" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


jeudi 21 février 2013

L'eugénisme : Darwin, coupable ou non-coupable ?




Notre étude sur l'évolutionnisme nous a conduits à aborder le douloureux sujet de l'eugénisme moderne. Nous avons perçu les atrocités commises en son nom dans les démocraties occidentales et sous le nazisme. L'histoire de l'eugénisme nous a fait comprendre qu'il ne pouvait qu'être le fruit amer de l'évolutionnisme [1]. Certes, des critères économiques sont intervenus et interviennent encore dans la mise en place de mesures eugénistes, mais son fondement théorique et moral repose essentiellement sur la théorie de l'évolution. Or, des voix s'élèvent pour dénoncer toute sorte de filiation ou d'amalgame entre le darwinisme et l'eugénisme. Ce ne serait que mensonge et erreur. L'eugénisme ne serait en fait qu'une déviation de la théorie. Par conséquent, Darwin n'en serait pas responsable. Il n'est pas rare en effet de voir des crimes revêtus de la notabilité d’une personnalité reconnue et estimable, ou encore d’une science ou d’une philosophie. Est-ce le cas pour l'eugénisme? 

« Plutôt qu'attaquer directement l'évolution, certains essayent de la démonter par association. Souvent, ils déclarent que la théorie de l'évolution conduit inévitablement à l'eugénisme et aux atrocités comme celle perpétrées par Hitler. Ces affirmations n'ont aucun rapport avec la réalité de l'évolution, elles sont en outre complètement fausses » [2]. 

Tenons à préciser que nous n'attaquons pas l'évolutionnisme par l'eugénisme et par ses avatars. Notre étude suit une démarche qui nous semble pertinente et objective. Nous avons cherché à comprendre la théorie de l'évolution sous tous ses aspects scientifiques, philosophiques, idéologiques afin de la juger et de présenter ses limites, ses erreurs et ses faussetés. Aujourd'hui, nous sommes plus à même de la juger et nous l'avons déjà rejetée. Nous sommes désormais conduits à étudier son influence dans notre société puisque les évolutionnistes eux-mêmes nous y poussent. Ne nous proposent-ils pas une nouvelle vision du monde, plus exacte de la réalité ? Le teilhardisme est un exemple de ces courants d'influence qui puisent sa force dans l'évolutionnisme. Inévitablement, nous avons du aborder l'eugénisme tel qu'il a été pratiqué depuis le XIXème siècle puisque les eugénistes eux-mêmes se référent à la théorie de l'évolution. Nous allons toutefois écouter ceux qui rejettent cette filiation ou toute forme d'association... 

Darwin n'aurait jamais voulu prôner ou justifier l'eugénisme ; au contraire, il aurait combattu toute forme de racisme et de discrimination. On tente donc de le réhabiliter en nous montrant qu'il s'était opposé à tout sentiment contraire à l'humanisme. 

Darwin constate que la sélection naturelle ne joue plus son rôle dans les civilisations modernes et par conséquent, il en déduit l'irrésistible décadence du genre humain. « Chez les sauvages, les individus faibles de corps ou d’esprit sont promptement éliminés, et les survivants se font ordinairement remarquer par leur vigoureux état de santé. [...] Or, quiconque s’est occupé de la reproduction des animaux domestiques sait, à n’en pas douter, combien cette perpétuation des êtres débiles doit être nuisible à la race humaine. On est tout surpris de voir combien le manque de soins, ou même des soins mal dirigés, amènent rapidement la dégénérescence d’une race domestique ; en conséquence, à l’exception de l’homme lui-même, personne n’est assez ignorant ni assez maladroit pour permettre aux animaux débiles de reproduire » [3]. 

Cette citation, souvent reprise, et nous l'avons aussi utilisée dernièrement [4], aurait conduit à un malentendu. Car en effet, détachée de son contexte, elle montrerait la nécessité de l'eugénisme. On nous cite alors la suite, souvent oubliée :  « […] mais si nous devions intentionnellement négliger ceux qui sont faibles et sans défense, ce ne pourrait être qu'en vue d'un bénéfice imprévisible, lié à un mal présent qui nous submerge. Nous devons par conséquent supporter les effets indubitablement mauvais de la survie des faibles et de la propagation de leur nature ». 

Darwin précise donc que faute de science, nous devons tolérer le mal, c’est-à-dire la survie des faibles et leur génération. L'homme n'a donc pas le choix, compte tenu de son ignorance sur le « bénéfice imprévisible » de son éradication. Il s'agit bien d'une tolérance, faute de connaissances ! Si on veut réhabiliter Darwin, nous pensons qu'il y a assurément un autre chemin à prendre. Mais, suivons le toutefois puisque on nous y invite. 

Reprenons plus en détail les propos de Darwin. Il précise bien que la société est submergée par un mal, celle de sa décadence, car la sélection naturelle ne joue plus son rôle. Ce mal provient en partie de la survie des « faibles » que favorisent nos protections sociales. Par leur présence et leur multiplication, les « faibles » sont des facteurs de décadence aux effets « indubitablement mauvais ». Darwin n'émet aucun doute à ce sujet : « cette perpétuation des êtres débiles doit être nuisible à la race humaine ». On ne traite pas de la misère, de la maladie ou de la corruption nées des hommes et de leurs vices, mais des êtres humains dont l'existence est considérée comme un mal. 

Darwin classe donc les personnes en deux catégories : les « indésirables » ou « tolérables », et les « désirables » ou « à propager ». Il y a bien discrimination. Mais sur quels critères ? Sur leur faiblesse naturelle ou plutôt sur ce qui peut apparaître comme signe de décadence. Les « indésirables » sont ceux qui auraient du être supprimés par la sélection naturelle. Rappelons que selon la théorie de l'évolution, la sélection naturelle agit sur un environnement donnée. Par conséquent, la notion de faiblesse ou de débilité est toute relative... 

Propagande nazie...
"60000 Reichsmark, c'est ce que cette personne 

souffrant de maladie congénitale
coûte à la communauté durant toute sa vie"


Darwin explique pourquoi nous devons tolérer les « faibles » et les « sans-défense ». Théoriquement, si nous voulions imiter la sélection naturelle et accomplir son œuvre pour le bien du genre humain, nous devrions en effet supprimer les sources de débilité. Il est en effet plus facile de supprimer le malade que la maladie. Mais selon Darwin,  nous ignorons les impacts de cette mesure dans la société. La suppression des faibles, améliorerait-elle la race humaine ou aggraverait-elle la situation ? Car on ne peut agir que pour le mieux. Tel est le principe moral de Darwin, nous semble-t-il. Soyons donc pragmatiques. Or les bénéfices de telles mesures d'éradication sont « imprévisibles ». Donc il faut s'y abstenir. Ainsi, ce n'est pas pour des considérations humaines, encore moins par humanisme, que nous devons tolérer les « faibles » et les « sans-défenses » mais par ignorance. Par conséquent, il suffirait d'approfondir nos connaissances pour ne plus tolérer l'inacceptable. Donc la science ne peut qu'être un secours pour aider le genre humain à poursuivre son évolution en éradiquant les sources de décadence. Le darwinisme implique le progrès de la science en vue de maîtriser et d'améliorer l'évolution du genre humain. Or, qu'est-ce que l'eugénisme ? « L'eugénisme est la direction par les humains de leur évolution » [5]. 

Comment défendre Darwin après un tel discours tant il est dépourvu d'humanité et de moral ? Il porte en lui tout le germe des atrocités commises en son nom. Car lorsque certains jugeront que leur niveau de connaissance sera suffisant pour voir les bénéfices de l'éradication des faibles, la porte sera ouverte pour la suppression d'hommes et de femmes jugés indésirables. Tout repose donc sur un jugement basé sur des résultats scientifiques, c'est-à-dire sur des interprétations, des modèles, des hypothèses, des théories ! L'évolutionnisme est bien porteur des atrocités que l'histoire récente porte en elle. Encore aujourd'hui, la suppression d'un être jugé indésirable est rendue légalement possible. L'eugénisme poursuit encore ses ravages. Ne l'oublions jamais en dépit du silence des « indésirables ». Ainsi, comme le suggère Darwin, l'homme doit agir pour le bien du genre humain en jouant le rôle de la sélection naturelle, aujourd'hui jugée inefficace. 

Écoutons un autre défenseur de Darwin, beaucoup plus sérieux et pertinent. Selon le théoricien de l'évolution, la sélection naturelle est certes inefficace dans notre société moderne mais elle a laissé sa place à un autre moteur de sélection, l’éducation. Cette dernière a développé des principes et des notions qui s'opposent aux effets éliminatoires de la sélection naturelle pour s'orienter vers la protection et la sauvegarde des faibles de corps et d'esprit. « Ce faisant, la sélection naturelle a travaillé à son propre déclin [...], en suivant le modèle même de l’évolution sélective – le dépérissement de l’ancienne forme et le développement substitué d’une forme nouvelle : en l’occurrence, une compétition dont les fins sont de plus en plus la moralité, l’altruisme et les valeurs de l’intelligence et de l’éducation » [6]. En clair, selon Darwin, l'évolution de l'homme a connu une rupture : le passage de la sélection à la morale comme moteur de l'évolution. Désormais, l'homme progresse par l'éducation. Ainsi, s'oppose-t-il au racisme et à l'eugénisme comme freins au nouveau moteur d'évolution. « Il s’oppose ainsi expressément au racisme, au malthusianisme et à l’eugénisme, contrairement à l’erreur courante qui lui attribue la justification de ces trois systèmes de prescriptions éliminatoires ». 

Nous sommes au cœur du problème : le « matérialisme éthique ». « Elle autorise et même requiert le matérialisme éthique déductible d’une généalogie scientifique de la morale ». Comment une morale peut-elle se construire à partir de la science ? Car l'évolutionnisme prétend en délivrer une. Si la morale naît de la science, si elle est déduite d'interprétations scientifiques, de théories éphémères comme l'homme en a connues, elle deviendrait relative, instable, douteuse. Comment pouvons-nous juger si notre jugement repose sur l'incertitude ? N'oublions pas la théorie d'incomplétude de Gödel ou encore la notion de réfutabilité de Popper [7]... 

Plus grave encore, la morale devient objet de science. La théorie tente d'expliquer la morale, l'humanisme, la solidarité comme elle explique l'évolution des espèces. On parle souvent de « biologisation » de l'homme. Ce terme est assez approprié. On étudie l'homme et ses actions sous le seul regard de la biologie ou plus largement de la science. L'homme est vu comme animal et objet d'étude. Souvenons-nous d'une des bases de réflexion de Darwin : la sélection artificielle pratiquée dans l'élevage. L'évolutionnisme traite les hommes comme des bovins ou comme des rats de laboratoire. Nous ne sommes que des bêtes d'un troupeau dont il faut améliorer la qualité ou des objets qu'on peut manipuler comme une molécule. Qui juge de la qualité du troupeau ou de la finalité du traitement ? ... Le scientifique ?... 

Nous voyons ainsi toute la nocivité de l'évolutionnisme qui se trouve en germe dans la théorie de l'évolution. Il ne s'agit pas de condamner Darwin. Laissons-le à la justice de Dieu. Il s'agit surtout de comprendre en quoi la théorie est perverse et perfide. Et plus nous étudions ses conséquences, ses influences, plus nous saisissons le poison qu'il diffuse dans notre société... 

Néanmoins, pour se défendre, certains darwinistes exposent une autre argumentation encore plus irrecevable. Ils dénigrent aux chrétiens le droit de juger l'évolutionnisme sous prétexte que notre religion serait responsable de plus grandes atrocités, de l'antisémitisme et des persécutions religieuses. « Comme pour l'holocauste, le meurtre de personnes valides et sensées uniquement à cause de leur religion peut difficilement être appelé « eugénisme ». Il est incroyable de blâmer Darwin, tout en passant sur le rôle du christianisme dans l'encouragement de l'antisémitisme à travers les siècles » [8]. Devons-nous nous taire car nous sommes catholiques ? La raison est-elle propre aux non-chrétiens ? Nous n'oublions pas ce genre d'accusation si facile à prononcer mais est-ce le sujet de la discussion ? Nous savons en effet que des chrétiens ont mis en œuvre l'eugénisme comme d'autres l'ont combattu. 

Croire que le chrétien doit se taire car certains ont fauté n'est pas acceptable. Autant refuser à l'homme le droit de réfléchir, autant lui enlever sa nature même, ce que fait allègrement l'évolutionnisme. D'autres discours viendront pour réfuter de telles allégations. Nous savons où se trouvent la culture de vie et la culture de mort. C'est pour cela que nous ne pouvons pas nous taire... 



Références
[1] Émeraude, janvier 2013, article « L’Eugénisme moderne ». 
[2] Mythe 13 La théorie d'évolution conduit au racisme et au génocide, charlatan.info. 
[3] Charles Darwin, La descendance de l’homme et la sélection sexuelle, 1871, éd. C.Reinwald et Cie, 1891, p. 144. 
[4] Émeraude, janvier 2013, article « L’Eugénisme moderne ». 
[5] Devise du second congrès international d'eugénisme en 1921. 
[6] Charles Darwin, une théorie matérialiste de la nature et de la civilisation, http://acl.ac-creteil.fr/domaines/Dossiers-Pedagogiques/Darwin.pdf
[7] Émeraude, mars 2012, article « Incomplétude des théories » et Émeraude, avril 2012, article « Que serait la science si … ? » 
[8] Mythe 13 La théorie d'évolution conduit au racisme et au génocide, charlatan.info.

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