.
Sur quels critères ces thèses se fondent-elles alors ? Avant de les
décrire, nous allons rappeler quelques points sur Qumrân et les manuscrits.
Revenons en effet aux faits…
Qumrân,
une redécouverte
Poteries qui contenaient les manuscrits |
La communauté des Esséniens n’a pas
été découverte à partir des manuscrits de Qumrân. Ces découvertes n’ont pas non
plus surpris les experts. Ce n’est pas en effet la première fois que de tels manuscrits ont été trouvés dans les grottes. Origène mentionne déjà une telle
découverte. Dans un écrit daté entre 795 et 823, un patriarche syriaque Timothée
mentionne aussi la découverte de manuscrits près des grottes[10].
Des auteurs anciens mentionnent aussi la présence d’une communauté dans les
grottes de Qumrân : Eusèbe de Césarée[11],
Épiphane de Salamine. Un écrivain juif
Qirqisâni, auteur d'une histoire des sectes juives, datée de 937, parle des
« gens de la grotte »[12].
Des auteurs païens ont aussi mentionné l’existence de cette communauté dans une
région qu’on a identifiée comme étant proche des grottes de Qumrân. Selon Philon
d’Alexandrie, Pline l’Ancien et surtout Flavius Josèphe, une communauté de
cénobites vivaient au nord-ouest des rives de la mer Morte. C’est pourquoi la
thèse d’une origine essénienne a rapidement été émise. Il est vrai aussi que
la doctrine contenue dans les manuscrits de Qumrân présentent de grandes similitudes avec celle des Esséniens telle qu’elle est décrite par les auteurs anciens.
Leçons des manuscrits
Que nous apprennent ces manuscrits
vieux de plus de deux mille ans ? Ils témoignent
de l’existence d’une communauté de haute spiritualité, à fort caractère
dualiste et d’une stricte obéissance à la Loi biblique. Elle s’est probablement
isolée dans le désert afin de mieux l’étudier et la suivre. Elle est régie par
des règles très sévères et par des sanctions en cas d’infractions. Sa doctrine
est centrée sur la lutte entre les fils de Lumière, dont elle fait partie, et
les fils des Ténèbres. Dans une ultime guerre, Dieu remportera la victoire.
Les manuscrits mentionnent en
particulier deux personnages : le Maître de la Justice et l’Homme du
Mensonge, parfois identifié avec un autre personnage, le Prêtre impie. D'abord
honnête, ce dernier est devenu impie et a poursuivi le Maître de la Justice.
Après avoir souillé le Temple, il a péri.
Règle de la communauté |
Les Écrits de Damas[13]
relatent l’histoire d’un groupe de fidèles à qui Dieu a suscité un guide, le
Maître de la Justice. Il est présenté comme l’envoyé de Dieu pour sauver le
reste d’Israël et le conduire sur le « chemin
de son cœur »[14].
Le Maître de Justice a établi une Nouvelle Alliance régie par des codes très
stricts. Il a aussi reçu la révélation des mystères cachés dans les Saintes
Écritures afin de les transmettre à son tour à ses disciples. Ces mystères
concernent « la fin des temps »
et « l’ordre des temps »,
c’est-à-dire le plan de Dieu pour le monde.
Dans le Commentaire d’Habacuc, le
Maître de la Justice est aux prises du Maître du Mensonge. Le monde est l’objet
d’une lutte entre deux esprits, celui de la Lumière et celui des Ténèbres. La
fin des temps s’achèvera par la victoire de la Lumière contre les Ténèbres. Le
Rouleau de la guerre décrit ce dernier combat. Les membres de la
communauté, les élus, doivent alors s’y préparer.
Des hymnes chantent le Maître de Justice
à l’origine de la communauté. Il est considéré comme le père d’une nouvelle
alliance, le « père des hommes de la
grâce ». Il est aussi le Persécuté, la cible des forces du mal. Il
doit se réfugier sur la « Terre de Damas » où il a été mis à mort. La communauté chante son avènement.
Selon certains commentateurs, le
Maître de la Justice serait un personnage historique qui aurait dirigé une
nouvelle communauté après s’être réfugiée près de Qumrân. Il en aurait défini
les règles et aurait ensuite connu une fin tragique, victime du Prêtre impie.
Selon une thèse assez partagée[15],
le Maître de Justice aurait été un grand-prêtre du Temple qu’aurait chassé
Jonathan Macchabée. Ce dernier serait alors le Prêtre impie. Le conflit entre
ces deux personnages aurait eu lieu vers 152 avant Jésus-Christ. Jonathan est
le premier grand prêtre à ne pas descendre directement d’Aaron et de Sadoc dont
sont issus les grands prêtres du Temple depuis le grand roi David. Fidèle à ce
précepte, une communauté orthodoxe aurait alors refusé cette nomination et
aurait décidé de se réfugier dans le désert. Il se peut que le titre de Maître
de la Justice ait été appliqué aux successeurs du premier chef.
La
communauté de Qumrân
Les manuscrits nous dévoilent la vie
d’une communauté très hiérarchisée. Elle est dirigée par un groupe de prêtres,
« les fils de Sadoq », qui
se prétendent être les véritables possesseurs du sacerdoce lévitique. Le Maître
de Justice en est le chef. L’entrée dans la communauté est précédée d’une année
de postulat et de deux années de noviciat.
La
communauté suit des règles très sévères et austères, très monacales. Ses
membres étudient la Loi, prennent leur repas en commun, prient ensemble. Tous
les biens sont en commun. Ils doivent exercer entre eux une charité sans
faille. Leur comportement est aussi étroitement surveillé. Une infraction aux
règles conduit à des sanctions, voire à l’exclusion de la communauté. Les
règles sont très centrées sur la pureté légale telle qu’elle est définie dans
l’Ancien Testament. Car les membres doivent toujours être prêts à offrir un
sacrifice à Dieu. Or le seul sacrifice légitime n’est possible que dans le
Temple à Jérusalem, dans des immolations et des holocaustes. La communauté les
a alors remplacés par « l’offrande
des lèvres », un culte très spiritualisé dans lequel les hymnes et les
psaumes prennent beaucoup d’importance. Il est à noter que la communauté
utilise un calendrier propre différent de celui du judaïsme en cours. Elle a
ses propres fêtes.
Leur
doctrine est marquée de messianisme et d’ésotérisme. Elle a sans-doute été influencée
par le pythagorisme et par le dualisme iranien. Ses membres prétendent détenir
des secrets. Leur angélologie est très développée.
Qumrân
et le christianisme
Parfois,
cette communauté est considérée comme
étant libérale et réformiste du judaïsme, c’est-à-dire comme la phase
intermédiaire entre le judaïsme et le christianisme. Mais la vérité est toute
autre. Cette hypothèse est un contre-sens
historique. La communauté est plutôt marquée de rigorisme, de pureté et d’un certain
ésotérisme.
Certains
commentateurs ont identifié dans les manuscrits de Qumrân plusieurs similitudes avec le christianisme dans le vocabulaire et dans
les pratiques rituelles et
communautaires. Nous pouvons
en effet trouver des termes communs comme « Esprit Saint », « Lumière et Ténèbres », « Voie », ou « Béatitudes ». La communauté de
Qumrân pratique aussi la bénédiction du pain et du vin qui ressemble fort à la
Cène, l’ablution qui est souvent comparée au baptême, la communauté des biens et la charité, autres éléments forts du christianisme… Le culte spirituel qu’elle
défend semble faire croire à un progrès et à une évolution vers le
christianisme. Enfin des scènes des Évangiles ressemblent à des passages de
certains manuscrits de Qumrân[16].
L’Apocryphe
de la Genèse relate une scène qui évoque celle de l’Annonciation que
décrit l’Évangile selon Saint Luc.
Forts
de telles similitudes, certains n’hésitent pas à présenter Notre Seigneur
Jésus-Christ soit comme un Essénien, soit comme un homme sans originalité qui
aurait puisé ses idées dans cette communauté. Mais forcer les analogies, c’est
finir par ne plus distinguer la communauté de Qumrân et le christianisme. C’est
oublier aussi la nature des « vérités
historiques ». Ce ne sont
finalement que des hypothèses parfois fragiles. Hier, la thèse d’une origine
essénienne du christianisme prévalait. Aujourd'hui, elle n’est plus
d’actualité, l’existence des esséniens étant elle-même remise en cause.
Toutes
ces hypothèses sont cependant bien faibles pour suggérer une relation entre la
communauté de Qumrân et le christianisme. Les similitudes ne sont
qu’apparence ou superficialité. L’ablution que pratique la communauté n’est qu’un rite de
purification quotidien auquel elle est très attachée. N'oublions pas que « la
recherche de la pureté était inhérente à tout courant de pensée de la Palestine
gréco-romaine »[21]. Or
cette préoccupation de pureté rituelle est absente dans le christianisme. Elle y est même combattue par Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous sommes aussi très loin
de l’idée d’un sacrement et du baptême. Certains auteurs n’hésitent pas
pourtant à parler de baptême sans apporter aucune précision. La bénédiction du pain et
du vin était aussi un rite en usage chez les Juifs. Notre Seigneur n’a rien
inventé en bénissant le pain et le vin à la Cène mais Il lui a donné une autre
fonction, une autre réalité, un autre sens. Autrefois rituel dans le judaïsme,
il est sacrement dans le christianisme. Entre les mêmes gestes, un véritable abîme…
Parlons maintenant du culte
spirituel de la communauté, que certains supposent comme un pas vers le
christianisme. Il faut rappeler que dans le judaïsme, il n’existe qu’un seul
culte, qu’un seul sacrifice, celui du Temple. Or si effectivement elle s’était
réfugiée dans le désert pour protester contre Jonathan Macchabée le « prêtre impie », la communauté se
serait alors coupée du Temple. Elle aurait alors substitué le culte sacrificiel
par un culte spirituel. Car la communauté s’identifie au Temple[17].
Elle s’est renfermée dans cette identification.
La charité de la communauté
était-elle la même que celle du christianisme ? Elle n’était en fait valable
qu’entre les membres de la communauté. Ils vouent par ailleurs une haine aux
fils de la perdition et n’ont aucune idée du pardon. Quant à la similitude du
vocabulaire, faut-il s’en étonner ? Cela peut simplement signifier qu’à
leur époque, il était en usage. Les premiers chrétiens ont aussi vécu dans le
même cadre historique et culturel.
Enfin,
la communauté de Qumrân partage avec les chrétiens la croyance en l’imminence
de la fin des temps. Cette croyance est assez particulière. Selon la doctrine essénienne, le début du temps
eschatologique est marqué par l’arrivée d’un prophète et de deux messies, un
messie-prêtre et un messie-roi. Le premier messie a pour mission d’enseigner et
d’expier. Le second se voit attribuer la justice et la guerre. La fin des temps
est marquée par une guerre entre les fils des Ténèbres et les fils des
Lumières. Cela n’est guère surprenant. Depuis le IIe siècle avant Jésus-Christ,
un courant apocalyptique se développe en Palestine. La population est divisée,
en proie aux doutes. Elle doit supporter les guerres, l’humiliation et la
domination romaine.
Le
mystère des manuscrits
Dans
les années 90, les manuscrits de Qumrân ont fait l’objet d’une polémique, du
« scandale académique du XX siècle »[18],
aujourd'hui peut-être oubliés. Découverts de 1947 à 1956, ils auraient dû être
publiés rapidement. Une équipe d’experts internationaux avait été mise en place
pour cela. Or, en 1991, très peu de manuscrits avaient été publiés. Le Vatican
a même été accusé de rétention. Les manuscrits remettraient en cause les
origines du christianisme ! Quelques ouvrages ont en effet fait la une des
journaux en annonçant des révélations spectaculaires. Certains journalistes[19]
n’hésitent pas à évoquer un complot du Vatican pour empêcher leur divulgation.
L’un d’entre eux a dû se rétracter et dénoncer ces affirmations.
La
lenteur des publications s’explique naturellement : équipe sous-dimensionnée pour la tâche,
volonté d’associer à chaque texte des commentaires qui ne finissaient jamais,
décès de certains acteurs, problèmes politiques[20],
relations personnelles, etc. Finalement, en 1998, la plupart des manuscrits ont
été publiés sans perturber l’histoire et la foi. Le dernier texte a été rendu
public en 2002.
Du
point de vue apologétique, la découverte de Qumrân est précieuse. Les
manuscrits ont en effet démenti les hypothèses de Renan et celles de bien
d’autres affabulateurs, convaincus de leur science. Ils soulèvent aussi quelques questions intéressantes,
notamment la présence de textes que les chrétiens déclarent comme canoniques
alors que les Juifs les ont exclus de leur Bible. En outre, ces livres sont
écrits en araméens, voire en hébreu, et non en grec. Certains Juifs palestiniens les considéraient-ils comme
d’origine divine avant l’ère chrétienne ? L’âge de ces textes est aussi
précieux. Ce sont les manuscrits bibliques les plus anciens dont nous
disposons. Or les différences avec les versions bibliques que nous possédons
aujourd'hui sont peu nombreuses. L’intégrité substantielle de la Sainte Bible
est encore vérifiée.
Ainsi contrairement à ce que dit une certaine presse à
sensation, les découvertes archéologiques ne remettent pas en cause le
christianisme. Au contraire, elles le consolident tout en fragilisant les
thèses qui en attaquent les fondements. Ainsi faut-il connaître cette histoire de
Qumrân pour riposter aux mensonges et combattre l’ignorance…
Références
[1] La plupart des manuscrits découverts se trouvent en Israël.
[2] Un fragment du livre de Samuel serait le plus ancien.
[3] Un fragment des Écrits de Damas avait été déjà découvert dans le Guénizah de la synagogue du Vieux Caire en 1896.Voir Entretien avec André Paul : autour de Qumrân et les Esséniens, Actu Philosophia, 11 avril 2009.
[4] Son nom serait d’origine arabe. Il serait en effet dérivé du mot arabe « qamare » qui signifie « lune ».
[5] Père Roland de Vaux, dominicain, directeur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem. Il entreprend les fouilles de Qumrân à partir de 1949.
[6] En 1997, sur l’un des murs d’enceinte aurait été découvert un terme particulier qui se retrouve dans l’un des manuscrits de Qumrân .Voir wikipédia, article Manuscrits de Qumrân, 16 juillet 2008, visité le 25 novembre 2014.
[7] Edouard Schuré, Les grands initiés (Esquisse de l’Histoire secrète des religions), 1921, pp. 469-486.
[8] Thèses de Jacob Teicher, de John Allegro, de B. Thiering et Eisenman.
[9] Ursula Schattner-Rieser, Les manuscrits de la Mer Morte et la Bible de la variété littéraire au texte normatif.
[10] Dossier de presse de l’exposition Le secret des manuscrits de la mer Morte, Qumrân, Bnf, 13 avril – 10 juillet 2010, bnf.fr.
[11] Voir Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, VI, 16.
[12] Voir Les manuscrits de la Mer Morte et la Bible de la variété littéraire au texte normatif d’U. Schattner-Rieser.
[13] Ce document a aussi été découvert au XIXe siècle dans la Genizah du Caire.
[14] Écrit de Damas, CD I 11, cité dans Les Manuscrits de la Mer Morte, Aimé Fuchs.
[15] Thèse émise d’abord par l’abbé Émile Puech, directeur de l’École Biblique de Jérusalem, chercheur au CNRS.
[16] Fitzmayer est le premier à les avoir identifiés.
[17] Maryel Taillot, Synthèse de l’intervention de Claude Cohen-Matlofsky, Qumrân et les manuscrits de la mer Morte : Recherche sur la mystique dans l’Antiquité, Collège des Bernardins, séminaire 2012-2013, séance du 17 janvier 2013.
[18] Geza Vermès, « Après 54 ans d’attente, les manuscrits de la mer Morte sont enfin édités », Le Monde, 26 décembre 2001.
[19] Deux journalistes américains Michael Baigent et Richard Leigh, The Dead Sea Scrolls Deception, publié aussi sous le titre de Le livre qui fait trembler le Vatican ; A. Silberman, La guerre des rouleaux de la Mer morte. Ils reprennent les thèses de Edmund Wilson (1955) et de John Allegro.
[20] Qumrân est un lieu d’affrontement au cours des différents conflits de la région (guerre des six jours).
[21] Maryel Taillot, Synthèse de l’intervention de Claude Cohen-Matlofsky, Qumrân et les manuscrits de la mer Morte : Recherche sur la mystique dans l’Antiquité.
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