Le
christianisme a toujours fait l’objet d'attaques ou de dénigrements. Celse,
Porphyre, Voltaire, Renan et bien d’autres se sont notamment attaquées à ses
sources et plus spécialement à la Sainte Écriture afin de remettre en cause l’un
des fondements de notre foi. La Sainte Écriture ne serait qu’un tissu de
mensonges et les évangélistes ne seraient que des imposteurs. Depuis plus d’un
siècle, pour défendre et justifier la foi, de nombreux ouvrages ont alors démontré la
sincérité des auteurs. Pour cela, ils ont utilisé une démarche en usage dans la
recherche historique, la critique des sources.
Pendant
qu’au XIXe siècle, l’archéologie se développait et qu’on appliquait aux
manuscrits anciens de nouvelles méthodes, l’histoire s’armait aussi de nouvelles armes
pour établir la valeur historique des témoignages du passé. Ces différentes
méthodes ont aussi été appliquées sur les textes sacrés de la Sainte Écriture.
Elles ont conduit à une meilleure connaissance de notre histoire et à renforcer
les fondements de notre foi mais utilisées sans discernement, elles ont aussi
conduit à des erreurs et à des divagations, parfois plus graves que celles des
siècles passés. Elles ont à leur tour remis en cause la valeur historique de la
Sainte Écriture et par conséquent celle du christianisme lui-même, et pire
encore elles ont modifié le sens même de cette valeur.
De
nos jours, il ne s’agit plus de remettre en cause ni la sincérité des auteurs bibliques
ni l’historicité de leurs écrits mais de refuser la véracité historique de leur
récit et de défendre uniquement l’idée de l’historicité de leur foi. Depuis le
kantisme et des autres courants idéalistes allemands, on sépare en effet dans la
connaissance l’objet et le sujet de la connaissance. Des théories séparent donc
le Christ historique du Christ de la foi. Le premier est l’objet des Écritures,
le second transparaît dans les Écritures. Seul le Christ de la Foi est donc accessible. Il est finalement le seul au cœur du christianisme. Fortes de la
critique historique, elles tentent de les dissocier dans les discours et d’identifier
le véritable Christ afin de purifier le christianisme des soi-disant erreurs introduites
involontairement.
D'autres
théories vont encore plus loin. A l'exemple de Hegel et de ses successeurs, on y introduit
le temps, et plus précisément la notion de développement. Le Christ de la foi serait en
effet le produit d’une histoire. A partir du Christ réel, le christianisme se
serait développé avec le temps. Il y aurait donc des ajouts, des pertes, des
modifications, des transformations. La question n’est plus de dire si le
christianisme est vrai ou faux mais de déterminer ce qui est vrai et faux dans
ce développement. Certains voient dans le christianisme une permanence dans les changements dont il a fait l'objet. Il se serait développé autour d’un noyau resté intact. Et c’est ce noyau immuable dans le changement qui serait le véritable et
authentique christianisme. Il s’agit donc de déterminer cette « essence » et d’y revenir. D'autres
voient dans ces changements une nécessaire évolution qui est la vérité même du christianisme. Le changement serait la vie du christianisme, le
véritable christianisme. La vérité s’identifierait donc avec le moteur de cette
évolution. Comment pourrions-nous déterminer cette essence ou ces principes
d’évolution ? Les théories les recherchent dans l’histoire, armée de la
critique historique. C’est cette histoire qui finalement définirait la véracité de
notre foi…
Nous
retrouvons ces idées dans les mouvements qui ont bouleversé l’Église depuis les
années 70. C’est en effet au nom de l’histoire, c’est-à-dire de la critique
historique, qu’on a remis en cause l’enseignement de l’Église et la liturgie,
conduisant à de véritables ruptures. On prétendait soit retrouver le noyau du
christianisme en l’épurant des poussières du temps, soit renouer avec le
véritable christianisme en le faisant évoluer.
Avant
d'étudier plus en détails ces nombreuses théories qui font tant de dommages dans
les âmes et dans l’Église, nous allons rapidement rappeler les fondements de la
valeur historique d’un fait.
Un
fait historique n’est connu que par un témoignage plus ou moins proche de
l’événement qu’il relate. La fiabilité de ce témoignage dépend du niveau de
confiance que nous pouvons lui attribuer. La foi naturelle est donc la source
de connaissance de l’histoire. Ce témoignage donne alors lieu à une
interprétation, à des hypothèses, à une « vérité historique ».
Contrairement
aux sciences, il n’est pas possible de vérifier expérimentalement une « vérité historique ». Elle est déduite de nombreux témoignages de
différentes natures : écrits, objets, photographies, vidéos, etc. Les
textes sont aussi multiples dans leur support (pierre, parchemin, peau), leur
forme (fragment, codex, rouleaux, etc.), leur valeur (religieux, étatique,
littéraire, journalistique, etc.). Ils sont plus moins accessibles selon l’état
du document et la langue employée. Nous accédons alors au passé par
l’intermédiaire de traces qu’ont laissées nos ancêtres et que le temps n’a pas
détruites. Ce témoignage est donc partiel. Plus les traces sur un fait sont
nombreuses et multiples, plus le fait sera connu dans son ensemble. La valeur
d’une « vérité historique »
dépend donc de la valeur de ces témoignages, de leur multiplicité et de leur degré de complétude. Elle
n’est donc pas absolue. La tentation est alors grande de construire une
histoire logique à partir de quelques traces et indices éparpillés en oubliant notamment
le silence de l’histoire. Car effectivement le passé ne nous transmet pas toute la réalité. Les manuscrits se détruisent au fur et à mesure du temps. Tout n’est
pas écrit. Et ce qui écrit est-il toujours le reflet de la réalité dominante ou
un épiphénomène ? Un témoignage historique est finalement isolé du
passé et beaucoup d’informations précieuses disparaissent au cours des âges. En outre, il n’est pas
toujours possible d’estimer le niveau de confiance que nous pouvons lui accorder.
Qu’est-ce qui permet finalement de l’évaluer ? Le nombre ou la qualité des
témoignages ? L’histoire n’est pas une science…
Lorsqu'un
fait est rapporté par un document, sa « vérité historique » dépend de la valeur historique de ce
document, c’est-à-dire d’éléments internes et externes du document qui lui attribueraient un certain niveau de confiance. Les
éléments internes concernent le support du document et le document en lui-même.
Les éléments externes se trouvent dans l’environnement dans lequel il a été
trouvé et dans les autres documents qui font référence soit au fait historique
qu’il relate, soit au document lui-même.
La
valeur historique dépend de trois choses :
- de l’intégralité du document : le document est-il conforme au manuscrit autographe de l’auteur ? On distingue « deux sortes d’intégrité – l’intégrité absolue quand le texte original est parvenu dans toute sa teneur primitive – l’intégrité substantielle, lorsque les modifications qui ont été apportées, ne détruisent pas ce qui fait l’essence de l’ouvrage, ce qui en compose, pour ainsi dire, la vraie substance »[1] ;
- de l’authenticité du document : un livre est dit authentique quand il est bien de l’auteur auquel on l’attribue ;
- de la véracité du document : il s’agit de savoir si le document est digne de foi, c’est-à-dire s’il mérite d’être cru. Un témoignage vaut en particulier selon la valeur du témoin. « Trois hypothèses sont possibles. Ou bien le témoin manque de sincérité et veut nous tromper. Ou bien il se méprend et s’illusionne sur son propre cas. Ou bien il sait la vérité et veut la dire. » [2]
Il faut aussi définir les rapports entre la connaissance
du fait et le témoin qui le rapporte. Ainsi nous devons distinguer les faits connus de manière
directe, quand ils sont rapportés par le témoin, ou indirecte quand la personne rapporte un témoignage. Dans le deuxième cas, la valeur du témoignage
peut aussi dépendre de celle des témoins qui ont rapporté le fait et de la qualité
de transmission du témoignage originel.
Des
affirmations sont implicites ou explicites. Soit un fait est connu de manière
claire et sans ambiguïté. Dans ce cas, la véracité du fait dépend directement de
la valeur du témoignage. Soit un fait est déduit à partir d’une affirmation
explicite. Dans ce cas, la véracité du fait dépend aussi de notre compréhension
et de notre interprétation.
Lorsque
nous devons défendre les Saintes Écritures, nous devons en fait défendre
l’intégralité substantielle de la Sainte Écriture, l’authenticité des textes
sacrés et leur véracité. Pour cela, nous utilisons les résultats des
différentes branches de « la science
historique ».
Cependant,
il est fondamental de ne pas oublier la spécificité des textes bibliques. N’oublions
pas en effet que la Sainte Écriture est une œuvre divine et par conséquent, les
textes bibliques aussi anciens soient-ils ne peuvent être traités comme des
textes « vulgaires ». Ils
méritent respect, précaution et prudence…C’est
en effet en les traitant comme des textes communs que des erreurs se sont
produites. Notre étude doit être éclairée par la foi…
Références
[1] Abbé A.
Boulanger, Manuel d’Apologétique, n°209, 1928.
[2] Abbé A.
Boulanger, Manuel d’Apologétique, n°238, 1928.
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