L’apostolat
des Apôtres commence dans la douleur. Comme leur maître, ils subissent la
colère du Sanhédrin. Saint Pierre et les autres Apôtres sont flagellés. Saint
Etienne est lapidé. Dans leurs prédications, ils annoncent une ère nouvelle,
celle que Dieu a promise par ses prophètes. Un temps nouveau, un esprit
nouveau. Autrefois esclave, le genre humain est désormais délivré de ses
chaînes. La religion telle qu’elle était conçue et pensée par une grande partie
des Juifs est alors vétuste, voire erronée. Cette bonne nouvelle est néanmoins
rejetée en dépit des miracles réalisés au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et
des prophéties accomplies. Pourtant, ce rejet n’est pas irréversible. Il est
encore temps de se retourner vers Dieu par la pénitence et la conversion. Tout
cela est bien écrit dans la Sainte Écriture. Dans les événements qui suivent la
lapidation de Saint Etienne, nous voyons encore l’obstination des Juifs dans
leur refus et dans leur haine, réalisant à leur dépit les prophéties qui n’ont
pas su entendre. Ils choisissent une voie qui pousse finalement les chrétiens
à réaliser ce que Dieu avait prévu. La Parole sera désormais entendue par
toutes les nations.
Les persécutions
Lapidation de Saint Etienne
Dessin de Laurent de La Hyre (XVIIe)
|
A
partir de la mort de Saint Etienne, les Juifs lancent une grande persécution
contre les chrétiens de Jérusalem. Saul, déjà témoin de la lapidation du diacre,
y participe, « ravageant l’Église,
entrant dans les maisons ; et entraînant des hommes et des femmes, il les
jetait en prison. » (Act. Ap., VIII, 3). Pour plaire aux
Juifs, Hérode Agrippa mène la persécution et frappe l’une des têtes de la jeune
communauté : « il fit mourir par le
glaive Jacques, le frère de Jean » (Act. Ap., XII, 2). A la
veille de la grande fête de Pâque, il emprisonne aussi Saint Pierre.
La
persécution dépasse Jérusalem et la Judée. Avant d’être touché par la Parole de
Dieu, Saul allait en effet frapper la communauté chrétienne de Damas. La
persécution atteint les villes païennes. Les Juifs excitent « les femmes dévotes et de qualité, et les
principaux de la ville » (Act. Ap., XIII, 50) contre Saint
Paul et Saint Barnabé, parvenant à les chasser d’Antioche.
Enfin, les Juifs excitent aussi les Gentils et s’unissent à eux pour combattre les disciples
de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Ceux
des Juifs qui demeurèrent incrédules, excitèrent et irritèrent l’esprit des
gentils contre les frères. » (Act. Ap., XIV, 2). A plusieurs
reprises, ils suscitent la population païenne contre Saint Paul, notamment à
Thessalonique. Ils en appellent même aux décrets de l’empereur, les dénonçant
comme des rebelles au service d’un autre roi que César (Voir Act.
Ap., XVII, 5).
Mais
certaines autorités romaines ne sont pas dupes des véritables intentions des
Juifs. A Corinthe, par exemple, le proconsul d’Achaïe, Gallion, refusent de
suivre les Juifs. « S’il s’agissait,
ô Juifs, de quelque injustice ou de quelque crime, je vous écouterais, comme
c’est mon devoir. Mais si ce ne sont que des questions de mots, de noms et de
votre loi, voyez vous-mêmes ; je ne veux pas, moi, être juge de ces
choses. » (Act. Ap., XVIII, 15). Finalement, les Juifs font justice
eux-mêmes dans l’indifférence du proconsul. Ils frappent un converti chrétien récent,
et pas n’importe lequel, le chef d’une synagogue devant le tribunal païen.
Comme dans le cas de la lapidation de Saint Etienne, nous retrouvons l’étrange
effacement du pouvoir romain qui laisse les Juifs désobéir à sa loi.
A
la recherche de l’aide romaine
Converti
sur le chemin de Damas, Saint Paul provoque un grand tumulte à Jérusalem au
point que le tribun romain doit l’emprisonner. Devant le Sanhédrin, le grand Apôtre place les questions religieuses au centre des débats,
plus particulièrement celle de la résurrection des morts, sujet qui divise les
Sanhédrins et les Pharisiens. Naturellement, devant une telle question, le Sanhédrin se divise. Un Pharisien s’exclame :
« nous ne trouvons rien de mal dans
cet homme ; et si un esprit ou ange lui a parlé ? » (Act.
Ap., XXIII, 9). Le doute de Gamaliel n’a point disparu. Saint Paul sort
indemne du tribunal…
Saint Paul renversé et lapidé dans la ville de Lystre J.-B. de Champaigne |
Mais furieux de ce non-lieux, certains Juifs veulent tuer Saint Paul.
Ils organisent alors une conjuration. Averti du danger, le tribun l’envoie à
Césarée pour le protéger. Au gouverneur Félix, il dit ce qu’il pense de
cette affaire : « j’ai trouvé qu’il
était accusé au sujet de questions qui concernent leur loi ; mais qu’il
n’avait commis aucun crime digne de mort ou de prison. » (Act.
Ap., XXIII, 29). Devant le gouverneur, l’orateur du grand prêtre tient pourtant
un autre discours : « nous
avons trouvé que cet homme, vraie peste, excite le trouble parmi les Juifs
répandus dans le monde entier, et qu’il est le chef de la secte séditieuse des
Nazaréens » (Act. Ap., XXIV, 6). Les motifs qu’il
présente sont susceptibles de le conduire à la mort. Les Juifs recherchent évidemment
un soutien de la part des Romains afin que ces derniers le condamnent. Ils poursuivent
leurs accusations devant Festus, le successeur de Félix. Mais Saint Paul est
inflexible : « je n’ai rien
fait ni contre la loi des Juifs, ni contre le Temple, ni contre César. »
(Act.
Ap., XXV, 8).
Envoyé
à Rome pour être jugé par César, Saint Paul prêche aux Juifs romains. Nous
savons ainsi ce qu’ils pensaient des chrétiens, c’est-à-dire peu de chose, si
ce n’est qu’ils devaient être combattus : « ce que nous savons de cette secte, c’est que partout on la combat. »
(Act.
Ap., XXVIII, 22).
Des
chrétiens exclus
Conformément
aux ordres de Notre Seigneur Jésus-Christ, les Apôtres répandent d’abord son
enseignement parmi les Juifs et leur témoignent des événements qu’ils ont vus,
annonçant ainsi la réalisation des prophéties et des promesses divines.
Certains ont cru, d’autres ont refusé d’y croire. Le nombre de chrétiens s’est toutefois
multiplié, y compris parmi les prêtres et les scribes. Pris de jalousie,
furieux ou stupéfaits, les Sadducéens et les Pharisiens ont cherché à réprimer
« cette secte séditieuse », n’hésitant pas à
faire appel aux païens, c’est-à-dire aux impies.
Les
Actes
des Apôtres montrent clairement que les autorités juives n’ont pas pu les accuser
d’incroyance, d’impiété ou de tout autre motif religieux qui pourraient croire
à une hérésie. Les Apôtres ont été rejetés car ils parlent et agissent au nom
de Notre Seigneur Jésus-Christ, témoignage que les Juifs ne supportent pas. Ils
ne veulent pas qu’ils leur rappellent leurs méfaits, c’est-à-dire sa condamnation
et sa mort, et encore moins sa Résurrection, signe évident de leurs erreurs et
de leur péché. Ne doivent-ils pas réprimer cette communauté et empêcher qu’elle
perdure afin de montrer qu’elle n’est pas l’œuvre de Dieu et que
finalement ils sont dans le droit chemin ? Ils refusent donc de reconnaître
leurs fautes et leurs vices. Nous les voyons alors fomenter des complots,
exciter le peuple, demander justice aux autorités romaines. Et malgré eux, ils
accomplissent encore la Parole de Dieu comme le montrent si bien les Apôtres.
La
fin de l’exclusivisme religieux
Rejeté
du Temple et des Synagogues, Saint Paul comprend que la Parole de Dieu doit être
désormais offerte aux Gentils. « C’était
à vous qu’il fallait d’abord annoncer la Parole de Dieu ; mais puisque
vous la rejetez, et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que
nous nous tournons vers les gentils. » (Act. Ap., XIII, 46). Mais
est-ce une surprise ? Non évidemment. Notre Seigneur Jésus-Christ a
lui-même indiqué le chemin comme le souligne Saint Paul : « Car le Seigneur nous l’a commandé en ces
termes : Je t’ai établi la lumière des gentils, afin que tu sois leur
salut jusqu’aux extrémités de la terre. » (Act. Ap., XIII, 47). Il
reprend une prophétie d’Isaïe qui annonce le rejet du Messie par Israël et son
envoie vers les nations. « C’est peu
que tu me serves à relever les tribus de Jacob, et à convertir les restes
d’Israël. Voici que je t’ai posé en lumière des nations, afin que tu sois mon
salut jusqu’à l’extrémité de la terre. » (Isaïe, XLIX, 6). Comme
les Juifs refusent la vie que Dieu leur propose, Saint Paul se tourne vers les
non Juifs et annonce le caractère universaliste de la foi nouvelle.
Notre
Seigneur Jésus-Christ lui-même a montré l’exemple. Il n’hésite pas à se rendre
en Samarie. Il parle auprès des « craignant-Dieu ».
A plusieurs reprises, il s’étonne même de leur foi. Il s’émerveille des
réponses du centurion. Il n’hésite pas non plus à parler à une Samaritaine, à
un publicain, à tous ces gens du peuple que les Pharisiens méprisent. Le salut
est entré dans toutes les demeures. Il n’est donc pas
restreint à un peuple. La foi est-elle juive au sens où seul le Juif peut
être justifié ? Comme Notre Seigneur Jésus-Christ Jésus nous le fait
remarquer, les Prophètes eux-mêmes s’adressent aux Gentils. Jonas sauve Ninive
qui pleine de confiance se tourne vers Dieu pour faire pénitence et obtenir
miséricorde. A Sarephta, ville phénicienne, Elie sauve de la faim une
païenne puis Dieu ressuscite son fils.
Saint Pierre baptisant le centurion Corneille Francesco Trevisani, 1709 |
Saint
Paul n’est pas le premier à apporter la Parole du salut aux Gentils. Après
avoir l’annoncée aux Samaritains, des demi-Juifs, le diacre Philippe rencontre
sur la route de Jérusalem à Hébron un ministre Éthiopien et le convertit. Il
est un « craignant-Dieu »
qui vient d’accomplir ses dévotions à Jérusalem. Conduit également par les
circonstances et la Providence, Saint Pierre enseigne la nouvelle doctrine à
des Gentils, notamment à un prosélyte, Corneille, à sa propre demande. Averti
par une vision et en face de leur droiture d’âme, il proclame en effet que
« en vérité, je vois que Dieu ne
fait point acception de personne ; mais qu’en toute nation celui qui le
craint et pratique la justice, lui est agréable. » (Act.
Ap., X, 34). Après sa prédication, les Gentils reçoivent la grâce de
l’Esprit-Saint. Dieu sanctionne ainsi le geste de Saint Pierre. « Peut-on refuser l’eau du baptême à ceux qui
ont reçu l’Esprit-Saint comme nous ? » (Act. Ap., X, 47). Ils
reçoivent alors le baptême.
Réunis pour parler de cet événement, les Apôtres décident de ne plus restreindre
la Parole de Dieu aux seuls Juifs. Cette
décision est d’une très grande importance. Elle s’oppose radicalement à la
pensée juive de l'époque. Rappelons que le Juif ne voit le salut que dans le peuple
d’Israël. C’est pourquoi les Pharisiens étaient particulièrement opposés au
prosélytisme des Juifs de la Diaspora. Les récompenses éternelles ne sont donc
plus l’apanage de la race élue.
Naturellement,
cette voie nouvelle n’est pas acceptée par tous les Juifs convertis. Certains
restent attachés à la Loi et aux prescriptions juives. La circoncision,
l’abstinence des viandes souillées ou offertes aux idoles, l’éloignement pour
les Gentils réputés impurs restent pour eux des conditions essentielles pour le
salut. Le « judaïsme »
demeure à leurs yeux une sorte de noviciat avant d’entrer dans le nouveau
peuple de Dieu. Ainsi ces Juifs convertis demandent que ces prescriptions
soient imposées aux non-Juifs avant qu’ils ne reçoivent le baptême.
Un
titre significatif
Antioche,
ancienne capitale de la Syrie, est une métropole importante, la troisième ville
la plus peuplée de l’empire. Sans intervention directe des Apôtres, une jeune
communauté chrétienne y est née et s’y est développée, surtout par la
conversion des Gentils. Inquiets, les Apôtres envoient Saint Barnabé auprès de
cette jeune communauté pour vérifier sa foi et pour la consolider.
Reconnaissant
la qualité de foi des chrétiens d’Antioche, Saint Barnabé encourage la
conversion des Gentils sans leur imposer la Loi juive. Aidé de Saint Paul, il
agrandit la communauté chrétienne au point qu’elle devienne aussi importante que celle
de Jérusalem. Elle est un nouveau centre d’expansion de la nouvelle foi. Les
Gentils étant en majorité, elle se distingue très nettement d’une communauté
juive classique. C’est ainsi que naturellement le nom de chrétiens est apparu.
Ce titre marque à lui seul un tournant. Mais c’est bien plus tard que Saint
Paul comprendra le caractère nouveau de la foi à force d’être rejeté par les
Juifs. Toutefois, des incidents significatifs montrent une certaine réticence
de la part de certains chrétiens circoncis.
Les
chrétiens non-circoncis doivent-ils suivre la Loi ?
Rentré
à Jérusalem, après le baptême de Corneille et de ses compagnons, Saint Pierre
fait l’objet de contestations. Des Juifs convertis lui reprochent d’avoir parlé
à des Gentils et d’avoir mangé avec eux sans craindre d’être souillé. L’Apôtre
raconte alors les faits de manière complète. La conclusion est alors évidente.
Est-il possible de refuser aux Gentils la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ
alors que Dieu leur a envoyé l’Esprit qu’ils avaient eux-mêmes reçu ? La
communauté de Jérusalem ne peut qu’en rendre grâces à Dieu. Les Gentils peuvent
donc accéder au christianisme sans passer par la Loi juive.
A
Antioche, des chrétiens circoncis, des faux-frères sans mission, dira Saint
Paul (Gal., II, 4), viennent troubler la communauté chrétienne.
Venant de Jérusalem, ils déclarent que pour être sauvés, les convertis doivent
être circoncis. Ils réclament donc le retour aux observances juives de la Loi.
Un Gentil ne peut devenir chrétien s’il n’est pas d’abord Juif. Opposée à une telle
prétention et résolument soucieuse de l’unité, la communauté chrétienne décide d’envoyer
Saint Barnabé, Saint Paul et d’autres fidèles à Jérusalem pour traiter de la
question avec les Apôtres.
Les
Apôtres se réunissent alors dans ce qu’il sera appelé le concile de Jérusalem
pour en débattre. Les Gentils doivent-ils se soumettre à la Loi ? Revenant
sur les faits qui ont conduit à la conversion de Corneille, Saint Pierre
rappelle que les chrétiens, Juifs et non-Juifs, ne reçoivent la même justification et le
même salut que par Notre Seigneur Jésus-Christ. La grâce peut s’obtenir en
dehors de la Torah et de la circoncision. Les Gentils peuvent donc être
dispensés des prescriptions de la Loi.
Saint Jacques, évêque de Jérusalem,
demande néanmoins le respect de quelques règles afin d’épargner des occasions
de scandales. Ses réserves n’ont pour but que de ménager les susceptibilités.
Après ces sages réserves, les Apôtres décident de n’imposer aux chrétiens
non-circoncis que les règles proposées par Saint Jacques.
Deux Hommes de disputent Rembrandt (1628) |
L’affaire
d’Antioche
Après
le Concile de Jérusalem, Saint Pierre se rend à Antioche et mange à la table
avec des convertis de la gentilité. Dix ans plus tôt, il n’a pas hésité non
plus à se rendre dans la maison de Corneille et à y demeurer plusieurs jours.
Mais lorsque des Juifs convertis, venant d’auprès de Saint Jacques, arrivent à
Antioche, Saint Pierre se sépare des chrétiens incirconcis. En effet, selon la
Loi, les circoncis ne doivent pas se mélanger avec les incirconcis. Elle réclame
une nette séparation pour éviter de contracter toute impureté. Par son geste,
Saint Pierre semble montrer que la Loi est toujours d’actualité. Saint Paul l’apostrophe
alors et condamne sa dissimulation. C’est le célèbre incident d’Antioche.
Certains
commentateurs de la Sainte Écriture voient dans cette affaire une opposition
fondamentale entre Saint Pierre et Saint Paul, l’un défendant le judaïsme,
l’autre la gentilité. Une telle position révèle une incompréhension des faits.
Saint
Pierre n’a pas d’autres intentions que d’éviter de scandaliser les chrétiens
circoncis de Jérusalem, très soucieux des observances de la Loi. N’oublions pas
en effet que les Apôtres ne les ont pas proscrites. Seuls sont dispensés à les
suivre les Gentils convertis, à part les règles proposées par Saint Jacques.
C’est donc par condescendance envers les Juifs convertis et pour éviter un
scandale qu’il quitte la table des Gentils convertis. Mais son exemple est
suivi par l’ensemble des Juifs, y compris par Saint Barnabé. Tout semble donc
faire croire à une dualité entre les Juifs et les Gentils convertis. Saint Paul
s’aperçoit du péril impliqué dans la conduite de Saint Pierre et les
conséquences qu’elle pouvait entraîner pour l’avenir de l’Église.
L’impuissance
de la Loi
Le Christ descendant aux enfers et libérant Adam des enfers Echannay, détail du retable |
Dans
son Épître
aux Galates, Saint Paul explique sa position. Il souligne la
contradiction d’une telle conduite avec la véritable doctrine. Juifs, nous
avons quitté le judaïsme de naissance pour adhérer à Notre Seigneur
Jésus-Christ car en lui seul, nous savons que nous pouvons puiser la véritable
justice, la Loi étant impuissante à racheter l’homme. Mais si aujourd'hui, nous
croyons encore que le contact avec les chrétiens non-circoncis souille les
Juifs chrétiens, cela reviendrait à croire que cette justice serait fausse
comme serait aussi imparfaite la régénération du baptême. Nous ne pouvons pas
revenir à la Loi après y avoir renoncé. Nous sommes alors coupables soit de
l’avoir quittée, soit d’y revenir.
Saint
Paul montre alors que nous ne pouvons plus nous préoccuper de la Loi. Non seulement
nous sommes morts pour elle mais c’est surtout par elle que nous sommes mort.
C’est elle qui nous invite à la déserter puisqu’elle prophétise elle-même sa
déchéance et prédit une alliance plus parfaite. En outre, elle nous révèle le
péché et excite notre convoitise par sa défense sans nous donner la force de
nous soustraire au mal. C’est parce que la Loi est impuissante que nous la
quittons et qu’elle nous expulse hors d’elle. La vie n’est plus dans ce vieil
Adam, du péché et de la Loi, mais dans ce nouvel Adam qu’est Notre Seigneur
Jésus-Christ. Le chrétien ne vit donc plus sous le régime de la Loi, qui ne
peut donner la vie, mais sous la direction de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il
n’est donc plus possible de revenir en arrière et se soumettre de nouveau au
joug de la Loi. Il n’est plus possible de renoncer aux conditions nouvelles où
la grâce divine nous a établis.
Contrairement
aux chrétiens toujours soucieux de la Loi, croyant que l’état de justice devant
Dieu n’est acquis que par l’observance de ses prescriptions, Saint Paul
réaffirme que le chrétien n’a plus rien à demander à la Loi et qu’il tient
toute justice de son union à Jésus-Christ. Si la Loi était encore capable de
procurer la justice, la Rédemption par le sang de Notre Seigneur serait alors
inutile.
La
charité avant tout
Nous
pouvons rapprocher l’incident d’Antioche avec un autre événement. Les
Corinthiens ont adressé à Saint Paul une série de questions à laquelle il répond
dans sa première Épître aux Corinthiens. Le Concile de Jérusalem a interdit aux
Gentils convertis de manger de la viande offerte aux idoles. Cette règle n’est pas
toujours évidente à respecter pour les chrétiens non-circoncis car les
situations peuvent être complexes. Le cas est simple quand de telles viandes
sont servies lors de festins idolâtriques. Le repas fait partie du sacrifice et
du culte des dieux. Il est donc interdit d’y participer. Le cas est plus
difficile quand ces viandes sont vendues et distribuées puis servies dans des
repas privés où prennent part des païens et des chrétiens. Les Corinthiens
demandent à l’Apôtre si le chrétien peut user, dans ces repas privés, des
viandes offertes aux idoles.
Tout
dépend des circonstances, nous répond Saint Paul. La question n’est pas de
savoir s’il est mauvais ou non de manger des viandes offertes aux idoles - en soi, les
viandes ne peuvent pas être souillées par des idoles qui n’existent pas - mais
de juger des conséquences de l’acte. Il est en effet possible de les manger
sans scrupule ou de s’en abstenir par déférence pour des consciences
chrétiennes, plus faibles dans leurs convictions, et que la charité oblige à
ménager. Il est donc indifférent de les manger ou non. L’important est de bien
user de la liberté acquise par Notre Seigneur Jésus-Christ. Le chrétien est
libre mais il doit prendre garde que l’usage indiscret et l’exercice hautain de
sa liberté ne deviennent un péril, un scandale pour ses frères plus faibles que
lui. La charité est la règle et le guide de son action.
Conduits
par les Juifs à quitter la Synagogue, les Apôtres ont rapidement pris
conscience de l’universalité de la foi. Depuis la Pentecôte, ils n’en ont
jamais douté mais selon les paroles de leur maître, ils ont d’abord prêché aux
« brebis égarées de la maison
d’Israël ». Poussés par la Providence et éclairés par les prophéties,
les Apôtres sont finalement conduits à convertir des Gentils. La Parole de Dieu
est adressée à tous les hommes sans distinction, réalisant ainsi la promesse du
salut des nations.
La cananéenne aux pieds du Christ |
Mais
doivent-ils passer par la Loi pour être chrétiens comme c’est le cas pour les Juif convertis ? Les Apôtres ont rapidement compris que la justice de Dieu
ne relève pas de la Loi mais de l’adhésion à Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme l’a si bien exprimé Saint Paul, la Loi est devenu impuissante
et inutile pour le salut et la vie éternelle. Il est donc faux de reposer le
salut dans l’obéissance à ses prescriptions ou dans son appartenance au peuple
juif comme le croient le judaïsme et certains mouvements judéo-chrétiens. Mais
si la Loi est impuissante, autant la quitter définitivement. Le christianisme a
ainsi définitivement rompu avec une conception juive incompatible avec la portée
universelle de la Parole de Dieu. Remarquons que cette rupture s’est faite
naturellement. C’est pour combattre les erreurs des judéo-chrétiens que Saint
Paul exprime nettement la doctrine de l’Église. Saint Pierre l’a aussi
nettement exprimé d’une manière moins doctrinale.
Mais
si cette doctrine est claire et fondée, sa mise en pratique n’est pas si
simple comme le montre l’incident d’Antioche. Il est important de veiller à ne
pas scandaliser son prochain ...
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