" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mardi 14 octobre 2014

La Sainte Bible, oeuvre inspirée de Dieu

La Sainte Écriture fait autorité dans le christianisme. « Ce trésor, qui lui est venu du ciel, l'Église le tient comme la source la plus précieuse et une règle divine de la doctrine de la foi et des mœurs. »[1] Pourtant, elle peut surprendre. Écrite par des hommes, la Sainte Bible est considérée comme une œuvre de Dieu. Écrite pour des hommes, elle contient des vérités que Dieu seul peut nous révéler et nous met véritablement au contact de la pensée divine. Livre de Dieu et livre des hommes, la Sainte Écriture est unique en son genre et peut dérouter les esprits.
Mésestimer le caractère divin de la Sainte Écriture

Oublier ou négliger le caractère divin de la Sainte Écriture revient naturellement à remette en cause son autorité. Certes elle ne peut pas être un livre comme un autre. Son influence culturelle est trop forte. Son importance historique le préserve aussi de la banalisation. Mais elle risque de ne devenir qu’un ouvrage historique, un témoin d’un lointain passé, et finalement de n’être plus qu’un objet scientifique auquel on appliquerait des méthodes normalement dévolues aux manuscrits anciens. Son langage est ainsi disséqué, le moindre mot analysé. L’œil critique l’ausculte dans tous les sens à la recherche de la moindre anomalie...
Sans jamais remettre en cause son autorité, nous agissons parfois à l’égard de la Sainte Bible comme si nous oublions son caractère divin. Elle est probablement une référence de nos bibliothèques. Nous possédons peut-être une version d'une grande beauté, illustrée de belles gravures, à la reliure peut-être luxueuse, mais ne risque-t-elle pas de n’être que cela ? Ou est-elle encore un objet vénéré ou respecté pour son grand âge ? Quand nous entendons des extraits de la Sainte Écriture ou quand nous lisons des versets bibliques, avons-nous une attitude d’adoration et de crainte ? Avons-nous conscience du caractère sacré des paroles que nous entendons ou lisons ? Elles peuvent s’enchaîner machinalement d’une rapidité déconcertante… « Nous avertissons enfin avec un paternel amour, tous les disciples et tous les ministres de l’Église, de cultiver les Saintes Lettres avec un respect et une piété très vifs. »[2]
Mésestimer le caractère humain de la Sainte Écriture
Si au contraire son caractère divin est surestimé, la Sainte Écriture devient la seule norme de la foi au point qu’elle-seule dicte la vérité. Tout jugement doit alors se plier à son autorité, toute science doit s’y conformer. Elle risque de devenir le seul lieu où l’homme doit puiser son véritable savoir et rechercher son bonheur. La lecture de la Sainte Bible et sa compréhension sont en fait divinisées. Soit nous nous soumettons au sens littéral des textes sacrés et la lettre seule dicte le sens des versets. Soit l’interprétation est possible mais alors elle devient inspirée de Dieu. Autorité suprême, elle ne nécessite aucun intermédiaire, aucun guide, aucun défenseur. La Sainte Bible est finalement un livre sorti du ciel ou un murmure des anges.
Le caractère divin de la Sainte Écriture pourrait être tellement accentué que notre vénération légitime se transformerait en frayeur au point que nous craindrions non d’une crainte filiale mais d’une peur servile. Ainsi resterait-elle fermée… Une autre crainte pourrait aussi nous éloigner de la Sainte Écriture. Œuvre de Dieu, elle pourrait devenir Œuvre dédiée aux seules personnes consacrées. Des mains profanes n’oserait alors la toucher.
Ignorer l’un des caractères - humain, divin - de la Sainte Écriture ou estimer l’un au détriment de l’autre est donc source de profondes erreurs qui fragilisent son autorité et finalement notre foi. Certaines de ces erreurs prennent généralement leur origine dans une méconnaissance de l’autorité de la Sainte Écriture et plus exactement dans le fondement de cette autorité. Ainsi est-il utile de rappeler la véritable notion de l’inspiration…
Œuvre d’experts ?

Un des manuscrits de la mer morte
Un malentendu peut être à l’origine d’une autre erreur, malentendu qui s’est approfondi au cours du temps. Initialement œuvre pour les hommes, elle est devenue œuvre pour les experts en toutes sortes. Des spécialistes ont accumulé de nombreuses et profondes connaissances sur la Sainte Écriture quand la majorité des fidèles a fini par la considérer comme une œuvre hors de sa portée. Alors qu’un savoir biblique s’est accumulé et fortement développé depuis de nombreuses années dans des communautés très réduites, les questions que la recherche a générées et les problèmes qu’elle a soulevés ont largement été diffusés dans le public non préparé et ignorant. La Sainte Écriture a fini par être recouverte d’une épaisse couche d’inquiétudes et de doutes. Ainsi dans le meilleur des cas, les fidèles se contentent des extraits du missel, voire de la lecture biblique à la Sainte Messe.
Or la Sainte Écriture n'est-elle vraiment destinée qu’aux historiens des religions, aux exégètes, aux théologiens et à toute sorte de docteurs aux multiples talents ? C’est croire qu’elle est inopérante par elle-même et que son efficacité ne dépend que de nos facultés intellectuelles. La Sainte Écriture est finalement au rang des œuvres humaines.
Cela ne signifie pas que nous devons ignorer ou négliger les difficultés que présente la lecture biblique. Comme nous l’avons déjà souligné, sans une véritable docilité à l’égard de l’Église et sans une disposition intérieure conforme au caractère sacré de la Sainte Écriture, nous pouvons nous égarer dans les erreurs en nous y aventurant. La source des erreurs provient généralement de notre imprudence et de notre vanité. Elle naît encore d’une profonde ignorance des caractères divin et humain de la Sainte Écriture.
L'inspiration de Saint Matthieu
Caravaggio (1602)
L’Inspiration de la Sainte Écriture
Revenons donc au fondement de l’autorité de la Sainte Écriture, c’est-à-dire à l’inspiration.
Qu’est-ce que l’inspiration ? Au sens étymologique, le terme vient de « inspirato » qui veut dire « qui a reçu le souffle de Dieu ». Dieu est bien à l’origine du texte sacré. Nous disons parfois que tel ouvrage est inspiré de Dieu au sens où le contenu de leur ouvrage est fortement influencé par Dieu. C’est le cas par exemple de l’Imitation de Jésus-Christ ou des Exercices de Saint Ignace Loyola. Mais cette inspiration extraordinaire ne correspond pas à celle de la Sainte Écriture. Léon XII l’a définie ainsi : 
« une impulsion surnaturelle par laquelle l’Esprit Saint a excité et poussée les écrivains à écrire et à les a assisté pendant qu’ils écrivaient, de telle sorte qu’ils concevaient exactement, voulaient rapporter fidèlement et exprimaient avec une vérité infaillible tout ce que Dieu leur ordonnait et seulement ce qu’il leur ordonnait d’écrire. »[3]
Vérité et Sainte Écriture
Par l’inspiration, Dieu exerce réellement sur l’intelligence et sur la volonté de l’écrivain depuis la conception de l’œuvre jusqu'à son achèvement. Il y a bien une double influence:
  • l’une préalable à l’écriture afin de décider l’écrivain à écrire ;
  • l’autre continuel afin :
    • qu’il puisse comprendre ce qu’il doit écrire et 
    • qu’il s’exprime exactement ce que Dieu veut 
    • afin qu’il y ait une parfaite correspondance entre la volonté de Dieu et ce que l’homme écrit.
Dieu agit donc sur la volonté de l’écrivain puis illumine son intelligence et le soutient pendant qu’il écrit, soit par une simple assistance, soit en influant directement sur la rédaction de telle sorte que l’écrit contienne tout ce que Dieu a l’intention de transmettre et ne contienne que cela.


L’impulsion peut provenir soit de circonstances particulières, soit d’une disposition intérieure voulues par Dieu. Les difficultés dans les communautés chrétiennes ont été l’occasion pour Saint Paul d’écrire ses épîtres. L’élévation des sentiments et des pensées a probablement poussé la rédaction du Cantiques des Cantiques. Ou Dieu peut aussi agir directement sur l’écrivain pour qu’il écrive, notamment dans les livres historiques.

L'évangéliste Saint Matthieu
inspiré par un ange,

Rembrandt


L’illumination de l’intelligence peut se produire de manière directe. Elle peut être la manifestation pure et simple de vérités et de mystères surnaturels. Elle se confond alors avec la Révélation. Mais l’inspiration s’étend au-delà de la Révélation. Elle peut influencer sur le jugement pratique de l’écrivain. Après des méthodes ordinaires, des recherches personnelles, une expérience naturelle, l’auteur peut connaître des vérités d’ordre naturel mais Dieu influence sur son intelligence pour que ces vérités soient transmises par écrit. C’est pourquoi l’inspiration n’est pas incompatible avec les efforts des écrivains. Ainsi l’inspiration ne s’identifie pas à la Révélation.
L’inspiration donne à l’intelligence la capacité de concevoir les idées, les affirmations, l’organisation essentielle du livre. Elle apporte une assistance pour la réalisation concrète du Livre sacré. Elle agit sur la volonté pour que l’écrivain écrive uniquement tout ce dont Dieu veut la mise par écrit et seulement cela.
Au cours de la rédaction du Livre sacré, Dieu agit afin de le préserver de l’erreur. Intervient-il dans le choix des mots ? Nous pouvons simplement dire que puisque les textes connaissent différents styles particuliers, l’activité humaine est préservée tout en étant mue par Dieu.
Origine divine de la Sainte Écriture
L’inspiration ne se réduit pas à une assistance divine. Le texte sacré est soumis à l’influence de Dieu dès son origine. C’est pourquoi nous pouvons affirmer que Dieu est bien à l’origine du texte sacré. L’inspiration s’étend de sa conception jusqu'à la rédaction définitive au point que nous pouvons dire que Dieu en est l’auteur. C’est pourquoi l’Église a particulièrement défendu l’origine surnaturelle de la Sainte Écriture et pas uniquement l’absence d’erreurs.
L’homme, un écrivain libre
Mais l’écrivain n’est pas un instrument qui ne ferait qu’écrire sous la dictée de Dieu. Il reste un écrivain doué d’intelligence et de volonté, libre d’exercer ses pleines capacités.
Dans la Sainte Écriture, il y a donc une relation particulière, une coopération entre Dieu qui en est l’auteur principal et l’écrivain qui en est l’auteur second, dit aussi cause instrumentale, mais comme un instrument raisonnable et libre.
Une inspiration globale de la Sainte Écriture

Saint Jean dictant
sous l'inspiration du Saint Esprit




L’inspiration s'étend à toute la Sainte Écriture. « Tous les livres entiers que l’Église a reçus comme sacrés et canoniques dans toutes leurs parties, ont été écrits sous la dictée de l'Esprit-Saint »[4]. L’Église ne l’applique pas uniquement dans les choses de la foi et de la morale comme le rappelle le Pape Pie XII pour s’opposer à une erreur commune. « Quelques écrivains catholiques n'ont pas craint de restreindre la vérité de l'Écriture Sainte aux seules matières de la foi et des mœurs, regardant le reste, au domaine de la physique ou de l'histoire. »[5] De nouveau, il ne faut pas confondre la Révélation et l'inspiration. Dieu nous a communiqué des vérités pour nous sauver et non pour nous fournir des connaissances scientifiques. Ainsi des écrivains sacrés ont pu s’exprimer sur des choses indépendantes de notre salut d’après le jugement et la mesure de connaissance de leur époque. Ils ont alors pu adopter des manières impropres pour décrire des faits historiques ou des phénomènes naturels pour qu’ils soient compris par leurs contemporains. Leur intelligibilité est en effet une nécessité. Leurs écrits servent à éclairer les vérités et à les expliquer. Ainsi Dieu a pu permettre que ces choses ne soient pas exprimées selon les vérités scientifiques ou historiques. La Sainte Écriture n’est pas destinée à nous livrer les connaissances de notre monde et de notre passé.
Ainsi les textes sacrés de la Sainte Écriture sont inspirés dans leur intégralité et dans toutes leurs parties. Mais évidemment, une partie ne peut être comprise isolément du tout.
La nature de l’inspiration
L’inspiration est un don gratuit de Dieu ordonné à notre salut. Elle n’agit que pour transmettre des vérités de foi et de morale. Insistons lourdement : cela ne signifie pas que les faits historiques ou les phénomènes naturels en sont exclus comme nous l’avons déjà expliqué car ils concourent à l’expression et à la transmission de la vérité.

Le Prophète Joël

Michel Ange
L’inspiration est donnée d'une manière temporaire de façon à ce que l’écrivain soit subordonné à Dieu qui inspire depuis la conception jusqu’à la rédaction achevée de son texte. Elle nécessite l’action de Dieu le temps de la conception et de la rédaction définitive du texte sacré. Seul, l’écrivain n’aurait pas pu écrire tout ce qu’il a écrit. Dieu en est bien l’auteur principal.
Les fausses notions de l’inspiration
L’inspiration n’est pas un don de prophétie. Par la prophétie, Dieu parle aux hommes. Elle est parole et nécessite obligatoirement une révélation. Or l’inspiration porte sur l’écrit au sens strict. Elle n’exige pas la révélation ; elle ne l’exclut pas non plus. « Gardons-nous bien de l’oublier, l’inspiration scripturaire diffère de la Révélation proprement dite par son but, son objet et son mode d’action sur les facultés de l’homme. »[6] La révélation fait connaître quand l’inspiration fait écrire des vérités ou des faits qui ont été préalablement révélés ou non. La Sainte Écriture n’est qu’une source de la Révélation au même titre que la Sainte Tradition. Enfin, l’inspiration agit sur toutes les facultés de l’homme alors que la révélation n’agit directement que sur l’intelligence.
Un texte n’est pas inspiré par qu’il est approuvé par l’Église. Ce n’est pas par le fait qu’il est inscrit dans le canon qu’il est inspiré. Ce n’est pas en effet son approbation qu’il le rend inspiré. C’est le contraire. C'est parce qu’il est inspiré qu’il a été approuvé. L’autorité de la Sainte Écriture ne repose pas sur une origine humaine mais bien divine. C’est bien parce que Dieu est son auteur qu’elle est une autorité divine. « L’Église les tient pour sacrés et canoniques non parce que, rédigés par la seule science humaine, ils ont été ensuite approuvés par l'autorité de ladite Église; non parce que seulement ils renferment la vérité sans erreur, mais parce que, écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur. »[7]
Un texte n’est pas tenu pour inspiré parce qu’ils contiennent sans erreur la Révélation en vertu d’une assistance de Dieu. Certes, il contient des vérités révélées mais l’inspiration ne se réduit pas au fait de les contenir.
Il n’est pas nécessaire que, pour qu’un livre soit inspiré, que son auteur soit connu ou identifié. Il ne faut pas confondre inspiration et authenticité. Nous pouvons être pleinement assuré de son origine divine sans rien savoir ni de son auteur humain ni de l’époque à laquelle le livre a été rédigé.
Un livre n’est pas inspiré parce que l'écrivain a été ravi en extase. Au contraire, l’écrivain est parfaitement maître de lui-même. Il conserve le plein usage de ses facultés naturelles. Sa personnalité est entièrement conservée.
Une écoute attentive et sérieuse
La Sainte Écriture est un ouvrage humain d’origine divine. Les écrivains étant inspirés, elle a pour auteur principal Dieu. L’inspiration ne peut se confondre avec la Révélation ou la prophétie. Elle porte sur l’écrit de manière intégrale. Ainsi faut-il aussi la considérer comme étant divine. Mais Dieu a laissé l’homme libre d’exercer pleinement ses dons. Comme notre salut, la Sainte Écriture est l’œuvre incompréhensible d’une coopération particulière entre Dieu et l’homme. Si Dieu nous a laissé une telle œuvre, ce n’est pas pour répondre à une curiosité historique ou pour nous rendre plus instruits dans les sciences historiques, sociales, humaines, etc. Une telle coopération n’a qu’un but, celui de nous élever vers les cieux, de nous éveiller à la science divine, de nous instruire sur nos devoirs et sur notre salut. Elle a pour but de nous transmettre la pensée de Dieu selon la volonté même de Dieu. 

« Vivre au milieu de ces choses, les méditer, ne connaître ni ne chercher rien d'autre, cela ne vous paraît-il pas dès ici-bas comme le paradis sur terre ? »[8] 

Ainsi devant la pensée de Dieu, nous devons être emplis de crainte filiale et de joie incommensurable. Nous devons être attentifs et vigilants à l’entendre avec sérieux et piété. La Sainte Écriture ne se lit pas, ne s’étudie pas comme un livre ordinaire…
« Que les âmes des fidèles se nourrissent aussi du même aliment, qu'elles y puisent la connaissance et l'amour de Dieu, le progrès spirituel et la félicité. »[9] 








Références
[1] Pie XII, Divino Afflante Spiritu sur les études bibliques, 1, 30 septembre 1943, www.vatican.va.
[2] Léon XIII, Providentissimus Deus, 18 novembre 1893, www.vatican.va.
[3] Léon XIII, Providentissimus Deus.
[4] Léon XIII, Providentissimus Deus.
[5] Pie XII, Divino Afflante Spiritu, 4.
[6] Initiation biblique, sous la direction de A. Robert et de A. Tricot, Desclée et Cie, 1938.
[7] 
Concile de Trente, De la Révélation, Sess. III, chapitre II.
[8] Saint Jérôme, Ep. LIII, 10 cité dans Pie XII, Divino Afflante Spiritu, 48.
[9] Pie XII, Divino Afflante Spiritu, 48.

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