Les textes bibliques que nous lisons ne sont pas les œuvres originales. Cela signifie-t-il
automatiquement qu’ils ne sont pas dignes de confiance ? Les siècles qui
nous séparent d’eux nous les rendent inaccessibles au point qu’ils peuvent légitimement
troubler certaines consciences. Nous ne pouvons ignorer les effets du temps et les
diverses manipulations humaines qui ont pu les maltraiter. Cependant, nous en
possédons des copies très anciennes, de différentes origines, plus ou moins
complètes, parfois des traces. Ces manuscrits ou fragments bibliques peuvent-ils apaiser nos
craintes ? Certes, ils nous révèlent un trésor inestimable mais renforcent-ils nos inquiétudes ou les allègent ? De plus, nous sommes parfois démunis face aux attaques contre l’intégrité de la Sainte
Écriture. Les médias en sont friands. Telle découverte remettrait ainsi
régulièrement en cause tel Livre Saint. Dans cet article, nous allons donc nous
attarder sur ces écrits antiques et sur leurs études...
L’abondance
des manuscrits anciens
Aujourd'hui,
nous estimons à plus de six mille manuscrits [1] relatifs à la Bible hébreu sans
compter les versions grecques, araméennes, etc. et à vingt cinq mille
manuscrits concernant le Nouveau Testament. En 1986, nous comptions plus de six mille
manuscrits uniquement en grec ancien. Il en existe d’autres de langue syriaque, latine,
copte, etc. Certains ne sont que des fragments qui ne contiennent que des chapitres, voire que des versets de la Sainte Écriture. Ces manuscrits sont rarement complets.
Comme le soulignent souvent les spécialistes du domaine, nous avons
actuellement plus de manuscrits bibliques que de copies
d’œuvres littéraires antiques. Ils sont en outre plus proches des textes
originaux et plus anciens que les livres profanes. Or si l'intégrité des textes sacrés est souvent remise en cause, ce n'est guère le cas des autres livres antiques.
Fragment ancien de l'Évangile selon Saint Jean Papyrus Rylands P52 |
La datation de ces
manuscrits évolue entre le IIIe siècle avant Jésus-Christ et le IXe siècle après l'ère chrétienne. Avant la découverte des manuscrits de Qumrân, les fragments
les plus anciens de l’Ancien Testament dataient du IIe siècle (papyrus Ryland II [2]),
voire du Ier siècle avant Jésus-Christ (papyrus Nash [3]
). Un fragment du livre de Samuel daterait du IIIe siècle avant Jésus-Christ. Le manuscrit le plus vieux relatif au Nouveau
Testament est un fragment de l’Évangile selon Saint Jean, daté de 125. Des
manuscrits du IVe siècle, entre 330 et 360, contiennent en très grande partie
la Sainte Bible. La Septante complète la plus ancienne dont nous disposons date
du IXe siècle. La célèbre découverte des manuscrits de la mer Morte nous ramène
à une période comprise entre le début du IIIe siècle avant Jésus-Christ et le IIe
siècle après Jésus-Christ. Nous retrouvons l’ensemble de la Sainte Écriture
sauf le livre d’Esther.
L’importance
apologétique de ces manuscrits
Ces
manuscrits sont très importants pour la défense de la foi, notamment pour
réfuter ceux qui remettent en cause le canon biblique, l’intégrité et l'authenticité des
Livres Saints. Face aux découvertes archéologiques et paléographiques,
certaines voix peuvent désormais se taire. Par exemple, un manuscrit [4]
daté de 200 environ est formé de neuf lettres de Saint Paul dont l’épître des
Hébreux, ce qui signifie qu’à cette époque, cette dernière lettre était déjà reconnue comme étant celle de Saint Paul, fait remarquable qu'il faut rappeler à tous ceux qui
doutent encore de l’authenticité de cette épître. Il montre aussi qu’à cette date, elle
avait la même valeur sacrée que les autres lettres. Le fragment de Saint Jean
est aussi très précieux. Sa date est estimée à 125, c’est-à-dire moins de
quarante ans après la mort de l’Apôtre. L’original est donc encore plus ancien. Or selon
une hypothèse classique, ce livre aurait été écrit par un homonyme qui aurait vécu à une
époque plus récente. Cette hypothèse est désormais difficile à tenir.
Rouleau d'Isaïe (manuscrit de Qumrân) |
Ces
manuscrits sont aussi remarquables pour évaluer la valeur de la transmission de
la Parole sacrée. La première question légitime et naturelle que nous pouvons en effet nous poser porterait sur l’intégrité des textes : sont-ils différents ou non de nos livres actuels ? Quel est l'écart pouvons-nous en effet constater entre ces manuscrits anciens et les versions bibliques que nous lisons aujourd'hui ? Sont-ils importants ou superficiels ? Selon de nombreux
spécialistes, les différences entre les versions bibliques sont très minimes. « Les textes découvertes dans la grotte numéro
un de Qumrân sont identiques aux textes actuels pour plus de 95%. Les
différences ne concernent que des détails sans signification :
orthographe, emploi de mots synonymes, quelques erreurs de copie… »[5]
Les différences ne semblent porter que sur des points de grammaires ou
d’orthographe et non sur le sens. Concernant le Nouveau Testament, « nous pouvons partir de l’hypothèse
solidement fondée que le texte employé dans les versions bibliques courantes
est pratiquement identique à l’original »[6].
On parle de 98% de textes garantis. Cette opinion provenant du milieu
évangélique est aussi partagée par l’ensemble des spécialistes catholiques ou
non.
« On peut dire avec certitude qu’aucune autre
œuvre de l’Antiquité n’a été transmise avec autant d’exactitude. »[7]
Il faut donc prendre conscience de la quantité et de la qualité des manuscrits bibliques que nous possédons. Ils sont de loin supérieurs à tout ce
que nous avons pour les textes classiques de l’antiquité. Les
discussions actuelles ne portent pas réellement sur le contenu des textes mais sur le
canon biblique comme nous l’évoqueront dans le prochain article.
D'autres
sources aussi anciennes
Les
versions anciennes de la Sainte Écriture nous sont aussi connues par les citations
des Pères de l’Église ou des juifs et par leurs commentaires. L’un des
manuscrits le plus significatif est par exemple le Diatesseron, daté du IIIe
siècle. C’est une compilation des Évangiles en un seul. Selon Eusèbe de
Césarée, il serait l’œuvre de Tatien (120, mort après 173). Nous prenons ainsi
contact indirectement aux textes en vigueur à l’époque. Nous pouvons aussi
évaluer la reconnaissance des textes bibliques dans certaines communautés ou
régions, voire leur réception dans toutes les communautés chrétiennes.
Les
citations bibliques peuvent aussi être comparées aux fragments dont nous
disposons, ce qui permet de consolider leur datation et évaluer leur intégrité.
Le Diateresson
de Tatien montre en particulier que tous les évangiles actuels ont au moins été
écrits avant l’année 170.
L’étude
des manuscrits
Les
manuscrits bibliques se distinguent par :
- leur support : le matériel (pierre, papyrus, parchemin, etc.) et la forme (rouleaux, codex, etc.) ;
- leur usage : lectionnaire, littéraire, commentaire, glossaire, talisman ;
- l’écriture : le style de l’écriture, le type de lettres, la forme des lettres, la ligature (signes liant deux caractères ou plus), l’esprit (signes de prononciation), etc. ;
- la langue : grec ancien, hébreu, araméen, latin, etc.
C’est
par l’étude de ces différents aspects d’un manuscrit qu’il est possible
d’obtenir certaines informations, notamment sa date.
Les matériaux
de l’écriture : papyrus et parchemin
Plusieurs
matériaux ont été utilisés pour l’écriture au cours de l’antiquité :
tablette d’argile, tablette de bois, papyrus, parchemin plus ou moins fin. Les
Juifs écrivaient habituellement sur des papyrus, des parchemins ou encore sur
des tablettes de bois.
Né
vers 3000 ans avant Jésus-Christ, le papyrus était le matériau le plus répandu
avant l’ère chrétienne. Le tracé avec une plume et de l'encre sur un papyrus
revenait certes plus cher que la gravure de signes dans l'argile humide mais le
résultat était plus durable et le document plus facile à utiliser et à
transporter. Les plantes de papyrus bordaient autrefois les rives du Nil. Les
tiges étaient coupées et dépouillées de leur écorce, puis on découpait la
moelle en bandes longues et minces, que l'on plaçait côte à côte pour former
une feuille. On disposait une deuxième couche perpendiculairement à la
première. Après avoir imbibé le tout d'une colle faite de farine de froment, on
pressait les feuilles et on les faisait sécher. Enfin, chaque feuille était
frottée avec de l'huile de cèdre. Ce matériau se conservait si bien que, dans
le climat sec de l'Égypte, il a survécu pendant des siècles jusqu'à notre
époque. Jusqu'au VIIIe siècle, le papyrus fut utilisé comme support
d'écriture. Sa durée de conservation est estimée à 20 ans.
Né au
IIe siècle avant Jésus-Christ, le parchemin était préparé à partir de peaux
d'animaux [8],
spécialement à l'eau de chaux. Comme sur le papyrus, on écrivait sur le
parchemin avec de l'encre mais ce dernier se conservait plus longtemps, et,
grâce à sa résistance, on avait toujours la possibilité de le gratter et d'y
écrire à nouveau par-dessus. Ainsi une même feuille de parchemin pouvait être
utilisée plusieurs fois. Malheureusement, au Moyen Âge, on effaçait les vieux
manuscrits avec de la pierre ponce et du sable pour les réutiliser. Ensuite, on
y écrivait ou peignait maintes fois encore. Parfois même on en fabriquait des
semelles de chaussures. Des techniques modernes, comme la photographie à la
lumière ultraviolette ou un procédé chimique, permettent de nos jours de faire
apparaître un texte ancien, sur un parchemin
réutilisé. De tels parchemins écrits plusieurs fois sont appelés palimpsestes [9].
Le manuscrit intitulé « Ephraemi
rescriptus » numéroté C4, daté du Ve siècle, est un texte biblique qui
a été recouvert au XIIe par une version grecque d’un traité de Saint Ephrem.
Outre
ces matériaux d'écriture, on a aussi utilisé le cuir, beaucoup moins fin. Il était
préparé à partir de peaux d'animaux. Le procédé était cependant moins coûteux
et, à la différence du parchemin, la peau n'était pas traitée à l'eau de chaux mais au tannin.
Selon
une tradition rabbinique, les textes sacrés juifs devaient être écrits sur des
peaux non refendues, ou « gewil ».
Les Juifs en Égypte utilisaient plutôt le papyrus pour les écritures profanes
ou pour des textes sacrés destinés à l’usage privé. Les Chrétiens ont plutôt
utilisé le papyrus pour les copies de l’Écriture Sainte. Mais peut-être à cause
de l’étendue des Livres saints, ils ont fini par utiliser le parchemin.
L’encre
était un mélange fait de suie et de gomme arabique, conservé à l'état solide.
Le copiste la délayait à l'eau à mesure qu'il en avait besoin. Sa plume,
appelée calame, était une simple tige de roseau dont une des extrémités,
ramollie dans de l'eau, ressemblait plutôt à un fin pinceau.
Nous
pouvons enfin noter un dernier support pour l’écriture, beaucoup plus
ancien : les tablettes de bois enserrées dans un cadre en relief. Parfois, ces
tablettes étaient enduites d’une cire sur laquelle on pouvait écrire au moyen
d’un stylet.
Nous
pouvons constater que les juifs n’écrivaient pas sur la pierre. Le matériel est
donc périssable. Ainsi les documents écrits de l’époque antique sont assez
rares. Pour les préserver du temps, il faut en effet un sol sec, fort rare en
Judée et en Galilée.
Les formes
des supports : volumina et codex
Les
premiers supports étaient sous forme de rouleaux que nous retrouvons encore
dans les synagogues. Des feuillets étaient cousues les uns à la suite des
autres, obtenant ainsi un rouleau du livre pouvant atteindre six à neuf mètres
de long. Il s’enroulait autour de deux bâtons sous forme de cylindre. Le « volumina » désigne ces feuillets de
papyrus ou de parchemins enroulés sur eux-mêmes.
Vers
le Ve siècle avant Jésus-Christ, les tablettes de bois étaient composées de
feuilles. Elles étaient rassemblées les unes aux autres au moyen de lanières passées dans des trous.
L’ensemble formant une sorte de tronc d’arbre, il a pris le nom de codex [10].
A la fin du Ier et début IIe siècle, les tablettes ont été remplacées par des
parchemins ou des papyrus, devenant le codex proprement dit. Ce procédé a l’avantage de permettre l’écriture
sur les deux côtés du feuillet. Il est donc plus rentable. Il est aussi moins
encombrant. Des codex de poche ont ainsi été retrouvés (7,6 cm sur 5 cm). Le papyrus sous la forme de codex était courant à partir du IIe siècle.
Contrairement
au rouleau, le codex permet de retrouver plus facilement un passage grâce à la notion
de page. Sur les rouleaux, le texte est écrit en colonne parallèle,
relativement étroite alors que la lecture du codex suit les pages comme nos livres actuels. Cette disposition a une très grande influence sur les rapports
que nous avons avec le texte. Une citation biblique
est souvent approximative lorsqu'elle provient d’un rouleau, la recherche d'un verset étant fastidieuse. Elle est dite de
mémoire. En revanche, dans un codex, il est possible de retrouver très
facilement la phrase recherchée et de la citer textuellement d'où l'exactitude des citations.
Codex sinaïticus |
Le
codex a aussi l’avantage de rassembler dans un même volume les textes sacrés et
donc de former une Bible, ce qui permet d’identifier le canon lorsque nous
trouvons un codex qui contient les Livres Saints, chose plus difficile, voire impossible, lorsqu'ils sont sous forme de rouleaux. Les Livres Saints représentent en effet
trente ou quarante rouleaux de papyrus quand un seul volume de codex peut les
contenir en totalité comme nous le montrent le Vaticanus et le Sinaïticus.
La datation d’un codex permet ainsi indirectement d'identifier le canon reconnu à l’époque de la copie.
Moins
chers, plus discrets et plus pratiques que les rouleaux, les codex ont été surtout
employés par les chrétiens. « Alors que
les écrits classiques circulaient longtemps encore sous forme de rouleaux, le
codex semblait surtout convenir aux écrits chrétiens. »[11]
Ils correspondent plus à l’apostolat.
Enfin, la partie la plus abîmée d'un rouleau correspond aux premiers versets du livre sacré quand celle d'un codex concerne plutôt la fin du dernier livre. Ainsi certains extraits des Livres Saints (début ou fin) n'existent pas dans des manuscrits. Certains critiques les remettent alors en cause, oubliant en fait la fragilité des rouleaux ou des codex.
L’écriture,
objet d’histoire
Le
style de l’écriture évolue avec le temps et les peuples. Prenons
l’exemple de l’écriture grecque. A l’origine, la forme des lettres variait
selon les régions et les cités grecques avant d’avoir leur caractère absolu. L’alphabet
que nous connaissons s’est constitué progressivement entre le VIe et le IVe
siècle avant Jésus-Christ. Le sens de l’écriture change aussi. L’écriture
grecque s’écrivait aussi bien de droite à gauche que de gauche à droite. Le
sens peut même être alterné dans un même texte. Le Grec utilisait aussi
différents procédés pour séparer les mots. Dans l’écriture archaïque, les mots
étaient séparés par une interponction. Dans les documents officiels, le procédé
habituellement utilisé était d’aligner les lettres sur la ligne en ménageant
une sorte d’alignement vertical des signes écrits, conduisant à des coupures de
mots de manière irrationnelle. Les signes de ponctuation ont été longtemps inconnus.
Onciale du IVe siècle, Bible |
Il
varie également en fonction de l’usage du texte. Les beaux ouvrages utilisent
l’onciale, sorte d’écriture de luxe qui reprend le type stylisé de la capitale.
Compte tenu de leur prix, ces ouvrages étaient uniques, tel l’Hexaple
d’Origène. Plus exposés aux dégradations, ils sont aussi très rares. Vers le
VIIIe siècle, l’élaboration de tels livres devient exceptionnelle suite au
développement d’écritures locales et des invasions arabes. C’est aussi l’époque
où l’usage du codex a prévalu. Au IXe siècle, l’écriture onciale est finalement
abandonnée sauf pour les livres à usage liturgique. Pour l’écriture grecque, nous distinguons ainsi l’écriture de librairie, élégante et
conventionnelle, et l’écriture cursive, aux lettres liées, utilisée dans les
documents non littéraires.
Nous trouvons donc différents types de lettres : les capitales, les onciales, les cursives et les minuscules. Si une écriture prédomine sur une autre, les anciens écrits, souvent abîmés, sont retranscrits avec la nouvelle écriture. Les exemplaires anciens sont alors négligés et finalement perdus, ce qui peut expliquer l'absence de manuscrits très anciens.
Nous trouvons donc différents types de lettres : les capitales, les onciales, les cursives et les minuscules. Si une écriture prédomine sur une autre, les anciens écrits, souvent abîmés, sont retranscrits avec la nouvelle écriture. Les exemplaires anciens sont alors négligés et finalement perdus, ce qui peut expliquer l'absence de manuscrits très anciens.
Plusieurs
méthodes permettent de dater des manuscrits anciens. Comme tout matériau
archéologique, la datation du support du texte (datation par carbone 14) et les
données fournies par le lieu où il a été trouvé en sont des moyens. Il est aussi possible de déterminer la datation par le contenu du texte, par le témoignage
ou par la philologie. Enfin, la méthode la plus sûre et précise reste la
paléographie [12]
au sens large.
Née
au XVIIIe siècle, la paléographie désigne littéralement les « manières anciennes d’écrire ». Au
sens strict, elle est la science des écritures anciennes. Elle concerne « toutes les recherches qui ont trait à la
nature et au développement de l’écriture »[13].
Les supports de l’écriture, c’est-à-dire la matière sur laquelle on écrit et
avec laquelle on écrit, l’intéressent aussi. Cette étude est la codicologie.
Elle est incluse dans la paléographie au sens large.
Rapidement, au XIXe siècle surtout, la paléographie se développe au contact des nombreux manuscrits qu’on découvre
et se constitue en sciences autonomes. Elle se subdivise selon la langue utilisée et l’époque. Ainsi
parle-t-on de paléographie grecque, romaine, latine, de l’Occident médiéval et
de la Renaissance.
L’écriture manuelle est donc objet d’histoire puisqu'elle évolue avec le temps et les hommes. Et
c’est parce qu’elle change que la science de l’écriture permet de dater un
écrit en fonction de l'écriture et de son support. La forme et le style des
lettres, la ponctuation, les abréviations, l’espacement entre les mots, etc., fournissent
en effet de nombreuses informations sur le texte écrit. En comparant ces
données avec des textes datés de manière certaine, il est alors possible de le
dater à cinquante ans près.
Certes
la datation est très approximative. De nombreux éléments peuvent influencer
l’écriture : l’âge du copiste, la nature du texte copié, les conditions de
la copie… La base sur laquelle fonde la comparaison peut être aussi sujette à
caution. Les progrès en typologie, la formalisation des méthodes, l’utilisation
des méthodes statistiques et l’usage de l’informatique améliorent néanmoins les
méthodes. La part de subjectivité reste toutefois non négligeable.
Il ne
faut pas confondre la paléographie et la critique textuelle. Cette dernière a
pour but soit de rétablir le texte original en identifiant les erreurs des
copistes (« basse critique »)
ou de remonter aux sources et découvrir les auteurs de l’ouvrage (« haute critique »).
Cette
rapide excursion dans l’univers des manuscrits nous paraît utile non seulement
pour mieux approfondir notre culture chrétienne mais aussi pour mieux défendre
notre foi. L’archéologie et de manière plus générale l’histoire nous
fournissent des arguments apologétiques importants que nous ne devons pas ignorer. Et les
faits sont indubitables. Si les datations sont approximatives et peuvent
parfois manquer d’objectivité, elles confirment l’historicité des Livres Saints
et du canon biblique, ce qui est inestimable compte tenu des attaques actuelles
contre le christianisme. La présence de manuscrits si anciens nous donne aussi
une autre garantie, celle de l’intégrité substantielle de la Bible, en tout cas pour les
versions bibliques approuvées par l’Église. Ces traces historiques indubitables nous
réconfortent dans notre combat pour la foi. Qui peut croire
qu’elles puissent vraiment nous affaiblir ? C’est notre ignorance qui nous
affaiblisse, voire notre indifférence.
Références
[1] Manuscrit est tiré du latin « manu scriptus », « écrit à la main ».
[2] Le papyrus Rylands II contient les chapitres XXIII à XXVIII du Deutéronome de la Septante.
[3] Le papyrus Nash comprend 24 lignes du Deutéronome en quatre fragments.
[4] P46 dans la codification standard.
[5] Gleason Archer, cité dans La Bible en question d’Adrien Guilleminot dans Le judaïsme, GéoHistoire, n°18, décembre 2014-janvier 2015.
[6] Heinrich von Siebenthal, Nos traductions du Nouveau Testament ont-elles une base textuelle fiable ? traduit de l’allemand de la revue Bibel und Gemeinde, 2001.
[7] William Henri Green (1825-1900), professeur à la Faculté théologique de Princeton
[8] Peau de mouton ou de chèvre puis plus tard peaux de veaux appelées « vélin ».
[9] Vient de « palimpstos », « gratté à nouveau ».
[10] « Caudex » signifie « bloc de bois » en latin.
[11] G. Milligan, Here and there among the Papyri.
[12] Les bases de la paléographie grecque ont été jetées par le moine bénédictin du nom de Bernard de Montfaucon (1655-1741).
[13] Alphonse Dain, Introduction à la paléographie dans L’histoire et ses méthodes, sous la direction de Charles Samaran, encyclopédie de la Pléiade, Gallimard, 1961.
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