La Sainte Écriture fait autorité dans le christianisme.
« Ce trésor, qui lui est venu du
ciel, l'Église le tient comme la source la plus précieuse et une règle divine
de la doctrine de la foi et des mœurs. »[1] Pourtant,
elle peut surprendre. Écrite par des hommes, la Sainte Bible est considérée
comme une œuvre de Dieu. Écrite pour des hommes, elle contient des vérités que
Dieu seul peut nous révéler et nous met véritablement au contact de la pensée divine.
Livre de Dieu et livre des hommes, la Sainte Écriture est unique en son genre
et peut dérouter les esprits.
Mésestimer le caractère divin de la Sainte Écriture
Oublier ou négliger le caractère divin de la Sainte Écriture revient naturellement à remette en cause son autorité. Certes elle ne peut pas être un livre comme un autre. Son influence culturelle est trop forte. Son importance historique le préserve aussi de la banalisation. Mais elle risque de ne devenir qu’un ouvrage historique, un témoin d’un lointain passé, et finalement de n’être plus qu’un objet scientifique auquel on appliquerait des méthodes normalement dévolues aux manuscrits anciens. Son langage est ainsi disséqué, le moindre mot analysé. L’œil critique l’ausculte dans tous les sens à la recherche de la moindre anomalie...
Sans jamais remettre en cause son autorité, nous
agissons parfois à l’égard de la Sainte Bible comme si nous oublions son
caractère divin. Elle est probablement une référence de nos bibliothèques. Nous possédons peut-être une version d'une grande beauté, illustrée de belles gravures, à la reliure peut-être luxueuse, mais ne
risque-t-elle pas de n’être que cela ? Ou est-elle encore un objet vénéré
ou respecté pour son grand âge ? Quand nous entendons des extraits de la
Sainte Écriture ou quand nous lisons des versets bibliques, avons-nous une attitude
d’adoration et de crainte ? Avons-nous conscience du caractère sacré des
paroles que nous entendons ou lisons ? Elles peuvent s’enchaîner machinalement
d’une rapidité déconcertante… « Nous
avertissons enfin avec un paternel amour, tous les disciples et tous les
ministres de l’Église, de cultiver les Saintes Lettres avec un respect et une
piété très vifs. »[2]
Mésestimer le caractère humain de la Sainte Écriture
Si au contraire son caractère divin est surestimé, la
Sainte Écriture devient la seule norme de la foi au point qu’elle-seule
dicte la vérité. Tout jugement doit alors se plier à son autorité,
toute science doit s’y conformer. Elle risque de devenir le seul lieu où
l’homme doit puiser son véritable savoir et rechercher son bonheur. La
lecture de la Sainte Bible et sa compréhension sont en fait divinisées.
Soit nous nous soumettons au sens littéral des textes sacrés et la lettre seule dicte le sens
des versets. Soit l’interprétation est possible mais alors elle devient inspirée de Dieu. Autorité suprême, elle ne nécessite aucun intermédiaire,
aucun guide, aucun défenseur. La Sainte Bible est finalement un livre sorti du ciel ou
un murmure des anges.
Le caractère divin de la Sainte Écriture pourrait être
tellement accentué que notre vénération légitime se transformerait en frayeur au point
que nous craindrions non d’une crainte filiale mais d’une peur servile. Ainsi
resterait-elle fermée… Une autre crainte pourrait aussi nous éloigner de la
Sainte Écriture. Œuvre de Dieu, elle pourrait devenir Œuvre dédiée aux seules
personnes consacrées. Des mains profanes n’oserait alors la toucher.
Ignorer l’un des caractères - humain, divin - de la Sainte Écriture ou
estimer l’un au détriment de l’autre est donc source de profondes erreurs qui
fragilisent son autorité et finalement notre foi. Certaines de ces erreurs
prennent généralement leur origine dans une méconnaissance de l’autorité de la
Sainte Écriture et plus exactement dans le fondement de cette autorité. Ainsi
est-il utile de rappeler la véritable notion de l’inspiration…
Œuvre d’experts ?
Un des manuscrits de la mer morte |
Or la Sainte Écriture n'est-elle vraiment destinée qu’aux historiens des religions, aux exégètes, aux théologiens et à toute sorte de
docteurs aux multiples talents ? C’est croire qu’elle est inopérante par
elle-même et que son efficacité ne dépend que de nos facultés intellectuelles. La Sainte Écriture est finalement au rang
des œuvres humaines.
Cela ne signifie pas que nous devons ignorer ou
négliger les difficultés que présente la lecture biblique. Comme nous l’avons
déjà souligné, sans une véritable docilité à l’égard de l’Église et sans une
disposition intérieure conforme au caractère sacré de la Sainte Écriture, nous
pouvons nous égarer dans les erreurs en nous y aventurant. La
source des erreurs provient généralement de notre imprudence et de notre vanité. Elle
naît encore d’une profonde ignorance des caractères divin et humain de la Sainte Écriture.
Revenons donc au fondement de l’autorité de la Sainte
Écriture, c’est-à-dire à l’inspiration.
Qu’est-ce que l’inspiration ? Au sens
étymologique, le terme vient de « inspirato »
qui veut dire « qui a reçu le
souffle de Dieu ». Dieu est bien à l’origine du texte sacré. Nous disons parfois que tel ouvrage est inspiré de Dieu au sens où le contenu de leur
ouvrage est fortement influencé par Dieu. C’est le cas par exemple de l’Imitation
de Jésus-Christ ou des Exercices de Saint Ignace Loyola. Mais
cette inspiration extraordinaire ne correspond pas à celle de la Sainte
Écriture. Léon XII l’a définie ainsi :
« une impulsion surnaturelle par laquelle l’Esprit Saint a excité et
poussée les écrivains à écrire et à les a assisté pendant qu’ils écrivaient, de
telle sorte qu’ils concevaient exactement, voulaient rapporter fidèlement et
exprimaient avec une vérité infaillible tout ce que Dieu leur ordonnait et
seulement ce qu’il leur ordonnait d’écrire. »[3]
Vérité et Sainte Écriture
Par l’inspiration, Dieu exerce réellement sur
l’intelligence et sur la volonté de l’écrivain depuis la conception de l’œuvre
jusqu'à son achèvement. Il y a bien une double influence:
- l’une préalable à l’écriture afin de décider l’écrivain à écrire ;
- l’autre continuel afin :
- qu’il puisse comprendre ce qu’il doit écrire et
- qu’il s’exprime exactement ce que Dieu veut
- afin qu’il y ait une parfaite correspondance entre la volonté de Dieu et ce que l’homme écrit.
L’impulsion peut provenir soit de circonstances
particulières, soit d’une disposition intérieure voulues par Dieu. Les
difficultés dans les communautés chrétiennes ont été l’occasion pour Saint Paul
d’écrire ses épîtres. L’élévation des sentiments et des pensées a probablement
poussé la rédaction du Cantiques des Cantiques. Ou Dieu peut aussi agir directement sur l’écrivain pour qu’il écrive, notamment dans les livres
historiques.
L'évangéliste Saint Matthieu inspiré par un ange, Rembrandt |
L’inspiration donne à l’intelligence la capacité de concevoir les
idées, les affirmations, l’organisation essentielle du livre. Elle apporte une assistance pour la réalisation concrète du Livre sacré. Elle agit sur la
volonté pour que l’écrivain écrive uniquement tout ce dont Dieu veut la mise
par écrit et seulement cela.
Au cours de la rédaction du Livre sacré, Dieu agit afin
de le préserver de l’erreur. Intervient-il dans le choix des mots ? Nous
pouvons simplement dire que puisque les textes connaissent différents styles
particuliers, l’activité humaine est préservée tout en étant mue par Dieu.
Origine divine de la Sainte Écriture
L’inspiration ne se réduit pas à une assistance divine.
Le texte sacré est soumis à l’influence de Dieu dès son origine. C’est pourquoi
nous pouvons affirmer que Dieu est bien à l’origine du texte sacré. L’inspiration
s’étend de sa conception jusqu'à la rédaction définitive au point que nous
pouvons dire que Dieu en est l’auteur. C’est pourquoi l’Église a
particulièrement défendu l’origine surnaturelle de la Sainte Écriture et pas
uniquement l’absence d’erreurs.
L’homme, un écrivain libre
Mais l’écrivain n’est pas un instrument qui ne ferait
qu’écrire sous la dictée de Dieu. Il reste un écrivain doué d’intelligence et
de volonté, libre d’exercer ses pleines capacités.
Dans la Sainte Écriture, il y a donc une relation
particulière, une coopération entre Dieu qui en est l’auteur principal et
l’écrivain qui en est l’auteur second, dit aussi cause instrumentale, mais
comme un instrument raisonnable et libre.
Une inspiration globale de la Sainte Écriture
Saint Jean dictant sous l'inspiration du Saint Esprit |
Ainsi les textes sacrés de la Sainte Écriture sont
inspirés dans leur intégralité et dans toutes leurs parties. Mais évidemment,
une partie ne peut être comprise isolément du tout.
La nature de l’inspiration
L’inspiration est un don gratuit de Dieu ordonné à notre salut. Elle n’agit que pour transmettre des vérités de foi et de
morale. Insistons lourdement : cela ne signifie pas que les faits
historiques ou les phénomènes naturels en sont exclus comme nous l’avons déjà
expliqué car ils concourent à l’expression et à la transmission de la vérité.
Le Prophète Joël Michel Ange |
Les fausses notions de l’inspiration
L’inspiration n’est pas un don de prophétie. Par la
prophétie, Dieu parle aux hommes. Elle est parole et nécessite obligatoirement
une révélation. Or l’inspiration porte sur l’écrit au sens strict. Elle
n’exige pas la révélation ; elle ne l’exclut pas non plus. « Gardons-nous bien de l’oublier,
l’inspiration scripturaire diffère de la Révélation proprement dite par son
but, son objet et son mode d’action sur les facultés de l’homme. »[6] La
révélation fait connaître quand l’inspiration fait écrire des vérités ou des
faits qui ont été préalablement révélés ou non. La Sainte Écriture n’est qu’une
source de la Révélation au même titre que la Sainte Tradition. Enfin,
l’inspiration agit sur toutes les facultés de l’homme alors que la révélation
n’agit directement que sur l’intelligence.
Un texte n’est pas inspiré par qu’il est approuvé par
l’Église. Ce n’est pas par le fait qu’il est inscrit dans le canon qu’il est inspiré.
Ce n’est pas en effet son approbation qu’il le rend inspiré. C’est le
contraire. C'est parce qu’il est inspiré qu’il a été approuvé. L’autorité de la
Sainte Écriture ne repose pas sur une origine humaine mais bien divine. C’est
bien parce que Dieu est son auteur qu’elle est une autorité divine. « L’Église les tient pour sacrés et
canoniques non parce que, rédigés par la seule science humaine, ils ont été
ensuite approuvés par l'autorité de ladite Église; non parce que seulement ils
renferment la vérité sans erreur, mais parce que, écrits sous l'inspiration du
Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur. »[7]
Un texte n’est pas tenu pour inspiré parce qu’ils
contiennent sans erreur la Révélation en vertu d’une assistance de Dieu.
Certes, il contient des vérités révélées mais l’inspiration ne se réduit pas au
fait de les contenir.
Il n’est pas nécessaire que, pour qu’un livre soit
inspiré, que son auteur soit connu ou identifié. Il ne faut pas confondre
inspiration et authenticité. Nous pouvons être pleinement assuré de son origine
divine sans rien savoir ni de son auteur humain ni de l’époque à laquelle le
livre a été rédigé.
Un livre n’est pas inspiré parce que l'écrivain a été ravi en
extase. Au contraire, l’écrivain est parfaitement maître de lui-même. Il conserve
le plein usage de ses facultés naturelles. Sa personnalité est entièrement
conservée.
Une écoute attentive et sérieuse
La Sainte Écriture est un ouvrage humain d’origine
divine. Les écrivains étant inspirés, elle a pour auteur principal Dieu. L’inspiration
ne peut se confondre avec la Révélation ou la prophétie. Elle porte sur l’écrit
de manière intégrale. Ainsi faut-il aussi la considérer comme étant divine. Mais Dieu
a laissé l’homme libre d’exercer pleinement ses dons. Comme notre salut, la
Sainte Écriture est l’œuvre incompréhensible d’une coopération particulière
entre Dieu et l’homme. Si Dieu nous a laissé une telle œuvre, ce n’est pas pour
répondre à une curiosité historique ou pour nous rendre plus instruits dans les
sciences historiques, sociales, humaines, etc. Une telle coopération n’a qu’un
but, celui de nous élever vers les cieux, de nous éveiller à la science divine,
de nous instruire sur nos devoirs et sur notre salut. Elle a pour but de nous
transmettre la pensée de Dieu selon la volonté même de Dieu.
« Vivre au milieu de ces choses, les méditer, ne connaître ni ne chercher rien d'autre, cela ne vous paraît-il pas dès ici-bas comme le paradis sur terre ? »[8]
Ainsi devant la pensée de Dieu, nous devons être emplis de crainte filiale et de joie incommensurable. Nous devons être attentifs et vigilants à l’entendre avec sérieux et piété. La Sainte Écriture ne se lit pas, ne s’étudie pas comme un livre ordinaire…
« Vivre au milieu de ces choses, les méditer, ne connaître ni ne chercher rien d'autre, cela ne vous paraît-il pas dès ici-bas comme le paradis sur terre ? »[8]
Ainsi devant la pensée de Dieu, nous devons être emplis de crainte filiale et de joie incommensurable. Nous devons être attentifs et vigilants à l’entendre avec sérieux et piété. La Sainte Écriture ne se lit pas, ne s’étudie pas comme un livre ordinaire…
« Que
les âmes des fidèles se nourrissent aussi du même aliment, qu'elles y puisent
la connaissance et l'amour de Dieu, le progrès spirituel et la félicité. »[9]
Références
[1] Pie XII, Divino Afflante Spiritu sur les études bibliques, 1, 30 septembre 1943, www.vatican.va.
[2] Léon XIII, Providentissimus Deus, 18 novembre 1893, www.vatican.va.
[3] Léon XIII, Providentissimus Deus.
[4] Léon XIII, Providentissimus Deus.
[5] Pie XII, Divino Afflante Spiritu, 4.
[6] Initiation biblique, sous la direction de A. Robert et de A. Tricot, Desclée et Cie, 1938.
[7] Concile de Trente, De la Révélation, Sess. III, chapitre II.
[8] Saint Jérôme, Ep. LIII, 10 cité dans Pie XII, Divino Afflante Spiritu, 48.
[9] Pie XII, Divino Afflante Spiritu, 48.
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