" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mercredi 13 mai 2015

Christianisme : la vocation des nations, l'universalité du salut

L’apostolat des Apôtres commence dans la douleur. Comme leur maître, ils subissent la colère du Sanhédrin. Saint Pierre et les autres Apôtres sont flagellés. Saint Etienne est lapidé. Dans leurs prédications, ils annoncent une ère nouvelle, celle que Dieu a promise par ses prophètes. Un temps nouveau, un esprit nouveau. Autrefois esclave, le genre humain est désormais délivré de ses chaînes. La religion telle qu’elle était conçue et pensée par une grande partie des Juifs est alors vétuste, voire erronée. Cette bonne nouvelle est néanmoins rejetée en dépit des miracles réalisés au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et des prophéties accomplies. Pourtant, ce rejet n’est pas irréversible. Il est encore temps de se retourner vers Dieu par la pénitence et la conversion. Tout cela est bien écrit dans la Sainte Écriture. Dans les événements qui suivent la lapidation de Saint Etienne, nous voyons encore l’obstination des Juifs dans leur refus et dans leur haine, réalisant à leur dépit les prophéties qui n’ont pas su entendre. Ils choisissent une voie qui pousse finalement les chrétiens à réaliser ce que Dieu avait prévu. La Parole sera désormais entendue par toutes les nations.

Les persécutions


Lapidation de Saint Etienne
Dessin de Laurent de La Hyre (XVIIe)

A partir de la mort de Saint Etienne, les Juifs lancent une grande persécution contre les chrétiens de Jérusalem. Saul, déjà témoin de la lapidation du diacre, y participe, « ravageant l’Église, entrant dans les maisons ; et entraînant des hommes et des femmes, il les jetait en prison. » (Act. Ap., VIII, 3). Pour plaire aux Juifs, Hérode Agrippa mène la persécution et frappe l’une des têtes de la jeune communauté : « il fit mourir par le glaive Jacques, le frère de Jean » (Act. Ap., XII, 2). A la veille de la grande fête de Pâque, il emprisonne aussi Saint Pierre. 

La persécution dépasse Jérusalem et la Judée. Avant d’être touché par la Parole de Dieu, Saul allait en effet frapper la communauté chrétienne de Damas. La persécution atteint les villes païennes. Les Juifs excitent « les femmes dévotes et de qualité, et les principaux de la ville » (Act. Ap., XIII, 50) contre Saint Paul et Saint Barnabé, parvenant à les chasser d’Antioche. 

Enfin, les Juifs excitent aussi les Gentils et s’unissent à eux pour combattre les disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Ceux des Juifs qui demeurèrent incrédules, excitèrent et irritèrent l’esprit des gentils contre les frères. » (Act. Ap., XIV, 2). A plusieurs reprises, ils suscitent la population païenne contre Saint Paul, notamment à Thessalonique. Ils en appellent même aux décrets de l’empereur, les dénonçant comme des rebelles au service d’un autre roi que César (Voir Act. Ap., XVII, 5).

Mais certaines autorités romaines ne sont pas dupes des véritables intentions des Juifs. A Corinthe, par exemple, le proconsul d’Achaïe, Gallion, refusent de suivre les Juifs. « S’il s’agissait, ô Juifs, de quelque injustice ou de quelque crime, je vous écouterais, comme c’est mon devoir. Mais si ce ne sont que des questions de mots, de noms et de votre loi, voyez vous-mêmes ; je ne veux pas, moi, être juge de ces choses. » (Act. Ap., XVIII, 15). Finalement, les Juifs font justice eux-mêmes dans l’indifférence du proconsul. Ils frappent un converti chrétien récent, et pas n’importe lequel, le chef d’une synagogue devant le tribunal païen. Comme dans le cas de la lapidation de Saint Etienne, nous retrouvons l’étrange effacement du pouvoir romain qui laisse les Juifs désobéir à sa loi.

A la recherche de l’aide romaine

Converti sur le chemin de Damas, Saint Paul provoque un grand tumulte à Jérusalem au point que le tribun romain doit l’emprisonner. Devant le Sanhédrin, le grand Apôtre place les questions religieuses au centre des débats, plus particulièrement celle de la résurrection des morts, sujet qui divise les Sanhédrins et les Pharisiens. Naturellement, devant une telle question, le Sanhédrin se divise. Un Pharisien s’exclame : « nous ne trouvons rien de mal dans cet homme ; et si un esprit ou ange lui a parlé ? » (Act. Ap., XXIII, 9). Le doute de Gamaliel n’a point disparu. Saint Paul sort indemne du tribunal…


Saint Paul renversé et lapidé
 dans la ville de Lystre

J.-B. de Champaigne


Mais furieux de ce non-lieux, certains Juifs veulent tuer Saint Paul. Ils organisent alors une conjuration. Averti du danger, le tribun l’envoie à Césarée pour le protéger. Au gouverneur Félix, il dit ce qu’il pense de cette affaire : « j’ai trouvé qu’il était accusé au sujet de questions qui concernent leur loi ; mais qu’il n’avait commis aucun crime digne de mort ou de prison. » (Act. Ap., XXIII, 29). Devant le gouverneur, l’orateur du grand prêtre tient pourtant un autre discours : « nous avons trouvé que cet homme, vraie peste, excite le trouble parmi les Juifs répandus dans le monde entier, et qu’il est le chef de la secte séditieuse des Nazaréens » (Act. Ap., XXIV, 6). Les motifs qu’il présente sont susceptibles de le conduire à la mort. Les Juifs recherchent évidemment un soutien de la part des Romains afin que ces derniers le condamnent. Ils poursuivent leurs accusations devant Festus, le successeur de Félix. Mais Saint Paul est inflexible : « je n’ai rien fait ni contre la loi des Juifs, ni contre le Temple, ni contre César. » (Act. Ap., XXV, 8).

Envoyé à Rome pour être jugé par César, Saint Paul prêche aux Juifs romains. Nous savons ainsi ce qu’ils pensaient des chrétiens, c’est-à-dire peu de chose, si ce n’est qu’ils devaient être combattus : « ce que nous savons de cette secte, c’est que partout on la combat. » (Act. Ap., XXVIII, 22).

Des chrétiens exclus

Conformément aux ordres de Notre Seigneur Jésus-Christ, les Apôtres répandent d’abord son enseignement parmi les Juifs et leur témoignent des événements qu’ils ont vus, annonçant ainsi la réalisation des prophéties et des promesses divines. Certains ont cru, d’autres ont refusé d’y croire. Le nombre de chrétiens s’est toutefois multiplié, y compris parmi les prêtres et les scribes. Pris de jalousie, furieux ou stupéfaits, les Sadducéens et les Pharisiens ont cherché à réprimer « cette secte séditieuse », n’hésitant pas à faire appel aux païens, c’est-à-dire aux impies.

Les Actes des Apôtres montrent clairement que les autorités juives n’ont pas pu les accuser d’incroyance, d’impiété ou de tout autre motif religieux qui pourraient croire à une hérésie. Les Apôtres ont été rejetés car ils parlent et agissent au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, témoignage que les Juifs ne supportent pas. Ils ne veulent pas qu’ils leur rappellent leurs méfaits, c’est-à-dire sa condamnation et sa mort, et encore moins sa Résurrection, signe évident de leurs erreurs et de leur péché. Ne doivent-ils pas réprimer cette communauté et empêcher qu’elle perdure afin de montrer qu’elle n’est pas l’œuvre de Dieu et que finalement ils sont dans le droit chemin ? Ils refusent donc de reconnaître leurs fautes et leurs vices. Nous les voyons alors fomenter des complots, exciter le peuple, demander justice aux autorités romaines. Et malgré eux, ils accomplissent encore la Parole de Dieu comme le montrent si bien les Apôtres.

La fin de l’exclusivisme religieux

Rejeté du Temple et des Synagogues, Saint Paul comprend que la Parole de Dieu doit être désormais offerte aux Gentils. « C’était à vous qu’il fallait d’abord annoncer la Parole de Dieu ; mais puisque vous la rejetez, et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous nous tournons vers les gentils. » (Act. Ap., XIII, 46). Mais est-ce une surprise ? Non évidemment. Notre Seigneur Jésus-Christ a lui-même indiqué le chemin comme le souligne Saint Paul : « Car le Seigneur nous l’a commandé en ces termes : Je t’ai établi la lumière des gentils, afin que tu sois leur salut jusqu’aux extrémités de la terre. » (Act. Ap., XIII, 47). Il reprend une prophétie d’Isaïe qui annonce le rejet du Messie par Israël et son envoie vers les nations. « C’est peu que tu me serves à relever les tribus de Jacob, et à convertir les restes d’Israël. Voici que je t’ai posé en lumière des nations, afin que tu sois mon salut jusqu’à l’extrémité de la terre. » (Isaïe, XLIX, 6). Comme les Juifs refusent la vie que Dieu leur propose, Saint Paul se tourne vers les non Juifs et annonce le caractère universaliste de la foi nouvelle.

Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même a montré l’exemple. Il n’hésite pas à se rendre en Samarie. Il parle auprès des « craignant-Dieu ». A plusieurs reprises, il s’étonne même de leur foi. Il s’émerveille des réponses du centurion. Il n’hésite pas non plus à parler à une Samaritaine, à un publicain, à tous ces gens du peuple que les Pharisiens méprisent. Le salut est entré dans toutes les demeures. Il n’est donc pas restreint à un peuple. La foi est-elle juive au sens où seul le Juif peut être justifié ? Comme Notre Seigneur Jésus-Christ Jésus nous le fait remarquer, les Prophètes eux-mêmes s’adressent aux Gentils. Jonas sauve Ninive qui pleine de confiance se tourne vers Dieu pour faire pénitence et obtenir miséricorde. A Sarephta, ville phénicienne, Elie sauve de la faim une païenne  puis Dieu ressuscite son fils.

Saint Pierre baptisant
 le centurion Corneille

Francesco Trevisani, 1709
Saint Paul n’est pas le premier à apporter la Parole du salut aux Gentils. Après avoir l’annoncée aux Samaritains, des demi-Juifs, le diacre Philippe rencontre sur la route de Jérusalem à Hébron un ministre Éthiopien et le convertit. Il est un « craignant-Dieu » qui vient d’accomplir ses dévotions à Jérusalem. Conduit également par les circonstances et la Providence, Saint Pierre enseigne la nouvelle doctrine à des Gentils, notamment à un prosélyte, Corneille, à sa propre demande. Averti par une vision et en face de leur droiture d’âme, il proclame en effet que « en vérité, je vois que Dieu ne fait point acception de personne ; mais qu’en toute nation celui qui le craint et pratique la justice, lui est agréable. » (Act. Ap., X, 34). Après sa prédication, les Gentils reçoivent la grâce de l’Esprit-Saint. Dieu sanctionne ainsi le geste de Saint Pierre. « Peut-on refuser l’eau du baptême à ceux qui ont reçu l’Esprit-Saint comme nous ? » (Act. Ap., X, 47). Ils reçoivent alors le baptême. 

Réunis pour parler de cet événement, les Apôtres décident de ne plus restreindre la Parole de Dieu aux seuls Juifs. Cette décision est d’une très grande importance. Elle s’oppose radicalement à la pensée juive de l'époque. Rappelons que le Juif ne voit le salut que dans le peuple d’Israël. C’est pourquoi les Pharisiens étaient particulièrement opposés au prosélytisme des Juifs de la Diaspora. Les récompenses éternelles ne sont donc plus l’apanage de la race élue.

Naturellement, cette voie nouvelle n’est pas acceptée par tous les Juifs convertis. Certains restent attachés à la Loi et aux prescriptions juives. La circoncision, l’abstinence des viandes souillées ou offertes aux idoles, l’éloignement pour les Gentils réputés impurs restent pour eux des conditions essentielles pour le salut. Le « judaïsme » demeure à leurs yeux une sorte de noviciat avant d’entrer dans le nouveau peuple de Dieu. Ainsi ces Juifs convertis demandent que ces prescriptions soient imposées aux non-Juifs avant qu’ils ne reçoivent le baptême.

Un  titre significatif

Antioche, ancienne capitale de la Syrie, est une métropole importante, la troisième ville la plus peuplée de l’empire. Sans intervention directe des Apôtres, une jeune communauté chrétienne y est née et s’y est développée, surtout par la conversion des Gentils. Inquiets, les Apôtres envoient Saint Barnabé auprès de cette jeune communauté pour vérifier sa foi et pour la consolider. 




Reconnaissant la qualité de foi des chrétiens d’Antioche, Saint Barnabé encourage la conversion des Gentils sans leur imposer la Loi juive. Aidé de Saint Paul, il agrandit la communauté chrétienne au point qu’elle devienne aussi importante que celle de Jérusalem. Elle est un nouveau centre d’expansion de la nouvelle foi. Les Gentils étant en majorité, elle se distingue très nettement d’une communauté juive classique. C’est ainsi que naturellement le nom de chrétiens est apparu. Ce titre marque à lui seul un tournant. Mais c’est bien plus tard que Saint Paul comprendra le caractère nouveau de la foi à force d’être rejeté par les Juifs. Toutefois, des incidents significatifs montrent une certaine réticence de la part de certains chrétiens circoncis.

Les chrétiens non-circoncis doivent-ils suivre la Loi ?

Rentré à Jérusalem, après le baptême de Corneille et de ses compagnons, Saint Pierre fait l’objet de contestations. Des Juifs convertis lui reprochent d’avoir parlé à des Gentils et d’avoir mangé avec eux sans craindre d’être souillé. L’Apôtre raconte alors les faits de manière complète. La conclusion est alors évidente. Est-il possible de refuser aux Gentils la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ alors que Dieu leur a envoyé l’Esprit qu’ils avaient eux-mêmes reçu ? La communauté de Jérusalem ne peut qu’en rendre grâces à Dieu. Les Gentils peuvent donc accéder au christianisme sans passer par la Loi juive. 

A Antioche, des chrétiens circoncis, des faux-frères sans mission, dira Saint Paul (Gal., II, 4), viennent troubler la communauté chrétienne. Venant de Jérusalem, ils déclarent que pour être sauvés, les convertis doivent être circoncis. Ils réclament donc le retour aux observances juives de la Loi. Un Gentil ne peut devenir chrétien s’il n’est pas d’abord Juif. Opposée à une telle prétention et résolument soucieuse de l’unité, la communauté chrétienne décide d’envoyer Saint Barnabé, Saint Paul et d’autres fidèles à Jérusalem pour traiter de la question avec les Apôtres.

Les Apôtres se réunissent alors dans ce qu’il sera appelé le concile de Jérusalem pour en débattre. Les Gentils doivent-ils se soumettre à la Loi ? Revenant sur les faits qui ont conduit à la conversion de Corneille, Saint Pierre rappelle que les chrétiens, Juifs et non-Juifs, ne reçoivent la même justification et le même salut que par Notre Seigneur Jésus-Christ. La grâce peut s’obtenir en dehors de la Torah et de la circoncision. Les Gentils peuvent donc être dispensés des prescriptions de la Loi. 

Saint Jacques, évêque de Jérusalem, demande néanmoins le respect de quelques règles afin d’épargner des occasions de scandales. Ses réserves n’ont pour but que de ménager les susceptibilités. Après ces sages réserves, les Apôtres décident de n’imposer aux chrétiens non-circoncis que les règles proposées par Saint Jacques.

Deux Hommes de disputent
Rembrandt (1628)
L’affaire d’Antioche

Après le Concile de Jérusalem, Saint Pierre se rend à Antioche et mange à la table avec des convertis de la gentilité. Dix ans plus tôt, il n’a pas hésité non plus à se rendre dans la maison de Corneille et à y demeurer plusieurs jours. Mais lorsque des Juifs convertis, venant d’auprès de Saint Jacques, arrivent à Antioche, Saint Pierre se sépare des chrétiens incirconcis. En effet, selon la Loi, les circoncis ne doivent pas se mélanger avec les incirconcis. Elle réclame une nette séparation pour éviter de contracter toute impureté. Par son geste, Saint Pierre semble montrer que la Loi est toujours d’actualité. Saint Paul l’apostrophe alors et condamne sa dissimulation. C’est le célèbre incident d’Antioche.

Certains commentateurs de la Sainte Écriture voient dans cette affaire une opposition fondamentale entre Saint Pierre et Saint Paul, l’un défendant le judaïsme, l’autre la gentilité. Une telle position révèle une incompréhension des faits.

Saint Pierre n’a pas d’autres intentions que d’éviter de scandaliser les chrétiens circoncis de Jérusalem, très soucieux des observances de la Loi. N’oublions pas en effet que les Apôtres ne les ont pas proscrites. Seuls sont dispensés à les suivre les Gentils convertis, à part les règles proposées par Saint Jacques. C’est donc par condescendance envers les Juifs convertis et pour éviter un scandale qu’il quitte la table des Gentils convertis. Mais son exemple est suivi par l’ensemble des Juifs, y compris par Saint Barnabé. Tout semble donc faire croire à une dualité entre les Juifs et les Gentils convertis. Saint Paul s’aperçoit du péril impliqué dans la conduite de Saint Pierre et les conséquences qu’elle pouvait entraîner pour l’avenir de l’Église.

L’impuissance de la Loi

Le Christ descendant aux enfers
et libérant Adam des enfers

Echannay, détail du retable
Dans son Épître aux Galates, Saint Paul explique sa position. Il souligne la contradiction d’une telle conduite avec la véritable doctrine. Juifs, nous avons quitté le judaïsme de naissance pour adhérer à Notre Seigneur Jésus-Christ car en lui seul, nous savons que nous pouvons puiser la véritable justice, la Loi étant impuissante à racheter l’homme. Mais si aujourd'hui, nous croyons encore que le contact avec les chrétiens non-circoncis souille les Juifs chrétiens, cela reviendrait à croire que cette justice serait fausse comme serait aussi imparfaite la régénération du baptême. Nous ne pouvons pas revenir à la Loi après y avoir renoncé. Nous sommes alors coupables soit de l’avoir quittée, soit d’y revenir.


Saint Paul montre alors que nous ne pouvons plus nous préoccuper de la Loi. Non seulement nous sommes morts pour elle mais c’est surtout par elle que nous sommes mort. C’est elle qui nous invite à la déserter puisqu’elle prophétise elle-même sa déchéance et prédit une alliance plus parfaite. En outre, elle nous révèle le péché et excite notre convoitise par sa défense sans nous donner la force de nous soustraire au mal. C’est parce que la Loi est impuissante que nous la quittons et qu’elle nous expulse hors d’elle. La vie n’est plus dans ce vieil Adam, du péché et de la Loi, mais dans ce nouvel Adam qu’est Notre Seigneur Jésus-Christ. Le chrétien ne vit donc plus sous le régime de la Loi, qui ne peut donner la vie, mais sous la direction de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il n’est donc plus possible de revenir en arrière et se soumettre de nouveau au joug de la Loi. Il n’est plus possible de renoncer aux conditions nouvelles où la grâce divine nous a établis.

Contrairement aux chrétiens toujours soucieux de la Loi, croyant que l’état de justice devant Dieu n’est acquis que par l’observance de ses prescriptions, Saint Paul réaffirme que le chrétien n’a plus rien à demander à la Loi et qu’il tient toute justice de son union à Jésus-Christ. Si la Loi était encore capable de procurer la justice, la Rédemption par le sang de Notre Seigneur serait alors inutile.

La charité avant tout

Nous pouvons rapprocher l’incident d’Antioche avec un autre événement. Les Corinthiens ont adressé à Saint Paul une série de questions à laquelle il répond dans sa première Épître aux Corinthiens. Le Concile de Jérusalem a interdit aux Gentils convertis de manger de la viande offerte aux idoles. Cette règle n’est pas toujours évidente à respecter pour les chrétiens non-circoncis car les situations peuvent être complexes. Le cas est simple quand de telles viandes sont servies lors de festins idolâtriques. Le repas fait partie du sacrifice et du culte des dieux. Il est donc interdit d’y participer. Le cas est plus difficile quand ces viandes sont vendues et distribuées puis servies dans des repas privés où prennent part des païens et des chrétiens. Les Corinthiens demandent à l’Apôtre si le chrétien peut user, dans ces repas privés, des viandes offertes aux idoles.

Tout dépend des circonstances, nous répond Saint Paul. La question n’est pas de savoir s’il est mauvais ou non de manger des viandes offertes aux idoles - en soi, les viandes ne peuvent pas être souillées par des idoles qui n’existent pas - mais de juger des conséquences de l’acte. Il est en effet possible de les manger sans scrupule ou de s’en abstenir par déférence pour des consciences chrétiennes, plus faibles dans leurs convictions, et que la charité oblige à ménager. Il est donc indifférent de les manger ou non. L’important est de bien user de la liberté acquise par Notre Seigneur Jésus-Christ. Le chrétien est libre mais il doit prendre garde que l’usage indiscret et l’exercice hautain de sa liberté ne deviennent un péril, un scandale pour ses frères plus faibles que lui. La charité est la règle et le guide de son action.

Conduits par les Juifs à quitter la Synagogue, les Apôtres ont rapidement pris conscience de l’universalité de la foi. Depuis la Pentecôte, ils n’en ont jamais douté mais selon les paroles de leur maître, ils ont d’abord prêché aux « brebis égarées de la maison d’Israël ». Poussés par la Providence et éclairés par les prophéties, les Apôtres sont finalement conduits à convertir des Gentils. La Parole de Dieu est adressée à tous les hommes sans distinction, réalisant ainsi la promesse du salut des nations.



La cananéenne aux pieds du Christ

Mais doivent-ils passer par la Loi pour être chrétiens comme c’est le cas pour les Juif convertis ? Les Apôtres ont rapidement compris que la justice de Dieu ne relève pas de la Loi mais de l’adhésion à Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme l’a si bien exprimé Saint Paul, la Loi est devenu impuissante et inutile pour le salut et la vie éternelle. Il est donc faux de reposer le salut dans l’obéissance à ses prescriptions ou dans son appartenance au peuple juif comme le croient le judaïsme et certains mouvements judéo-chrétiens. Mais si la Loi est impuissante, autant la quitter définitivement. Le christianisme a ainsi définitivement rompu avec une conception juive incompatible avec la portée universelle de la Parole de Dieu. Remarquons que cette rupture s’est faite naturellement. C’est pour combattre les erreurs des judéo-chrétiens que Saint Paul exprime nettement la doctrine de l’Église. Saint Pierre l’a aussi nettement exprimé d’une manière moins doctrinale. 

Mais si cette doctrine est claire et fondée, sa mise en pratique n’est pas si simple comme le montre l’incident d’Antioche. Il est important de veiller à ne pas scandaliser son prochain ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire