« De par son origine, sa nature, son contenu
et son but, la Bible est un livre à part. »[1]
La Sainte Écriture est la Parole de Dieu, une source inépuisable de vie
spirituelle toujours jaillissante. Ainsi l’Église recommande aux fidèles sa
lecture et son étude. Néanmoins, elle présente des difficultés et des dangers
qui peuvent égarer les esprits et les éloigner des vérités qu’elle contient. Ce
n’est pas en effet un livre comme un autre. « […] Les Livres Saints sont enveloppés d’une certaine obscurité religieuse,
de sorte que nul n’en peut aborder l’étude sans guide »[2].
Ainsi l’Église invite les fidèles à se préparer à la lecture de la Sainte Bible et à
la connaître. Double nécessité impérieuse qui ne doit pas décourager les
fidèles à la rencontre de la Parole de Dieu.
Mille raisons pour ne pas lire
De nombreuses hérésies proviennent d’une lecture inadéquate et d’une mauvaise interprétation des
Saintes Écritures. Certains lecteurs imprudents ou téméraires peuvent se perdre dans les textes sacrés et finir par suivre leurs préjugés ou suivre des guides peu orthodoxes. Une lecture
peut aussi paraître insatisfaisante, incompréhensible ou inabordable au point que,
décontenancés, certains lecteurs peuvent rejeter la Parole de Dieu. Enfin,
dépourvus devant de nombreuses remises en cause et oppositions, d’autres lecteurs préfèrent s’abstenir de tout
contact direct avec la Sainte Bible.
L'enseignement de l’Église
suffirait pour connaître les vérités révélées et approfondir notre foi. Un
catéchisme serait aussi suffisant pour connaître les vérités auxquelles nous
devons adhérer. Pourquoi devrons-nous alors lire la Sainte Écriture au risque
de nous perdre ? Nous manquerions enfin de temps et de savoir pour nous
nourrir des textes sacrés. Et pourtant, la vie chrétienne est inséparable de la
« lectio divina ».
Une présence continuelle
de la Sainte Écriture
La liturgie est toute
empreinte des versets bibliques. A la Sainte Messe, nous entendons des
textes sacrés tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament. La nuit de Pâques en
est la plus belle illustration. Les prières de l’Église s’inspirent fortement
de la Sainte Écriture. Et les chants reprennent les psaumes et autres merveilles
de la Sainte Bible. Comme aux premiers temps du christianisme, nous ne
cessons de louer Dieu par les paroles inspirées de son peuple. Dans les
églises, les vitraux et les peintures retracent les événements qui ponctuent
l’Histoire sainte que raconte la Sainte Bible au point que
les édifices religieux sont de véritables livres ouverts qui nous immergent dans la Sainte
Écriture. Et dans les livres religieux, nous rencontrons de
belles et instructives paroles qui nous conduisent vers de hautes vérités.
Tirées de la Sainte Bible, elles ponctuent les œuvres chrétiennes, éclairent ou
confirment la pensée des écrivains. Tels sont les contacts indirects que nous
pouvons nouer avec la Sainte Bible. Mais ces rencontres
suffisent-elles pour nourrir nos prières et notre âme ? Suffisent-elles
pour approfondir notre foi et élever notre regard vers Dieu que nous
adorons ?
Suffisent-elles aussi pour
s’opposer à tous ceux qui manipulent et maltraitent les textes sacrés pour
appuyer leurs idées erronées ? Et comment pouvons-nous défendre les vérités de foi si les Livres Saints nous sont étrangers ?
Une disposition d’âme
nécessaire à la « lectio divina »
Mais comme nous l’avons
déjà évoqué, la lecture et l’étude de la Sainte Bible présentent des
difficultés et des dangers. Elles nécessitent des précautions et exigent une
disposition d’esprit particulière. « Je
ne discute pas, je ne raisonne pas. L’esprit de Dieu est là ; je le sens,
et si je me trompe, c’est le fond même de mon jugement qui m’abuse, c’est
l’idée de Dieu telle que je la conçois. »[3]
Excellence et unité de la
Sainte Écriture
Avant de commencer toute lecture, nous devons être convaincus que la Sainte Bible n’est pas un livre comme
les autres, une œuvre dont nous tournons les pages comme dans un roman ou un
livre de science. Les noms qui la désignent ne sont pas anodins. Nous disons en
effet qu’elle est la Bible[4],
l’Écriture, les Textes. Ces termes le désignent comme le Livre par excellence.
Ils affirment aussi que la Sainte Bible est une. Elle est la
Bible ou l’Écriture en dépit des nombreux et divers éléments qui la composent.
Cela suppose que sa lecture et son étude doivent s’inscrire dans l'unité.
Les deux grandes parties de la Sainte Bible sont aussi
appelées Testament (Ancien et Nouveau). Ce nom provient
d’un terme grec qui se réfère à l’idée d’alliance et donc à des parties qui
établissent un contrat, en hébreu « bérith ». La Sainte Bible raconte l’origine et le développement de cette alliance. Le mot « testament »
nous conduit aussi à la notion d’héritage, c’est-à-dire à la remise de biens selon
les volontés du testateur qui en était le propriétaire. Elle décrit des promesses et
formule les conditions auxquelles il faut satisfaire pour qu'elle se réalise en
raison de cette alliance. Le contenu nous apprend qu’effectivement Dieu a établi une alliance avec les hommes,
ses créatures, et leur promet des biens ineffables en échange d’une fidélité
sans faille tant au niveau intellectuel qu’au niveau
comportemental. Elle comporte donc une doctrine et une morale.
Il y a donc unité et excellence de la
Sainte Écriture dans son contenu et son but.
Selon l’enseignement de la
Sainte Église, les Livres Saints ont été composés par des hommes mais ces
derniers ont été déterminés à écrire par le Saint Esprit ; ils ont écrit
avec son concours spécial et sous son influence immédiate. Cette influence est
appelée inspiration. C’est pourquoi
nous disons que la Sainte Bible a pour auteur Dieu.
Son excellence et son unité
s’expliquent donc par l’origine divine de son auteur et par l’unité de
son origine.
Comme les Livres Saints
ont été écrits sous l’inspiration
directe de l’Esprit Saint, nous pouvons affirmer que par son origine divine,
ils ne peuvent contenir d’erreurs. Nous parlons d’inerrance de la Sainte Écriture. « Dieu ne peut se tromper ni nous tromper. Sa parole est toujours
véridique. Si donc il pousse un homme à écrire en son nom, il ne peut lui
permettre d’enseigner l’erreur »[5].
La Sainte Bible est donc « règle de
vérité »[6].
Elle dispose donc d’une autorité infaillible et irrécusable. Mais cette
inerrance ne s’applique qu’en relation avec le but de la Sainte Bible,
c’est-à-dire la réalisation effective des promesses divines. Ainsi est-elle infaillible en matière de foi et
de morale.
Au contact de Dieu
Par la « lectio divina », nous sommes ainsi
en contact avec la pensée de Dieu qui s’exprime à travers le langage biblique.
Par l’intermédiaire de l’écrit, nous nouons un
commerce intime avec Dieu, ce qui nous procure joie et grâce. En s’adonnant
régulièrement à une lecture méditée, nous nous nourrissons de la Parole de Dieu
qui vivifie notre foi. C’est pourquoi il est vraiment nécessaire de s’adonner à
la lecture de la Sainte Bible. Si l’enseignement de l'Église suffit pour connaître
les vérités révélées, il est bien impuissant pour leur donner vie et force.
Avec le temps, elles risquent de devenir abstraites, froides, dénuées de la
présence de Dieu.
Une lecture chrétienne de
la Sainte Bible
Ainsi nous qualifions la Bible de sacrée ou de sainte pour proclamer son caractère divin tant par son origine, son contenu et son but.
Elle n’est donc pas un livre comme un autre. Sa lecture et son étude ne peuvent
donc être identiques à toute autre lecture ou étude. Nous devons au préalable
être convaincus de ses deux caractères fortement inséparables que sont
l’inspiration divine et l'inerrance, deux principes qui doivent
impérativement gouverner notre lecture et notre étude. Cela revient à dire que nous
devons soumettre notre raison et notre
imagination à l’autorité de la Sainte Bible. Si nous voulons demeurer dans
la Vérité, nous ne sommes pas libres dans son interprétation…
Mais comment pouvons-nous
savoir si notre compréhension de la Sainte Bible est exacte, c’est-à-dire
conforme à la pensée de Dieu qui s’exprime ? Comment pouvons-nous aussi
nous assurer que la Sainte Écriture que nous lisons au travers d’une traduction ou interprétation soit exacte ? Qui peut en fait nous garantir de la véracité
de notre interprétation et de l’authenticité des textes que nous lisons ? La Sainte Écriture ne suffit pas à
elle-même pour nous mettre véritablement au contact de la Parole de Dieu.
La Sainte Écriture est en effet étroitement liée au Magistère de
l’Église qui seule peut fournir cette garantie, source de sérénité et de
fermeté. Il revient donc à l’Église seule de juger du vrai sens et de
l’interprétation véritable de l’Écriture Sainte. Sa lecture doit toujours se
faire selon le sens de l’Église dans la
lumière de la foi. Cela consiste concrètement à lire une version des Livres
Saints qu’elle approuve avec l’aide des commentaires de docteurs approuvés, des
décisions des autorités de l’Église[7],
des dogmes qu’elle enseigne. Nous pouvons aussi nous appuyer sur l’accord
unanime et moral des Pères de l’Église.
Toute
interprétation qui suppose donc une erreur dans la Sainte Écriture ou dans
l’enseignement de l’Église en matière de foi et de morale est donc à proscrire.
Il ne peut avoir de contradictions dans le dépôt sacré que forment la
Sainte Bible et la Sainte Tradition, les deux seules sources des vérités révélées que
Dieu a confiées à la garde du Magistère de l’Église en vue de les transmettre à
toutes les générations. La lecture et
l’étude de la Sainte Écriture ne peuvent donc ignorer la Sainte Tradition et le
Magistère de l’Église. Elle prend toute sa richesse, sa force et sa joie
dans l’intime lien qui les unit inextricablement.
La lecture méditée de la
Sainte Écriture est source de joie et de grâce qui vivifie notre foi et rend
les dogmes véritablement vivifiants. Inspirée de Dieu et inénarrable, elle nous met au
contact de la véritable pensée de Dieu par l’intermédiaire du langage biblique.
Pour éviter les dangers et diminuer les difficultés inévitables, nous devons
nous mettre dans des dispositions d’esprits conformes au
caractère sacré de la Sainte Bible. Nous devons en particulier nous
soumettre au sens qu’a tenu et tient l’Église à qui Dieu a confié le dépôt
sacré. Comme les alpinistes amateurs qui suivent leur guide avec confiance pour atteindre
les hautes cimes des plus belles montagnes, nous devons nous-aussi suivre
fidèlement l’Église que Dieu a instituée pour nous élever jusqu'aux célestes
beautés…
« Il y a longtemps que je brûle de méditer
votre Loi, et de vous confesser à son propos ma science et mon ignorance, les
premières clartés dont vous m’avez illuminé et ce qui reste en moi de ténèbres,
jusqu’à ce que votre force ait dévoré ma faiblesse. Je ne veux pas que se
dispersent en d’autres soucis des heures de liberté que je puis me ménager en
dehors des soins indispensables du corps, du travail intellectuel, des services
que nous devons aux hommes et de ceux que nous leur rendons sans les leur
devoir. »[8]
[2]
Léon XIII, Providentissumus Deus.
[3]
Abbé Crampon, Introduction du Nouveau Testament, 1885.
[4]
Le terme de « bible »
provient du grec qui signifie les livres. Il est formé à partir du nom de la
ville phénicienne Byblos en raison de son rôle dans la diffusion du papyrus à
travers le monde méditerranéen.
[5]
Père Benoît, École biblique de Jérusalem.
[6]
Isidore de Peluse, mort en 440.
[7]
Ces décisions se sont exprimées dans des
définitions des Conciles et des Papes, soit de manière positive ou négative, ou
dans des décrets des Sacrés Congrégations romaines (Commission biblique
pontificale, Congrégation pour la doctrine de la foi). Les deux principales
encycliques sur la Sainte Écriture sont Providentissimus Deus de Léon XIII (18 novembre 1873) et Divino
Afflante Spiritu sur les études bibliques de Pie XII (30 septembre 1943).
[8]
Saint Augustin, Confessions, XI, 2, Flammarion, traduit par J. Trabucco, 1964.
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