" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


jeudi 5 juin 2014

La force des chrétiens

Tout est vain sans l’aide de Dieu. Nous pouvons démontrer la nature raisonnable de notre foi et répondre à tous les arguments qui lui font obstacles. Cela ne servira à rien sans la grâce divine. Dans le combat dans lequel nous sommes engagés, nous cherchons avant tout à déblayer le terrain, à défricher les terres sauvages, à ouvrir des pistes afin que les âmes de bonne volonté et les cœurs droits puissent accéder aux portes d’une plaine fertile où le soleil abonde.


Certains chrétiens connaissent depuis leur naissance les joies et la paix que la foi peut nous apporter. A l’abri des tourments de toutes sortes, ils ont vécu et grandi dans la foi qu’ils ont reçue de leurs parents et de leur famille. Ils ne connaissent point les terres arides et dures des régions désolées. Ils n’ont peut-être pas véritablement éprouvé la faim et la soif spirituelles. Ont-ils déjà rencontré ses dangers et leurs mirages ? Ils ont reçu un héritage précieux et parfois ils s’en contentent. Mais au gré des rencontres, des questions inattendues ou d’événements malheureux, des doutes peuvent surgir. Le monde dans lequel ils ont grandi peut alors vaciller et sombrer lentement comme un navire sorti des cales qui à la première tempête perd son gouvernail …

D'autres chrétiens peuvent encore venir des régions désolées. Après de multiples errances, épuisés et assoiffés, souvent blessés voire mourants, ils ont atteint les portes de la cité de Dieu. Accueillis et soignés, ils n’ont plus connu la désolation. Mais le passé n’a point disparu, des blessures peuvent réapparaître, des douleurs resurgir…

Nous devons nous protéger contre les ennemis et les obstacles de la foi, sachant que toute défense serait vaine si Dieu ne nous protège pas. Nous devons veiller contre les influences du monde, renforcer régulièrement notre foi contre ses attaques, contre nous-mêmes. Si nous ne sommes pas de ce monde, nous le côtoyons et nous ne pouvons pas ignorer ses influences et nos faiblesses. 

En outre, nous ne pouvons pas oublier que le royaume de Dieu est destiné à se répandre. Nous sommes porteurs d’une lumière qui a vaincu le monde et qui doit recouvrir les ténèbres. Des chaînes attendent à être brisées, des consciences à être réveillées, des âmes à renaître. Nous sommes armés d’une force qui fait trembler nos adversaires. Athènes et Rome ont été vaincues. Comme les barbares, les révolutions ont passé. La Parole a été semée sur toute la surface de la Terre et les fruits sont abondants. Et pourtant, insensés que nous sommes, nous tremblons comme les apôtres qui craignant les Juifs se sont enfermés dans le cénacle.

Nous pouvons pourtant ne pas ignorer ce monde de plus en plus angoissant. Qui peut ne pas voir les autorités faillir dans leurs devoirs ? Les vérités les plus évidentes ne plus être enseignées ? Les crimes se répandre en toute impunité ? Tout semble sombrer dans la folie de l’orgueil et des sens. Une société ivre se suicide devant nos yeux. Nous assistons probablement à la fin d’un monde qui court inévitablement à sa ruine. Serons-nous emportés dans sa chute ?

Comme les martyrs victimes de persécutions, les romains chrétiens témoins de la chute de Rome, des églises ravagées ou de l’Église interdite, nous pouvons trembler et craindre les menaces qui pèsent sur le salut des âmes et sur notre propre salut. Des décisions incompréhensibles venant des autorités de l'Eglise peuvent aussi nous dérouter et nous déstabiliser. Et pourtant, malgré les attaques et les persécutions, malgré les hérésies et les schismes, malgré toutes nos fautes et nos erreurs, l’Église demeure…


L’Église demeure en dépit de nos peurs, de nos silences et de nos querelles incessantes. Parfois nous mettons plus d’énergie à semer la zizanie qu’à nous redresser face à l’adversité au point de nous épuiser dans des luttes sans importance, créant souvent des dommages irréparables. La maison est en feu et nous essayons de sauver quelques meubles quand des âmes sont en danger. Parfois nous préférons nous complaire dans un monde qui n’est plus au lieu d’essayer de nous armer face à des adversaires toujours plus nombreux et sournois. Que de discours ressassés dans un monde qui ne l’entend plus ! Parfois nos craintes sont si fortes que nous finissons par ne voir que le mal dans le monde. Sont-elles si fortes qu’elles finissent par nous aveugler ?



Des dangers plus ou moins virulents et sournois selon les époques et les sociétés menacent toujours le chrétien. Ils peuvent venir du Monde, de Satan ou de nous-mêmes. La paix n’est pas de ce monde. En outre, toute société humaine en dépit de son passé plus ou mois prestigieux est vouée à disparaître. Notre bonheur ne réside en aucun bien périssable. Enfin, notre salut ne dépend ni d’un chef, ni d’un maître. Il ne dépend que de Dieu. La cité de Dieu est notre seul royaume. Notre seul chef est Notre Seigneur Jésus-Christ. Ne cherchons donc pas notre salut dans d’autres voies …



Nous pourrions alors être tentés de nous réfugier dans la prière et d'attendre la fin de la tempête à l'abri de l'adversité. La prière est nécessaire. Sans vie intérieure, point d’œuvres efficaces. Mais elle ne suffit pas.  Nous devons en effet aussi agir de manière naturelle avec toute la prudence et la rigueur nécessaires. Nous portons une lumière qui par nature ne demande qu’à croître. Renfermez-là sous un boisseau et elle finira par s’éteindre. Le bonheur et la vérité se partagent. Nous devons aussi apporter une réponse à nos doutes et aux questions que soulèvent les incrédules et les quêteurs de Dieu. Nous devons en outre nous armer contre les attaques de nos ennemis et défendre ceux qui sont assiégés. Enfin, tout chrétien doit être en état de se raisonner sa foi et d’en rendre raison aux autres.



La Grèce s’est perdue dans la folie des dieux quand le christianisme a développé une philosophie féconde et riche. Les barbares ont submergé Rome et des ruines, les chrétiens ont érigé un nouveau monde. La Révolution a détruit un royaume et de nouvelles églises se sont élevées. Que serons-nous devenus sans ces chrétiens qui ont pris leur destinée en main avec une espérance indéfectible en Dieu ?

L’Église a aussi connu de vives tempêtes intérieures aussi dangereuses : le judéo-christianisme, le gnosticisme, les hérésies des premières siècles, les conflits avec le pouvoir, le Grand Schisme, le protestantisme, le modernisme, etc. Mais elle subsiste encore… Que serons-nous devenus sans ces chrétiens qui ont relevé les défis et n’ont jamais perdu confiance en Dieu ?



Plus les temps sont difficiles, plus nous devons approfondir notre foi tout en nous appuyant sur la prière. Plus la menace est grande et les questions nombreuses, plus nous devons revenir aux sources de notre foi et nous ressourcer auprès de Notre Seigneur Jésus-Christ. Que de forces et de paix dans la Sainte Écriture sous la lumière de la foi ! Que de trésors chez les Pères de l’Église et dans l'Eglise ! Que nos églises et notre liturgie sont riches de merveilles et de savoir ! Que les saints sont lumineux et héroïques ! Que tout ce trésor inestimable puisse encore nous parler et nous élever vers Dieu ! N’oublions pas surtout l’Église elle-même et les grâces qu’elle nous délivre par ses sacrements, inépuisables sources d’eau vive ! 


Nous croyons finalement être faibles quand nous possédons des ressources admirables d'une efficacité redoutable. Un chrétien est un être libre et fort, suffisamment armé pour se défendre et attaquer avec le secours de Dieu. Nul ne peut lui enlever sa liberté et sa force tant qu’il reste fidèle à Dieu. Que peut-il donc craindre si ce n’est lui-même tant il connaît ses faiblesses ? 

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