" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 23 janvier 2015

Les Manuscrits de la mer Morte

A la fin du XXe siècle, de nombreux journaux et revues criaient au scandale. Des livres annonçaient la publication d’extraordinaires révélations sur le christianisme. Ils prétendaient remettre en cause l'Église. Le Vatican était accusé d'obstruer la voie de la vérité et de maintenir l'obscurantisme. Plus précisément, ils l'accusaient d'empêcher l'accès aux manuscrits de la mer Morte, sources des précieuses révélations. 
Vieux de plus de 2000 ans, ces manuscrits ont été découverts à partir de 1947 dans les grottes de Qumrân au sud de Jérusalem. On prétendait en effet que ces textes révélaient les véritables origines de notre religion. Notre Seigneur Jésus-Christ aurait fait parti de la communauté des Esséniens d’où serait sorti le christianisme. Aujourd'hui, tout cela s’avère faux et mensonger.
Pourtant des journalistes et des « experts » soulèvent encore des polémiques et annoncent toujours de fabuleuses révélations, que des médias à leur tour diffusent largement et commentent dans une ignorance ahurissante. Mais généralement ces révélations ne sont que des réminiscences d’anciennes théories. Aujourd'hui, les thèses les plus absurdes, largement démenties, n’ont pas encore toutes disparu. Certaines d’entre elles reviennent parfois dans des discours. Elles parasitent des journaux de manière régulière. Les adversaires du christianisme les ressassent également. Les mensonges ne disparaissent jamais. Ils subsistent toujours dans l’opinion. Que savons-nous finalement de ces « révélations » et de ces manuscrits qui ont tant agité l’opinion ?
Découverte d’un véritable trésor

Les manuscrits de la mer Morte désignent l’ensemble des manuscrits qui ont été trouvés dans le désert de Judée. Les manuscrits de Qumrân sont une partie de ce trésor. Regroupés désormais sous le terme de bibliothèque de Qumrân, ils proviennent en grande majorité de onze grottes à proximité de Qumrân, au nord-ouest de la mer Morte à 60 kilomètres au sud de Jérusalem. Certains fragments ont aussi été découverts à Massada. En 1947, et pendant dix ans environ, les recherches ont livré un véritable trésor disséminé dans ces grottes. En 1998, une grande partie des manuscrits ont été publiés.


La Bibliothèque de Qumrân
Le précieux butin comprend huit cents cinquante textes[1] à caractère littéraire, officiel ou juridique, sous forme de fragments ou de véritable manuscrits, plus ou moins abîmés. Leur datation s’échelonne du IIIe siècle avant Jésus-Christ à 70, date de la destruction du Temple. La plupart des manuscrits sont en cuir, une faible minorité sur papyrus.
Il comprend environ deux cents manuscrits des livres bibliques hébraïques, dont beaucoup en plusieurs exemplaires. Tous les livres de l'Ancien Testament sont représentés sauf celui d’Esther. Certains ont été datés du IIIe siècle avant Jésus-Christ[2]. Le manuscrit le plus prestigieux est le rouleau d’Isaïe, long de 7m30, écrit sur des feuilles de cuir. Le texte est complet. Il daterait du IIe siècle avant Jésus-Christ. C’est finalement le livre biblique complet le plus ancien dont nous disposons actuellement.


La bibliothèque de Qumrân contient donc les plus anciens manuscrits de l'Ancien Testament que nous possédons. Nous pouvons alors facilement comprendre tout son intérêt et son importance. La majorité des textes sont écrits en hébreux. Les textes bibliques sont en paléo-hébreux, langue très ancienne utilisée pour leur caractère sacré. Quelques fragments sont en grec, en araméen, en nabatéen et en latin. Certaines versions bibliques sont identiques à la Bible hébraïque, dite massorétique, d’autres proches de la Septante et de la Bible qui était en usage à Samarie. Le butin contient aussi des textes que les Juifs ne reconnaissent pas, notamment les livres de Tobie, de Ben Sera et de Jérémie. Signalons qu’ils sont écrits en hébreux et non pas en grec, ce qui peut surprendre.

Ont aussi été trouvés :
  • des apocryphes et des pseudépigraphes dont certains étaient inconnus : Apocryphe de la Genèse, Livre d’Hénoch, Jubilés, etc. La plupart sont de style apocalyptique ou à contenu eschatologique ;
  • des rouleaux contenant des textes propres à une communauté dite « communauté de l’unité ». C’est un ensemble de règles, de commentaires, de textes exégétiques : Rouleau du Temple, Rouleau des Hymnes d’actions de grâces, Manuel de Discipline, dit aussi Règle de la Communauté, le Rouleau de la Guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres, les Écrits de Damas[3], les Commentaires d’Habacuc;
  • un mélange de textes traitant de magie, de divination, de physiognomonie ;
  • un rouleau de cuivre fournissant une liste de trésors cachés avec des indications sur leurs lieux de cachette.


Aucun texte du Nouveau Testament n’a été découvert contrairement aux différentes annonces.
Le site de Qumrân



Le nom de Qumrân[4] n’est pas ancien. Il serait postérieur à la conquête arabe. Le site est néanmoins daté du VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Des fouilles archéologies entreprises dès 1949 révèlent des constructions rudimentaires, une forteresse, une citerne, un cimetière, un atelier de poterie et une quantité d’objets. Aucun manuscrit n’y a été trouvé. Le site aurait été détruite par les Romains vers 68 puis abandonné.
Selon le dominicain Roland de Vaux[5], les habitants de Qumrân seraient les Esséniens dont parlent Flavius Joseph et Pline l’Ancien. Cette thèse est remise en cause depuis 1970. D'autres hypothèses ont en effet été émises. Qumrân aurait pu être un simple site agricole, une fabrique de poterie ou une forteresse. L’existence des Esséniens est même remise en cause.
Origine des manuscrits
D'où viennent ces manuscrits ? Deux hypothèses sont émises. Selon la thèse la plus communément admise, l’ensemble des documents viendraient d’une communauté hébreu, celle des Esséniens, qui se trouvaient dans les grottes. Elle se fonde sur l’idée que les occupants des grottes proviennent de Qumrân, considéré autrefois comme le centre de la communauté essénienne[6]. Selon une autre thèse, ils viendraient du Temple de Jérusalem. Les Juifs auraient cachés leur bibliothèque dans les grottes avant l’arrivée des Romains. Il n’est pas insensé de croire aussi à une double origine des manuscrits. Aujourd'hui, l’origine des manuscrits et des fragments reste incertaine.
Nous allons plutôt nous concentrer sur la communauté essénienne. Il n’est pas rare en effet d’entendre que le christianisme viendrait des Esséniens. Contrairement à ce que nous pouvons entendre, non seulement cette thèse n’est pas récente mais les manuscrits de la mer Morte ne le confirment pas. Cette thèse date en effet du XVIIIe siècle. Elle prend surtout de l’importance au XIXe siècle quand Ernest Renan définit le rôle de cette communauté dans le développement du messianisme et dans la conception du Royaume de Dieu : « le christianisme est un essénisme qui a largement réussi ». Au début du XXe siècle [7], des thèses prétendent que Notre Seigneur Jésus-Christ ou Saint Jean-Baptiste seraient des Esséniens. Elles seront reprises dans les années 50[8]. « Il est certain que le christianisme primitif s'enracine dans la communauté essénienne dont il subit l'influence et auquel il emprunte un certain nombre de termes et de concepts, des structures communautaires et des schémas théologiques. »[9]
Tout cela n’est pas sérieux. Certains auteurs se sont depuis rétractés. Les faits ont démenti ces affabulations. Aucun texte du Nouveau Testament n’a été découvert dans les grottes. Aucun personnage du Nouveau Testament n’est mentionné dans les manuscrits. La majorité des textes date du IIe siècle avant Jésus-Christ. Sur quels critères ces thèses se fondent-elles alors ? Avant de les décrire, nous allons rappeler quelques points sur Qumrân et les manuscrits. Revenons en effet aux faits…
Qumrân, une redécouverte
Poteries qui contenaient les manuscrits 
La communauté des Esséniens n’a pas été découverte à partir des manuscrits de Qumrân. Ces découvertes n’ont pas non plus surpris les experts. Ce n’est pas en effet la première fois que de tels manuscrits ont été trouvés dans les grottes. Origène mentionne déjà une telle découverte. Dans un écrit daté entre 795 et 823, un patriarche syriaque Timothée mentionne aussi la découverte de manuscrits près des grottes[10]. Des auteurs anciens mentionnent aussi la présence d’une communauté dans les grottes de Qumrân : Eusèbe de Césarée[11], Épiphane de Salamine. Un écrivain juif Qirqisâni, auteur d'une histoire des sectes juives, datée de 937, parle des « gens de la grotte »[12]. Des auteurs païens ont aussi mentionné l’existence de cette communauté dans une région qu’on a identifiée comme étant proche des grottes de Qumrân. Selon Philon d’Alexandrie, Pline l’Ancien et surtout Flavius Josèphe, une communauté de cénobites vivaient au nord-ouest des rives de la mer Morte. C’est pourquoi la thèse d’une origine essénienne a rapidement été émise. Il est vrai aussi que la doctrine contenue dans les manuscrits de Qumrân présentent de grandes similitudes avec celle des Esséniens telle qu’elle est décrite par les auteurs anciens.
Leçons des manuscrits
Que nous apprennent ces manuscrits vieux de plus de deux mille ans ? Ils témoignent de l’existence d’une communauté de haute spiritualité, à fort caractère dualiste et d’une stricte obéissance à la Loi biblique. Elle s’est probablement isolée dans le désert afin de mieux l’étudier et la suivre. Elle est régie par des règles très sévères et par des sanctions en cas d’infractions. Sa doctrine est centrée sur la lutte entre les fils de Lumière, dont elle fait partie, et les fils des Ténèbres. Dans une ultime guerre, Dieu remportera la victoire.
Les manuscrits mentionnent en particulier deux personnages : le Maître de la Justice et l’Homme du Mensonge, parfois identifié avec un autre personnage, le Prêtre impie. D'abord honnête, ce dernier est devenu impie et a poursuivi le Maître de la Justice. Après avoir souillé le Temple, il a péri.
Règle de la communauté
Les Écrits de Damas[13] relatent l’histoire d’un groupe de fidèles à qui Dieu a suscité un guide, le Maître de la Justice. Il est présenté comme l’envoyé de Dieu pour sauver le reste d’Israël et le conduire sur le « chemin de son cœur »[14]. Le Maître de Justice a établi une Nouvelle Alliance régie par des codes très stricts. Il a aussi reçu la révélation des mystères cachés dans les Saintes Écritures afin de les transmettre à son tour à ses disciples. Ces mystères concernent « la fin des temps » et « l’ordre des temps », c’est-à-dire le plan de Dieu pour le monde.

Dans le Commentaire d’Habacuc, le Maître de la Justice est aux prises du Maître du Mensonge. Le monde est l’objet d’une lutte entre deux esprits, celui de la Lumière et celui des Ténèbres. La fin des temps s’achèvera par la victoire de la Lumière contre les Ténèbres. Le Rouleau de la guerre décrit ce dernier combat. Les membres de la communauté, les élus, doivent alors s’y préparer.
Des hymnes chantent le Maître de Justice à l’origine de la communauté. Il est considéré comme le père d’une nouvelle alliance, le « père des hommes de la grâce ». Il est aussi le Persécuté, la cible des forces du mal. Il doit se réfugier sur la « Terre de Damas » où il a été mis à mort. La communauté chante son avènement.
Selon certains commentateurs, le Maître de la Justice serait un personnage historique qui aurait dirigé une nouvelle communauté après s’être réfugiée près de Qumrân. Il en aurait défini les règles et aurait ensuite connu une fin tragique, victime du Prêtre impie. Selon une thèse assez partagée[15], le Maître de Justice aurait été un grand-prêtre du Temple qu’aurait chassé Jonathan Macchabée. Ce dernier serait alors le Prêtre impie. Le conflit entre ces deux personnages aurait eu lieu vers 152 avant Jésus-Christ. Jonathan est le premier grand prêtre à ne pas descendre directement d’Aaron et de Sadoc dont sont issus les grands prêtres du Temple depuis le grand roi David. Fidèle à ce précepte, une communauté orthodoxe aurait alors refusé cette nomination et aurait décidé de se réfugier dans le désert. Il se peut que le titre de Maître de la Justice ait été appliqué aux successeurs du premier chef.
La communauté de Qumrân
Les manuscrits nous dévoilent la vie d’une communauté très hiérarchisée. Elle est dirigée par un groupe de prêtres, « les fils de Sadoq », qui se prétendent être les véritables possesseurs du sacerdoce lévitique. Le Maître de Justice en est le chef. L’entrée dans la communauté est précédée d’une année de postulat et de deux années de noviciat.
La communauté suit des règles très sévères et austères, très monacales. Ses membres étudient la Loi, prennent leur repas en commun, prient ensemble. Tous les biens sont en commun. Ils doivent exercer entre eux une charité sans faille. Leur comportement est aussi étroitement surveillé. Une infraction aux règles conduit à des sanctions, voire à l’exclusion de la communauté. Les règles sont très centrées sur la pureté légale telle qu’elle est définie dans l’Ancien Testament. Car les membres doivent toujours être prêts à offrir un sacrifice à Dieu. Or le seul sacrifice légitime n’est possible que dans le Temple à Jérusalem, dans des immolations et des holocaustes. La communauté les a alors remplacés par « l’offrande des lèvres », un culte très spiritualisé dans lequel les hymnes et les psaumes prennent beaucoup d’importance. Il est à noter que la communauté utilise un calendrier propre différent de celui du judaïsme en cours. Elle a ses propres fêtes.
Leur doctrine est marquée de messianisme et d’ésotérisme. Elle a sans-doute été influencée par le pythagorisme et par le dualisme iranien. Ses membres prétendent détenir des secrets. Leur angélologie est très développée.
Qumrân et le christianisme
Parfois, cette communauté est considérée comme étant libérale et réformiste du judaïsme, c’est-à-dire comme la phase intermédiaire entre le judaïsme et le christianisme. Mais la vérité est toute autre. Cette hypothèse est un contre-sens historique. La communauté est plutôt marquée de rigorisme, de pureté et d’un certain ésotérisme.
Certains commentateurs ont identifié dans les manuscrits de Qumrân plusieurs similitudes avec le christianisme dans le vocabulaire et dans les pratiques rituelles et communautaires. Nous pouvons en effet trouver des termes communs comme « Esprit Saint », « Lumière et Ténèbres », « Voie », ou « Béatitudes ». La communauté de Qumrân pratique aussi la bénédiction du pain et du vin qui ressemble fort à la Cène, l’ablution qui est souvent comparée au baptême, la communauté des biens et la charité, autres éléments forts du christianisme… Le culte spirituel qu’elle défend semble faire croire à un progrès et à une évolution vers le christianisme. Enfin des scènes des Évangiles ressemblent à des passages de certains manuscrits de Qumrân[16]. L’Apocryphe de la Genèse relate une scène qui évoque celle de l’Annonciation que décrit l’Évangile selon Saint Luc.
Forts de telles similitudes, certains n’hésitent pas à présenter Notre Seigneur Jésus-Christ soit comme un Essénien, soit comme un homme sans originalité qui aurait puisé ses idées dans cette communauté. Mais forcer les analogies, c’est finir par ne plus distinguer la communauté de Qumrân et le christianisme. C’est oublier aussi la nature des « vérités historiques ». Ce ne sont finalement que des hypothèses parfois fragiles. Hier, la thèse d’une origine essénienne du christianisme prévalait. Aujourd'hui, elle n’est plus d’actualité, l’existence des esséniens étant elle-même remise en cause.
Toutes ces hypothèses sont cependant bien faibles pour suggérer une relation entre la communauté de Qumrân et le christianisme. Les similitudes ne sont qu’apparence ou superficialité. L’ablution que pratique la communauté n’est qu’un rite de purification quotidien auquel elle est très attachée. N'oublions pas que « la recherche de la pureté était inhérente à tout courant de pensée de la Palestine gréco-romaine »[21]. Or cette préoccupation de pureté rituelle est absente dans le christianisme. Elle y est même combattue par Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous sommes aussi très loin de l’idée d’un sacrement et du baptême. Certains auteurs n’hésitent pas pourtant à parler de baptême sans apporter aucune précision. La bénédiction du pain et du vin était aussi un rite en usage chez les Juifs. Notre Seigneur n’a rien inventé en bénissant le pain et le vin à la Cène mais Il lui a donné une autre fonction, une autre réalité, un autre sens. Autrefois rituel dans le judaïsme, il est sacrement dans le christianisme. Entre les mêmes gestes,  un véritable abîme…
Parlons maintenant du culte spirituel de la communauté, que certains supposent comme un pas vers le christianisme. Il faut rappeler que dans le judaïsme, il n’existe qu’un seul culte, qu’un seul sacrifice, celui du Temple. Or si effectivement elle s’était réfugiée dans le désert pour protester contre Jonathan Macchabée le « prêtre impie », la communauté se serait alors coupée du Temple. Elle aurait alors substitué le culte sacrificiel par un culte spirituel. Car la communauté s’identifie au Temple[17]. Elle s’est renfermée dans cette identification.
La charité de la communauté était-elle la même que celle du christianisme ? Elle n’était en fait valable qu’entre les membres de la communauté. Ils vouent par ailleurs une haine aux fils de la perdition et n’ont aucune idée du pardon. Quant à la similitude du vocabulaire, faut-il s’en étonner ? Cela peut simplement signifier qu’à leur époque, il était en usage. Les premiers chrétiens ont aussi vécu dans le même cadre historique et culturel.
Enfin, la communauté de Qumrân partage avec les chrétiens la croyance en l’imminence de la fin des temps. Cette croyance est assez particulière. Selon la doctrine essénienne, le début du temps eschatologique est marqué par l’arrivée d’un prophète et de deux messies, un messie-prêtre et un messie-roi. Le premier messie a pour mission d’enseigner et d’expier. Le second se voit attribuer la justice et la guerre. La fin des temps est marquée par une guerre entre les fils des Ténèbres et les fils des Lumières. Cela n’est guère surprenant. Depuis le IIe siècle avant Jésus-Christ, un courant apocalyptique se développe en Palestine. La population est divisée, en proie aux doutes. Elle doit supporter les guerres, l’humiliation et la domination romaine.
Le mystère des manuscrits
Dans les années 90, les manuscrits de Qumrân ont fait l’objet d’une polémique, du « scandale académique du XX siècle »[18], aujourd'hui peut-être oubliés. Découverts de 1947 à 1956, ils auraient dû être publiés rapidement. Une équipe d’experts internationaux avait été mise en place pour cela. Or, en 1991, très peu de manuscrits avaient été publiés. Le Vatican a même été accusé de rétention. Les manuscrits remettraient en cause les origines du christianisme ! Quelques ouvrages ont en effet fait la une des journaux en annonçant des révélations spectaculaires. Certains journalistes[19] n’hésitent pas à évoquer un complot du Vatican pour empêcher leur divulgation. L’un d’entre eux a dû se rétracter et dénoncer ces affirmations.
La lenteur des publications s’explique naturellement : équipe sous-dimensionnée pour la tâche, volonté d’associer à chaque texte des commentaires qui ne finissaient jamais, décès de certains acteurs, problèmes politiques[20], relations personnelles, etc. Finalement, en 1998, la plupart des manuscrits ont été publiés sans perturber l’histoire et la foi. Le dernier texte a été rendu public en 2002.

Du point de vue apologétique, la découverte de Qumrân est précieuse. Les manuscrits ont en effet démenti les hypothèses de Renan et celles de bien d’autres affabulateurs, convaincus de leur science. Ils soulèvent aussi quelques questions intéressantes, notamment la présence de textes que les chrétiens déclarent comme canoniques alors que les Juifs les ont exclus de leur Bible. En outre, ces livres sont écrits en araméens, voire en hébreu, et non en grec. Certains Juifs palestiniens les considéraient-ils comme d’origine divine avant l’ère chrétienne ? L’âge de ces textes est aussi précieux. Ce sont les manuscrits bibliques les plus anciens dont nous disposons. Or les différences avec les versions bibliques que nous possédons aujourd'hui sont peu nombreuses. L’intégrité substantielle de la Sainte Bible est encore vérifiée. 
Ainsi contrairement à ce que dit une certaine presse à sensation, les découvertes archéologiques ne remettent pas en cause le christianisme. Au contraire, elles le consolident tout en fragilisant les thèses qui en attaquent les fondements. Ainsi faut-il connaître cette histoire de Qumrân pour riposter aux mensonges et combattre l’ignorance…




Références
[1] La plupart des manuscrits découverts se trouvent en Israël.
[2] Un fragment du livre de Samuel serait le plus ancien.
[3] Un fragment des Écrits de Damas avait été déjà découvert dans le Guénizah de la synagogue du Vieux Caire en 1896.Voir Entretien avec André Paul : autour de Qumrân et les Esséniens, Actu Philosophia, 11 avril 2009.
[4] Son nom serait d’origine arabe. Il serait en effet dérivé du mot arabe « qamare » qui signifie « lune ».
[5] Père Roland de Vaux, dominicain, directeur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem. Il entreprend les fouilles de Qumrân à partir de 1949.
[6] En 1997, sur l’un des murs d’enceinte aurait été découvert un terme particulier qui se retrouve dans l’un des manuscrits de Qumrân .Voir wikipédia, article Manuscrits de Qumrân, 16 juillet 2008, visité le 25 novembre 2014.
[7] Edouard Schuré, Les grands initiés (Esquisse de l’Histoire secrète des religions), 1921, pp. 469-486.
[8] Thèses de Jacob Teicher, de John Allegro, de B. Thiering et Eisenman.
[9] Ursula Schattner-Rieser, Les manuscrits de la Mer Morte et la Bible de la variété littéraire au texte normatif.
[10] Dossier de presse de l’exposition Le secret des manuscrits de la mer Morte, Qumrân, Bnf, 13 avril – 10 juillet 2010, bnf.fr.
[11] Voir Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, VI, 16.
[12] Voir Les manuscrits de la Mer Morte et la Bible de la variété littéraire au texte normatif d’U. Schattner-Rieser.
[13] Ce document a aussi été découvert au XIXe siècle dans la Genizah du Caire.
[14] Écrit de Damas, CD I 11, cité dans Les Manuscrits de la Mer Morte, Aimé Fuchs.
[15] Thèse émise d’abord par l’abbé Émile Puech, directeur de l’École Biblique de Jérusalem, chercheur au CNRS.
[16] Fitzmayer est le premier à les avoir identifiés.
[17] Maryel Taillot, Synthèse de l’intervention de Claude Cohen-Matlofsky, Qumrân et les manuscrits de la mer Morte : Recherche sur la mystique dans l’Antiquité, Collège des Bernardins, séminaire 2012-2013, séance du 17 janvier 2013.
[18] Geza Vermès, « Après 54 ans d’attente, les manuscrits de la mer Morte sont enfin édités », Le Monde, 26 décembre 2001.
[19] Deux journalistes américains Michael Baigent et Richard Leigh, The Dead Sea Scrolls Deception, publié aussi sous le titre de Le livre qui fait trembler le Vatican ;  A. Silberman, La guerre des rouleaux de la Mer morte. Ils reprennent les thèses de Edmund Wilson (1955) et de John Allegro.
[20] Qumrân est un lieu d’affrontement au cours des différents conflits de la région (guerre des six jours).
[21] Maryel Taillot, Synthèse de l’intervention de Claude Cohen-Matlofsky, Qumrân et les manuscrits de la mer Morte : Recherche sur la mystique dans l’Antiquité.

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