" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


lundi 4 février 2013

Adam et Ève : le châtiment

Dieu a créé Adam dans un état de sainteté et d'innocence en perfectionnant sa nature sans l'élever jusqu'à l'ordre divin. Mais il succombe en se soumettant à la suggestion de Satan et par là-même, il commet une faute irréparable : il désobéit au commandement divin. Par sa désobéissance, il quitte l'état de sainteté pour entrer en captivité : il devient enfant de colère. Cet évènement historique, décrit dans la Sainte Écriture, est à l'origine de toute l'Histoire de l'humanité et de notre propre histoire. Il est l'un des fondements de notre Foi. C'est aussi l'un des points les plus méconnus et rejetés de la doctrine chrétienne. Il est alors inévitable de présenter ce que l’Église enseigne sous le nom de péché originel. « Certainement rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine. Et cependant sans ce mystère, le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes. Le nœud de notre condition prend ses replis et ses tours dans cet abîme. De sorte que l’homme est plus inconcevable sans ce mystère que ce mystère n’est inconcevable à l’homme » (1).



« Le Seigneur appela Adam et lui dit : Où es-tu ?. Adam répondit : J'ai entendu votre voix dans le paradis ; et j'ai eu peur, parce que j'étais nu, et je me suis caché. Dieu lui dit : Mais qui t'a appris que tu étais nu, si ce n'est que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ? » (Gen., III, 11). Le reproche, et non l'ignorance, éclate dans sa réponse. L'homme est d'abord interrogé puisque c'est à lui que Dieu a donné le commandement. Pris à défaut, Adam rejette sa faute aussitôt sur Ève. « La femme que vous m'avez donnée pour compagne m'a présenté du fruit de l'arbre et j'en ai mangé » (Gen., III, 12). Sa réponse est dure à entendre. « Quel orgueil ! Dit-il : J'ai péché ? Non. Il éprouve la confusion dans toute sa laideur, il n'a pas assez d'humilité pour avouer sa faute » (2). Il sous-entend même que Dieu doit porter une part de responsabilité dans sa chute. C'est « vous qui me l'avez donnée pour compagne ». Et à son tour, et avec la même indélicatesse, Ève rejette la faute sur le serpent : « le serpent m'a trompée, et j'ai mangé » (Gen., III, 13). Certes, ils ne peuvent pas renier leurs fautes devant Dieu, mais ils auraient pu reconnaître leur part de responsabilité : « Seigneur ayez pitié de moi ; guérissez mon âme, car j'ai péché contre vous » (Ps., XL, 5). Car le diable ne les a pas forcés à désobéir. Adam était libre. Sans cette liberté, comment Dieu aurait-il pu lui commander quelque chose ? Il a donc péché par un mauvais usage de son libre arbitre. « L’homme ayant mal usé de son libre arbitre, a péché et est tombé » (3). Il fut « victime un jour de son libre arbitre, en usant de ses biens inconsidérément » (4). Le désordre se poursuit donc dans l'âme de nos premiers parents. La faute s'aggrave... 

Dieu condamne les divers protagonistes dans l'ordre croissant de responsabilités. Il maudit d'abord le diable et prédit son humiliation. Il n'est soumis à aucun interrogatoire. Puis, il s'adresse à Ève : « je multiplierai tes fatigues ; c'est dans la douleur que tu mettras au monde des enfants ; tu seras sous la puissance de ton mari, et lui te dominera » (Gen., III, 16). Dieu passe enfin à Adam. Il lui rappelle d'abord son péché d'orgueil : « voilà Adam devenu comme l'un de nous, sachant le bien et le mal ». Remarquons l'emploi du pluriel. Est-ce une allusion à la Sainte Trinité ? Il condamne ensuite Adam à la fatigue et aux travaux pénibles. Il supprime aussi tous les dons qu'Il lui avaient accordés : « tu retournes à la terre dont tu as été tiré ; puisque tu es poussière, tu retourneras à la poussière » (Gen., III, 19). Ses paroles sont d'une ironie terrible. Nos premiers parents ont voulu être des dieux par eux-mêmes et les voilà condamnés à la poussière, c'est-à-dire à la mort, à la disparition, à l'oubli. Vanité, tout n'est que vanité... Enfin, Dieu les chasse du paradis qui leur sera désormais inaccessible. L'état de grâce et d'innocence dans lequel ils étaient depuis leur création est terminé... 

Adam n’était point en effet dans un état définitif, mais conditionné, un « état qui étant comme l’ombre de la vie, d’où, s’il observait la justice, il s’élèverait à un meilleur » (5). Son état de sainteté n’était pas un bien inaliénable, mais un don gracieux qui devait lui permettre d’atteindre un état définitif plus parfait. Sa volonté devait se conformer à celle de Dieu. « L’homme était créé dans des conditions telles que s’appuyant sur l’assistance divine, il devait vaincre le mauvais ange ; mais au contraire être vaincu s’il délaissait son Créateur et son appui. Le mérite eût été dans la volonté droite soutenue de la grâce ; comme le démérite est dans la volonté déréglée qui abandonne Dieu » (6). Adam était finalement dans un état d’épreuve que comporte l’état de Foi dans lequel il était... 



Adam est condamnable par son orgueil. En mangeant le fruit défendu, il a fait peu de cas du commandement divin. Il a décidé de lui-même qu’il pouvait désobéir à Dieu. Il s’est donc jugé capable de passer au-dessus de Sa volonté. « L’homme a mieux aimé dépendre de lui-même que d’être au pouvoir de Dieu » (7). Manger le fruit défendu revenait à devenir Dieu, à L'égaler, et cela de façon illégitime, par lui-même. Or, seul le Créateur pouvait lui accorder un état meilleur, état immuable, sans condition. Il aurait pu vivre de Dieu lui-même, et cela légitimement. La volonté d’Adam a donc cessé de se conformer à celle de Dieu. C’est ainsi qu’il s’est éloigné de l’amitié divine. Sa faute est d’abord dans cette déviation. « Il fut alléché par la promesse du diable en désirant indûment l’excellence et la science. Par là, sa volonté s’éloignait de la droite justice » (8). 

Adam pèche aussi par ingratitude. Par la seule volonté de Dieu, il a reçu des dons inestimables qui ont élevé sa dignité. Toute la Création lui était soumise. Il Lui doit évidemment son existence ; il aurait pu ne pas être. Ainsi, au lieu de Lui rendre grâces, il a préféré Le trahir. L'absence de regret et de courage ne fait que souligner, de manière encore plus frappante, cette absence de gratitude et de reconnaissance. 


La faute d'Adam est enfin d'avoir écouté Ève au lieu de lui rappeler le commandement divin. Avant de prononcer sa condamnation, Dieu lui annonce clairement le motif : « puisque tu as écouté la voix de ta femme » (Gen.III.17). Il a certainement voulu lui plaire en mangeant le fruit défendu. Il l'a alors suivie dans la faute au lieu d’écouter sa raison et sa conscience, et finalement il a refusé de la corriger... 



Ces fautes sont des actes d'offenses contre Dieu. Libre dans ses actes, Adam doit en assumer la responsabilité. Son comportement nous montre qu'il en est bien conscient. Dans sa nudité, il se sent immédiatement indigne du voisinage et de la familiarité de Dieu. Il « a encouru par l’offense que constituait cette prévarication, la colère et l’indignation de Dieu » (9). C’est pourquoi il devient, par son geste, enfant de colère. « Établi par Dieu dans la justice, l’homme toutefois, se laissant convaincre par le Malin, dès le début de l’histoire a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et en désirant atteindre sa fin en dehors de Dieu. Alors qu’ils avaient connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu la gloire qui revient à Dieu, mais leur cœur inintelligent s’est enténébré » (10)... 

Adam est chassé du paradis. Il est éloigné de Dieu...



Références
1. Pascal, Pensées
2. Saint Augustin, Commentaire de la Genèse au sens littéral, livre XI, chapitre XXXV, n°71. 
3. Concile de Quiercy (853), Denz.621
4. Saint Innocent, In requirendis (27 janvier 417), n°7, dans les chapitres pseudo-celestiniens Indiculus, Denz.239
5. Saint Augustin, Enchiridion, 2ème Partie, 1ère Section, VIII, 25, p.15). 
6. Saint Augustin, La Cité de Dieu, Tome 2, Livre XIV, XXVII. 
7. Saint Augustin, Enchiridion, 3ème partie, 1ère Section. 
8. Saint Thomas d’Aquin, Comp. Th., Livre I, Chap.191. 
9. Concile de Trente, 5ème session, 17 juin 1546, Denz.1511. 
10. 2ème Concile de Vatican, Gaudium et Spes, 12, Denz.4313.

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