« Par l'envie du diable, la mort est entrée dans le monde. » (Sag., II, 24).
La Sainte Écriture donne une réponse à l'existence du mal : le diable. Dans la Genèse, il est représenté sous la forme d'un serpent. Car « serpent » signifie « rusé ». « A cause de son corps long et visqueux, de sa langue acérée et dangereuse, de sa souplesse insidieuse, de ses attaques brusque, le serpent était le symbole de l'astuce, de la médisance, de la méchanceté » (1). La Bible témoigne aussi de son existence à plusieurs reprises dans l'histoire sainte : il attaque Job, accuse Josué, incite David, tente Notre Seigneur Jésus-Christ. Les auteurs sacrés mentionnent souvent son existence et sa puissance. Dans le Nouveau Testament, il est encore plus présent. Il l'est tout naturellement chez les Pères de l’Église ...
Une des origines du mal est en effet le fruit d'une volonté de nuisance, d'un être concret, réel, puissant, doué d'une intelligence élevée. Il use du mensonge, excite l'orgueil, trompe les hommes. Cette intelligence a une finalité. Le diable veut séparer les hommes de leur Créateur, ce qui aboutira à leur ruine. Le diable cherche donc à les corrompre. « Je crains que comme le serpent séduisit Ève par son astuce, ainsi vos esprits ne se corrompent » (II.Cor.XI.3). Il cherche à prendre la place de Dieu. « Tous ses efforts tendent-ils à se faire adorer par les hommes et à les porter à lui offrir des sacrifices […] il se délecte dans les marques de respect qu'on lui témoigne, comme s'il était Dieu même » (2).
Le diable est un ange, donc un esprit, mais un mauvais ange. Il n'est pas seul à chercher la perte de l'homme. A côté de lui, apparaît en effet une légion de démons qui s'efforce de perdre les hommes. Mais, dans la Sainte Écriture, le diable se détache clairement de ces mauvais esprits. Souvent mentionné par Notre Seigneur, il est un mauvais esprit bien déterminé qui paraît comme le maître des autres. Il est le prince d'un royaume qui s'oppose au royaume de Dieu. Il est le prince de « l'empire de la mort », que servent les démons (Hebr.II, 14). Il est « le prince de ce monde » (Jean, XII, 31).
Ces mauvais anges ne sont pas restés fidèles à Dieu. Ils ne sont pas demeurés dans la vérité. Les prophètes nous décrivent le diable comme un ange autrefois lumineux (Is.XIV.12), vivant dans les délices du divin paradis (Ez., XXVIII, 13) et marchant sans tâche (Ez., XXVIIII, 15). Depuis leur infidélité, le diable et les démons demeurent dans une hostilité éternelle à l'égard de Dieu.
« Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer […] ? Qui disais dans ton cœur : […] Je serai semblable au Très-Haut » (Is., XIV, 12-15). Si le prophète parle surtout du roi de Babylone, les Pères de l’Église y ont vu le diable. Saint Jude nous donne une information importante : les anges « ne conservèrent pas leur première dignité », ils « abandonnèrent leur propre demeure » (Jude, I, 6). Ils ont perdu leur fonction d'anges et se sont exclus de la hiérarchie angélique. Ils ont quitté la place que Dieu leur avait fixée. Saint Irénée de Lyon précise que : « cet ange fut apostat et ennemi, du jour où il jalousa l'ouvrage modelé par Dieu et entreprit de le rendre ennemi de Dieu » (3). Il est ainsi devenu « cause d'apostasie pour lui-même et pour les autres » (4). Ainsi, est-il écrit : « le diable pèche dès le commencement », non pas dès l'instant de sa création, mais dès le début de son orgueil.
Le diable et les démons ont été créés bons comme toutes créatures de Dieu. Dieu est bien leur Créateur. Il a créé toutes choses visibles et invisibles. Or, le vice est postérieur à la nature, car le vice corrompt la nature. « Le diable et les démons ont été créés par Dieu bons par nature ; mais ce sont eux qui se sont rendus eux-mêmes mauvais » (5). Saint Augustin peut donc affirmer avec certitude : « en aucune manière et en aucun temps, les esprits que nous appelons anges n'ont commencé par être ténèbres ; mais, à l'instant même de leur création, ils ont été lumière ; créés non pour être ou vivre simplement, mais encore illuminés pour vivre sages et heureux. Plusieurs, se détournant de cette lumière, ont été déshérités de la vie par excellence, la vie sage et heureuse, qui n'est autre que la vie éternelle avec la confiance et la certitude de l'éternité » (6). Ainsi, « dès son principe, infidèle à la vérité, retranché de la bienheureuse société des saints anges, obstiné dans sa révolte contre son créateur, lève une tête superbe, fier de cette puissance privée qui le trompe lui-même » (7).
Pourquoi le diable voulait-il la perte d'Adam et cherche-il à nous perdre ? « Comme son apostasie avait été mise à jour par le moyen de l'homme et que l'homme avait été la pierre de touche de ses dispositions intimes, il se dressa de plus en plus violemment contre l'homme, envieux qu'il était de la vie de celui-ci et résolu à l'enfermer sous sa puissance apostate » (8). C'est l'envie qui est la source de la méchanceté des démons. « Leur malice fait un mauvais usage de la bonté de la nature » (9)...
Le diable est donc celui qui divise, qui sépare Dieu de ses créatures humaines. C'est la signification même de son nom. Il est le père du mensonge et des menteurs. Il est le terrible séducteur qui sait se camoufler en ange de lumière. Il est l'instigateur de trahison. Satan est l'autre nom du diable. Il signifie « adversaire » ou « accusateur ». Il est en effet par excellence l'ennemi qui sème l'ivraie dans le champ du père de famille, qui enlève la bonne semence des âmes en qui elle est tombée, qui s'efforce d'ébranler les ministres de Dieu. Il oppose des obstacles à l'enseignement de Notre Seigneur et combat l’Église. Dans le cas de la possession, il pénètre dans les hommes et les possède pour en devenir un véritable tyran...
Pour nous aider à ne pas être victime de ses artifices diaboliques, Dieu nous a décrit ses modes d'actions et ses objectifs. Les Apôtres nous mettent ainsi en garde contre le démon : « soyez sobres et veillez, car votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui il pourra dévorer » (I. Pier.,V, 8). Notre Seigneur est venu aussi en ce monde pour anéantir ses œuvres. Il nous a fourni des moyens pour s'opposer au diable et à ses démons, et pour nous relever de nos blessures. Tout est prêt pour sortir victorieux de ce combat. Et le diable est déjà condamné...
Mais il faut avant tout renoncer à Satan et à son empire : « le prêtre vous fait dire : je renonce à toi, Satan, à tes fastes, à ton service et à tes œuvres. […] [Le prêtre] à nouveau vous fait dire : « Je m'attache à toi, Christ ! » […] De toi, il n'a reçu que tes paroles, et il te confie un si grand trésor de réalités ! » (10). En effet, « vous ne pouvez avoir part à la table du Seigneur et à la table des démons » (I.Cor.X, 22). Notre vie apparaît alors claire. Notre existence ici-bas n'a pas d'autre fin que de nous unir peu à peu à Dieu par Notre Seigneur Jésus-Christ.
Ainsi, une lutte est engagée entre le diable et les démons, d'un côté, Notre Seigneur et l’Église, de l'autre. Les démons font la guerre aux enfants de Dieu. Mais, le triomphe de Dieu est déjà assuré. Notre Seigneur Jésus-Christ l'a déjà vaincu et sous sa bannière, nous ne pouvons qu'être victorieux. « Soyez donc soumis à Dieu et résistez au diable, et il s'enfuira de vous » (Jacq., IV.7). Mais, l'ennemi reste redoutable, la lutte difficile. Lorsque nous croyons être en paix et à l'abri de ses coups, nous assistons misérablement à notre chute, à une déplorable défaite, et nous ne pouvons que gémir de notre blessure. La victoire n'est donc jamais assurée. A tout moment, nous pouvons abandonner notre Seigneur ou encore le combat. Or, le diable tente tout pour nous écarter de notre vocation. Cette histoire, qui est celle de notre vie, se retrouve dans le drame vécu et historique d'Adam et d’Ève...
La Sainte Écriture nous raconte une histoire réelle qui s'est produit à un moment précis dans l'histoire. Elle est même le commencement de l'Histoire. Le mal a été introduit par la désobéissance d'un homme, excité et trompé par la ruse du diable. Adam aurait pu ne pas entendre le diable et rejeter la tentation pour rester fidèle à Dieu. Il en avait les moyens. Il en avait la liberté. Seul, le diable ne peut en effet rien faire. La faute provient nécessairement d'Adam. Elle vient nécessairement de nous, même si nous sommes incités par les forces du mal. Il faut un « fiat » de notre part pour que l’œuvre diabolique réussisse. Le malheur commence en nous avant de commettre ses ravages et ses désordres hors de nous ...
Notre vie commence donc là où Adam l'a laissée, hors du jardin des délices, dans la séparation de Dieu. Pour atteindre le bonheur, elle doit alors s'achever dans l'union tant désirée. Notre Seigneur Jésus-Christ a tracé notre voie, semé la bonne Parole, guéri notre infirmité, renforcé notre âme. Notre bonheur est donc à notre portée. Notre vie n'est pas le fruit du hasard, notre destinée n'est pas une girouette livrée au vent et au caprice du temps, notre véritable joie n'est pas dans une liberté livrée à elle-même. Le bonheur est à gagner avec l'aide de Dieu. Car sans Dieu, l'homme est incapable de l'atteindre. Mais, que d'obstacles sur ce chemin de retour de l'enfant prodigue !... Le diable en est un...
L'influence du diable ne doit pas cependant être exagérée. Sa science et sa puissance sont limitées. « Il peut tout juste faire ce qu'il a fait au commencement, c'est-à-dire séduire et détourner l'esprit de l'homme, pour qu'il transgresse le commandement de Dieu, et aveugler peu à peu les cœurs de ceux qui l'écoutent, pour qu'ils oublient le vrai Dieu et l'adorent lui-même comme Dieu » (11). Il ne peut pas nous forcer au péché. Il n'y a pas de péché sans liberté. Il peut cependant exercer une influence sur notre sensibilité et notre imagination, profiter de toutes nos faiblesses, mais il ne peut rien faire sans notre consentement.
N'oublions pas, non plus, qu'il n'est pas notre seul ennemi. Nous sommes aussi tentés par la chair et par le monde. Le diable est en effet dit cause des péchés car c'est par lui qu'Adam a chuté mais il n'est pas l'unique cause des péchés...
Ainsi, l’Église nous enseigne l'existence et la puissance dangereuse du diable et de ses démons, sans cependant nous faire oublier que la cause première du péché demeure l'homme. Nous devons le combattre pour gagner notre vie éternelle. Cependant, l'erreur funeste qui nous guette est soit d'exagérer leur influence dans le but inavouable de couvrir notre responsabilité ou pour combler notre ignorance, soit de la minimiser au point de l'oublier. La meilleure ruse de Satan est de nous faire croire qu'il n'existe pas...
De la doctrine chrétienne, nous pouvons retenir des certitudes. Le diable et les démons sont d'abord des mauvais esprits, qui, bons de nature, se sont rendus infidèles à Dieu et demeurent depuis dans une hostilité permanente contre leur Créateur. Depuis le commencement, ils cherchent à écarter l'homme de sa vocation. Nous avons donc à lutter « contre les princes de ce monde et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres [...] C'est pourquoi, prenez l'armure de Dieu […], prenant surtout le bouclier de la foi, dans lequel vous puissiez éteindre tous les traits enflammés du malin » (Éph., VI, 12-16). Le diable et les démons jouent donc un rôle dans l'histoire des hommes comme dans notre propre histoire. Ainsi, apparaissent deux voies, celle de la vie et celle de la mort. A l'homme de choisir la bonne voie ... Mais, nous savons que le diable et les démons sont déjà condamnés ; nous, non...
Références
1. Dictionnaire de la Bible, André-Marie Gérard, Bouquins, 1989, article « Serpent ».
2. Saint Thomas d'Aquin, Le Credo, Art.I, 20, Nouvelles Éditions latines, 1991.
3. Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, IV, 40, 3, édition du Cerf, 2001.
4. Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, IV, 41, 2.
5. IVème concile de Latran, chap. I, La foi catholique, Denz.800.
6. Saint Augustin, La Cité de Dieu, Livre XI, XI, Points, volume 2, 1994.
7. Saint Augustin, La Cité de Dieu, Livre XI, XIII.
8. Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, V, 24, 3.
9. Saint Augustin, La Cité de Dieu, Livre XI, XVII.
10. Saint Jean Chrysostome, Huit Catéchèses Baptismales, II, 20-21 cité dans Les Signes du Salut par H. Bourgeois, B. Sesboüe et P. Tihon, , chap. II, édition Desclée, 1995.
11. Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, V, 24, 3.
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