" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


jeudi 7 février 2013

Péché d'origine, péché originel

Par sa désobéissance, Adam s'est dressé contre Dieu et a été frappé par la justice divine. Alors qu'il était né à l'origine dans un état de sainteté et d'innocence, il doit désormais vivre en enfant de colère. Sa faute personnelle a de plus atteint toute sa descendance. Nous en portons encore le poids... 

Péché d'origine...



« Adam, après avoir transgressé le commandement de Dieu dans le paradis, a immédiatement perdu la sainteté » (1). Il ne perd pas sa nature entière mais son état de grâce seulement. Il perd son impassibilité et l’harmonie parfaite qu’il connaissait. Le désordre s'installe en lui. « Quand la nature humaine, au commencement, fut précipitée, dans sa folie, des biens divins, elle fut en butte à une vie assaillie par les passions, et pour finir, à la mort spirituelle » (2). C’est le début du combat entre l’esprit et la chair, dont parle Saint Paul : « car la chair convoite contre l’esprit, et l’esprit contre la chair : en effet, ils sont opposés l’un à l’autre, de sorte que vous n'en faites pas tout ce que vous voulez » (Gal.V.17). 


« Aussitôt après la transgression du commandement, la grâce divine se retire, et ils demeurent confondus de la nudité de leurs corps… Ils sentent donc en leur chair désobéissante un mouvement inconnu, représailles vengeresses de la justice contre leur propre désobéissance. L’âme enivrée de l’abus de sa propre liberté, dédaigne le service de Dieu, et le corps son premier serviteur, la dédaigne. Elle abandonne volontairement son Seigneur, et elle ne dispose plus à sa volonté de son esclave ; elle n’a plus sur sa chair cet empire absolu qu’elle eût conservé toujours, si elle-même fût demeurée soumise à Dieu. Dès ce moment commence cette convoitise de la chair contre l’esprit, cette guerre intérieure avec laquelle nous naissons… » (3). 

Éloigné de l'amitié de Dieu, source de toute vie, Adam connaît désormais la mort spirituelle. Il perd aussi l’immortalité pour devenir ce qu’il était naturellement, un être mortel. Il « … a encouru… la mort dont il avait été auparavant menacé par Dieu » (4). La mort est « une conséquence du péché » (5). 

Le péché originel, Jules Jollivet
Ainsi, en proie à la mort spirituelle et naturelle, Adam est tombé dans l’esclavage du péché, sous la domination du diable, lui-même pécheur éternel. Il « … a encouru… la mort…, et avec la mort la captivité sous le pouvoir de celui qui ensuite a eu l’empire de la mort, c’est-à-dire le diable » (6). Le libre arbitre est donc blessé dans le premier homme (7), mais il existe encore. Il n’est point anéanti. « Le libre arbitre n’est aucunement éteint, bien qu’affaibli et dévié en sa force » (8). 


De fait, par sa faute, Adam perd la noblesse de l’état originel. Il quitte le jardin de délices pour connaître peine, souffrance et misère que nous connaissons actuellement. Il est changé en plus mal en son âme et en son corps. « Par rapport à l’état dans lequel Dieu l’avait formé, Adam a été changé, mais en pire, par son iniquité » (9). 

Péché originel

Or, Adam est le premier homme, c'est notre premier ancêtre, le chef de la race. Par son péché personnel, il a entraîné sa descendance dans les peines du péché comme dans l’inimitié de Dieu. C’est ainsi que nous naissons enfants rebelles de Dieu (10). « Selon la foi catholique, il faut tenir que le premier péché du premier homme passe à la postérité par voie d’origine » (11). Selon Saint Augustin, nous retrouvons dans le pire la solidarité du genre humain, c’est à dire l’unité de notre nature, en ce sens que, virtuellement et matériellement, nous étions présents en la personne d’Adam. « Car nous étions tous en lui, quand nous étions lui seul » (12). Cette unité s’actualise dans la génération.


L’homme tout entier, dans son corps et son âme, a donc « changé dans un état pire » par l’offense résultant de la prévarication d’Adam (13). C’est pourquoi nous subissons la mort, la souffrance et les peines, une intelligence et une volonté affaiblies, le combat de la chair et de l'esprit. Si Adam n’avait point péché, nous aurions connu le jardin de délices. « Par la prévarication d’Adam, tous les hommes ont perdu leur pouvoir naturel et leur innocence » (14)...


La chute et la mise au tombeau, Hugo Van der Goes (1440)
Ainsi par sa désobéissance, Adam a été emmené en captivité et a engendré des fils dans cette captivité. Tout homme naît enfant de colère. Mais en Dieu, aucune colère ne se manifeste. Dans la Sainte Écriture, Il apparaît même comme un père qui se préoccupe de ses enfants. « Le Seigneur Dieu fit aussi à Adam et à sa femme des tuniques de peau, et les en revêtit » (Gen., III, 21). Et surtout, Dieu n’a point voulu punir définitivement l’homme. Dès la vindicte de la punition, Il annonce en effet notre salut. Il enverra un Sauveur pour délivrer l’Humanité. Un nouveau chef, un nouvel Adam, lui sera donné… « Car c’est Adam qui a commencé à contracter la dette ; nous, nous en avons augmenté les charges par toutes les fautes postérieures. Et elle portait malédiction, péché, mort, condamnation par la loi. Le Christ a supprimé tout cela, et il nous a pardonné » (15)... 

Entendons bien. Le péché originel n'implique aucun acte coupable de notre part, mais cet état de déchéance qui empêche l'homme d'atteindre la fin à laquelle il était destiné. Il laisse aussi une empreinte, une tache, une souillure morale qui l'écartent du royaume des cieux. « Par la déchéance originelle, l'homme a perdu ce bel équilibre que Dieu lui avait donné, qu'il est, par rapport à l'état primitif, un blessé et un déséquilibré, ainsi que le montre l'état présent de nos facultés » (16). 
Seuls Adam et Ève ont été personnellement coupables de leur désobéissance, et leur responsabilité s'est aggravée des répercussions incalculables de leur conduite sur leur progéniture : « les hommes ont perdu en leur père ce que leur père avait reçu pour lui et pour eux sa descendance. Privé de ce grand don de la justice originelle, la nature humaine devient malheureuse et maudite dans ses rejetons parce qu'elle l'est dans sa racine » (17). 


Références
1. Concile de Trente, 5ème session, 17 juin 1546, Denz.1511.
2. Pseudo-Denys. Eccl. hier., 3.11.
3. Saint Augustin, La Cité de Dieu, Tome 2, Livre XIII, XIII. 
4. Concile de Trente, 5ème session, 17 juin 1546, Denz.1511
5. 15ème Concile de Carthage (418), Denz.222
6. Concile de Trente, 5ème session, 17 juin 1546, Denz.1511
7. 2ème Concile d’Orange (529), can.15, Denz. 385
8. Concile de Trente, Décret sur la justification, Chap. I, Denz. 1521
9. 2ème Concile d’Orange (529), can.15, Denz. 385
10. Précisons que seule la sainte Vierge, par son Immaculée Conception, a été exempte du péché originel…
11. Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia. IIae, q.81, a.1, Cerf, Tome II. 
12. Saint Augustin, La Cité de Dieu, Tome 2, Livre XIII, Chap. XIV. 
13. Saint Augustin, De nuptiis et concupiscentia, II, 34, n°57, dans 2ème Concile d’Orange, can.1, Denz.371
14. Concile d’Arles (473), Lettre de soumission du prêtre Lucidus, Denz. 341
15. Saint Jean Chrysostome, Huit catéchèses, III, 21. 
16. Ad. Tanquerey, Précis de théologie ascétique et mystique, n°71, Desclée et cie, 1923. 
17. Bossuet, Élévations sur les mystères, 7ème semaine, 2ème jour.

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