" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


jeudi 19 juin 2014

Des Apôtres aux Docteurs de l'Eglise

Depuis la Pentecôte, le christianisme s’est développé et s'est répandu notamment grâces à des chrétiens qui sont demeurés fermes dans la foi et dociles au Saint Esprit. Par la pureté de leurs doctrines, ils sont devenus des références incontournables. Leurs œuvres font autorité dans l’Église en matière de foi. Ainsi est-il important de les connaître pour approfondir notre foi et notre culture chrétienne, et pour la défendre face aux erreurs et aux mensonges.
Apparition alors que les Apôtres sont à table
(Duccio di Buoninsegna)
Les Apôtres, les envoyés de Notre Seigneur Jésus-Christ

Commençons par les Apôtres, les fondateurs de l’Église. Notre Sauveur les a choisis, instruits et formés par son exemple et ses amicales réprimandes pour les envoyer ensuite dans le monde prêcher l’Évangile. Ainsi sont-ils préparés à leur triple mission : enseigner, gouverner et sanctifier. Il leur a promis d’être toujours avec eux pour agir par le Saint Esprit et affronter les épreuves qu’ils devront endurer.

Du vivant de leur maître, les apôtres L’ont suivi et écouté ses enseignements. Témoins de sa Résurrection, ils ont assisté à l’accomplissement de ce que les Prophètes et Notre Seigneur ont annoncé. Le Jour de la Pentecôte, le Saint Esprit est descendu sur eux. A partir de ce moment, sur l’ordre de Notre Seigneur Jésus-Christ, ils prêchent l’Évangile sans aucune crainte et fondent les premières communautés chrétiennes. Institués porte-clefs du royaume de Dieu et porté par le Saint Esprit, ils fondent l’Église. Ainsi est-elle appelée apostolique.
Quelques jours après sa Résurrection, Notre Seigneur Jésus-Christ a confirmé aux Apôtres leur mission : la conquête spirituelle du monde. Il leur a demandé de témoigner de sa vie, de sa Passion et de sa Résurrection. Ils doivent aussi être pécheurs d’hommes, le sel de la terre, la lumière du monde. Ce sont les témoins officiels de l’Évangile, institués et formés par Notre Seigneur Jésus-Christ. 
Voici les douze Apôtres : Saint Simon, que Jésus appela Pierre, Saint André, Saint Jacques le Majeur et Saint Jean, Saint Philippe, Saint Matthieu, appelé aussi Lévi, Saint Barthélémy, Saint Thomas, Saint Jacques le Mineur, Saint Judée ou Thaddée, Saint Simon le Zélé et Saint Mathias qui a remplacé Judas. Parmi les Apôtres, trois forment un groupe privilégié auprès de Notre Seigneur : Saint Pierre, Saint Jacques et Saint Jean. A ce premier groupe, l’Église ajoute Saint Paul, le grand apôtre des Gentils [5] et parfois Saint Barnabé.
Nous connaissons surtout leur histoire dans les Évangiles et les Actes des Apôtres. Parmi ces Apôtres, certains ont écrit des lettres ou épîtres sous l’inspiration de Dieu. Ainsi nous connaissons davantage leur enseignement. Face aux difficultés des premiers chrétiens, ils ont éclairé les paroles de Notre Seigneur et approfondi la foi. Ils ont aussi réfuté des erreurs et pointer de mauvais comportements. Dans l’Acte des Apôtres et dans les épîtres, nous suivons aussi leurs apostolats à travers l’empire romain.
Œuvres inspirées comme les autres textes sacrés, les épîtres de Saint Paul jouent un rôle considérable dans la connaissance et la compréhension de la Révélation. L’Apôtre des Gentils n’a rien innové mais demeure fidèle à l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme il ne cesse de l’écrire, nous devons être disciples du Christ...

Les Évangélistes, les écrivains inspirés de Dieu
Les évangélistes sont les auteurs des quatre évangiles dites canoniques, c’est-à-dire inscrits par l’Église dans la liste des livres inspirés. Dans l’ordre, ce sont Saint Mathias, Saint Matthieu, Saint Luc et Saint Jean. Ils sont témoins, apôtres ou disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ. Chacun écrit selon une intention particulière et à un public propre. Tout en étant inspirés, ils sont aussi bien documentés.

Les Pères de l’Église
Au sens strict, les Pères de l’Église regroupent les écrivains orthodoxes de l’Église primitive. Ils ont exprimé la doctrine apostolique et ont vécu de manière exemplaire. En effet, ils sont « remarquables par la pureté de leur doctrine et de leur sainteté »[1]. Ils sont l'une des voix de la Tradition. Pour ces raisons, l’Église les considère de manière particulière.
Dans un sens plus large, il est devenu de plus en en plus courant d’attribuer ce titre à des auteurs chrétiens antiques qui ont contribué de manière significative au développement de la doctrine même si leurs œuvres peuvent présentent des erreurs, soit par l’imprécision de leur formulation, soit par de véritables déviations doctrinales. Certains d’entre eux sont devenus hérétiques ou des sources d’hérésie. Ils restent des références souvent utiles mais délicats à utiliser. Ils sont appelés écrivains ecclésiastiques.
Un « Père » est celui qui enseigne. « Ce n’est point pour vous donner de la confusion que j’écris ceci, mais je vous avertis comme mes fils très chers. Car eussiez-vous dix mille maître dans le Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères ; puisque c’est moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés en Jésus-Christ » (I. Corinthiens, IV, 14-15). Le « fils » est celui qui reçoit l’enseignement. Dès les premiers siècles, des chrétiens en appellent aux « Pères » pour justifier de leur foi.
Les quatre pères de l'Eglise latine
(Jacob Jordaens)
Dans les premiers temps, la fonction d’enseigner dans l’Église était réservée à l’évêque et en particulier au Pape et aux Patriarches. Ainsi dans les premières controverses théologiques, des évêques sont cités comme « Pères » pour justifier la foi. Dans la crise arienne, Eusèbe de Césarée semble avoir utilisé pour la première fois l’expression « Pères de l’Église »[2]. Leurs œuvres sont reconnues comme étant des témoins véridiques de la doctrine. L’argument patristique, c’est-à-dire fondé sur l’autorité des Pères de l’Église, a rapidement pris une importance particulière dans la formulation de la foi et dans la définition des dogmes. A partir du Ve siècle, le titre ne désigne pas seulement des évêques. Saint Augustin cite par exemple Saint Jérôme comme témoin de la tradition.
Les caractéristiques d’un Père de l’Église
Le titre de Père de l’Église est réservé à des maîtres d’une certaine période du christianisme. Généralement, ils se situent du Ier au VIIIe siècle. Les avis sont partagés sur les derniers Pères de l’Église. De manière unanime, Saint Isidore de Séville et Saint Jean Damascène en sont les derniers. Saint Bède le Vénérable et Saint Bernard reçoivent  parfois ce titre.
Les Pères de l’Église sont tous des écrivains. Leurs œuvres s’inscrivent dans un contexte particulier. Ils ont en effet la particularité d’avoir vécu avant que l’Orient et l’Occident ne se séparent pour des siècles dans le schisme (1054). Il est devenu classique de les regrouper selon leur langue. Ainsi, les Pères sont dits latins ou grecs, voire syriaques.
Les Pères de l’Église sont reconnus comme des maîtres approuvés par l’ensemble des communautés chrétiennes orientales et occidentales en communion de foi. Leur enseignement a été approuvé par l’Église au moins sous la forme d’un recours officiel à leur témoignage. De manière directe ou indirecte, ils ont œuvré dans des conciles régionaux ou œcuméniques qui ont défini les formules de foi, ont éclairé et confirmé la doctrine de l’Église, l’ont défendue contre les hérésies. Ils ont ainsi contribué de manière importante à l’élaboration et au développement de la doctrine de l’Église.
Enfin, les Pères de l’Église ne sont pas simplement des docteurs de la foi. L’Église considère certains d'entre eux comme des modèles de sainteté. Ils ont atteint un niveau de spiritualité parfois considérable. Deux d’entre eux, Saint Basile de Césarée et Saint Augustin, ont élaboré des règles de vie pour la vie monastique qui ont fait et font encore autorité dans l’Église. Certains demeurent des modèles de vie mystiques.
Ainsi au sens strict, les Pères de l’Église se définissent par quatre notes : 
  • leur antiquité ;
  • l’orthodoxie de leur doctrine ;
  • l’approbation universelle de l’Église ;
  • leur sainteté

Ils sont reconnus comme étant des « Pères », c’est-à-dire des maîtres incontestés et approuvés de l’enseignement de la foi.
Sentiment unanime des Pères de l’Église, source de la Tradition
Mais la voix d’un Père de l’Église ne constitue pas un élément suffisant pour garantir une règle de foi. C’est bien « l’accord unanime des Pères dans les vérités éternelles » qui constitue « un critère de la Tradition divine »[3]. Nous devons par exemple interpréter la Sainte Écriture conformément au sentiment unanime des Pères. C’est bien cette unanimité qui garantit que les Pères de l’Église au sens strict sont des sources de la Tradition.

Selon Saint Augustin, « il faut peser leurs voix et non les compter »[4]. Ce sont des chaînons dans la transmission de la doctrine mais n’en constituent pas la fin. Un Père de l’Église n’est ni inspiré ni exempt d’erreurs. Dans les polémiques, il peut parler « sans précaution », sans la rigueur et la prudence exigées. Il est donc nécessaire de l’interpréter selon le contexte dans lequel s’inscrivent ses ouvrages. Certains Pères comme Saint Augustin n’ont pas hésité à se rectifier et à modifier leurs positions au cours du temps. Ainsi est-il important de prendre en compte la totalité de leurs œuvres pour connaître leurs pensées afin de bien apprécier leur enseignement.

Depuis au moins le XVIIIe siècle, les Pères de l’Église ont été répartis selon leur rôle ou leur époque. Certains ont été témoins ou acteurs de la naissance et du développement des églises quand d’autres les ont affermies et consolidées ou reconstruites. Certains ont vécu leur foi dans un milieu indifférent ou hostile, voire dans une ère de persécution quand d’autres n’ont connu qu’un terrain déjà chrétien. Selon la période dans laquelle ils ont vécu et selon leur rôle, il est devenu classique de les regrouper selon des titres particuliers : 

  • les Pères apostoliques ;
  • les Pères apologistes ;
  • les Pères dogmatiques.
Les Pères apostoliques
Sont appelés Pères apostoliques ceux qui ont reçu directement des Apôtres ou de leurs disciples immédiats les enseignements qu’ils nous ont transmis. Ils ont vécu pendant les deux premiers siècles du christianisme. Leur haute antiquité leur donne une importance considérable.
Ils sont surtout préoccupés de former les premiers chrétiens. Ils s’adressent en effet uniquement aux fidèles. Dans leurs œuvres, très peu nombreuses, ils apportent un témoignage précieux de l’Église naissante, sur ses préoccupations, sa doctrine et sa piété. Nous pouvons citer Saint Ignace (v. 35 - 107 ou 113), évêque d’Antioche et Saint Clément (mort vers 99), troisième Pape, l’auteur anonyme de la Didaché ou appelé plus précisément Doctrine des douze Apôtres, Hermas, Saint Polycarpe (vers 69 -155), évêque d’Éphèse.
Les Pères apologistes
Les Pères apologistes désignent les Pères dont les écrits ont répondu aux injustices des lois romaines et aux attaques des philosophes et des gnostiques. Leurs œuvres décrivent les périls extérieurs et intérieurs que connaît l’Église naissante dans un empire hostile. Ils sont évêques, prêtres, laïcs.
Certains Apologistes défendent les fidèles contre les crimes que les païens leur imputent injustement, s’efforcent d’obtenir la tolérance et l’équitable application des lois et montrent que le christianisme mérite l’attention, le respect, l’adhésion des esprits réfléchis. Ils exposent les principaux points de la doctrine, de la morale et du culte chrétien.

D’autres Apologistes, des évêques, défendent les éléments doctrinaux face aux hérésies et à toutes sortes de déviations doctrinales. Ils affirment la valeur de l’enseignement traditionnel et réfutent tout élément étranger. Isolés ou groupés en école, ils élaborent les premières synthèses du christianisme. La doctrine chrétienne s’affirme face aux systèmes philosophiques et gnostiques. Ce sont les premiers véritables théologiens.
Exemples : Saint Aristide d'Athènes (mort v. 134), Saint Justin de Naplouse (mort v. 165), Tatien le Syrien (né entre 110 et 120), Athénagore  d'Athènes (133 - 190), Théophile (mort en 183 ou 185), évêque d’Antioche, Méliton, évêque de Sardes, l’auteur de la Lettre à Diognète, Saint Irénée de Lyon (v. 130-202), Tertullien (160 - 220), Saint Cyprien (v. 200-258), évêque de Carthage, Saint Clément d’Alexandrie (v. 150 - v. 220), Origène (182 - 254), etc.
Saint Athanase et Saint Cyrille de Jérusalem
(1561, BNF)
Les Pères dogmatiques
Les Pères dogmatiques regroupent les Pères qui à partir de la liberté accordée à l’Église exposent la doctrine chrétienne et la défendent contre les païens, les hérétiques et les schismatiques. Ils œuvrent donc dans un contexte généralement favorable. Ils élaborent les premières véritables synthèses et rédigent les premiers essais théologiques de la doctrine chrétienne. Ils vivent à une époque reconnue comme étant l’âge d’or de la patristique.

Les principaux sont :
  •   de langue grecque : Saint Athanase (296-373), archevêque d’Alexandrie, Saint Basile (329-379), évêque de Césarée, Saint Grégoire (329-389), évêque de Nazianze, Saint Grégoire (335-394), évêque de Nysse, Saint Jean Chrysostome (347-407), archevêque de Constantinople, Saint Éphrem (306-373), etc. ;
  • de langue latine : Saint Ambroise (340-397), archevêque de Milan, Saint Jérôme (346-420), prêtre, Saint Augustin (358-430), évêque d’Hippone, Saint Grégoire le Grand (543-604), pape, Saint Hilaire (300-368), évêque de Poitiers, Saint Isidore (vers 560 et 570, mort en 636), évêque de Séville, etc.

Les Docteurs de l’Église
Saint Thomas d'Aquin,
le docteur angélique
L’Église a publiquement décerné le titre de Docteurs de l’Église à des théologiens à cause de leur science éminente de la doctrine. Ils sont ainsi reconnus comme étant qualifiés par leur savoir orthodoxe et par leur sainteté pour nous instruire sur la foi. Le nom de Docteur n’est pas simplement un titre d’honneur qu’attribue l’Église. Mais certains n'étant pas des Pères de l’Église, ils ne peuvent pas être considérés comme des témoins de la Tradition.
Contrairement au titre de Pères de l’Église, l’Église confère de manière officielle et publique le titre de Docteurs de la foi. Les premières nominations datent de 1295 sous le pontificat de Boniface VIII. Le pape décerne ce titre à quatre auteurs latins : Saint Ambroise, Saint Jérôme, Saint Augustin et Saint Grégoire le Grand. En 1568, Saint Pie V l’attribue à quatre auteurs grecs : Saint Athanase, Saint Basile de Césarée, Saint Grégoire de Nazianze et Saint Jean Chrysostome.

Les principaux Docteurs de l’Église sont : Saint Cyrille (315-386), patriarche d’Alexandrie, Saint Cyrille (376-444), patriarche de Jérusalem, Saint Léon le Grand (mort en 461), pape, Saint Pierre Chrysologue (mort en 452), archevêque de Ravenne , Saint Isidore (570-636), archevêque de Séville, Saint Jean Damascène (676-754), Saint Pierre Damien (968-1072), évêque d’Ostie, Saint Anselme (1033-1109), archevêque de Cantorbéry, Saint Bonaventure (1221-1274), religieux franciscain, évêque d’Albiano, Saint Thomas d’Aquin (1225-1274), religieux dominicain, Saint François de Sales (1567-1622), évêque de Genève, Saint Alphonse de Liguori (1696-1787), évêque de Sainte-Agathe-des-Goths, etc.



Références
[1] Chanoine E. Marcel, Dictionnaire de culture religieuse et catéchistique, Imprimerie Jacques et Demontrond, 1938.
[2] Voir Sébastien Morlet, Christianisme et Philosophie, chapitre I, Le Livre de Poche, 2014.
[3] Mg Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique, introduction, chapitre II, §6, II, éditions Salvator, 1944.
[4] Saint Augustin, Contre Julien, II, 35.

[5] Saint Paul est aussi appelé Apôtre des Nations, le terme de "nation" étant équivalent à "gentil", qui désigne le non-Juif.

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